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Sylvie Octobre et Frédérique Patureau (dir.), Normes de genre dans les institutions culturelles

Arnaud Alessandrin
Normes de genre dans les institutions culturelles
Sylvie Octobre, Frédérique Patureau (dir.), Normes de genre dans les institutions culturelles, Paris, Ministère de la Culture - DEPS, Les Presses de Sciences Po, coll. « Questions de culture », 2018, 168 p., ISBN : 9782724623307.
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Texte intégral

  • 1 Voir par exemple le discours de Carole Thibault durant le spectacle-feuilleton Mesdames, messieurs (...)

1Cet ouvrage consacré aux normes de genre dans les institutions culturelles » développe un sujet fort de l’actualité culturelle récente. Les auteures s’inscrivent en effet dans une suite d’évènements politiques et médiatiques qui lient les questions de « genre » et les questions de « culture », en premier lieu desquels les hashtags #metoo ou le thème central du festival d’Avignon 2018 : le genre. Dans l’introduction, Sylvie Octobre et Frédérique Patureau reviennent d’ailleurs sur ce contexte tendu autour de l’invisibilité des femmes dans la culture1, non seulement « par dénombrement » de leur absence mais aussi « par cas » (p. 16). Stéréotypes et discriminations de genre sont aussi au cœur des recherches présentées dans ce volume qui, selon les coordonnatrices, vise à « documenter » les pratiques et accompagner des politiques « réalistes et efficaces » (p. 24).

2La première partie s’ouvre sur une réflexion autour des notions de carrières et de trajectoires. Elle est inaugurée par un chapitre de Lara Cappelle sur les stéréotypes de genre dans la danse classique, laquelle y « échappe rarement ». Le texte analyse le paradoxe selon lequel « les chorégraphes classiques restent en grande majorité des hommes, alors même que les danseuses dominent l’effectif des compagnies de ballet » (p. 29). Mais l’auteure montre également que ce « plafond de verre », pour reprendre ses termes, et ces normes de genre résonnent aussi dans les répertoires chorégraphiques appris. La lecture se poursuit avec le chapitre de Zoé Haller sur la place du genre dans les « processus d’acquisition des fonds régionaux d’art contemporain ». Entre autres constats mis en avant, l’auteure souligne l’invisibilisation des critères de sexe dans ces acquisitions et, par conséquent, la moindre place des femmes dans les fonds régionaux. Constatatif mais salutaire, ce texte met enfin en perspective cette invisibilité des artistes femmes avec le rôle pourtant central des FRAC dans la reconnaissance artistique. Le troisième chapitre de cette partie se penche sur les « carrières des plasticiennes », que l’auteure, Mathilde Provansal, caractérise comme étant « sous contrainte des normes de genre des intermédiaires ». Ces intermédiaires « interviennent au cours des phases d’émergence de reconnaissance et de considération d’une carrière artistiques » (p. 62). Or, selon l’auteure, des injonctions et des stéréotypes appliqués aux plasticiennes, comme par exemple ceux de la « séduction » ou de la « maternité », tendent à dévaloriser les œuvres des femmes. Dans ce paysage, l’auteure en appelle à la transgression de ces contraintes. Cette première partie se referme sur un chapitre de Serge Proust et Corine Vedrine, qui proposent une « réflexion sur les comédien.ne.s homosexuel.le.s » dans le théâtre public, en s’appuyant sur la notion de « masculinité hégémonique ». Le genre ne pouvant jamais se dissocier complétement des questions de sexualité, cet article apporte un éclairage intéressant sur les liens qui se tissent entre les normes de genre et les institutions culturelles, en ce qu’il énonce clairement la menace de l’homophobie dans les carrières de comédiennes et de comédiens ainsi que l’invisibilité des lesbiennes dans cette profession.

  • 2 Lire à cet égard : Bourdaa Mélanie et Alessandrin Arnaud, Fan studies et gender studies : la rencon (...)

3La seconde partie, portant sur les « représentations », s’ouvre sur le chapitre de Samuel Chagnard intitulé « (Re)présentations d’instrumentiste-instrument : variations des stéréotypes de genre en orchestre symphonique ». Par ce concept d’« instrumentiste-instrument », l’auteur insiste sur l’identification des musicien.ne.s à leurs instruments. C’est sur le dispositif vidéo « figures de note » (17 vidéos mises en ligne sur le site de l’Orchestre de Paris) que Chagnard appuie son analyse, qui tend à prouver un double phénomène : l’atténuation de l’invisibilité des femmes, en même temps que le maintien d’une « ségrégation verticale », c’est-à-dire une absence des femmes au sommet de la hiérarchie. Plus intéressant encore, l’auteur s’interroge sur l’effet de ces représentations auprès des publics et des postulant.e.s aux écoles de musique. On apprécie les illustrations et descriptions des corps présents dans ces vidéos qui illustrent le propos. Le chapitre de Clémence Perronnet porte sur la culture scientifique. L’auteure pose la question : les garçons et les filles sont-ils égaux / égales devant la culture scientifique ? Parmi les analyses avancées dans ce chapitre, on retient cette idée centrale, fort bien exprimée, selon laquelle « être une fille et faire des sciences ne suffisent pas à faire “une scientifique” » (p. 133). Ce que met alors en avant Clémence Perronnet, c’est bel et bien la persistance de représentations excluantes en défaveur des filles, et des femmes, dans la culture scientifique. Enfin, l’ouvrage s’achève sur le chapitre de Marion Coville, intitulé « experts et non-initiées : médiation et rôles conjugaux dans le cadre d’une exposition sur le jeu vidéo ». Invisibilisées dans les recherches scientifiques2 comme dans la pratique, les filles sont cantonnées au rôle de « non joueuses ». C’est cette catégorie qu’interroge la chercheuse à travers la restitution de parcours « invisibles ».

4Au total, la promesse inscrite dans l’introduction de ce numéro de « questions de cultures », à savoir de « documenter » les recherches faisant se confronter « genre » et « culture », semble pleinement tenue. L’actualité et les controverses en ce domaine étant loin de s’éteindre, on souhaite rapidement un nouveau numéro sur ces thématiques.

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Notes

1 Voir par exemple le discours de Carole Thibault durant le spectacle-feuilleton Mesdames, messieurs et le reste du monde conçu par David Bobée : https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=eKwcO6OA2b0.

2 Lire à cet égard : Bourdaa Mélanie et Alessandrin Arnaud, Fan studies et gender studies : la rencontre, Paris, Téraèdre, 2017.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Arnaud Alessandrin, « Sylvie Octobre et Frédérique Patureau (dir.), Normes de genre dans les institutions culturelles », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 07 janvier 2019, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/30078 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.30078

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Rédacteur

Arnaud Alessandrin

Docteur en sociologie, chercheur associé au LACES (Université de Bordeaux). Auteur de Sociologie des transidentités (Cavalier Bleu ed., 2018) et de Parcours de santé / parcours de genre avec A. Meidani (PUM, 2018), il est également codirecteur, avec Johanna Dagorn, de la revue Les cahiers de la LCD - Lutte Contre les Discriminations.

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