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Chloé Maurel (dir.), Essais d’Histoire globale

Aurélien Zaragori
Essais d'histoire globale
Chloé Maurel (dir.), Essais d'histoire globale, L'Harmattan, 2013, 226 p., ISBN : 978-2-336-29213-7.
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Texte intégral

1Fruit d’un séminaire d’histoire globale organisé depuis 2010 à l’École Normale Supérieure et à l’Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine, ce recueil rassemble dix contributions, introduites par Chloé Maurel, organisatrice de ces rencontres, et préfacées par Christophe Charle.

  • 1  Stavrianos Lefton Stavros A Global History of Man, Boston, Allyn & Bacon, 1963.
  • 2  William McNeill, The Rise of the West: A History of human Community, Chicago, University of Chicag (...)
  • 3  Jerry H. Bentley, Old World Encounters: Cross Cultural Contacts and Exchanges in the Modern Times, (...)
  • 4  Patrick Manning, Slave Trades 1500-1800: Globalization of Forced Labor, Aldershot, Variorum, 1996.
  • 5  Chloé Maurel, « La World/Global History : questions et débats » Vingtième Siècle, n° 104, 2009, pp (...)
  • 6  Pierre Grosser, « L’histoire mondiale/globale, une jeunesse exubérante mais difficile » Vingtième (...)
  • 7  Caroline Douki, Philippe Minard (dir.), « Histoire globale, histoires connectées », Revue d’Histoi (...)
  • 8  « Écrire l’histoire du monde », Le Débat, n° 154, mars-avril 2009.

2Histoire « sans frontière, sans territoire, sans chronologie, sans héros » (Christophe Charle), l’histoire globale, comme le rappelle Chloé Maurel, peut se réclamer de plusieurs filiations : l’histoire comparée prônée par Marc Bloch ; l’histoire universelle en vogue jusqu’aux années 1960 ; la world history américaine, des travaux de Leften Stavros Stravrianos1 et de William McNeill 2 à ceux de Jerry H. Bentley3 et Patrick Manning4 — ce dernier courant rencontrant ensuite la global history définie par Bruce Mazlish comme l’analyse historique de la globalization. Elle est longtemps restée confidentielle en France, à la différence des pays anglo-saxons et de l’Allemagne. Ayant découvert cette approche à la faveur d’un article d’Olivier Pétré-Grenouilleau dans Sciences Humaines en 2007, l’auteure organise un premier séminaire sur « L’Histoire globale du temps présent » dont elle synthétise les apports dans un article paru dans Vingtième siècle5, auquel répond celui de Pierre Grosser6. Des dossiers sont parus également dans la Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine7et Le Débat8. Une synthèse signée de l’auteure est annoncée chez Armand Colin.

  • 9  Laurent Testot (dir.) Histoire Globale. Un autre regard sur le monde, Paris, Ed. Sciences Humaines (...)

3Ce livre s’inscrit pour sa part plutôt dans la suite de recueils comprenant une série de déclinaisons d’histoire globale9. Les « essais » ainsi rassemblés sont autant des tentatives de montrer différentes facettes de l’histoire globale que des écrits réflexifs sur celle-ci.

4Le premier thème qui se prête à cette approche est celui de l’histoire de l’imprimé. Diana Cooper-Richet évoque la question des imprimés en langue étrangère : leur nature oblige à une étude transnationale de leur circulation et des acteurs de leur élaboration. Jean-Yves Mollier montre que l’histoire du livre et de l’édition s’est orientée dès les années 1950 vers une approche transnationale. La réalisation de synthèses nationales d’histoire de l’édition a lancé le débat sur l’échelle d’analyse la plus opportune. Les congrès d’histoire mondiale du livre, de l’édition et de la lecture de 2000, 2005 et 2010 ont défini des modèles de circulation mondiale des imprimés, et se sont intéressés à des thèmes comme le livre religieux, la propriété intellectuelle. Julien Hage étudie de son côté la circulation des imprimés politiques de forme brève (tracts, bulletins, affiches etc.), comme vecteurs de diffusion transnationale des idées. Brochures religieuses, tracts de propagande politique, imprimés proliférant en période de crise (l’affaire Dreyfus, les guerres mondiales etc.). Ces formes brèves ouvrent la voie à des recherches globales sur l’étude des procédés de politisation dont elles sont les vecteurs à destination des groupes de militants puis du public, les modes de littérarisation de l’expression politique, les circulations induites. Céline Giton montre que deux conceptions du livre se sont affrontées au sein de l’UNESCO, entre 1945 et 1975 : la conception française, élitiste et patrimoniale ; et la conception anglaise qui voit le livre comme indispensable au développement économique. L’UNESCO agit en direction des bibliothèques, distribue des « bons du livre » aux pays en voie de développement et crée une collection d’œuvres représentatives. Une convention internationale sur le droit d’auteur est signée en 1952. Cette politique a cependant selon l’auteure surtout contribué à diffuser les livres occidentaux.

5Cette contribution fait le lien avec le deuxième thème : les organisations internationales. Outre l’UNESCO, deux textes parlent de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Thomas Cayet s’intéresse aux continuités entre l’OIT et la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) dans la mise en place de « politiques sociales européennes ». Dans plusieurs domaines (traitement de la silicose etc.), la Haute Autorité de la CECA s’appuie sur des travaux menés par le Bureau International du Travail (BIT), secrétariat de l’OIT. Celle-ci, après le rejet en 1951 de son projet concernant les migrations internationales, se tourne vers la CECA et participe à la rédaction de la convention européenne sur la sécurité sociale des travailleurs migrants. Marieke Louis, pour sa part, replace l’agenda de l’OIT pour le travail décent lancé en 1999 dans une double stratégie de rénovation d’une OIT déstabilisée par la libéralisation des échanges et la chute du taux de syndicalisation, et de reconnaissance accrue de ses objectifs par les autres organisations du système des Nations Unies. Cette volonté de faire reconnaître quatre priorités sociales (les droits au travail, l’emploi, la protection sociale et le dialogue social) pose aussi la question de la régulation sociale de la mondialisation. Noël Bonhomme montre enfin que le G7, structure informelle de discussion entre chefs d’État, a été créé comme une tentative de réponse à la crise économique. Instrument de recherche d’un consensus entre les principaux États occidentaux, il a du affronter l’ambiguïté entre sa composition restreinte et l’objectif d’une prise de décision au niveau mondial. Malgré l’attachement des participants au caractère informel des discussions, il s’est institutionnalisé, chaque sommet étant précédé de réunions de préparation. Il joue aussi le rôle de rendez-vous pour d’autres acteurs qui se réunissent en marge du sommet comme les syndicats.

6Les quatre dernières contributions abordent d’autres thèmes. Olivier Pétré-Grenouilleau, s’intéressant au combat pour l’abolition de l’esclavage, plaide pour une histoire mondiale de ses acteurs et de leurs motivations, qui utiliserait une démarche compréhensive. L’historiographie actuelle, orientée vers la recherche d’un facteur unique, laisse de côté une partie de l’explication. En outre, le mouvement abolitionniste s’engage très tôt dans une logique de coopération internationale. Dans la deuxième partie de sa communication, Diana Cooper-Richet montre que l’histoire des mines et des mineurs doit être envisagée au plan transnational : installées de part et d’autre des frontières européennes, les mines ont suscité des circulations transnationales. Présentes aujourd’hui dans toutes les parties du monde, à tous les stades de leur développement, elles invitent à une réflexion à l’échelle mondiale. Stéphanie Sauget part de l’exemple des gares, au sein d’une historiographie ferroviaire traditionnellement nationale, pour étudier un phénomène de globalisation. Si le réseau ferroviaire français se développe en réaction à l’idée d’un « retard » par rapport à la Grande-Bretagne, les gares parisiennes représentent un modèle concurrent de celui de leurs homologues britanniques, notamment sur le plan architectural. Jean Copans retrace l’histoire de l’anthropologie et de l’ethnologie à la lumière du phénomène colonial. Les deux disciplines sont nées en situation coloniale. Malinowki, en 1922, est le premier à définir le modèle de l’enquête ethnologique de terrain — repris dans l’ethnologie française par Marcel Griaule. Anthropologie et ethnologie participent ensuite à la mise en valeur coloniale. La mutation apparue à la suite de Georges Balandier ne porte ses fruits que dans les années 1970. Quelques essais d’histoire critique de ces disciplines sont réalisés, mais côté français, seul Benoist de l’Étoile s’engage dans cette voie. Pour Jean Copans, la remise en cause ne doit pas amener à tomber dans le postcolonialisme.

7Les dix contributions s’efforcent de participer également à la réflexion sur l’histoire globale. Diana Cooper-Richet souligne que les deux thèmes qu’elle développe imposent de manière empirique l’utilisation d’un cadre transnational. C’est évidemment également le cas pour les études sur les organisations internationales, mais les bilans historiographiques établis par Stéphanie Sauget et Olivier Pétré-Grenouilleau montrent que le réflexe transnational s’est rarement imposé pour d’autres sujets. Face à la fragmentation qui en découle, ce dernier plaide pour des travaux comparatifs et Diana Cooper-Richet pour des travaux de synthèse, quitte à attirer des critiques des spécialistes des espaces nationaux. Elle pointe aussi les temporalités décalées qui peuvent apparaître par ces synthèses. Les recherches présentées ici insistent également sur l’analyse des circulations (de personnes, d’imprimés, d’idées etc.).

8Au-delà de l’apport ponctuel de chaque contribution à son domaine de recherche particulier, cet ouvrage vaut surtout par l’éventail de directions de recherche, de facettes de l’histoire globale ou de champs encore à explorer sous cet angle qu’il propose. En accoutumant son lecteur à penser au-delà des frontières de l’histoire nationale, il devrait stimuler nombre de recherches d’histoire globale.

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Notes

1  Stavrianos Lefton Stavros A Global History of Man, Boston, Allyn & Bacon, 1963.

2  William McNeill, The Rise of the West: A History of human Community, Chicago, University of Chicago Press, 1963.

3  Jerry H. Bentley, Old World Encounters: Cross Cultural Contacts and Exchanges in the Modern Times, New York, Oxford University Press, 1993.

4  Patrick Manning, Slave Trades 1500-1800: Globalization of Forced Labor, Aldershot, Variorum, 1996.

5  Chloé Maurel, « La World/Global History : questions et débats » Vingtième Siècle, n° 104, 2009, pp. 153-166.

6  Pierre Grosser, « L’histoire mondiale/globale, une jeunesse exubérante mais difficile » Vingtième siècle, n° 110, 2011, pp. 3-18.

7  Caroline Douki, Philippe Minard (dir.), « Histoire globale, histoires connectées », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, n° 54-4bis, 2007.

8  « Écrire l’histoire du monde », Le Débat, n° 154, mars-avril 2009.

9  Laurent Testot (dir.) Histoire Globale. Un autre regard sur le monde, Paris, Ed. Sciences Humaines, 2008 ; Philippe Norel et Laurent Testot, Une histoire du monde global, Paris, Éd. Sciences Humaines, 2012.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Aurélien Zaragori, « Chloé Maurel (dir.), Essais d’Histoire globale », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 26 juin 2013, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/11829 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.11829

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Rédacteur

Aurélien Zaragori

Doctorant en histoire contemporaine (Université Lyon III/UMR 5190 LARHRA). Sa thèse, sous la direction de Jean-Dominique Durand, porte sur les relations entre l’Organisation Internationale du Travail et les milieux chrétiens (1919-1969).

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