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AccueilLireLes comptes rendus2013Eric Letonturier (dir.), Les réseaux

Eric Letonturier (dir.), Les réseaux

Vivien Faraut
Les réseaux
Éric Letonturier (dir.), Les réseaux, Paris, CNRS, coll. « Les Essentiels d'Hermès », 2012, 224 p., ISBN : 978-2-271-07509-3.
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Texte intégral

  • 1  En septembre 2012 était organisé par le CNRS, la seconde école thématique d'analyse de réseaux. Un (...)

1Dans le domaine des SHS, l'intérêt pour la notion de réseau est visible dans diverses manifestations scientifiques réunissant des chercheurs issus de nombreuses disciplines (histoire, sociologie ou encore géographie et économie)1. L'ouvrage dirigé par E. Letonturier, entend contribuer à cette actualité. Les réseaux propose une synthèse de l'emploi de ce terme dans différents champs d'études. Un accent particulier est mis sur la question du réseau en sciences de la communication, sans pour autant négliger l'apport d'autres disciplines.

2L'introduction d'E. Letonturier définit les six concepts (circuler, interconnecter, représenter, mesurer, participer et communiquer) qui seront développés par la suite. Chacune des contributions étant avant tout un éclairage sur une notion particulière.

3La contribution de T. Paquot propose une réflexion sur la notion de réseau au regard des utopies. Il retient deux conceptions, singulièrement différentes, du réseau. D'une part, ceux qui l'intègrent, et d'autre part ceux qui le rejettent. Il fixe son attention sur les saint-simoniens car ils développent le plus l'idée de réseau dans leurs écrits. Ce dernier étant autant technique (développement des axes de communication) qu'idéologique (redistribution des richesses). Par la suite, l'auteur met l'accent sur la notion de rhizome qu'il définit comme étant « une figure proliférante, sans début ni fin » alors que le réseau aurait un début et une fin. Il finit par se demander, en perdant le fil rouge constitué par les utopies, si Internet ne serait pas un rhizome dans la mesure où l'on peut naviguer librement ; il s'appuie sur le cas des hackers informatiques pour étayer ses propos.

4Le développement d'Internet est au cœur de la contribution de Schaffer qui propose un historique du développement du Web. Des premières mises en réseau d'ordinateurs dans les années 1940-1950 (projet militaire SAGE) jusqu'au Web en passant par les projets SABRE (plateforme de réservation de billets d'avion) dans les années 1960 ; Arpanet (plateforme d'échange d'information entre universités américaines ; Cyclades en France), l'apport des différentes plateformes dans le développement d'un réseau mondial est très explicitement mis en avant par l'auteur. Cela l'entraîne à se demander, en guise de conclusion, quelles évolutions pour le futur de l'Internet ? Deux hypothèses sont soumises : l'internet comme autoroute de l'information ou comme objet de consommation.

5L'usage d'Internet comme objet de consommation est abordé par Lelu. Cet auteur propose une réflexion sur l'usage du web par les entreprises de marketing. Après avoir montré l'utilisation de l'analyse de réseaux dans différentes disciplines (informatique, physique par exemples), il souligne l'usage de cette technique à des fins commerciales. Le but étant de proposer au consommateur des produits en fonction des consultations qu'il fait sur le web. Sur le long terme, l'auteur note que l'analyse de réseaux sera plus axée sur la dimension temporelle. Cependant, il remarque que les chercheurs en SHS délaissent cette thématique.

6Les contributions de Dulong de Rosnay et de Formentraux illustrent deux utilisations possibles deux autres utilisations possibles du Web. Le premier propose une réflexion sur son utilisation comme espace de collaboration. Il constate qu'Internet permet une collaboration horizontal entre les différents intervenants, le coût de transaction étant quasi nul. Partir de ce postulat, l'auteur dresse une typologie des pratiques collaboratives : pratique dite pair-à-pair, réseau de production par les pairs sur la base de biens communs et réseau de production par les pairs contrôlés par des entreprises. Il s'agit de trois modèles collaboratifs dont l'auteur explicite clairement leur fonctionnement tant d'un point de vue pratique que législatif.

7L'usage d'internet comme moyen de communication est développée également par Formentaux. Cet auteur prend en compte les réseaux de création artistique de leurs prémices (1922, le Mail Art de l'artiste hongrois L. Moholy-Nagy) jusqu'à la création, en 1984, du Café Electronique par K. Galloway et S. Rabinowitz. Cet historique permet de mieux comprendre l'art réseau ; cette école artistique utilisant le téléphone et internet afin de créer des lieux virtuelles de discussion et de création.

8En parallèle de ces chapitres, un autre ensemble de contributions s’axe sur les modalités de développement des réseaux et les différentes questions qu’ils sous-tendent.

9C. Bouneau aborde la notion d’interconnexion dans le cadre des réseaux électriques en Europe. Elle note que ces derniers ne sont plus du ressort d’un seul État, l’électricité circulant entre pays. Fondement de la société actuelle, son développement est allé de pair avec le processus de construction européenne. Tout au long de sa contribution, elle livre quelques données factuelles et se pose la question de l'entité qui doit le gérer.

10La contribution de Laborie entend proposer une historiographie des réseaux. De F. Braudel se questionnant sur les modalités de circulation dans l’espace méditerranéen sous l’Ancien Régime, l’auteur liste les différentes périodes marquantes de l'études sur les réseaux : des travaux fondateurs de Caron sur les chemins de fer jusqu’au décloisonnement que connaît la recherche sur l’histoire des modalités de circulation, en passant par la création d'association entre historiens et entreprises (La Poste, EDF par exemples) permettant de mobiliser les archives de ces dernières. L’auteur soumet quelques pistes de recherche pour l’avenir des études sur les réseaux techniques et propose notamment une « histoire de la fabrique de la décision et de la démocratie ».

11La contribution de Perriault questionne le réseau en tant que créateur de frontière. S’appuyant sur deux exemples - le rôle des douanes au sein de l’Union Européenne et sur celui de la douane camerounaise dans le démantèlement d’un réseau de trafiquants de drogue-, l’auteur pointe les différentes dimensions des réseaux (il peut être frontière ou bien construit dans un but bien précis, l’espace qui est construit par les acteurs du réseau est entièrement contrôlé par ces derniers et le réseau a un caractère mobile). Enfin, l’auteur souligne que réseau et frontière se partagent deux caractéristiques communes : contrôle et territoire. Cependant, il note également les différents problèmes que les propriétés de ce réseaux peuvent poser : la gouvernance lorsqu’un réseau s’étend sur différents pays.

12L’utilisation du terme réseau est mobilisée en neurologie dans l’intervention d’Alexandre. Il présente le corps comme un vaste réseau en s’intéressant particulièrement au cerveau au centre de ce dernier. L'auteur démontre comment, à différentes échelles, le cerveau fonctionne par la mise en réseau de son plus petit composant : le neurone. Alexandre, en utilisant la notion de réseau, montre comment le réseau neuronal peut se lire à trois échelles : micro (celui du neurone), méso (circuits locaux composés de neurones) et macro (organisation cérébrale dans son ensemble).

13Si la plupart des interventions s’intéressent aux modalités pratiques de fonctionnement des réseaux, les contributions de M. Serres, Le Blanc, Lemieux et Valade proposent une réflexion plus théorique.

14Serres propose quelques éléments de compréhension de fonctionnement d’un réseau. Il met en avant l’idée que la conception d’un phénomène, par le prisme du réseau, permet de prendre du recul vis-à-vis de la notion de « flux causal » en démontrant qu’une cause peut être un effet.

15La contribution de Le Blanc a pour objet la question des graphes. Cela permet de modéliser une situation. Retraçant les travaux pionniers sur l’analyse de réseaux, Le Blanc souligne que toutes les expériences se sont axées sur la question de la connectivité entre les membres d’un réseau. Il souligne, cependant, que cette dernière fait couler beaucoup d'encre dans la communauté scientifique sans pour autant l'expliciter. Découlant de cette notion, il aborde, in fine, la notion de hub. Pour lui, l'inclusion d'un nouvel individu dans le réseau est marquée par un nombre important de connexions de ce dernier avec les autres membres.

16V. Lemieux, après avoir noté que le terme « réseau » est employé dans une infinité de cas, présente la notion de réseau social en sociologie, il la met en comparaison avec celle d'appareil. Après avoir fait état des conclusions de différents sociologues (Barnes, Kapferer et Le Moigne), Lemieux définit la différence entre réseau et appareil autour de quatre caractéristiques : l'environnement, les finalités du système, les activités en leur sein et la structure. Cette présentation établie, la différence entre les deux formes de système est des plus éclairantes pour le lecteur.

17La contribution de Valvade s'axe autour des « réseaux de sociabilité » dont l'auteur souligne qu'ils ont des propriétés similaires aux réseaux sociaux. Étudiés dès Georg Simmel, il note que les réseaux de sociabilité ont été étudiés principalement pour les classes populaires. Cependant, sans pour autant définir ce que sont ces réseaux, l'auteur précise qu'actuellement deux groupes de recherche les étudient : un d'orientation empirique, s'intéressant aux contenus des transactions internes, à la position des acteurs et aux connexions. Le second se revendiquant plus d'un héritage simmelien abordant ces réseaux par les formes des échanges, en s'appuyant sur la notion d’interactionnisme.

18En guise de conclusion, un entretien de D. Wolton, conduit par E. Letonturier, est proposé. Cet entretien est l'occasion d'aborder la notion de réseau dans la société actuelle, par le prisme des nouvelles techniques de communication. D. Wolton insiste sur trois points. L'identité pris par l'individu dans les différents réseaux dont il est membre est le point de départ de sa réflexion. A cet égard, il précise qu'un individu change d'identité selon le réseau dans lequel il est. De ce constat, découle un second point : le réseau est un élément qui favorise l'incommunication. Un individu, en appartenant à différents réseaux, va avoir accès à plus d'information. Cette abondance d'information va provoquer une césure avec ce qu'il rejette. De là, D. Wolton émet deux hypothèses quant à l'évolution des réseaux de communication : ils vont soit provoquer un repli identitaire, soit – phénomène inverse – favoriser une meilleur gestion de l'altérité.

19Deux bibliographies sont proposées au lecteur : une ponctuant chacune des contributions ; l'autre, sous forme de « bibliographie sélective », en fin de l'ouvrage. Nous ne pourrons que regretter que cette dernière soit justement trop sélective et aurait méritée d'être enrichie de quelques utiles références supplémentaires.

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Notes

1  En septembre 2012 était organisé par le CNRS, la seconde école thématique d'analyse de réseaux. Une autre forme de manifestation portant sur l'analyse de réseaux voir le groupe Flux, Matrice, Réseau (F.M.R.) : http://groupefmr.hypotheses.org.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Vivien Faraut, « Eric Letonturier (dir.), Les réseaux », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 23 janvier 2013, consulté le 07 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/10447 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.10447

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Rédacteur

Vivien Faraut

Doctorant allocataire-moniteur en histoire contemporaineCentre de la Méditerranée Moderne et Contemporaine (EA 1193), Université de Nice Sophia-Antipolis

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Droits d’auteur

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