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Chronique des activités scientifiques
Revue des livres
Comptes rendus et notices bibliographiques

À l’écoute des Muses en Grèce archaïque. La question de l’inspiration dans la poésie grecque à l’aube de notre civilisation

André Motte
p. 341-342
Référence(s) :

Camille Semenzato, À l’écoute des Muses en Grèce archaïque. La question de l’inspiration dans la poésie grecque à l’aube de notre civilisation, Berlin/Boston, De Gruyter, 2017. 1 vol. 15, 8 × 23, 4 cm, 395 p. ISBN : 978-3-11-053384-2.

Texte intégral

1Cet ouvrage remarquable est la version revue d’une thèse de doctorat qui a été soutenue en 2011 à l’Université de Lausanne et qu’a dirigée le professeur David Bouvier. On n’est pas surpris qu’une amie des Muses souhaite rajeunir quelque peu les appellations usées qui désignent habituellement les divisions de nos livres. De là, après une « Ouverture », les sept « Mouvements » que compte l’ouvrage et qui se terminent chacun par une « reprise », tandis que l’ensemble de l’exposé est clôturé par une « Finale ». Moins originales par leur intitulé, si l’on peut dire, mais à coup sûr bien précieuses, sont les quatre annexes jointes : une « Liste des occurrences musicales par auteur et corpus de textes », un « Index des vers traités », un « Index des notions grecques liées aux Muses » ainsi qu’une copieuse « Bibliographie », forte de plus de 600 titres. La table des matières figure au début de l’ouvrage.

2Les sept mouvements en question passent en revue toute la littérature poétique de l’époque archaïque, soit des origines à la fin du ve siècle, selon la distribution suivante qui ne retient évidemment que les auteurs faisant référence aux Muses : Homère, Hésiode, les hymnes homériques, huit poètes lyriques parmi lesquels Solon et Théognis, Pindare, Bacchylide, qui ont donc droit chacun à un « mouvement » particulier, et enfin, plus inattendu, deux poètes-philosophes, Parménide et Empédocle. C’est sur base du contexte, typiquement musical, au sens ancien du terme, qu’une place est faite, à juste titre, au somptueux prologue du philosophe d’Élée, bien que reste anonyme la déesse qui est censée l’inspirer.

3Le traitement de cette abondante matière est servi par une méthode philologique rigoureuse qui mérite de vifs éloges. Tous les passages des auteurs anciens qui font mention de la Muse ou des Muses, ou encore de noms divins ou d’expressions qui renvoient à coup sûr à ces déesses, sont systématiquement reproduits dans leur texte original, traduits et finement commentés. Au total, 22 auteurs sont cités et 229 passages étudiés. Les éditions des auteurs grecs sont judicieusement sélectionnées et, quand cela s’impose, les questions relatives à l’établissement du texte sont abordées. C.S. connaît bien aussi les principaux commentateurs modernes et elle fait souvent état de leurs contributions qui concernent sa recherche, soit pour les approuver, soit pour les critiquer, mais toujours avec mesure et bienveillance. Elle a l’art elle-même de poser aux textes les bonnes questions et s’efforce d’y répondre, non sans reconnaître au besoin les impasses auxquelles on peut être acculé. Deux mérites sont encore à souligner. D’une part, les nombreuses petites enquêtes sémantiques, opérées dans la littérature grecque pour affiner le sens du vocabulaire très riche que suscite l’évocation poétique des Muses et, d’autre part, s’agissant de ce vocabulaire, les comparaisons effectuées régulièrement entre les poètes, à la faveur des observations accumulées, opération qui contribue à souligner les particularités propres à chacun.

4Minutieuse, fine, opiniâtre, non sans une certaine austérité, mais pleine de petites trouvailles, l’enquête a produit des fruits fermes et abondants. Ils sont résumés dans la « Finale », centrée sur deux thématiques principales : d’une part la grande diversité et les ambiguïtés qui caractérisent les apports de chaque poète dans leur évocation des Muses et, d’autre part, la manière dont ces « chanteurs » conçoivent leur rapport à ces divinités. C.S. remarque à ce propos le changement important qu’a provoqué, à partir des épinicies de Pindare, le fait que les poèmes qu’inspire la Muse sont destinés ici non plus à honorer des dieux ou des héros, mais des hommes : les vainqueurs aux jeux ainsi que leurs protecteurs, lesquels sont aussi, il faut le souligner, les commanditaires des poèmes. D’où la tentation pour les poètes de se faire valoir, l’enjeu désormais étant notamment financier. Ce constat induit une question que C.S. pose, un peu sévèrement peut-être : le « prophète des Muses » que se dit Pindare, ne serait-il pas « plus intéressé que possédé » ? Le problème de la sincérité du poète et de la fiction littéraire est donc ainsi posé, et il l’est aussi pour d’autres auteurs. Mais, s’agissant de cette thématique délicate et, plus généralement, du phénomène de l’inspiration, on reste un peu sur sa faim, car, chez des poètes comme Hésiode et Pindare, où la matière abonde, il y aurait sans doute beaucoup à dire encore, pour peu qu’on déborde des textes qui se réfèrent explicitement aux Muses et auxquels se limite la présente étude. Mais il faut bien s’arrêter quelque part, et il est vrai que l’ouvrage offre déjà une base très riche et très solide pour comparer sur le sujet la période retenue ici et les époques qui l’ont suivie, et aussi pour confronter les apports littéraires recueillis aux quelques données cultuelles que l’on possède concernant le culte des Muses à l’époque archaïque. Il faut noter à ce propos qu’un certain nombre de poèmes étudiés sont destinés à accompagner des rituels.

5Ajoutons à ce bouquet de compliments que l’édition, reliée et cartonnée, est vraiment somptueuse, comme on peut s’y attendre chez de Gruyter, et qu’elle est aussi très soignée quant aux exigences formelles.

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Pour citer cet article

Référence papier

André Motte, « À l’écoute des Muses en Grèce archaïque. La question de l’inspiration dans la poésie grecque à l’aube de notre civilisation »Kernos, 32 | 2019, 341-342.

Référence électronique

André Motte, « À l’écoute des Muses en Grèce archaïque. La question de l’inspiration dans la poésie grecque à l’aube de notre civilisation »Kernos [En ligne], 32 | 2019, mis en ligne le 01 octobre 2019, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kernos/3175 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kernos.3175

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Auteur

André Motte

Université de Liège

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Droits d’auteur

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