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Chronique des activités scientifiques
Revue des Livres
Comptes rendus et notices bibliographiques

Agalma ou les figurations de l’invisible

Vinciane Pirenne-Delforge
p. 404-405
Référence(s) :

Stéphan Dugast, Dominique Jaillard et Ivonne Manfrini (dir.), Agalma ou les figurations de l’invisible, Grenoble, Éditions Jérôme Millon, 2021. 1 vol. 16,1 × 24,1 cm, 478 p. ISBN : 978-2-84137-395-6.

Texte intégral

1Ce collectif fort de 26 contributions est le fruit d’un atelier comparatiste qui s’est déroulé au fil de différentes rencontres, sous la forme de séminaires et d’un colloque, dont le livre constitue une étape ultérieure, réflexive, sur les acquis des discussions antérieures. Le point de départ de cette réflexion partagée est la question de la figuration, à travers différents temps et différents espaces. Fidèles à l’esprit dans lequel Marcel Detienne a mené naguère ce type d’atelier, les directeurs de la publication qui en ont rédigé l’introduction parlent d’une « expérimentation comparatiste » autour de la notion d’agalma. La notion est un « opérateur heuristique privilégié » et un « embrayeur qui construit de la relation, de l’événement, du dispositif, du rituel » (p. 5). Même si le mot est grec — et plusieurs contributions l’analysent dans ses emplois en contexte grec —, la polysémie de ses usages, en Grèce même, en fait un opérateur susceptible d’être saisi par d’autres chercheurs que les seuls hellénistes. Jacques Lacan s’était déjà prêté au jeu de l’emprunt, en des méandres interprétatifs vertigineux pour le non initié (cf. la contribution de D. Arnoux, Agalma, Jacques Lacan. La rencontre). Mais ce sont surtout des historiens des religions et des anthropologues que rassemble le présent volume, conçu en quatre parties.

  • 1 I. Manfrini, Agalma versus statue. La figuration comme relation ; N. Lanérès, La notion d’agalma, (...)

2La première (« Vous avez dit agalma ? Une polymorphie à explorer »), outre l’article sur Lacan qui la referme, rassemble des contributions d’hellénistes qui étudient la notion dans son terreau grec1, ce qui forme en quelque sorte l’arrière-plan sémantique de l’exploration, en montrant les différentes dimensions de ce que les Grecs eux-mêmes nommaient ainsi. Sans qu’il y ait nécessairement convergence dans les conclusions de ces différents articles, ils dessinent un horizon d’attente, dont l’introduction au volume ressort la notion de dimension agalmatique d’objets, voire de contextes.

  • 2 D. Liberski-Bagnoud, L’éclat aveuglant du fétiche. À propos de la scène du pouvoir et de ses effe (...)

3La deuxième partie, intitulée « Prismes. Entre figuration et présence, l’agalmatique ? », s’ouvre à la comparaison en convoquant des études sur l’Afrique de l’Ouest, la Chine, l’Égypte, la Grèce, le monde catholique, le Mexique2. Les auteurs se sont efforcés de saisir la notion d’agalma et d’agalmatique pour arpenter leurs propres terrains, mais c’est surtout la « figuration de l’invisible » (un des mécanismes possibles de « l’agalmatique ») qui est le fil rouge de plusieurs articles dont les auteurs ont manifestement travaillé avec, en tête, la célèbre expression de Vernant, « présentifier l’invisible ».

  • 3 A.G. Wersinger, « Le visage de la bête ». Heidegger, les statues vivantes et la mise à mort ritue (...)
  • 4 D. Jaillard, Objet présentifiant et dispositif rituel. Le cas des semeia de Zeus Ktesios ; J.-J.  (...)

4La troisième partie (« Quand l’agalma reste la statue… »)3 revient en Grèce, avec les statues animées des discours philosophiques, de Platon à Heidegger, les dieux sous forme de statues sur la scène du théâtre, et des statues « automates » de la procession de Ptolémée II à Alexandrie, et elle se referme sur une incursion à Rome où la « reconnaissabilité » qui marque la relation des hommes entre eux concerne aussi l’identification des dieux par leurs insignia. Quant à la quatrième et dernière partie, elle prend en charge la question des « Dispositifs rituels », même si certaines études des parties précédentes allaient déjà dans ce sens4, et revient sur la « présentification de l’invisible », tant pour l’étude du rituel grec de fondation du « signe » de Zeus Ktesios, le dieu grec qui protège le patrimoine, que pour différentes facettes de la représentation du monde et des dieux en Mésopotamie. La figuration de certains génies au Burkina Faso et la portée du poteau sacrificiel dans l’Inde védique sont les deux thèmes qui referment à la fois cette partie et le volume lui-même.

5Cet ensemble foisonnant, auquel l’introduction offre une sorte de mode d’emploi bienvenu, reste très expérimental, en ce qu’il atteste à la fois la richesse et la difficulté de l’exercice comparatif dont il porte la trace. Le lecteur ou la lectrice des contributions singulières trouvera assurément de quoi nourrir sa réflexion sur tel ou tel aspect de la figuration de l’invisible dans bien des communautés éloignées les unes des autres dans l’espace et dans le temps. Et s’il ou elle prend la peine de croiser la lecture des différents dossiers, le terme opératoire d’agalma offrira une clé d’entrée féconde pour traverser les frontières.

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Notes

1 I. Manfrini, Agalma versus statue. La figuration comme relation ; N. Lanérès, La notion d’agalma, des origines au siècle d’Alexandre ; I. Patera, Ἄγαλμα : le terme et le concept ; N. Kéi, Fr. Lissarrague, Aglaa dôra : la rançon d’Hector et le système des objets ; Cl. Calame, Rendre la parole poétique visible et efficace : le poème-agalma comme parure et comme offrande (Pindare et Bacchylide) ; R. Koch Piettre, Pourquoi la tortue n’est pas un agalma ; Fr. Ildefonse, Ἄγλμα et θεός. Retour sur le dossier platonicien.

2 D. Liberski-Bagnoud, L’éclat aveuglant du fétiche. À propos de la scène du pouvoir et de ses effets de leurre (Afrique de l’Ouest) ; A. Névot, Figurer l’invisible, croiser le regard des dieux. Les tableaux talismaniques des Maîtres de la psalmodie ; S. Donnat, Mettre au monde les beautés du dieu. À propos de la construction de la présence divine dans l’Égypte ancienne ; Y. Volokhine, Sur la création des images vivantes et des statues en Égypte ancienne ; S. Macri, Quand la pierre perd sa matérialité. Pierres figurées et préfiguration de l’avenir dans les lapidaires grecs et romains ; A. Grand-Clément, L’étoffe des dieux. Les consécrations de vêtements dans le monde grec. Autour du culte d’Artémis Brauronia ; M. Albert-Llorca, Dans le monde catholique, déposer un vêtement dans un sanctuaire, le destiner à habiller la Vierge ; M. Giordano, Croyance et dieux statues ; C. Bernand, La notion d’agalma dans le miroir du Mexique.

3 A.G. Wersinger, « Le visage de la bête ». Heidegger, les statues vivantes et la mise à mort rituelle ; L. Bruit, Des statues divines sur le théâtre ; K. Morgan, Animating agalmata: The Philosophical Life as Art in Plato ; H. Fragaki, L’agalma automatique de Nysa ; M. Bettini, Insignia. Identité et construction sémiotique de l’image divine à Rome.

4 D. Jaillard, Objet présentifiant et dispositif rituel. Le cas des semeia de Zeus Ktesios ; J.-J. Glassner, Comment présentifier l’invisible ? L’exemple mésopotamien ; St. Dugast, Du pareil aux mêmes. La figuration des génies, entre divination et chasse (Bwaba du Burkina Faso) ; Ch. Malamoud, Vivant pilier. Remarques sur le poteau sacrificiel du rituel védique.

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Pour citer cet article

Référence papier

Vinciane Pirenne-Delforge, « Agalma ou les figurations de l’invisible »Kernos, 35 | 2022, 404-405.

Référence électronique

Vinciane Pirenne-Delforge, « Agalma ou les figurations de l’invisible »Kernos [En ligne], 35 | 2022, mis en ligne le 01 février 2024, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kernos/4494 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kernos.4494

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Auteur

Vinciane Pirenne-Delforge

Collège de France / ULiège

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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