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François Aballéa (dir.), Institutionnalisation, Désinstitutionalisation de l’intervention sociale

Abdia Touahria-Gaillard
Institutionnalisation, désinstitutionnalisation de l'intervention sociale
François Aballéa (dir.), Institutionnalisation, désinstitutionnalisation de l'intervention sociale, Toulouse, Octarès éditions, coll. « le travail en débat », 2012, 344 p., ISBN : 9782366300024.
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Texte intégral

1Cet ouvrage collectif est issu d’un colloque tenu à Rouen en 2009. Les réflexions produites lors de ces travaux et retravaillées pour l’ouvrage s’articulent autour de quatre interrogations majeures : l’intervention sociale se déprofessionnalise-t-elle ? Quelles formes (plurielles) prend le contrôle social ? Quel est l’effet des nouveaux modes de gestion des institutions sur l’intervention sociale ? N’assiste-t-on pas à l’émergence d’un nouveau mode d’intervention sociale et de régulation : le « social de compétition », basé sur un contournement des institutions et sur une concurrence exacerbée entre opérateurs de l’intervention sociale comme entre organismes de formation. »

2L’introduction générale de l’ouvrage revient sur la genèse des tensions qui traversent le champ de l’intervention sociale. A cette lecture, on comprend que l’intervention sociale a pris au cours des décennies de nouvelles formes : nouvelles modalités de mises en œuvres, nouveaux professionnels, nouvelles formations. Elle s’est professionnalisée et institutionnalisée dans la mesure où la recherche de reconnaissance de ces professions a amené ces dernières à chercher des appuis institutionnels pour renforcer davantage leur légitimité. Mais, parallèlement, s’observent des tensions entre les logiques professionnelles, à savoir celles produites par les acteurs de l’intervention sociale et les logiques institutionnelles, à savoir celles produites par les tutelles « employeuses » de ces professionnels. En effet, la légitimité et la reconnaissance acquises par le travail social invitent ce dernier à prendre de la distance vis-à-vis de ses tutelles et à revendiquer ses propres méthodes de travail et d’évaluation. Si un fragile équilibre entre ces groupes d’acteurs a été trouvé, il est aujourd’hui, pour une bonne part, remis en question. Toutefois, ces interrogations autour de l’intervention sociale et notamment celles qui concernent sa professionnalisation paraissent contradictoires : d’un côté on pointe la professionnalisation due à l’émergence de nouveaux métiers du social et de nouveaux publics. De l’autre, sa déprofessionnalisation qui serait l’œuvre des politiques de décentralisation, des pressions gestionnaires, des nouvelles formes de division du travail entre professionnels.

3De plus, les contradictions n’épargnent pas les institutions qui mettent en œuvre les politiques sociales car elles sont, d’une part, supposées être en déclin, et de l’autre disposer de davantage de « pouvoir normatif ». Ces deux visions apparemment différentes peuvent se lire au prisme d’une désinstitutionalisation qui, là encore, suit deux mouvements distincts : un mouvement de privatisation dont l’individualisme et la recherche d’autonomie des individus seraient les premières causes, et un mouvement de libéralisation dû notamment à la perte de force des idéologies et des systèmes normatifs.

4Malgré tout, peut-on déduire de ces reconfigurations que les institutions auraient perdu de leur force normative et de leur force de contrainte ? On constate au contraire, que ces nouveautés produisent à leur tour de nouveaux aménagements dont le présent ouvrage se propose d’en fournir des exemples.

5L’ouvrage se divise donc en quatre parties, chacune introduite par François Aballéa, coordinateur du livre. La première partie s’intitule « les vicissitudes de l’institution ». Pour mieux comprendre ce qui est en jeu derrière les mécanismes d’institutionnalisation et de désinstitutionalisation, et peut-être aussi pour mieux les qualifier, les auteurs proposent de visiter plusieurs champs où se jouent ces processus et de définir les catégories d’ « assurance, d’assistance et d’intervention sociale » au prisme desquelles sont appréhendés ces changements. Plutôt que de parler de désinstitutionalisation de la société ne vaudrait-il pas mieux parler de changement institutionnel et considérer une à une les institutions concernées par ce mouvement ? N’assiste-t-on pas à « l’épuisement de l’idée d’institution » ou s’agit-il d’une « individualisation de l’institution »? Jean-Paul Payet, quant à lui, nous invite à analyser au travers de la catégorie d’ « acteur faible » les institutions contemporaines pour saisir les logiques contradictoires qui y sont à l’œuvre.

6La deuxième partie s’intéresse aux phénomènes de professionnalisation et de déprofessionnalisation. Les transformations du champ du travail social ont bouleversé les professions et leurs organisations, transférant des méthodes du secteur marchand au monde de l’intervention sociale, réduisant les marges d’autonomie des professionnels et instaurant de nouveaux types d’interactions avec les publics. La nouvelle gestion publique, par exemple, induirait une « déprofessionalisalisation » et un sentiment de dépossession chez les assistants de service social en plus d’être perçue comme un outil de contrôle des usagers et des professionnels.

7Didier Vrancken propose trois hypothèses pour comprendre les transformations du champ du travail social et leurs liens avec les changements sociétaux : le passage d’un travail social d’intégration à un travail d’intermédiation, la société occidentale moderne devenue une « société du travail sur Soi », et troisièmement, en raison de ces changements, l’apparition de nouvelles « modalités institutionnelles ». Le texte de Christophe Trombert fournit un exemple aux démonstrations de Didier Vrancken. A travers son analyse de documents produits par des services sociaux, l’auteur démontre la prégnance d’un modèle social « auto disciplinaire ». De plus, les acteurs du travail social ne sont pas épargnés par des luttes concurrentielles : en effet, lorsque bénévoles et professionnels sont amenés à collaborer, la division du travail est parfois compliquée.

8Les sept contributions de la troisième partie proposent une réflexion sur la notion de contrôle social et sur son actualisation dans les institutions du social contemporaines au sein de nouvelles professions du « secteur périphérique » telles que les médiateurs sociaux par exemple. Par ailleurs, de « nouvelles normes du social » se construisent et se mettent en scène dans le cadre de commissions d’attributions de droits sociaux où professionnels et usagers sont mis en présence.

9La quatrième partie visite en sept contributions les thèmes du contournement et du détournement à l’œuvre dans l’intervention sociale. Il apparaît en effet plusieurs champs où contournement et détournement peuvent s’observer : les modes de financement (secteur marchand ou associations à but non lucratif bénéficiant de fonds publics), les modes de recrutement dans certains métiers où croît une « ethnicisation de l’intervention sociale », les modes de gestion et l’usage professionnel d’une informatisation des données individuelles et des parcours des usagers.

10Les vingt huit contributions, sans compter les introductions et la conclusion générale, qui composent cet ouvrage nourrissent par la variété de leurs matériaux empiriques et de leurs apports théoriques, les nombreuses questions relatives aux restructurations et aux bouleversements que traverse le champ de l’intervention sociale.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Abdia Touahria-Gaillard, « François Aballéa (dir.), Institutionnalisation, Désinstitutionalisation de l’intervention sociale », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 05 décembre 2012, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/10052 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.10052

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Rédacteur

Abdia Touahria-Gaillard

Doctorante au CMH. Chercheur contractuel au LISE.

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Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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