Spinoza après Bourdieu
- Compte rendu de Jean Zaganiaris
Publié le 08 novembre 2018
Présentation de l'éditeur
Le paradoxe fondamental qui vient à la fois constituer et mettre en péril la politique, c'est qu’il n’y a pas d’autorité des institutions et des lois sans le soutien au moins tacite et spontané de la multitude, multitude dont il s’agit en même temps de reconnaître qu’elle est composée d’individus et de groupes sociaux qui désirent n’en faire qu’à leur tête. Ce paradoxe est souvent dénié par les philosophies politiques qui se contentent d’invoquer une légitimité idéale pour justifier une obéissance en droit. Les concepts de disposition et d’habitus, tels qu’ils sont théorisés par Pierre Bourdieu, permettent de comprendre à même la pratique comment s’établit, de fait, la domination d’un ordre. Spinoza, tout en s’accordant sur des points fondamentaux avec le sociologue, insiste néanmoins sur la dimension passionnelle et donc inconstante des dispositions, et par là assume davantage encore le paradoxe. Un pouvoir n’est obéi que s’il sait se faire désirer, qu’il soit légitime ou non. C’est alors une conception de l’État et des institutions politiques tout à fait originale qu’élabore le Traité politique, où il s’agit moins de les fonder en légitimité que de les faire fonctionner malgré, et même par, les passions pourtant inconstantes et variées du vulgaire. Encore faut-il que cette domination s’exerce au profit de tous et de chacun: une Realpolitik, au sens de Pierre Bourdieu, est ainsi constituée par Spinoza, où le pouvoir n’est détenu par personne en particulier, mais dispose tous les citoyens à la concorde et à la paix, malgré eux mais, autant que possible, de bon gré.
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