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Dossier thématique : Pax. Pour une histoire de la paix romaine

Célébrer la paix à Rome et dans les provinces (Ier-IVe siècles apr. J.-C.) : monuments et titulatures impériales

Caroline Blonce
p. 109-128

Résumés

Cette étude a pour but d’examiner la manière dont la paix était célébrée à Rome et dans les provinces, et surtout sur la place qu’occupait la paix dans la construction de l’image de l’empereur. Ce qui nous intéresse ici n’est donc pas tant la célébration de la paix en elle-même mais la célébration de l’empereur en tant que « créateur » de la paix. Il s’agit donc de scruter l’apparition de ce thème dans l’épigraphie « officielle » et « semi-officielle » des hommages locaux, en étant attentif aux variations du vocabulaire, à la synchronie ou au contraire au décalage avec la présence de ce thème dans les autres types de sources (littéraires et numismatiques essentiellement).

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Texte intégral

  • 1 Hinard 1993, 64-66.
  • 2 Christol 1999 ; Hekster 2021, 92-97.
  • 3 Turcan 2011, 91-92.
  • 4 Christol 1999, 356 ; Turcan 2011, 86-87 ; Cornwell 2017, 121-154.

1La guerre occupe une place centrale dans l’activité des magistrats à Rome depuis l’époque républicaine1, et elle est aussi une composante majeure du « métier d’empereur »2. Parmi les rôles et les missions qui incombaient à l’empereur pour rendre légitime sa position à la tête de l’État, vaincre à la guerre et assurer la paix jouent un rôle primordial. Il s’agit d’assurer la paix à Rome, en Italie et dans les provinces, une paix interne à l’Empire donc, mais aussi, dans une moindre mesure, une paix aux frontières, avec les ennemis extérieurs à l’Empire3. Nous sommes donc ici autant dans le domaine du discours théorique qu’au niveau pratique des res gestae, des actes essentiels du règne, impliquant le prince dans sa vie quotidienne pourrait-on dire. Il paraissait donc intéressant, dans le cadre de ce colloque, d’étudier les monuments érigés à la suite de victoires, essentiellement les trophées et les arcs dits « de triomphe », ainsi que les hommages épigraphiques aux empereurs, afin d’évaluer comment ces contenus concrets et vécus de l’activité impériale étaient mis – ou non – en évidence, comment ils étaient représentés et comment ils étaient diffusés dans l’Empire. On est en effet en droit de penser que, pour la majorité des habitants de l’Empire, l’adhésion au pouvoir impérial devait se fonder sur les conséquences concrètes de la domination romaine, au premier rang desquelles figure la paix, qui résultait directement de l’action et de la politique impériales4.

  • 5 La plus ancienne attestation de la légende monétaire PAXS, associée à un buste féminin, se trouve a (...)

2Cela revient dès lors à s’interroger sur la manière dont la paix était célébrée à Rome et dans les provinces et sur la place qu’occupait la paix dans la construction de l’image de l’empereur. Ce qui nous intéresse ici n’est donc pas la célébration de la paix en elle-même mais la célébration de l’empereur en tant que « créateur » de la paix. Quels sont les mots et les images associés à cette action d’instauration de la paix ? Autant le dire tout de suite, l’étude des monuments et des inscriptions – précisons d’emblée que seules les inscriptions latines ont été dépouillées pour cette contribution – fait apparaître le paradoxe d’une paix dont la célébration paraît primordiale dans le discours impérial, mais qui est cependant peu visible dans le champ de l’action. Si Pax apparaît dans le monnayage à la fin de l’époque républicaine5, sa présence dans les monuments et les inscriptions est plus tardive et beaucoup moins évidente. En effet, ce qui s’impose dans un premier temps, de manière peu surprenante, est le fait que célébrer la paix, c’est d’abord célébrer la victoire de l’empereur. Ensuite, le décor figuré des monuments semble davantage mettre en images et célébrer les conséquences de la paix plutôt que la paix elle-même. La célébration de la paix se fait donc davantage par les mots, dans les inscriptions donc, que par les images – et c’est ce que nous verrons dans un troisième temps.

Célébrer la paix : célébrer d’abord la victoire de l’empereur

  • 6 CIL, V, 7817 (= Pline l’Ancien, NH, III, 130-137) ; AE, 1999, 995. Date : 7-6 av. J.-C.
  • 7 Sur le trophée et les difficultés posées par la restitution de son décor, voir Binninger 2006, 180- (...)
  • 8 Fornasier 2003, 147-149. Voir Picard 1957, 124, pour la différence entre trophées et amoncellements (...)
  • 9 Clavel-Lévêque & Lévêque 1982.
  • 10 Pour l’arc sévérien du forum, voir Brilliant 1967, 155-160. Pour l’arc de Constantin, voir Moine 20 (...)

3La célébration de la paix doit d’abord se comprendre comme étant en premier lieu la célébration de la victoire militaire de l’empereur. Sur les monuments érigés à l’occasion de victoires, trophées et arcs de triomphe, les dédicaces ne mentionnent pas la paix ni l’empereur comme pacificateur, mais mettent en avant la victoire remportée sur des peuples ennemis. La célèbre dédicace6 du trophée de La Turbie en est sans doute la meilleure illustration, qui énumère la liste de tous les peuples alpins vaincus par Tibère et Drusus pour le compte d’Auguste, à la toute fin du Ier siècle av. J.-C. Le décor sculpté du trophée, comme celui des arcs « de triomphe », qu’ils soient érigés à Rome ou dans les provinces, met en avant cette dimension militaire par une iconographie composée avant tout de frises d’armes, de trophées, de prisonniers et bien sûr de la divinité Victoria elle-même. Cette iconographie est constante du Ier au IVe siècle et illustre de manière évidente la prégnance de l’imaginaire guerrier associé au métier d’empereur. Les trophées d’armes se trouvaient sans doute en bonne place dans le décor du trophée de La Turbie7. Les amas d’armes constituent également une grande partie du décor sculpté de l’arc d’Orange, érigé au début du Ier siècle de notre ère8. La présence des ennemis vaincus, le plus souvent sous la forme de prisonniers, est également un thème récurrent du décor, tout au long de la période impériale. Ils sont particulièrement bien mis en évidence sur les reliefs des deux façades de l’arc de Glanum9. Sur les arcs érigés à Rome, ils constituent un élément canonique des bases des colonnes libres placées sur les façades principales. On les voit ainsi sur l’arc sévérien du forum romain dédié en 203 et sur l’arc de Constantin, dédié en 315. Dans les deux cas, les motifs sont quasiment identiques et semblent faire écho les uns aux autres10.

  • 11 Pour l’apparition et les variations de ce motif, voir Fornasier 2003, 155-158.
  • 12 Picard 1982, 193-194 ; Fornasier 2003, 156-158.
  • 13 Pfanner 1983, 79-81.
  • 14 De Maria 1988, 232-235.
  • 15 Voir Picard 1957, 455-457 (arc sévérien) et 484-487 (arc de Constantin) pour une analyse détaillée (...)
  • 16 Picard 1957, 484-485.

4Enfin, Victoria apparaît elle aussi en bonne place dans le décor de ces monuments11. Elle est le plus souvent représentée en vol, portant une palme ou un trophée, placée au niveau de la voûte de l’arc, soit sur la voûte elle-même, comme sur l’arc de Poitiers daté de la première moitié du Ier siècle apr. J.-C.12, soit – et c’est le plus souvent – au niveau des écoinçons encadrant la voûte. On la voit ainsi à Rome sur l’arc dédié à Titus divinisé à la fin du Ier siècle, où elle prend appui sur une sphère13 ; sur l’arc dédié à Trajan à Bénévent14 ; sur l’arc sévérien du forum romain et sur l’arc de Constantin, où elle prend place dans les écoinçons de la baie centrale (fig. 1 et 2)15. Victoria apparaît aussi sur les socles des colonnes libres, redoublant ainsi l’image des écoinçons. Elle est alors figurée debout, accompagnée de trophées ou de prisonniers, ou bien écrivant sur un bouclier. On la trouve ainsi figurée sur l’arc de Constantin16. La Victoire militaire apparaît donc bien, au propre comme au figuré, comme le socle du pouvoir impérial, au fondement de sa légitimité.

Fig. 1 – Écoinçons de la baie centrale de l’arc sévérien du forum romain

Fig. 1 – Écoinçons de la baie centrale de l’arc sévérien du forum romain

© C. Blonce

Fig. 2 – Écoinçons de la baie centrale de l’arc de Constantin

Fig. 2 – Écoinçons de la baie centrale de l’arc de Constantin

© C. Blonce

  • 17 Gros 1986, 191.

5Dans le contexte urbain de Rome, ces monuments célèbrent sans ambiguïté la gloire de l’empereur et manifestent sa légitimité à exercer le pouvoir. Dans les provinces, ces mêmes décors prennent une autre signification, et n’avaient sans doute pas le même sens, selon qu’ils étaient regardés par des provinciaux fraîchement conquis ou des colons de droit romain installés dans ces territoires. Arcs de triomphe et trophées y apparaissent alors comme des manifestations explicites de la soumission des provinciaux, tout en étant aussi des instruments d’identification. Leur présence est là pour rappeler que la paix et la prospérité qui en découlent sont issues de la défaite17.

Célébrer la paix : célébrer d’abord les conséquences plutôt que la paix elle-même

  • 18 Tacite, Vie d’Agricola, XXX, 7 : « Voler, massacrer, ravir, voilà ce que leur vocabulaire mensonger (...)

6La paix n’est donc jamais mentionnée ni représentée sur les monuments érigés en l’honneur des empereurs à la suite d’une victoire. C’est une iconographie martiale qui domine, et qui semble offrir une traduction visuelle de la célèbre formule de Tacite : Auferre, trucidare, rapere falsis nominibus imperium, atque ubi solitudinem faciunt, pacem appellant18. Néanmoins, les monuments de victoire mettent aussi en images, de manière peut-être moins perceptible à première vue, les conséquences positives de l’état de paix créé par la victoire militaire : si Pax n’apparaît pas, les bienfaits qui en découlent, Abundantia et Felicitas, sont quant à eux bien présents, par le biais de différentes allégories.

  • 19 Voir Brilliant 1967, 115-120 pour une description et une analyse comparée des trois arcs.
  • 20 Kleiner 1985, 83-84 ; Fornasier 2003, 156. Sur ce thème présent dès l’époque augustéenne, voir Ibba (...)
  • 21 Brilliant 1967, 129-135.
  • 22 Pour Picard 1957, 411-415, leur présence souligne le caractère cosmique de la uirtus impériale.

7Les Génies des Saisons et le thème de l’eau apparaissent comme les principales manifestations iconographiques des bienfaits de la paix. Les Génies des Saisons sont présents sous les Victoires dans les écoinçons de la baie de la façade sud de l’arc de Trajan à Bénévent, dans ceux de la baie centrale de l’arc sévérien du forum romain, ainsi que sur l’arc de Constantin (fig. 1 et 2)19. Sur l’arc sévérien, on reconnaît l’Hiver et le Printemps sur la façade est, l’Été et l’Automne sur la façade ouest. Sur l’arc de Constantin, on reconnaît l’Hiver et le Printemps sur la façade nord, l’Été et l’Automne sur la façade sud. Leur présence évoque la Felicitas temporum, le bon déroulement du cycle des saisons permis par la pax romana, et l’abondance qui en découle. Le thème de l’eau est attesté par la présence d’allégories fluviales dans les écoinçons. On trouve les fleuves dans les écoinçons de la baie de la façade nord de l’arc de Bénévent, où ils sont associés aux Génie des Saisons. Ils sont parfois interprétés comme Oceanus et Tellus, symboles de la domination de l’empereur sur terre comme sur mer (terra marique)20. On les trouve aussi dans les écoinçons des baies latérales de l’arc sévérien du forum romain, ainsi que sur l’arc de Constantin21. Dans les deux cas, ces divinités fluviales, assises sur un fond rocheux, entourées de roseaux, demeurent non identifiées22. Il ne faut donc pas y chercher à tout prix des références topographiques. C’est au contraire leur caractère générique qui importe ici. Comme les Génies des Saisons, leur présence évoque à mon sens les conséquences de la victoire, c’est-à-dire la paix, qui permet l’abondance de cette eau bienfaisante.

  • 23 Concernant ces médaillons, leur très mauvais état de conservation rend leur identification difficil (...)
  • 24 Les niches situées dans la partie inférieure des piles servaient de mur de fond à une petite fontai (...)
  • 25 Domergue 1963, 289.
  • 26 IAM, 390-391 (216-217 apr. J.-C.) : Imp(eratori) Caes(ari) M(arco) [A]ur[ellio Anto]nino Pio Felici (...)
  • 27 Pour une analyse du décor de l’arc en lien avec la dédicace, voir Blonce 2015, 148-149.

8Ces thèmes sont évidemment repris et diffusés dans les provinces. Le décor de l’arc dédié à Caracalla et à Julia Domna à Volubilis en 216-217 apr. J.-C. en offre une synthèse, en mettant en scène l’abondance et la prospérité permises par la paix issue de la victoire militaire. Ce décor est de nos jours très mutilé, mais on peut voir qu’il était composé de frises d’armes, de Victoires et de médaillons ornés des Génies des Saisons23. Des fontaines placées à la base des piles de l’arc24, sur les deux façades principales, viennent compléter le décor sculpté, l’eau vive incarnant la fertilité qui découle, au sens propre, de la paix romaine. Dans la restitution du décor qui a été proposée par Claude Domergue25, on voit que les médaillons des Saisons prenaient place sur l’attique, surplombant ainsi les reliefs d’armes. La Felicitas et l’Abundantia constituent bien ainsi les principaux résultats de l’action militaire et les manifestations concrètes de la paix – même si celle-ci, encore une fois, n’est jamais mentionnée ni représentée pour elle-même. En contrepoint de ce décor, la dédicace de l’arc26 évoque à la fois le caractère militaire de l’empereur, Caracalla étant représenté au sommet de l’édifice dans un char tiré par six chevaux, et les bienfaits accordés par ce dernier à la cité du fait de son indulgentia27.

  • 28 Sur l’indulgentia, voir Corbier 1992 ; Pietanza 2009 ; Blonce 2022. Sur la prouidentia, voir Martin (...)
  • 29 CIL, XIII, 9034 ; XVII, 2, 513 ; ILTG, 487, l. 9-13 : prin[c]ep[s p]a[cator] / [o]rbi[s] uias / [et (...)
  • 30 AE, 1924, 19 ; CIL, XVII, 2, 548, l. 9-11 : pacator / orbis ponte[s e]t uias / uetust[ate coll]ap[s (...)
  • 31 AE, 1996, 1141, l. 8-10 : [Magn(us) princeps pacato]r orbis / [uias et pontes uetustate] conlap[s]a (...)
  • 32 CIL, XIII, 9061 ; XVII, 2, 126, l. 7-9 : pacator / orbis uias et pontes uetustate / collaps(os) res (...)
  • 33 CIL, XVII, 2, 501, l. 7-9 : pac(ator) orb(is) [uias] / [et pon]t(es) uetust[ate] / [collaps(os)] re (...)
  • 34 CIL, XIII, 9072 ; XVII, 2, 666 ; AE, 2013, 1139, l. 9-11 : pacator orb(is) uias et / pont(es) uetus (...)
  • 35 CIL, XIII, 9068 ; XVII, 2, 674, l. 6-7 : pac(ator) orb(is) uias et pont(es) u[etust(ate)] / colla[p (...)
  • 36 Martin 1982, 402-405.

9L’indulgentia et la prouidentia de l’empereur peuvent être, de fait, elles aussi interprétées comme des manifestations concrètes de la paix, résultant de l’action de l’empereur28. Maintien de la paix et souci pour les provinces apparaissent ainsi liés. Un ensemble de bornes milliaires au nom de Caracalla, érigées en 213 apr. J.-C. dans les provinces de Gaule Belgique et de Germanie supérieure, semble l’illustrer de manière tout à fait exemplaire. Il s’agit d’un dossier de sept bornes milliaires faisant état de la réfection des routes par Caracalla. Cette opération de grande ampleur a pour contexte la campagne menée contre les Alamans, lors de laquelle l’empereur remporte une victoire le 6 octobre 213, ce qui lui confère le titre de Germanicus. Deux bornes sont attestées pour la Gaule Belgique : l’une à Juvigny29, l’autre à Trèves30. Les cinq autres sont réparties sur le territoire de la Germanie supérieure, à Augst31, Lousonna32, Urba33, Salodurum34 et Montagny-la-Ville35. L’aspect concerté de l’opération apparaît bien dans le formulaire qui est identique d’une inscription à l’autre : l’empereur a fait restaurer les routes et les ponts qui s’étaient effondrés du fait de leur vétusté (uias et pontes uetustate collapsos restituit). Cette opération apparaît à première vue liée au contexte militaire, la réfection des routes devant servir au déplacement de l’armée. Mais le texte des bornes est tout à fait révélateur, en ce qu’il associe directement la prouidentia de l’empereur qui restaure les routes à son rôle de pacator orbis36. La pacification du monde peut ainsi se comprendre de deux manières, d’abord par la défaite infligée aux peuples germaniques par l’empereur, à l’extérieur de l’Empire, mais aussi par son action restauratrice à l’intérieur de l’Empire. En restaurant les routes, il ne s’agit pas seulement de permettre le déplacement de l’armée, mais aussi celui des marchandises et des hommes.

10À l’issue de ce rapide panorama iconographique, il ressort que felicitas et abundantia, indulgentia et prouidentia peuvent donc être comprises comme autant de manifestations concrètes de la paix, qui permettent de l’évoquer sans la mentionner. Nous avons donc là une iconographie indirecte de la paix issue de l’action impériale, qui témoigne du fait que, contrairement aux monnaies, les monuments publics n’ont pas été pensés comme des supports privilégiés de sa diffusion.

Célébrer la paix : les mots plutôt que les images

11À défaut d’être explicitement montrée, c’est par les mots, dans les inscriptions, que la paix trouve sa place dans le discours impérial, comme nous venons de le voir avec l’exemple de Caracalla. Mais il semble que c’est uniquement en ayant conscience de cette grammaire visuelle largement partagée et répandue dans l’Empire entre le Ier et le IVe siècle que l’on peut le mieux mesurer l’impact des mentions de la paix dans les titulatures impériales.

  • 37 Sur cette notion, voir Lefebvre 2003 ; Christol 2016a, 43-44 ; Benoist 2015, 331 ; 2016 et 2021, 69 (...)
  • 38 L’ensemble des sources a en effet été particulièrement bien étudié par Ibba & Mastino 2012.

12Comme il a été précisé en introduction, seules les inscriptions latines ont été prises en considération pour cette étude. L’étude des titulatures impériales permet en effet d’envisager à la fois la construction et la réception des discours officiels, leur diffusion dans les cités de l’Empire via les statues et les monuments. Il s’agit donc de scruter l’apparition du thème de la paix – plus précisément celui de l’empereur « créateur » de paix – dans l’épigraphie « officielle » et « semi-officielle » des hommages locaux37, en étant attentif aux variations du vocabulaire, à la synchronie ou au contraire au décalage avec la présence de ce thème dans les autres types de sources (littéraires et numismatiques essentiellement)38. Concernant les inscriptions donc, les références directes à l’action pacificatrice de l’empereur apparaissent uniquement sur des bases de statues honorifiques et des bornes milliaires.

  • 39 Chastagnol 2008, 143-145, étudie l’expression des thèmes de la pacification, de la sécurité et de l (...)
  • 40 Ibba & Mastino 2012, 146 et 156-157.
  • 41 CIL, II, 3732 ; II² / 14, 13 (p. 980) ; AE, 2012, 51 : [Ca]es(ari) T(ito) Imp(eratori) / Vespasiano (...)
  • 42 Voir Ibba & Mastino 2012, 164-166 pour l’ensemble des sources littéraires, numismatiques et épigrap (...)

13Le premier type de formule mentionne directement pax et l’empereur comme défenseur, conservateur, fondateur ou restaurateur de la paix (defensor pacis, conseruator pacis, restitutor pacis, fundator pacis)39. Curieusement, cette formulation est attestée épigraphiquement pour la première fois sous les Flaviens – force est de constater l’absence totale de ce thème dans les hommages épigraphiques à Auguste et aux Julio-Claudiens, alors qu’il fleurit dans la littérature augustéenne et apparaît dans le monnayage sous Néron40. Il s’agit d’un hommage provenant de Valence en Hispanie Citérieure, adressé non pas à Vespasien, mais à Titus et le qualifiant de conseruator pacis Augustae41. Le texte étant daté entre 69 et 79, probablement dans les premières années du règne de Vespasien, ce titre fait directement référence à la fin des guerres civiles et peut-être aussi à la victoire sur la Judée : serait-il possible de la dater de 71, en lien avec la célébration du triomphe sur la Judée par l’empereur et son fils ? Il est frappant en tout cas de constater que, dans un contexte de célébration de la paix tant à Rome (songeons à la construction du templum Pacis) que dans les provinces42, une seule inscription met en mots l’action de l’empereur comme garant de cet état de paix.

  • 43 CIL, VII, 17214 ; ILAlg, I, 869 (Thagaste, Proconsulaire).
  • 44 CIL, XIII, 8895 ; XVII, 2, 369 ; ILA-Petr, 151.
  • 45 Kienast, Eck & Heil 2017, 243.
  • 46 CIL, III, 5810 ; ILS, 618 ; AE, 1972, 358.
  • 47 AE, 1934, 8 : Iuuentutis auctorem et pacis / aeternae conseruatorem / d(ominum) n(ostrum) Fl(auium) (...)
  • 48 AE, 2008, 1569, l. 1-2 : Restitutoribus orbis terrarum fundatoribus ubique / pacis domatoribus uniu (...)
  • 49 CIL, VI, 1132 (293-305 apr. J.-C.).
  • 50 CIL, VI, 1145-1146.
  • 51 AE, 2015, 1838.
  • 52 L’emploi de quies au sens de paix est attesté dans les sources littéraires chez César, BC, 3, 57, 4 (...)
  • 53 CIL, XI, 9, l. 1-3 : Propagatori Roma/ni imperii f[u]ndato[ri] / quietis publicae.
  • 54 EE, VIII, 2, 117, l. 1-4 : Pacis et Quietis / auctori, libertatis / restitutori et uictori / hostiu (...)
  • 55 CIL, III, 17 = 6585, l. 1 : Defensori quietis publicae.
  • 56 CIL, VI, 1139.
  • 57 Pour une étude des thèmes du discours impérial au début du règne de Constantin, voir Benoist 2015 e (...)
  • 58 Une ultime utilisation de quies au sens de paix est attestée dans la dédicace de la colonne de Phoc (...)
  • 59 CIL, XI, 6632.
  • 60 CIL, XI, 6625.
  • 61 AE, 1975, 358 ; 1978, 290 ; 1980, 380.
  • 62 AE, 2014, 1245a (Caber) ; AE, 2002, 1413 (Hierapolis).
  • 63 CIL, XI, 6627a, l. 1-3 : [Fundat]orib(us) pacis / [et conseru]atorib(us) / [imperii R]omani[- - -].
  • 64 Corinth, VIII, 3, 506 = Corinth, VIII, 2, 26 = AE, 1986, 631, l. 1-2 : Reparatori R[o]manae rei f[u (...)

14La formule ne se rencontre ensuite qu’à l’époque sévérienne, dans la titulature de Septime Sévère, sur une base de statue dédiée à son épouse Julia Domna, datée de 197-198 apr. J.-C.43. L’empereur y est qualifié de restitutor pacis publicae, « restaurateur de la paix publique », là encore à l’issue d’une période de guerre civile doublée d’une guerre contre un ennemi extérieur, en l’occurrence les Parthes. Une variante de cette formule peut être trouvée sur une borne milliaire de Vesunna, l’actuelle Périgueux44, dédiée à Florien, qui y est qualifié de dominus orbis et pacis, « maître du monde et de la paix ». Cette formule est d’autant plus savoureuse que Florien n’a régné que quelques mois, de juillet à septembre 276 apr. J.-C.45. C’est véritablement à partir du règne de Dioclétien et sous la tétrarchie que la formule, avec là encore plusieurs variantes, connaît sa plus grande diffusion. Elle est attribuée aux Augustes ou aux Césars individuellement comme à l’ensemble du collège impérial. Dès 290, Dioclétien est qualifié de fundator pacis aeternae, « fondateur de la paix éternelle », dans une inscription d’Augsbourg46. En Égypte, deux inscriptions de Thèbes47 honorent le César Constance Chlore en 308-309 du titre de conseruator pacis aeternae, puis l’Auguste Galère de propagator pacis aeternae entre 305 et 311 apr. J.-C. Enfin, une inscription d’Augustopolis, en Arabie, attribue le titre de fundator ubique pacis à l’ensemble du collège tétrarchique, dans un texte à la tonalité guerrière affirmée48. De ce point de vue, Constantin se place dans la continuité de l’époque tétrarchique, car l’on retrouve le formulaire tout au long de son règne. À l’instar de son père Constance, qualifié de fundator pacis dans une inscription de Rome49, Constantin reçoit à de multiples reprises ce même titre dans des inscriptions de Rome50 et des provinces, par exemple à Mustis en Proconsulaire51. Il faut souligner cependant une originalité propre au seul règne de Constantin : celle de l’emploi, dans un petit nombre d’inscriptions, du terme quies pour désigner la paix. Le terme quies désigne en premier lieu le calme, le repos, le sommeil ; de là, il peut être employé pour désigner l’absence d’activité, l’inaction, mais aussi l’état de paix et de tranquillité52. Il apparaît ainsi comme un équivalent, sans être un synonyme parfait, de pax. On le voit ainsi à Ravenne53, à Bracara Augusta en Hispanie Citérieure54 et à Alexandrie en Égypte55. L’utilisation de ce terme semble être un écho direct à la formule Fundatori Quietis présente sur l’un des reliefs du passage central de l’arc dédié à Constantin à Rome en 315 apr. J.-C.56. Nous sommes donc ici en présence d’un vocabulaire spécifique au discours impérial élaboré au début du règne personnel de Constantin en Occident, suite à la défaite de Maxence57. C’est sans doute ce qui explique que le terme quies ait connu une diffusion limitée et n’ait pas été réutilisé par la suite58. Si Constantin apparaît donc comme le « fondateur de la paix », son fils et successeur Constance en apparaît comme le « défenseur » (defensor pacis) dans plusieurs inscriptions italiennes, à Pisaurum59 et Fanum Fortunae60 en Ombrie, et à San Ginesio dans le Picenum61, vraisemblablement dans les années qui ont suivi sa victoire sur Magnence. Deux milliaires de la province d’Asie62 attestent que l’empereur a également porté celui de fundator pacis aeternae. Enfin, cette formule connaît deux dernières attestations, l’une à Fanum Fortunae en Ombrie63 pour Valentinien et Valens dans les années 364-367 ; l’autre à Corinthe64 pour Théodose dans les années 393-395 apr. J.-C.

  • 65 Voir par exemple Manders 2012, 199-205, sur la représentation de Pax dans le monnayage au IIIe sièc (...)
  • 66 L’adjectif pacifer est rare dans les inscriptions et employé uniquement pour des divinités : RIB, I (...)

15De ce premier tour d’horizon, on peut retenir une sorte de paradoxe : bien qu’attesté du Ier siècle jusqu’à la toute fin du IVe siècle, le lien direct entre la paix et l’empereur est finalement peu présent dans l’épigraphie officielle, à la différence des monnaies65. L’utilisation des titres de conseruator pacis ou fundator pacis apparaît liée à des moments précis, en particulier à l’avènement des empereurs à l’issue de guerres civiles, que ce soient les Flaviens, Septime Sévère ou Constantin. On remarque également l’association de la paix à l’idée de conservation et de réparation de l’Empire, car le titre de conseruator / defensor / fundator pacis est souvent associé à celui de propagator / conseruator imperii, et de manière encore plus explicite à la fin de l’Empire à celui de reparator romanae rei, dans l’hommage à Théodose provenant de Corinthe. Néanmoins, il existe une autre manière d’associer l’empereur à la paix, par l’emploi d’adjectifs ajoutés à sa titulature, soulignant son action de pacificateur : il s’agit de pacator, ou bien du superlatif pacatissimus, ou bien celui, plus rare, de pacificus66.

  • 67 Voir Daguet-Gagey 2022.
  • 68 Ibba & Mastino 2012, 174 : première attestation en 192, dans un contexte d’incertitude politique et (...)
  • 69 AE, 1928, 86 = 2002, 1501 (193 apr. J.-C.).
  • 70 CIL, XIV, 3449 (ILS, 400) ; AE, 1999, 125 (192 apr. J.-C.).
  • 71 IANice, 12 ; ILAM, 166 (192 apr. J.-C.).
  • 72 Rosso 2006, 290 (192 apr. J.-C.).
  • 73 AE, 1977, 772 (191-192 apr. J.-C.).
  • 74 Voir par exemple RIC, III, 250-254. Cf. Martin, 1982, 361-362 ; Ibba & Mastino 2012, 177-178 et Gan (...)
  • 75 Sénèque, Ben., I, 13, 3 : Hercules […] terrarum marisque pacator.

16Pacator est le titre qui revient le plus souvent dans les inscriptions67. Mais, de manière cohérente avec ce que nous avons vu précédemment, le thème n’est pour ainsi dire pas exploité dans l’épigraphie officielle au Ier siècle, ni au IIe siècle, jusqu’au règne de Commode. La formule pacator orbis est intégrée à la titulature de Commode dans les dernières années de son règne68. Nous en avons deux attestations certaines, à Doura Europos69 et à Tréba en Ombrie70. Trois autres attestations, à Cimiez71, Nice72 et Corinthe73, demeurent incertaines car le titre est restitué dans une lacune. L’introduction de ce titre dans la titulature de Commode est à mettre directement en relation avec l’identification de l’empereur à Hercule, particulièrement poussée à la fin de son règne, comme en témoignent le monnayage et la statuaire74. De fait, la formule pacator orbis renvoie explicitement aux exploits du héros, comme on le voit déjà chez Sénèque au Ier siècle75. Dans la fameuse statue représentant Commode en Hercule, les cornes d’abondance qui soutiennent le buste symbolisent la prospérité issue de la paix, paix qui est permise par l’action bénéfique de l’empereur-héros. La massue, symbole des exploits du héros, devient le symbole de l’empereur pacator et cosmocrator.

  • 76 CIL, II, 2124 ; II² / 7, 60.
  • 77 CIL, II, 1969, l. 5-7 : pacatoris orbis / et fundatoris / imperii Romani.
  • 78 CIL, II, 1669 ; II² / 5, 74 (pour Caracallla) ; CIL, II, 1670 ; II² / 5, 75 (pour Geta).
  • 79 CIL, VIII, 21613 = AE, 1894, 15, l. 6-8 : pacatoris orbis / et fundatoris / imperi Romani.
  • 80 AE, 1999, 1844 (hommage à Septime Sévère divinisé).
  • 81 CIL, II² / 5, 76 (hommage à Geta daté de 211-212 apr. J.-C.).
  • 82 Voir sur ce point Christol 2016a et 2022.
  • 83 CIL, VI, 1033 = 31230 (203 apr. J.-C.)
  • 84 Ibba & Mastino 2012, 178-179.
  • 85 RIC, IV, 45 ; BMC, V, p. 34, 83. Sur Mars Pacator dans le monnayage impérial, cf. Manders 2012, 119 (...)
  • 86 RIC, IV, 282. Sur Sol Pacator dans le monnayage impérial, cf. Manders 2012, 130.
  • 87 AE, 1894, 139.
  • 88 CIL, II, 1671 ; II² / 5, 77.
  • 89 CIL, II² / 5, 1028 ; HEp, 1997, 888.
  • 90 CIL, XIII, 6803.
  • 91 Ibba & Mastino 2012, 183 ; Gangloff 2019, 336-337.

17La formule est ensuite reprise dans la titulature de Septime Sévère. C’est ici sans doute une manière d’afficher la continuité entre les deux règnes, après l’intermède des guerres civiles, Septime Sévère se présentant comme fils de Marc Aurèle et frère de Commode. Il y a cependant peu d’attestations épigraphiques, la majorité se concentrant dans la péninsule Ibérique. La première attestation est une dédicace au seul Septime Sévère d’Isturgi, datée de 197-198 apr. J.-C.76. À Malaca77 et à Tucci78, en Bétique, il s’agit de dédicaces aux fils de l’empereur, Caracalla et Geta, dans lesquelles Septime Sévère est qualifié de pacator orbis. Il en va de même dans la seule inscription non hispanique, provenant de Portus Magnus en Maurétanie Césarienne79. Deux autres inscriptions, l’une de Mustis en Afrique proconsulaire80 et l’autre de Tucci81, présentent encore une fois la formule pacator orbis dans la titulature de Septime Sévère, mais cette fois-ci après la mort et la divinisation de l’empereur. Au total, la moisson paraît maigre. On aurait pu s’attendre à une diffusion plus ample du titre dans l’épigraphie officielle, dans le contexte de l’affirmation du pouvoir de Septime Sévère dans les premières années de son règne82. Les inscriptions de Malaca et de Portus Magnus semblent toutefois offrir un écho à la dédicace de l’arc sévérien du forum romain83, dans un balancement pacator orbis / ob rem publicam restitutam et fundator imperi Romani / ob imperium populi Romani propagatum. Peu d’inscriptions donc, mais en revanche, l’expression pacator orbis ou bien le mot pacator seul sont très fréquents dans le monnayage sévérien84, où ils apparaissent le plus souvent associés à Mars85, mais aussi à Sol86. À la suite de son père, Caracalla fait aussi figurer la formule pacator orbis dans sa titulature. C’est d’ailleurs pour lui que nous avons le plus d’attestations, notamment à cause du dossier des bornes milliaires de Belgique et de Germanie que nous avons déjà évoqué. En plus de ces bornes milliaires, le titre est attesté sur des bases honorifiques à El Aouinet en Numidie87, à nouveau à Tucci en Bétique88, ainsi qu’à Urso dans cette même province89. La dernière attestation, une dédicace de Mayence, demeure hypothétique car le titre est restitué dans la lacune90. Caracalla se place ainsi dans une double filiation, bien évidemment celle de son père, mais aussi celle de Commode, avec qui il partage la fascination pour Hercule91. Les règnes successifs de Commode, Septime Sévère et Caracalla offrent de ce fait la plus grande floraison de l’utilisation de la paix dans la construction de l’image de l’empereur au travers de sa titulature et de sa diffusion épigraphique dans les provinces. Commode apparaît bien comme celui qui l’a mise au premier plan, Septime Sévère et Caracalla ne faisant que prolonger en quelque sorte cette titulature commodienne.

  • 92 Ibba & Mastino 2012, 191-193 : l’échec de Valérien face aux Perses aurait conduit à l’abandon du ti (...)
  • 93 CIL, VIII, 22185.
  • 94 CIL, XII, 5549 ; XVII, 2, 160 ; ILN, 8, 81, l. 6-8 : proco(n)[s(ul) pacator et res] / [titut]or orb (...)
  • 95 CIL, XII, 5561 ; XVII, 2, 172 ; ILN, 5, 3, 912, l. 1-3 : Pacatori / et resti(tu)to/ri orbis.
  • 96 SHA, Aur., XXXII, 4-XXXIV ; cf. Destephen 2021, 35-36.
  • 97 RIC, 6 (pacator orbis) ; 290 ; 294 ; 389 (restitutor orbis). Cf. Loriot & Nony 1997, 99.
  • 98 AE, 2012, 1898 (Jeddara) ; CIL, VIII, 22106 ; ILTun, 1732 (Seba Regoud) ; CIL, VIII, 22122 (Meyala) (...)
  • 99 BCTH, 1928-1929, p. 369 (Thacia) ; CIL, VIII, 10088 = 22096 ; ILTun, 1732 (Sicca Veneria) ; CIL, VI (...)
  • 100 CIL, VIII, 10089 = 22177 ; ILTun, 1733 (Sicca Veneria).
  • 101 Ibba & Mastino 2012, 195-196. Dans le même contexte apparaît pour la première fois l’appellation pe (...)

18Pacator orbis connaît ensuite une éclipse et ne revient que sous Aurélien (270-275 apr. J.-C.) et son successeur Tacite (275-276 apr. J.-C.), cette fois uniquement sur des bornes milliaires92. Pour Aurélien, nous en avons trois attestations, à Sicca Veneria93, Valence94 et Arras-sur-Rhône95. La réapparition de la formule est évidemment à mettre en lien avec les succès remportés par Aurélien, véritable restaurateur de l’unité de l’Empire, ainsi qu’en témoigne son triomphe à Rome en 274, où figurent Zénobie et Tétricus96. Une fois encore, la moisson épigraphique paraît très mince au regard de l’importance de l’action de l’empereur. La pacification de l’Empire apparaît davantage célébrée sur les monnaies, avec des légendes très explicites : pacator orbis, pacator orientis, pax aeterna, restitutor orbis, restitutor orientis, restitutor saeculi97. Tacite, le bref successeur d’Aurélien, reprend la formule à son compte, là encore dans une volonté de s’inscrire dans la continuité de l’action de son prédécesseur. Le dossier est ici composé uniquement de milliaires africains, dont les trois premiers proviennent de la voie Carthage-Théveste98. Il faut noter également l’utilisation pour ces deux empereurs de la variante pacatissimus. Cet adjectif au superlatif est attesté uniquement pour eux deux, et uniquement sur des milliaires, tous africains, provenant de la route Carthage-Théveste et de celle reliant Thacia (Bordj Messaoudi) à Sicca Veneria (Le Kef) : on compte six attestations pour Aurélien99 ; une seule pour Tacite100. Les règnes successifs d’Aurélien et de Tacite constituent donc un moment intéressant pour la diffusion des titres liés à la paix. Ils sont les seuls à cumuler les formules pacator orbis et pacatissimus. L’usage du superlatif apparaît vraisemblablement lié à la construction de l’image d’Aurélien dans le contexte de ses victoires et la célébration de son triomphe, comme nous l’avons déjà vu101.

  • 102 AE, 1923, 16 ; ILTun, 719 (Thuburbo Maius, Proconsulaire), l. 7-9 : pacatores orbis / gentium natio (...)
  • 103 CIL, VIII, 7003 ; ILAlg, II, 1, 579 (Cirta, Numidie).
  • 104 CIL, V, 3331.
  • 105 Nous faisons référence ici uniquement au vocabulaire épigraphique. L’association de l’empereur à He (...)
  • 106 Ibba & Mastino 2012, 167-171 ; Benoist 2021, 70-73.

19Ensuite, la formule pacator orbis apparaît encore à trois reprises, entre la fin du IIIe siècle et le début du IVe siècle. On la trouve encore une fois en Afrique, associée à Carus et Carin en 282 apr. J.-C.102 (sans doute en lien avec leur expédition victorieuse contre les Perses), puis à Dioclétien et Maximien entre 289 et 293 apr. J.-C.103, et enfin à Vérone pour Constantin, à une date indéterminée, selon toute probabilité après 312 apr. J.-C.104. Il s’agit là de la toute dernière attestation de la formule. Nous avons vu que les tétrarques et Constantin avaient privilégié d’autres formules, mettant en avant la restauration et la conservation de la paix. Avec Constantin s’achève ainsi un cycle, débuté sous Commode, qui faisait de l’empereur le garant de la paix dans l’Empire en l’associant à Hercule105. L’instauration de la paix, son maintien, sa défense, sa restauration si besoin, faisaient ainsi partie des travaux que l’empereur devait accomplir et participaient à la construction de l’image impériale et du discours qui l’accompagnait106.

  • 107 CIL, III, 12330 (AE, 1892, 8) ; AE, 2014, 66 et 1293, l. 1 : [P]acifico piissimoque p[ri]ncip[i].
  • 108 CIL, VIII, 995 = 12455, l. 1-3 : Virtute inclyto, / pietate pacifico, / d(omino) n(ostro) Gratiano. (...)
  • 109 Ibba & Mastino 2012, 205 et 208-209.
  • 110 IRT, 478 : Toto orbe / pacifico / consuli / d(omino) n(ostro) Flauio / Arcadio / Pio Felici / uicto (...)
  • 111 Il serait également possible de rapporter la dédicace au consulat conjoint des deux empereurs de 39 (...)

20Si la formule pacator orbis disparaît, elle apparaît remplacée par l’expression fundator pacis, que nous avons déjà vue, et un nouvel adjectif, pacificus. L’emploi de ce dernier est rare et uniquement attesté pour la période tardive, aux IVe et Ve siècles. Il en existe quatre attestations, toutes sur des bases de statues. La première est attribuée à Constant, dans une inscription datée de 341 apr. J.-C., provenant d’Augusta Traiana en Thrace107. La seconde qualifie Gratien, dans une inscription de Carpis, en Afrique proconsulaire, datée entre 371 et 373 apr. J.-C.108. Dans ces deux cas, on remarque le lien entre l’action pacificatrice et la pietas de ces empereurs, qui témoignent de leur attachement au christianisme. L’apparition de l’adjectif pacificus doit donc se comprendre en lien avec une nouvelle conception de la paix comme don de Dieu, et non plus fruit des qualités personnelles et militaires de l’empereur109. Enfin les deux dernières attestations sont des bases de statues jumelles dédiées à Arcadius (Auguste de 383 à 408 apr. J.-C.) et Honorius (Auguste de 393 à 423 apr. J.-C.) à Lepcis Magna (fig. 3)110. La datation de ces inscriptions demeure incertaine. La date la plus probable serait peut-être 402, année où les deux empereurs ont exercé le consulat conjointement, manifestant ainsi l’unité de l’Empire après plusieurs années de tension entre Orient et Occident. La formule introductive très rare, toto orbe pacifico, pourrait faire allusion à cet événement. Toutefois, cette référence à la paix pourrait également faire allusion à la défaite de l’usurpateur Eugène, en 394 apr. J.-C.111. C’est donc avec cette évocation d’un empire romain entièrement pacifié que se conclut notre enquête épigraphique.

Fig. 3 – Base de statue en hommage à l’empereur Arcadius, Lepcis Magna (https://commons.wikimedia.org/​wiki/​File:Forum_Leptis_Magna_05.JPG)

Fig. 3 – Base de statue en hommage à l’empereur Arcadius, Lepcis Magna (https://commons.wikimedia.org/​wiki/​File:Forum_Leptis_Magna_05.JPG)

Conclusion

  • 112 Ibba & Mastino 2012, 170.
  • 113 Chastagnol 2008, 134, reconnaît l’importance du règne de Commode dans la genèse du formulaire offic (...)
  • 114 Voir les réflexions de Benoist 2021, 80, sur la dimension performative de la parole impériale.

21À l’issue de cette enquête iconographique et épigraphique, il apparaît que la paix entrait à part entière dans la construction de l’image impériale, mais de manière moins évidente qu’on aurait pu le penser a priori. Absente de l’iconographie des monuments publics, Pax n’est évoquée que de manière indirecte, par les bienfaits qu’elle procure. L’image de l’empereur « créateur de paix » (pacator) est bien enracinée dans l’opinion publique romaine depuis l’époque augustéenne, comme en témoignent les sources littéraires et numismatiques112. Force est de constater un décalage des sources épigraphiques dans ce domaine : alors que l’empereur est « créateur » et « porteur » de paix depuis Auguste, il n’est pas désigné comme tel dans les hommages épigraphiques avant la fin du IIe siècle. Dans le formulaire épigraphique, l’instauration, le maintien, la défense et la restauration de la paix apparaissent bien comme une des composantes primordiales du « métier d’empereur », mais cette dimension n’est mise en avant qu’à certaines périodes dans l’épigraphie officielle comme dans les hommages locaux. Ainsi, nous avons pu constater que, si la paix est évoquée dans les inscriptions du Ier au Ve siècle de notre ère, les IIIe et IVe siècles concentrent les attestations des différentes formules, Commode jouant à cet égard, comme à bien d’autres, un rôle de précurseur113. C’est donc pendant la période la plus marquée par les guerres, civiles comme extérieures, que la paix est le plus souvent invoquée et mise à contribution pour construire et affirmer la légitimité impériale114.

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Risse M. (éd.) (2001), Volubilis. Eine römische Stadt in Marokko von der Frühzeit bis in die islamische Periode, Mayence, P. von Zabern Verlag.

Rosso E. (2006), L’image de l’empereur en Gaule romaine. Portraits et inscriptions, Paris, CTHS (Archéologie et histoire de l’art ; 20).

Turcan R. (2011), Ouranopolis. La vocation universaliste de Rome. Contributions aux séminaires internationaux « Da Roma alla Terza Roma », Paris – Rome, Publisud – Consiglio nazionale delle ricerche.

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Notes

1 Hinard 1993, 64-66.

2 Christol 1999 ; Hekster 2021, 92-97.

3 Turcan 2011, 91-92.

4 Christol 1999, 356 ; Turcan 2011, 86-87 ; Cornwell 2017, 121-154.

5 La plus ancienne attestation de la légende monétaire PAXS, associée à un buste féminin, se trouve au droit d’un quinaire d’argent au nom de L. Aemilius Buca, daté de 44 av. J.-C. (RRC, 480 / 24). Cf. Ibba & Mastino 2012, 144.

6 CIL, V, 7817 (= Pline l’Ancien, NH, III, 130-137) ; AE, 1999, 995. Date : 7-6 av. J.-C.

7 Sur le trophée et les difficultés posées par la restitution de son décor, voir Binninger 2006, 180-184.

8 Fornasier 2003, 147-149. Voir Picard 1957, 124, pour la différence entre trophées et amoncellements d’armes.

9 Clavel-Lévêque & Lévêque 1982.

10 Pour l’arc sévérien du forum, voir Brilliant 1967, 155-160. Pour l’arc de Constantin, voir Moine 2000, 93.

11 Pour l’apparition et les variations de ce motif, voir Fornasier 2003, 155-158.

12 Picard 1982, 193-194 ; Fornasier 2003, 156-158.

13 Pfanner 1983, 79-81.

14 De Maria 1988, 232-235.

15 Voir Picard 1957, 455-457 (arc sévérien) et 484-487 (arc de Constantin) pour une analyse détaillée de ces reliefs.

16 Picard 1957, 484-485.

17 Gros 1986, 191.

18 Tacite, Vie d’Agricola, XXX, 7 : « Voler, massacrer, ravir, voilà ce que leur vocabulaire mensonger appelle autorité, et faire le vide, pacification » (CUF, trad. E. de Saint-Denis).

19 Voir Brilliant 1967, 115-120 pour une description et une analyse comparée des trois arcs.

20 Kleiner 1985, 83-84 ; Fornasier 2003, 156. Sur ce thème présent dès l’époque augustéenne, voir Ibba & Mastino 2012, 153.

21 Brilliant 1967, 129-135.

22 Pour Picard 1957, 411-415, leur présence souligne le caractère cosmique de la uirtus impériale.

23 Concernant ces médaillons, leur très mauvais état de conservation rend leur identification difficile. C. Domergue a démontré que les deux fragments actuellement séparés sur la façade ouest de l’arc appartiennent au même médaillon, celui de l’Hiver ; les deux autres médaillons conservés doivent être l’Automne et l’Été. Cf. Domergue 1963 et 1966 ; Risse 2001, 52-57 ; Panetier 2002, 66-71.

24 Les niches situées dans la partie inférieure des piles servaient de mur de fond à une petite fontaine ; il faut donc sans doute supposer que leur paroi était revêtue d’un parement spécial, peut-être de mosaïque. Le trou destiné au passage du tuyau est toujours visible dans une des niches de la façade est. L’eau jaillissant ainsi de la partie inférieure des niches était recueillie dans un bassin rectangulaire placé au pied des piles, entre les piédestaux des colonnes libres.

25 Domergue 1963, 289.

26 IAM, 390-391 (216-217 apr. J.-C.) : Imp(eratori) Caes(ari) M(arco) [A]ur[ellio Anto]nino Pio Felici [Aug(usto), Pa[rth(ico)] max(imo), Britt(anico) [m]ax(imo), Germ(anico) max(imo), / pontifici max(imo), tri[b(unicia) pot(estate) (uicesima), imp(eratori)] (quartum), co(n)s(uli) (quartum), p(atri) p(atriae), p[roco(n)s(uli)], et Iuliae A[ug(ustae)] Piae Felici, matri / Au[g(usti) e]t castroru[m et senat]us et patriae, res p(ublica) [Volubil]itanoru[m], ob singularem eius / [erg]a uniuersos [et nouam] supra omnes [retro prin]cipes indu[lgent]iam, arcum / c[u]m seiugibus e[t orname]ntis omnibus, in[cohant]e et dedica[nte M(arco)] Aurellio / Sebasteno pr[oc(uratore) Aug(usti) d]euotissimo nu[min]i eius, a solo fa[ciendu]m cur[a]uit.

27 Pour une analyse du décor de l’arc en lien avec la dédicace, voir Blonce 2015, 148-149.

28 Sur l’indulgentia, voir Corbier 1992 ; Pietanza 2009 ; Blonce 2022. Sur la prouidentia, voir Martin 1982.

29 CIL, XIII, 9034 ; XVII, 2, 513 ; ILTG, 487, l. 9-13 : prin[c]ep[s p]a[cator] / [o]rbi[s] uias / [et] pont(es) uetust(ate) / conlapsas res/[ti]tuit.

30 AE, 1924, 19 ; CIL, XVII, 2, 548, l. 9-11 : pacator / orbis ponte[s e]t uias / uetust[ate coll]ap[sas] / rest[itu]it.

31 AE, 1996, 1141, l. 8-10 : [Magn(us) princeps pacato]r orbis / [uias et pontes uetustate] conlap[s]a[s / restituit].

32 CIL, XIII, 9061 ; XVII, 2, 126, l. 7-9 : pacator / orbis uias et pontes uetustate / collaps(os) restitui[t].

33 CIL, XVII, 2, 501, l. 7-9 : pac(ator) orb(is) [uias] / [et pon]t(es) uetust[ate] / [collaps(os)] restit[uit].

34 CIL, XIII, 9072 ; XVII, 2, 666 ; AE, 2013, 1139, l. 9-11 : pacator orb(is) uias et / pont(es) uetustate col/laps(os) restituit.

35 CIL, XIII, 9068 ; XVII, 2, 674, l. 6-7 : pac(ator) orb(is) uias et pont(es) u[etust(ate)] / colla[psos res]tituit.

36 Martin 1982, 402-405.

37 Sur cette notion, voir Lefebvre 2003 ; Christol 2016a, 43-44 ; Benoist 2015, 331 ; 2016 et 2021, 69 et 74.

38 L’ensemble des sources a en effet été particulièrement bien étudié par Ibba & Mastino 2012.

39 Chastagnol 2008, 143-145, étudie l’expression des thèmes de la pacification, de la sécurité et de la liberté.

40 Ibba & Mastino 2012, 146 et 156-157.

41 CIL, II, 3732 ; II² / 14, 13 (p. 980) ; AE, 2012, 51 : [Ca]es(ari) T(ito) Imp(eratori) / Vespasiano Aug(usto) / Vespasiani f(ilio) conser/[u]atori pacis Aug(ustae).

42 Voir Ibba & Mastino 2012, 164-166 pour l’ensemble des sources littéraires, numismatiques et épigraphiques.

43 CIL, VII, 17214 ; ILAlg, I, 869 (Thagaste, Proconsulaire).

44 CIL, XIII, 8895 ; XVII, 2, 369 ; ILA-Petr, 151.

45 Kienast, Eck & Heil 2017, 243.

46 CIL, III, 5810 ; ILS, 618 ; AE, 1972, 358.

47 AE, 1934, 8 : Iuuentutis auctorem et pacis / aeternae conseruatorem / d(ominum) n(ostrum) Fl(auium) Val(erium) Constantinum nob(ilissimum) / Caesarem Aur(elius) Maximinu[s] / u(ir) p(erfectissimus) dux Aeg(ypti) et Theb(aidos) utrarum[q(ue)] / Libb(yarum) deuotus n(umini) m(aiestati)q(ue) eorum ; AE, 1934, 7 : Pacis aeternae propagatorem / et publicae securitatis con/seruatorem d(ominum) n(ostrum) Gal(erium) Valerium / Maximianum P(ium) F(elicem) Inuictum Aug(ustum) / Aurel(ius) Max[im]inus u(ir) [p(erfectissimus)] dux / Aeg(ypti) et Theb(aidos) [u]trarumq(ue) Libb(yarum) / deuotus n(umini) m(aiestati)que eorum.

48 AE, 2008, 1569, l. 1-2 : Restitutoribus orbis terrarum fundatoribus ubique / pacis domatoribus uniuersarum gentium barbararum.

49 CIL, VI, 1132 (293-305 apr. J.-C.).

50 CIL, VI, 1145-1146.

51 AE, 2015, 1838.

52 L’emploi de quies au sens de paix est attesté dans les sources littéraires chez César, BC, 3, 57, 4 : quietem Italiae, pacem prouinciarum salutem imperii uni omnis acceptam relaturos. On le trouve aussi chez Tite-Live, II, 15, 5 : seu bello opus est seu quiete ; VI, 30, 9 : rebus […] haud prosperis bello domestica quies […] solacium fuit, ainsi que chez Tacite, Hist, I, 60 : quies prouinciae ; Annales, XI, 24 : tunc solida domi quies et aduersus externa floruimus ; et chez Suétone, Aug., 25, 1 ; Othon, 8, 1 : temporum quies.

53 CIL, XI, 9, l. 1-3 : Propagatori Roma/ni imperii f[u]ndato[ri] / quietis publicae.

54 EE, VIII, 2, 117, l. 1-4 : Pacis et Quietis / auctori, libertatis / restitutori et uictori / hostium.

55 CIL, III, 17 = 6585, l. 1 : Defensori quietis publicae.

56 CIL, VI, 1139.

57 Pour une étude des thèmes du discours impérial au début du règne de Constantin, voir Benoist 2015 et Christol 2016b.

58 Une ultime utilisation de quies au sens de paix est attestée dans la dédicace de la colonne de Phocas, sur le forum romain, en 608 apr. J.-C. CIL, VI, 1200 = 31259a, l. 9-10 : et pro quiete / procurata Ital(lia) ac conseruata libertate. La paix dont il est question ici résulte de l’installation des Lombards en Italie.

59 CIL, XI, 6632.

60 CIL, XI, 6625.

61 AE, 1975, 358 ; 1978, 290 ; 1980, 380.

62 AE, 2014, 1245a (Caber) ; AE, 2002, 1413 (Hierapolis).

63 CIL, XI, 6627a, l. 1-3 : [Fundat]orib(us) pacis / [et conseru]atorib(us) / [imperii R]omani[- - -].

64 Corinth, VIII, 3, 506 = Corinth, VIII, 2, 26 = AE, 1986, 631, l. 1-2 : Reparatori R[o]manae rei f[undatori] / aeternae [p]acis.

65 Voir par exemple Manders 2012, 199-205, sur la représentation de Pax dans le monnayage au IIIe siècle.

66 L’adjectif pacifer est rare dans les inscriptions et employé uniquement pour des divinités : RIB, I, 584 ; CIL, IX, 5060 : Marti Pacifero ; CIL, X, 5385 : Herculi Pacifero ; CIL, VI, 37 (cf. AE, 1999, 24) : Apollini Pacifero ; CIL, VI, 570 et 575 (cf. AE, 2002, 181) : Mineruae Paciferae ; AE, 1981, 134 ; 1989, 62 : Fortunae Reduci Paciferae.

67 Voir Daguet-Gagey 2022.

68 Ibba & Mastino 2012, 174 : première attestation en 192, dans un contexte d’incertitude politique et militaire.

69 AE, 1928, 86 = 2002, 1501 (193 apr. J.-C.).

70 CIL, XIV, 3449 (ILS, 400) ; AE, 1999, 125 (192 apr. J.-C.).

71 IANice, 12 ; ILAM, 166 (192 apr. J.-C.).

72 Rosso 2006, 290 (192 apr. J.-C.).

73 AE, 1977, 772 (191-192 apr. J.-C.).

74 Voir par exemple RIC, III, 250-254. Cf. Martin, 1982, 361-362 ; Ibba & Mastino 2012, 177-178 et Gangloff 2019, 301.

75 Sénèque, Ben., I, 13, 3 : Hercules […] terrarum marisque pacator.

76 CIL, II, 2124 ; II² / 7, 60.

77 CIL, II, 1969, l. 5-7 : pacatoris orbis / et fundatoris / imperii Romani.

78 CIL, II, 1669 ; II² / 5, 74 (pour Caracallla) ; CIL, II, 1670 ; II² / 5, 75 (pour Geta).

79 CIL, VIII, 21613 = AE, 1894, 15, l. 6-8 : pacatoris orbis / et fundatoris / imperi Romani.

80 AE, 1999, 1844 (hommage à Septime Sévère divinisé).

81 CIL, II² / 5, 76 (hommage à Geta daté de 211-212 apr. J.-C.).

82 Voir sur ce point Christol 2016a et 2022.

83 CIL, VI, 1033 = 31230 (203 apr. J.-C.)

84 Ibba & Mastino 2012, 178-179.

85 RIC, IV, 45 ; BMC, V, p. 34, 83. Sur Mars Pacator dans le monnayage impérial, cf. Manders 2012, 119-120.

86 RIC, IV, 282. Sur Sol Pacator dans le monnayage impérial, cf. Manders 2012, 130.

87 AE, 1894, 139.

88 CIL, II, 1671 ; II² / 5, 77.

89 CIL, II² / 5, 1028 ; HEp, 1997, 888.

90 CIL, XIII, 6803.

91 Ibba & Mastino 2012, 183 ; Gangloff 2019, 336-337.

92 Ibba & Mastino 2012, 191-193 : l’échec de Valérien face aux Perses aurait conduit à l’abandon du titre pacator, jusqu’à ce qu’il soit repris par Aurélien.

93 CIL, VIII, 22185.

94 CIL, XII, 5549 ; XVII, 2, 160 ; ILN, 8, 81, l. 6-8 : proco(n)[s(ul) pacator et res] / [titut]or orb[is refecit et / r]estituit.

95 CIL, XII, 5561 ; XVII, 2, 172 ; ILN, 5, 3, 912, l. 1-3 : Pacatori / et resti(tu)to/ri orbis.

96 SHA, Aur., XXXII, 4-XXXIV ; cf. Destephen 2021, 35-36.

97 RIC, 6 (pacator orbis) ; 290 ; 294 ; 389 (restitutor orbis). Cf. Loriot & Nony 1997, 99.

98 AE, 2012, 1898 (Jeddara) ; CIL, VIII, 22106 ; ILTun, 1732 (Seba Regoud) ; CIL, VIII, 22122 (Meyala) ; CIL, VIII, 10072 (p. 2094) ; ILTun, 1732 (Tichilla, Proconsulaire) ; CIL, VIII, 22083 ; ILTun, 1732 (Ain Ghar Salah, Proconsulaire).

99 BCTH, 1928-1929, p. 369 (Thacia) ; CIL, VIII, 10088 = 22096 ; ILTun, 1732 (Sicca Veneria) ; CIL, VIII, 22103 ; ILTun, 1733 (Bordj Messaoudi) ; CIL, VIII, 22113 ; ILTun, 1733 (Bou Maazoun) ; CIL, VIII, 22175 ; ILTun, 1733 (Bahara) ; AE, 2015, 1832 (Agbia).

100 CIL, VIII, 10089 = 22177 ; ILTun, 1733 (Sicca Veneria).

101 Ibba & Mastino 2012, 195-196. Dans le même contexte apparaît pour la première fois l’appellation perpetuus imperator pour qualifier Aurélien, cf. Daguet 1992.

102 AE, 1923, 16 ; ILTun, 719 (Thuburbo Maius, Proconsulaire), l. 7-9 : pacatores orbis / gentium nationum/que omnium.

103 CIL, VIII, 7003 ; ILAlg, II, 1, 579 (Cirta, Numidie).

104 CIL, V, 3331.

105 Nous faisons référence ici uniquement au vocabulaire épigraphique. L’association de l’empereur à Hercule est attestée dès les origines du Principat, comme en témoigne l’emplacement du trophée de La Turbie à proximité d’un sanctuaire d’Hercule, cf. Binninger 2006, 190-193 et 199. Sur l’importance du modèle d’Hercule dans la construction de la figure impériale, voir Gangloff 2006, 255-260 ; 337-340, et Gangloff 2019, 214-223.

106 Ibba & Mastino 2012, 167-171 ; Benoist 2021, 70-73.

107 CIL, III, 12330 (AE, 1892, 8) ; AE, 2014, 66 et 1293, l. 1 : [P]acifico piissimoque p[ri]ncip[i].

108 CIL, VIII, 995 = 12455, l. 1-3 : Virtute inclyto, / pietate pacifico, / d(omino) n(ostro) Gratiano. Cf. Lepelley 1981, 102, n° 2, n. 5.

109 Ibba & Mastino 2012, 205 et 208-209.

110 IRT, 478 : Toto orbe / pacifico / consuli / d(omino) n(ostro) Flauio / Arcadio / Pio Felici / uictori ac / triumfato/ri semper / Augusto / Lepcitani deuoti num(ini) / maiestatiq(ue) eius ; IRT, 479 : [Toto orbe] / [pacifi]co con[s(uli)] / d(omino) [n(ostro) Flauio] Honorio Pio / Felici uictori / ac triumfatori / semper Augusto / Lepcitani deuoti / numini maiesta/tique eius.

111 Il serait également possible de rapporter la dédicace au consulat conjoint des deux empereurs de 396, première année qui a suivi la mort de leur père Théodose ; on sait que ce « nouveau règne » fut célébré de manière enthousiaste par Claudien, dans son discours De III consulatu Honorii Augusti.

112 Ibba & Mastino 2012, 170.

113 Chastagnol 2008, 134, reconnaît l’importance du règne de Commode dans la genèse du formulaire officiel ultérieur.

114 Voir les réflexions de Benoist 2021, 80, sur la dimension performative de la parole impériale.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Écoinçons de la baie centrale de l’arc sévérien du forum romain
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Titre Fig. 2 – Écoinçons de la baie centrale de l’arc de Constantin
Crédits © C. Blonce
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Titre Fig. 3 – Base de statue en hommage à l’empereur Arcadius, Lepcis Magna (https://commons.wikimedia.org/​wiki/​File:Forum_Leptis_Magna_05.JPG)
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Pour citer cet article

Référence papier

Caroline Blonce, « Célébrer la paix à Rome et dans les provinces (Ier-IVe siècles apr. J.-C.) : monuments et titulatures impériales »Kentron, 38 | 2023, 109-128.

Référence électronique

Caroline Blonce, « Célébrer la paix à Rome et dans les provinces (Ier-IVe siècles apr. J.-C.) : monuments et titulatures impériales »Kentron [En ligne], 38 | 2023, mis en ligne le 22 décembre 2023, consulté le 10 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/6523 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.6523

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Caroline Blonce

Université de Caen Normandie, HisTeMé (UR 7455)

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