Jean-François Giret, Cécile Van de Velde et Élise Verley (dir.), Vies étudiantes. Tendances et inégalités
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1Dans cet ouvrage, la vie des étudiants est décrite à partir de l’exploitation des données issues de l’enquête nationale « Conditions de vie » menée en 2013 par l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE). Cette enquête quantitative a été réalisée auprès de 51 000 répondants représentatifs de 82 % de la population étudiante en France. Elle se fonde sur un échantillon initial tiré au sort de 200 000 étudiants inscrits dans les universités de toutes composantes, les grandes écoles, les sections de techniciens supérieurs, les classes préparatoires aux grandes écoles, ou encore les écoles d’ingénieurs, de gestion et de management, d’art et d’architecture.
2Jean-François Giret, Cécile Van de Velde et Élise Verley précisent l’existence de vies étudiantes : « Le seul fait d’être étudiant est loin d’homogénéiser les conditions de vie d’un public aux caractéristiques, aux expériences et aux attentes de plus en plus diversifiées » (p. 9). Différents chercheurs en sociologie, en démographie et en sciences de l’éducation sont convoqués autour de cinq grands axes : les ressources des étudiants (budget, solidarité, travail) ; le temps et la vie étudiante (temps de travail, temps libre, environnement) ; le rapport au présent et à l’avenir (échecs, réussite, devenir) ; les vulnérabilités étudiantes (logement, santé psychique, accès aux soins) ; les parcours « atypiques » d’étudiants (bacheliers technologiques et professionnels dans l’enseignement supérieur, étudiants en formation continue, étudiants-parents, étudiants étrangers). Les contributions étant nombreuses, nous ne pouvons présenter que quelques éléments issus de cet ouvrage.
3Au sujet des ressources, les difficultés économiques persistent, avec des tensions supplémentaires par rapport à l’enquête de 2010. En France, les étudiants financent leurs études au moyen d’aides familiales, d’aides publiques et des revenus issus de diverses activités salariées. En 2013, la situation des étudiants qui ne vivent pas chez leurs parents présente une détérioration et, de manière générale, la pauvreté touche ceux qui n’ont pas de soutien familial et ne peuvent pas accéder à des aides financières. Ainsi, comme le précise Olivier Galland, le revenu moyen mensuel d’un étudiant varie entre 884 et 1 014 euros. Il est en moyenne composé de 226 euros provenant d’une activité salariée, de 387 euros venant des parents ainsi que de 228 euros alloués par les aides sociales et les bourses. Enfin, notons que 41 % des étudiants issus de familles en situation de pauvreté ressentent les difficultés liées à leur origine sociale. Par ailleurs, Marie-Clémence Le Pape et Élise Tenret soulignent que les étudiants ont tendance à minimiser l’aide éventuelle qu’ils reçoivent de leurs parents (logement, alimentation, voiture, cadeaux, autres). Ils préfèrent évoquer la crise pour justifier leurs difficultés ou leurs échecs, et invoquer leur mérite personnel comme moteur de leur réussite.
4Concernant le rapport à l’avenir, comment les étudiants perçoivent-ils leurs études, leur insertion et leur éventuelle ascension sociale, ou au contraire leur possible « déclassement social » ? Odile Ferry et Élise Verley démontrent que « les étudiants ont une vision réaliste des hiérarchies et donc de la valeur du diplôme préparé à l’aune du type d’insertion auquel ils peuvent prétendre » (p. 160). Ils anticipent cependant plus ou moins les difficultés. De plus, l’enjeu n’est pas le même pour tous les étudiants. Il varie selon l’origine socio-professionnelle de leurs parents : si les enfants issus des classes moyennes et supérieures cherchent à « se maintenir », la moitié des enfants d’employés et d’ouvriers désirent « un avenir meilleur » (p. 175). Dominique Épiphane et Élise Verley s’intéressent plus particulièrement aux visions d’avenir des étudiantes. Sont-elles confiantes quant à leurs études ? « Le cumul d’inquiétude et l’autodépréciation chez les jeunes filles rend l’expérience étudiante plus anxiogène », expliquent les auteurs (p. 144). Pourquoi ? Parce que les filles développent de plus grandes exigences quant à leurs études (emploi du temps studieux et moins de participations aux soirées). Selon les auteurs, elles sont également moins confiantes quant à leur avenir, révélant une ambition plus « secondaire » en comparaison à celle des garçons.
5Quelles sont les vulnérabilités auxquelles les étudiants sont confrontés (précarité, logement, santé) ? Nous évoquerons l’étude sur la santé psychique. Yannick Morvan, Isabelle Coulange, Marie-Odile Krebs, Émilie Boujut et Lucia Romo questionnent les paradoxes issus des données de l’enquête. En effet, il était demandé aux étudiants d’autoévaluer leur état de santé, et notamment leurs fragilités psychologiques (isolement, stress, déprime et fatigue). 63 % d’entre eux déclarent être satisfaits de leur santé mais 87 % évoquent toutefois des symptômes de « mal-être » (p. 217). Comment expliquer ces résultats ? En ce qui concerne la santé mentale, 10 % des étudiants déclarent avoir un problème (troubles dépressifs, anxieux, alimentaires) mais ils ont peur, par exemple, de choisir et de consulter un médecin ou de passer des examens. De ce fait, ils peuvent renoncer à des soins préférant l’automédication et l’attente d’une amélioration.
6Le dernier axe de cet ouvrage met en lumière quelques situations d’étudiants qui ont des parcours méconnus. Cette démarche est fort pertinente. Ainsi, les étudiants-parents sont évoqués. En France, ils représentent 4,4 % de la population étudiante, soit bien moins que dans les pays nordiques, où le taux atteint 20 %. Cela tient notamment à la moyenne d’âge des étudiants : 22 ans en France contre 30 ans en Norvège, par exemple. Notre système éducatif conduit à des représentations sociales quant à un « bon âge » pour devenir parents, c’est-à-dire après les études. Les profils des étudiants parents varient, mais trois cinquièmes d’entre eux sont en formation continue. Arnaud Régnier-Loilier repère notamment les situations d’étudiants-parents qui disent ne pas vivre avec leurs enfants pendant une semaine « normale de cours » (p. 288). Au sujet de l’accueil, Catherine Agulhon et Ridha Ennafaa évoquent aussi la situation des étudiants étrangers. Elles interrogent la difficulté à définir catégoriquement cette notion d’étudiant étranger qui, en fait, regroupe des étudiants qui sont résidents et étrangers, en mobilité, intégrant ou non un programme. 16,5 % d’entre eux se déclarent boursiers et 46,7 % ont une activité rémunérée. Quelles études choisissent-ils ? Pourquoi ? D’où viennent-ils ? Les auteurs répondent en partie à ces interrogations, soulignant leur insatisfaction quant au manque de données exploitables dans l’enquête à ce sujet. Différentes pistes pour contourner cet écueil sont alors données : articuler une meilleure connaissance entre le secondaire et le supérieur, connaître les parcours, les projets en fonction du statut et de la durée de séjour de ces étudiants : « On est donc face à une population hétérogène tout autant que méconnue tant en termes de trajectoires que de devenir » (p. 311).
7En conclusion, à partir d’une enquête quantitative, cet ouvrage apporte nombre d’éléments de compréhension des conditions de vie des étudiants en France. En décryptant ces différents indicateurs, les auteurs proposent aussi des pistes de réflexion pertinentes, y compris dans la perspective d’approches qualitatives. La contextualisation et la comparaison avec d’autres études sont aussi essentielles pour chacune de ces contributions, permettant de comprendre l’évolution des recherches sur les étudiants. Une question demeure cependant non élucidée : si l’échantillon des étudiants enquêtés est représentatif de 82 % des étudiants en France, qu’en est-il alors des 18 % qui ne seraient pas représentés ?
Para citar este artículo
Referencia electrónica
Nadia Veyrié, « Jean-François Giret, Cécile Van de Velde et Élise Verley (dir.), Vies étudiantes. Tendances et inégalités », Lectures [En línea], Reseñas, Publicado el 07 noviembre 2016, consultado el 11 diciembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/21665 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.21665
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