Frédéric Lebaron, Christophe Gaubert, Marie-Pierre Pouly, Manuel visuel de sociologie

Texte intégral
1Les éditions DUNOD proposent une nouvelle collection intitulée « Manuels visuels ». Le concept est assez séduisant : les couleurs des pages marquent les parties de l’ouvrage (jaune pour l’entrée des chapitres, blanc pour le cours et l’analyse, bleu pour les exercices) ; la place prise par les iconographies, les schémas et les tableaux est particulièrement conséquente (il y en aurait 200 en un peu plus de 300 pages !) ; certaines couvertures de livres simplement mentionnés ou plus longuement étudiés ou encore de documentaires cités sont très bien reproduites etc. Dans un monde de plus en plus dominé par l’image, l’idée du « manuel visuel » semble d’emblée convaincante. Il s’applique ici à la sociologie. Point important : le fond n’est pas négligé au profit de la forme. Les chapitres sont certes de qualité inégale mais ils restent globalement bien informés. L’objectif est toutefois bien ambitieux : s’intéresser aux fondements scientifiques de la sociologie, offrir un guide précis pour l’enquête sociologique (destiné aux « apprentis-sociologues ») et couvrir une grande partie des connaissances accumulées par cette science finalement assez récente. Même si on a fait de la sociologie avant son « institutionnalisation », elle est véritablement considérée comme une discipline spécifique qu’à la fin du XIXe siècle…
2Les auteurs, professeurs ou maître de conférences de sociologie, ont néanmoins dû faire des choix. Par exemple, on peut être surpris de la faible place accordée aux « pères fondateurs de la sociologie ». Tocqueville, Marx, Durkheim et Weber sont bien évidemment cités, parfois analysés, mais sur l’ensemble de l’ouvrage, il est possible d’avoir le sentiment qu’ils ne sont pas assez traités. À l’inverse, les auteurs expliquent sur une partie entière (4 chapitres sur 12) la méthodologie de l’enquête sociologique. Ils montrent comment définir un « objet sociologique », ce que sont les bonnes pratiques en matière d’observation, comment il faut interpréter les données recueillies (en particulier les statistiques) et formulent même des conseils sur la façon de restituer les résultats (au travers d’une partie titrée « structure d’un texte sociologique »).
3La troisième partie du manuel est plus classique puisqu’elle s’intéresse aux grandes thématiques qui traversent la sociologie. Le point remarquable est l’esprit de synthèse des auteurs qui parviennent, en quelques pages, à établir plutôt solidement les passerelles entre les auteurs et la dimension contemporaine des problématiques abordées. Des chiffres et des graphiques mettent alors en perspective des apports plus théoriques. La socialisation est ainsi le premier thème étudié, en particulier avec le rôle de la famille : de Durkheim aux mutations familiales en passant par l’homogamie sociale. L’école est traitée suivant la même logique. Les auteurs s’emploient ensuite à rendre compte de ce qu’ils appellent « les cadres socio-démographiques » : âge, genre, territoire, appartenance « ethniques » ou « nationales » ont en effet des implications sociales. C’est un domaine sur lequel les sociologues se trouvent en « terrain miné » comme en atteste le débat politique qui se développe actuellement autour de la « théorie du genre ». Un troisième thème intitulé « La dynamique des espaces sociaux » renvoie à la stratification sociale et ses conséquences. Ce chapitre, plus fourni que les deux précédents, prend le temps de s’arrêter les théories sociologiques des classes sociales, de Marx à Bourdieu, sur les PCS et sur la structure sociale aujourd’hui avant de traiter des inégalités économiques et sociales et la mobilité sociale. Le panorama est très complet. La sociologie politique n’est pas oubliée. Elle est abordée dans le chapitre suivant avec des réflexions sur l’Etat – de Max Weber (fonctions de l’Etat) à Howard Becker (déviance) en passant par la fonction publique, les normes juridiques et les politiques publiques –, une analyse très (trop ?) rapide du champ politique et l’action collective. On atteint peut-être la limite de la méthode des auteurs lorsque les mouvements sociaux sont analysés en deux pages, sans référence à Albert Hirschmann ou à Mancur Olson ! « Ordre et désordres économiques et sociaux » permet ensuite d’approcher des questions très contemporaines : le travail est-il toujours un facteur d’intégration sociale ? Quel est le fonctionnement du capitalisme ? Comment est-ce possible de le réguler ? Quelle place faut-il donner au marché ? La mondialisation est-elle source de bien-être ? etc. Enfin, un dernier chapitre analyse le langage comme « fait social », la religion et les croyances collectives, puis procède à une sociologie des sciences et à une rapide sociologie des institutions culturelles.
4Ce Manuel visuel de Sociologie est un outil qui fera le bonheur de nombreux étudiants (sa cible prioritaire), d’enseignants ou tout simplement des citoyens qui souhaitent évacuer un certain nombre de préjugés de leurs esprits. Mais, sauf pour quelques thématiques, il est d’abord une invitation à prolonger ses lectures sociologiques.
Pour citer cet article
Référence électronique
Éric Keslassy, « Frédéric Lebaron, Christophe Gaubert, Marie-Pierre Pouly, Manuel visuel de sociologie », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 12 septembre 2013, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/12122 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.12122
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