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CIHEAM, Mediterra 2014. Logistique et commerce agro-alimentaires, un défi pour la Méditerranée

Anne Rollet
Mediterra 2014
CIHEAM, Mediterra 2014. Logistique et commerce agro-alimentaire, un défi pour la méditerranée, Les Presses de Sciences Po, 2014, 556 p., Préface de Cosimo Lacirignola, ISBN : 978-2-7246-1475-6.
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Texte intégral

1Les auteurs de l’ouvrage illustrent la nécessité de la création d’une communauté logistique agro-alimentaire euro-méditerranéenne face à un marché mondial, somme de micromarchés reliés par des infrastructures logistiques. L’opérationnalisation de cette Euro-Méditerranée passe par l’ambition de développer un réseau de plates-formes logistiques et d’améliorer ainsi le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire.

2Les 74 auteurs réunis dans cet ouvrage appartiennent à des domaines disciplinaires différents de l’entreprise, de la recherche, de l’enseignement, du conseil et de l’analyse, de l’ingénierie, d’administration étatique, du développement, du commerce international ou du journalisme. Ils possèdent tous un niveau de connaissances élevé sur l’agro-alimentaire et la production agricole. L’écriture des chapitres est collective pour articuler une approche multi-expertise centrée sur les flux produits.

3Après une présentation historique et globale ayant pour but d’offrir une réflexion prospective, les différents découpages de l’espace méditerranéen sont décrits : l’Europe, l’Afrique subsaharienne, le monde arable et les pays de la mer Noire. Les principaux produits sont abordés : les céréales, les fruits et légumes, les produits de la mer, l’huile d’olive, la viande de ruminants et le vin. Les spécificités de la Turquie, de l’Albanie, de l’Algérie, de Malte, de l’Égypte et du Portugal sont étudiées. De grands thèmes spécifiques permettent de comprendre les particularités de la logistique et du commerce agro-alimentaires dans cette région du monde : les échanges entre les pays arabes méditerranéens et le Golfe, les problématiques liées au transport, le rôle des ports, la chaîne du froid, les normes qualité et sécurité, la production agricole, les technopoles agro-alimentaires et la logique de « Supply Chain ».

4L’ouvrage n’est pas fondé sur des développements théoriques mais sur une volonté informative et statistique concernent les flux de produits. La définition de la « gestion de la chaîne d’approvisionnement » ou « Supply Chain Management » (SCM) est celle proposée par le Global Supply Chain Forum : « La gestion de la chaîne d’approvisionnement est l’intégration des processus métiers clés, des utilisateurs finaux aux fournisseurs initiaux de produits, services et informations constituant une valeur ajoutée pour les consommateurs et autres parties prenantes ». Un vocabulaire spécifique à la chaîne de valorisation alimentaire est aussi employé : système d’approvisionnement et de distribution alimentaire (SADA) ou système alimentaire territorial (SAT). L’ouvrage présente de nombreux encarts détaillant des stratégies logistiques innovantes (Gulfood, Anderson Group, Anecoop, Ortofrulog, Magazzino Viaggiante, rôle des ONG dans le développement égyptien…).

5L’espace euro-méditerranéen est complexe, et dans une logique de territorialisation des productions, il fait face à de multiples effets frontières liés à des contrôles douaniers, phytosanitaires et vétérinaires. En outre, au sein d’un même pays, il existe des dynamiques stratégiques très différentes entre des petits producteurs isolés et des filières hautement capitalistes co-pilotées par de grands distributeurs et de grands producteurs.

6La création d‘une entité régionale logistique n’est pas aisée. De nombreux facteurs non pilotables doivent être intégrés à la réflexion, comme le changement climatique, la financiarisation des marchés agricoles, les investissements directs (IDE) dans l’agriculture et l’agro-alimentaire des pays du sud de la Méditerranée venant des pays du Golfe, de la Chine, de l’Europe ou des USA.

7Selon les points des différents experts ayant rédigé cet ouvrage, l’action logistique alimentaire euro-méditerranéenne doit améliorer et construire des infrastructures permettant à la zone de prendre place dans la compétition internationale, en termes de qualité, de quantité, de prix et de temps de livraison. Tout au long de la chaîne, il faut, entre autre, maitriser le froid, améliorer les capacités de stockage et diminuer le gaspillage. Ce défi passe par des pôles logistiques multimodaux régionaux au sens euro-méditerranéen ou étatiques, spécialisés ou non sur des produits (complexes fruits et légumes frais), voire à vocation urbaine. Les acteurs de la logistique et du commerce agro-alimentaires euro-méditerranéens sont nombreux. Le rôle du consommateur, essentiel relativement à son évaluation qualitative des produits alimentaires, n’est ici pas très développé.

  • 1 Hazard Analysis Critical Control Point : il s’agit d’une méthode, d’un ensemble de principes de ges (...)

8L’agriculture et l’agro-alimentaire sont sans aucun doute les points focaux de cet ouvrage à cause des caractéristiques des produits agricoles végétaux ou animaux (Bateaux-usines, transport d’animaux vivants). Outre la difficulté d’articuler temps biologique et temps logistique, la chaîne d’approvisionnement alimentaire est soumise à d’autres contraintes : rationalisation énergétique, production et livraison en espace périurbain ou au contraire éloignement entre zones de production et de consommation…. De très nombreuses normes relatives à la qualité des produits alimentaires existent, ce qui entrave la rentabilité des entreprises. Dans une volonté d’harmonisation du système, le Global Food Safety Initiative (GFSI), au travers d’un « benchmark », a mis en évidence l’existence d’un méta-système commun à toutes et regroupant HACCP1, bonnes pratiques de fabrication (BPF), bonnes pratiques agricoles (BPA) et systèmes de traçabilité. Les entreprises logistiques jouent un rôle important mais souvent dans une logique de partenariat public privé. Le transport maritime est dominant pour les produits agricoles et les articulations multimodales doivent être grandement améliorées pour créer de vraies synergies.

9Chaque État est classé en fonction de son indice de développement logistique (établi par la Banque mondiale). Ainsi, les coûts logistiques peuvent représenter jusqu’à 20% du PIB au Maghreb alors qu’ils n’atteignent que 5% dans les pays développés. Les États mettent souvent en œuvre des plans concernant spécifiquement la logistique et le commerce alimentaires. Ces investissements, dans les infrastructures sont cruciaux ; il sont souvent accompagnés par une aide financière de l’Union européenne. À côté des ports de première génération, les ports globaux (hub) tentent de développer autour de l’Organisation maritime internationale (OMI) une véritable communauté portuaire utilisatrice d’autoroutes de la mer, articulant des activités logistiques à haute valeur ajoutée (par exemple celles impliquant des unités mobiles réfrigérés). La mise en place plutôt récente de technopoles agro-alimentaires ou d’agro-technoparcs devrait permettre des synergies entre acteurs opérationnels, politiques et chercheurs, tant au niveau du pays que de l’Euro-Méditerranée.

10L’UE joue un rôle essentiel dans l’amélioration de la logistique et du commerce agro-alimentaire euro-méditerranéens et ses programmes ou projets logistiques sont nombreux : OPIMILK, E-MENSA, CO-EXTRA, CHILL-ON, EUROMED-CITRUSNET, EURO-MARC, SECURESCM, VEG-I-TRAE, PRICE, RECAPT, FOODMETRES, WINN. La réglementation européenne de l’agro-alimentaire structure en partie la stratégie des firmes, que ce soit au niveau de l’éco-conditionnalité ou du paquet hygiène (normes de sécurité et de qualité). Au-delà de ces préoccupations opérationnelles, l’UE souhaite développer les pays et réduire l’émigration et l’exode rural. La crise alimentaire de 2008 a été un évènement majeur et ses problématiques de sécurité alimentaire sont liées à la volonté de préserver la paix en Méditerranée (Politique européenne de voisinage, PEV).

11La « Supply Chain » alimentaire doit prendre en compte certaines innovations à la fois technologiques et non technologiques ; quatre apparaissent centrales. Les innovations agricoles et agro-alimentaires comme les produits issus de l’agriculture biologique ou de l’agro-écologie, ainsi que les innovations génétiques classiques, voire de type OGM, génèrent des spécificités logistiques. Les TIC sont incontournables et l’UE met d’ailleurs en place une vraie stratégie sur les technologies de la logistique. La volonté de développement durable associée aux technologies du secteur alimentaire favorise l’innovation (création des terminaux à température variable, valorisation de la biomasse...) mais aussi la réflexion sur les kilomètres alimentaires et l’empreinte carbone. Un des aspects importants du défi euro-méditerranen porte sur le raisonnement en écobilan global : le coût du dernier kilomètre peut en effet atteindre, à lui seul, 20% du coût total de la chaîne. Les modes d’organisation associent les partenariats privés publics pour développer par exemple des espaces pilotes (« Food Valley », « Agri-corridor »). La formation en logistique commence à se développer ; elle est essentielle pour faire comprendre aux futurs logisticiens l’importance des enjeux et des outils à mobiliser.

12En termes de prospective, quatre scenarii concernant la logistique et le commerce agro-alimentaires sont envisageables : « une Méditerranée sans convictions », « une Méditerranéen sans tension », « une Méditerranée éclatée mais réactive » et enfin « une Euro-Méditerranée en confiance ». Il ne suffit pas d’espérer en le dernier, il convient que les différents acteurs, parties prenantes de ce défi logistique et commercial de l’agro-alimentaire, se mobilisent pour y parvenir. En conclusion, le point le plus important est sans doute la création de réseaux de méga-technopoles alimentaires réunissant plusieurs pays et acteurs autour de dynamiques logistiques cohérentes (FERRMED, CRPM, Détroits d’Europe, Arc Latin).

13Cet ouvrage intéressera des étudiants curieux de disposer de statistiques récentes et fiables concernant les flux agro-alimentaires entre les pays de l’Euro-Méditerranée.

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Notes

1 Hazard Analysis Critical Control Point : il s’agit d’une méthode, d’un ensemble de principes de gestion visant à garantir la sécurité sanitaire des aliments.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne Rollet, « CIHEAM, Mediterra 2014. Logistique et commerce agro-alimentaires, un défi pour la Méditerranée », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 23 mai 2014, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/14739 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.14739

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Lieu

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Rédacteur

Anne Rollet

Maitre de conférences, sciences de gestion, Aix-Marseille Université

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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