La revanche de la chair
- Compte rendu de Nadia Veyrié
Publié le 04 mai 2015
Présentation de l'éditeur
Après avoir exhorté les pères à couper le cordon ombilical de leur nouveau-né puis valorisé le contact peau à peau, on incite aujourd'hui les mères à regarder, voire emmener leur placenta. Désormais, quand un bébé meurt autour de sa naissance, ses parents sont encouragés à toucher son corps et à le photographier. Plus généralement, une nouvelle théorie du deuil s'est diffusée comme une traînée de poudre : chacun se devrait de " faire son deuil " et celui-ci serait " impossible " sans confrontation avec les traces du défunt.
Certains professionnels de la transplantation se sont même mis à formuler la crainte que la personne greffée ne rejette psychiquement - et non plus physiquement - le greffon, parce que la personnalité du donneur y serait trop présente. Ajoutons à cela la demande de plus en plus pressante de personnes de se confronter, en chair et en os, à ceux qui ont participé à leur naissance " biologique " d'adoptés, de nés sous X ou par dons de sperme...
Telles sont quelques-unes des nouvelles pratiques, apparues progressivement à partir des années 1990 autour de la naissance et de la mort, dont il s'agit de comprendre la cohérence et les logiques cachées. A travers ces gestes parfois sans phrases, un grand récit collectif - un récit en pratiques - se dessine, où la chair est investie, par sa matérialité, d'effets psychiques censés fortifier une construction identitaire éprouvée comme trop flottante.