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« La ville brûle-t-elle ? Pour une réappropriation citoyenne de nos villes », Mouvements, n° 74, 2013

Nassima Dris
La ville brûle-t-elle ?
« La ville brûle-t-elle ? Pour une réappropriation citoyenne de nos villes », Mouvements, n° 74, 2013, La Découverte, ISBN : 9782707176462.
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Texte intégral

1Ce dossier dédié au « droit à la ville » débute par un entretien riche et stimulant avec Yves Cabannes, puis se structure en trois parties. Les articles de la première partie explorent la question de savoir comment se fabrique une ville pour tous : Quels sont les outils, les rouages, les obstacles ? Plus précisément, les analyses portent sur le rapport du citoyen aux « obstacles administratifs, institutionnels ou politiques » liés à l’espace urbain. Des projets de transformation urbaine sont présentés et analysés (l’éradication des favelas à Rio de Janeiro, le « nouveau » Grand Paris) mais aussi des situations urbaines et sociales (les gens du voyage, le logement social, les actions collectives). Dans la deuxième partie, la parole est donnée aux associations qui interviennent sur la ville : « Droit au logement », « l’intersquat de Paris », « Quartiers en transition », « Jeudi noir », « l’Ambassade du PEROU ». Le mouvement associatif dresse des portraits de ville où se dessinent des initiatives militantes pour surmonter les clivages et ouvrir un dialogue autour d’actions diverses telles que le « droit au logement », les « jardins partagés », la « création d’espaces publics dans des quartiers précaires ». L’objectif de ces initiatives citoyennes est de promouvoir la rencontre, l’entraide, la solidarité sociale. La troisième partie expose les outils politiques et juridiques du « droit à la ville ». Le contexte d’apparition de la notion du « droit à la ville » et son actualisation y sont présentés ainsi que certaines initiatives urbaines comme les « budgets participatifs européens », le squat et Community Land Trust.

2La problématique de ce dossier interroge le « droit à la ville » et la « réappropriation citoyenne de nos villes » dans une perspective internationale. Il ne s’agit plus de « faire » ou « refaire la ville » mais de savoir comment le « droit à la ville » peut aboutir au changement social (Lefebvre, 1968 ; Castells, 1973 ; Harvey, 2011) ? La question n’est pas nouvelle. Elle est ancrée dans les fondements de la recherche urbaine selon lesquels l’urbain n’a de sens que s’il est étroitement lié aux transformations sociales. Or, il se trouve que « les nouveaux mouvements urbains sont apparus, sans que ne se dégage une prise en charge globale, collective et unifiée de la question urbaine ». Comme il est souligné dans l’éditorial, « aucun mouvement social ne se réclamant de la ville n’est apparu sur la scène politique ces dernières années, alors que théoriquement, ainsi que le suggèrent les travaux anciens d’Henri Lefebvre et ceux, plus récents, de David Harvey, quelque chose comme « un droit à la ville » pourrait être revendiqué : un droit ouvrant à tous les droits ». Le retour à la notion du « droit à la ville » confirme surtout l’idée que la ville devenue centre de l’économie mondiale et lieu de toutes les convoitises, participe fortement à l’exclusion de pans entiers de populations urbaines. C’est là où résident les nouveaux enjeux des mobilisations sociales et politiques à l’échelle planétaire. Les revendications urbaines (urbanisme, logement, environnement, patrimoine, services, etc.) soulèvent implicitement des questions politiques plus larges visant de meilleures conditions de vie. Or, « comment dépasser le stade expérimental » pour pérenniser les formes d’appropriation citoyenne de la ville ? Certains envisagent une hypothèse plus réaliste selon laquelle le droit à la ville serait considéré « non pas dans une perspective de droit supérieur et de transformation radicale comme [le] préconisait Henri Lefebvre, mais beaucoup plus comme la somme de droits dans la ville » ? Si l’espace n’est plus envisageable que comme « support », « instrument tactique » ou « événement stratégique » pour le déroulement des luttes, il n’en demeure pas moins que c’est bien dans la dialectique qui le relie au monde social qu’il puise son sens en s’inscrivant indéniablement dans la réalité sociale.

3Le droit à la ville c’est aussi « le droit au lieu ». Il s’agit du droit de ne pas perdre son espace de référence, ses réseaux de proximité et une accessibilité au reste de la ville. Le « droit du lieu » contribue à la formation de « la ville comme bien commun » et comme « œuvre collective » (Lefebvre). Or, la tension entre « logique de projet » et « logique de processus » liée au vécu quotidien aboutit à des situations controversées dans lesquelles la transversalité des ressources n’est pas prise en compte. Les effets néfastes de projets urbains fragmentés sans liens réels avec la demande sociale sont confirmés par les nouvelles réalités sociales. Mais jusqu’à quel point le projet urbain peut-il intégrer une demande sociale contingente ? Là aussi la question n’est pas nouvelle.

4Le retour de la notion du « droit à la ville » dans le débat académique renseigne sur le malaise dans lequel nous nous trouvons face à un monde de plus en plus urbain sans que « la question urbaine » ne connaisse un renouveau tangible sur le plan théorique. Les articles réunis dans ce dossier confirment la grande diversité des situations urbaines mais aussi la pluralité de sens du « droit à la ville ». Si les auteurs reviennent à la définition de Lefebvre, il n’en est pas moins évident que c’est la forte charge symbolique de cette notion qui semble porter un débat qui dépasse largement les controverses académiques. Les « luttes urbaines » sont aussi importantes que par le passé, à la seule différence qu’elles apparaissent, de la même façon ou presque, à l’échelle planétaire. Les mobilisations d’une grande ampleur trouvent leurs motivations dans des dimensions politiques et sociales qui dépassent le cadre strictement matériel de l’espace urbain. Puisqu’il est question d’Henri Lefebvre, l’espace et les actions dans l’espace sont éminemment politiques, affirme l’auteur. De ce fait, le « droit à la ville » n’est pas seulement un droit de présence ou de circulation dans des lieux, il s’agit bel et bien de l’intégration sociale et politique des individus. L’intérêt de ce dossier réside dans la richesse et la diversité des questions soulevées qui illustrent bien la complexité de la question urbaine et appellent à penser la ville du futur.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Nassima Dris, « « La ville brûle-t-elle ? Pour une réappropriation citoyenne de nos villes », Mouvements, n° 74, 2013 », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 19 septembre 2013, consulté le 23 avril 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/12233 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.12233

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