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Antoine Bozio, Gabrielle Fack, Julien Grenet (dir.), Les allocations logement, comment les réformer ?

Loïc Bonneval
Les allocations logement
Antoine Bozio, Gabrielle Fack, Julien Grenet (dir.), Les allocations logement. Comment les réformer ?, Paris, Rue d'Ulm, series: « Cepremap », 2015, 94 p., EAN : 9782728805389.
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  • 1 Parmi lesquelles l’APL (aide personnalisée au logement) est la plus connue, bien qu’il en existe pl (...)
  • 2 Alain Trannoy et Étienne Wasmer, « La politique du logement locatif », Note du CAE, octobre 2013.

1Les allocations logement1 sont une composante essentielle des politiques sociales en France, puisqu’elles représentent, en volume, la principale prestation versée aux ménages modestes. Leur visibilité dans le débat public ne correspond pas à cette place, ce qui est souvent le cas en matière de logement. Les controverses qu’elles suscitent portent fréquemment sur des aspects ciblés comme le logement étudiant. Ce petit ouvrage (94 pages), issu d’un programme scientifique du Cepremap, s’intéresse à la question récurrente de la réforme de ces allocations en offrant à la fois un état des lieux et une proposition de refonte visant à unifier les prestations sociales versées aux plus modestes : les allocations logement, le revenu de solidarité active (RSA) et la prime pour l’emploi (PPE). Écrit par des économistes travaillant sur les politiques publiques plus que par des spécialistes du logement (à l’exception de Gabrielle Fack), il présente l’intérêt de relier la critique des politiques du logement à une réforme plus large des politiques sociales. Il fait écho à une littérature, pour partie académique et pour partie institutionnelle ou à visée opérationnelle, sur la réforme du « système socio fiscal » français, au sein de laquelle on peut citer les travaux d’Alain Trannoy et Étienne Wasmer au conseil d’analyse économique2.

  • 3 Il faut rappeler que la loi de 1948, restée dans les mémoires comme une loi d’encadrement des loyer (...)
  • 4 On cite souvent le chiffre de 18 milliards qui correspond aux trois aides principales (aide personn (...)
  • 5 Voir par exemple S. Arnault et L. Crusson, « La part du logement dans le budget des ménages en 2010 (...)

2Instaurées en 1948 pour éviter que les ménages les plus modestes soient pénalisés par la hausse des loyers3, les allocations logement sont restées secondaires dans les politiques du logement jusqu’au plan Barre de 1977 qui met notamment en place les APL (aides personnalisées au logement). Dans un contexte de montée des critiques adressées au logement social, aux grands ensembles, et aux aides publiques aux constructeurs (les « aides à la pierre ») il s’agit de faire bénéficier directement les ménages des prestations logement afin de desserrer les contraintes auxquelles ils font face sur le marché résidentiel. Progressivement, ces « aides à la personne » ont vu leur importance grandir. Elles sont versées à 6 millions et représentent environ la moitié des dépenses de la politique du logement (20 milliards d’euros par an4 sur 41, le reste se répartissant entre 6 milliards pour les aides à la construction et 15 milliards en avantages fiscaux destinés à favoriser la construction et la réhabilitation). Le coût de ces aides comparé à la persistance de difficultés d’accès au logement et du fait que les locataires de logements privé aient vu le poids du logement dans leur budget s’accroître fortement5, justifient aux yeux des auteurs un examen critique.

3Ils soulignent pourtant leur caractère redistributif : 70 % des ménages appartenant au premier décile de revenu perçoivent des aides au logement (et moins de 10 % à partir du 6e décile). Les allocations logement sont plus importantes, en volume, que les deux autres aides considérées dans le texte, RSA et PPE (représentant respectivement 0,8 % 0,4 % et 0,1 % du PIB). Elles se révèlent moins stigamtisantes que le RSA, et moins touchées par le problème du non recours. Elles assurent également une certaine redistribution horizontale entre zones géographiques (car les aides sont plus élevées dans la région parisienne, où les loyers sont également plus hauts). Leur complexité est réelle, parce qu’il existe plusieurs prestations différentes, mais surtout à cause du calcul du barème. Les quelques pages consacrées à ce point, quoique techniques, sont d’ailleurs très claires et utiles même aux spécialistes, confirmant bien que pour la majorité des bénéficiaires le montant de l’aide est déconnecté de celui du loyer et s’apparente « à une prestation sociale comme une autre », qui décroit en fonction du revenu. En dépit de cette complexité, elles constituent l’un des piliers des politiques sociales en France.

4Les trois principales critiques adressées par les auteurs à ce système ne portent toutefois pas sur cette complexité. Les deux premières sont assez classiques dans l’analyse économique des politiques publiques. Il s’agit d’abord d’interroger la pertinence d’une aide affectée, qui peut relever d’un certain paternalisme (dicter aux ménages pauvres les « bonnes » dépenses) et induire des distorsions en favorisant la consommation de certains biens et services (en l’occurrence le logement). La seconde critique porte sur les effets négatifs en matière de reprise d’emploi. Les allocations logement ne sont pas ici seules en cause : c’est leur mauvaise articulation avec le RSA et la PPE qui est en cause. La « double dégressivité » (p. 49), c’est-à-dire la baisse concomitante du RSA et des allocations logement en cas de hausse des revenus d’activité serait ainsi une désincitation à la reprise d’emploi.

  • 6 Notamment Anne Laferrère et David Le Blanc, « Comment les aides au logement affectent-elles les loy (...)
  • 7 Arnaud Bouteille, « Les aides au logement sont-elles inflationnistes ? », Revue foncière, n°3, janv (...)

5La troisième critique concerne plus spécifiquement le marché du logement. Elle est plus discutée que les précédentes et étayée par des études récentes, en France et à l’étranger6. Elle porte sur l’effet inflationniste des aides, c’est-à-dire sur le fait que le montant des allocations est en grande partie absorbé par l’élévation du niveau des loyers, de telle sorte qu’elles bénéficient in fine aux propriétaires. C’est le point clé de l’argumentaire développé dans cet ouvrage. Les travaux cités convergent pour montrer que cet effet existe et qu’il est important, un euro d’aide versé se traduisant par une hausse de loyer allant de 60 à 78 centimes (selon les travaux et les contextes étudiés). Plusieurs raisons sont examinées : la surconsommation de logement est invoquée (les aides incitent à augmenter les dépenses des ménages dans le logement et, l’offre étant peu élastique, ce surcroit se traduit par une hausse des prix), mais elle ne représente qu’une explication partielle. Le fait que les propriétaires bailleurs puissent aisément identifier les bénéficiaires (tout particulièrement dans certains cas comme celui des étudiants) et le montant des aides semble jouer un rôle déterminant dans la captation de celles-ci. Bien que convaincante l’argumentation laisse quelques points en suspens : le fait que cette hausse des prix correspond en partie à une amélioration de la qualité du logement des ménages modestes, l’ampleur exacte de la captation par les propriétaires, et surtout la part prise par cet effet inflationniste dans la hausse plus générale des loyers et des prix du logement (et donc de l’effet potentiellement désinflationniste qu’aurait l’abandon des allocations logement). Ce thème appelle donc d’autres travaux7.

6Tirant les enseignements de ces différentes analyses, les auteurs en viennent ensuite à ce qui constitue l’objectif de l’ouvrage, la proposition d’une réforme visant à fusionner aides au logement, RSA et PPE en une prestation unique, non affectée, qui permettrait d’éviter ou de réduire les effets négatifs pointés ci-dessus. Son montant varierait proportionnellement au revenu, de façon à éviter les seuils et les effets d’étiquetage qui lui sont associés. Le texte s’attache à décrire les modalités de cette prestation, et raisonnant à budget égal, à déterminer qui en seraient les « gagnants » et les « perdants ». Parmi les premiers figurent ceux qui sont actuellement mal pris en compte par le RSA (les plus jeunes) ou par les aides au logement (les propriétaires les plus modestes), tandis que les seconds se compteraient parmi ceux qui cumulent les deux (notamment des ménages sans autre ressource). Néanmoins, la redistribution opérée par ces aides serait globalement comparable à celle que l’on observe actuellement. On note ici le souci des auteurs de contribuer au débat public en apportant les éléments les plus précis et en se souciant de la faisabilité et du caractère réaliste de leur proposition. Ils soulignent d’ailleurs que l’idée d’intégrer ces aides à l’impôt sur le revenu a été écartée car cela supposait une réforme préalable de cet impôt.

7Clair et concis, l’ouvrage sert efficacement la thèse des auteurs et constitue une contribution notable et bien étayée au débat sur la réforme du système social et fiscal français. Centré sur la question des allocations logement, il laisse volontairement de côté les autres aspects de la politique du logement ce qui peut laisser sur sa faim le lecteur intéressé par ces questions. Si ce choix s’explique par l’objet même de l’ouvrage, qui est de défendre une proposition de réforme, notons que ce parti pris laisse sans réponse la question des conséquences sur le marché du logement de l’abandon des allocations logement.

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Notes

1 Parmi lesquelles l’APL (aide personnalisée au logement) est la plus connue, bien qu’il en existe plusieurs autres.

2 Alain Trannoy et Étienne Wasmer, « La politique du logement locatif », Note du CAE, octobre 2013.

3 Il faut rappeler que la loi de 1948, restée dans les mémoires comme une loi d’encadrement des loyers, a surtout visé à sortir du contrôle des loyers de l’entre-deux-guerres et à revenir à des loyers de marché.

4 On cite souvent le chiffre de 18 milliards qui correspond aux trois aides principales (aide personnalisée au logement (APL), allocation de logement familiale (ALF), allocation de logement sociale (ALS)), mais il faut y ajouter d’autres prestations comme l’aide sociale à l’hébergement (ASH).

5 Voir par exemple S. Arnault et L. Crusson, « La part du logement dans le budget des ménages en 2010», INSEE Première, 1395, 2012 ;

6 Notamment Anne Laferrère et David Le Blanc, « Comment les aides au logement affectent-elles les loyers ? », Economie et statistique, 351, 2002 ; et Céline Grislain-Létremy et Corentin Trévien, « The impact of housing subsidies on the rental sector : the french example », document de travail INSEE G2014/08, 2014 ;

7 Arnaud Bouteille, « Les aides au logement sont-elles inflationnistes ? », Revue foncière, n°3, janvier-février 2015.

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References

Electronic reference

Loïc Bonneval, « Antoine Bozio, Gabrielle Fack, Julien Grenet (dir.), Les allocations logement, comment les réformer ? », Lectures [Online], Reviews, Online since 15 November 2015, connection on 03 October 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/19452 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.19452

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Loïc Bonneval

Maître de conférences en sociologie, Université Lyon 2, Centre Max Weber

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