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Comptes rendus

Christophe Schmidt Heidenreich, Le Glaive et l’Autel : camps et piété militaires sous le Haut-Empire romain

Hermann Amon
p. 191-194
Référence(s) :

Christophe Schmidt Heidenreich, Le Glaive et l’Autel : camps et piété militaires sous le Haut-Empire romain, Paris, Presses universitaires de Rennes, 2013, 520 p.

Texte intégral

  • 1 A. von Domaszewski, Die Religion des Römischen Heeres, Trior, F. Lintz, 1895, 121 p.
  • 2 M. Speidel, The Religion of Iuppiter Dolichenus in the Roman Army, Leyde, Brill, 1978 ; É. Bi (...)

1Le Glaive et l’Autel est le titre aux termes presque antinomiques de l’ouvrage de Christophe Schmidt. Il présente l’un des aspects les moins connus de la vie du soldat romain, celui de sa relation avec les dieux dans son lieu de résidence permanent que sont les camps militaires. En effet, les liens entre armée et religion sous l’Empire nous ont été révélés par l’étude pionnière d’A. von Domaszewski1. Depuis lors, plusieurs travaux se sont succédé, abordant différents aspects de cette problématique de la religion de l’armée romaine2. C’est dans cette perspective que s’inscrit l’ouvrage de Christophe Schmidt.

2Le soldat romain, à l’instar des autres citoyens romains, vénérait beaucoup les divinités et cela se traduisait dans les camps par une abondance de dédicaces religieuses. C’est cet aspect spécifique de la pratique religieuse dans les camps qui est l’objet de l’ouvrage de Christophe Schmidt. Il envisage une analyse de la religion de l’armée romaine dans les camps sous le prisme exclusif des dédicaces religieuses qui y ont été érigées. Les questions auxquelles il tente de répondre sont les suivantes : quelle est la nature des dédicaces dans les camps militaires ? Où étaient-elles localisées ? Qui sont les dédicants et les principales divinités vénérées des camps ? Que représentent les dédicaces pour la compréhension de la vie sociale et religieuse des soldats romains dans les camps ? L’ouvrage qui est la publication d’une thèse soutenue à l’université de Paris 13 en 2005 est divisé en trois parties de huit chapitres, suivi d’un catalogue d’inscriptions.

3Après une délimitation de son objet d’étude et une définition des principaux éléments de son sujet, l’auteur propose un état de la question qui met en lumière les orientations actuelles sur le thème de la religion de l’armée romaine, tout en insistant sur l’originalité de sa présente recherche. Une présentation générale du corpus d’inscriptions utilisées conclut l’introduction de l’ouvrage.

4La première partie de l’ouvrage est consacrée à l’analyse du matériel épigraphique dans les camps. Elle fournit une description détaillée des inscriptions et de leurs lieux de découverte dans les camps. L’auteur justifie le choix de cette partie par le caractère novateur de sa recherche et par la nécessité de clarifier certaines incertitudes liées au foisonnement des inscriptions et à leur difficile localisation dans les camps (p. 37). Il présente dans le premier chapitre les lieux publics dans lesquels les dédicaces ont été élevées. Il faut entendre par lieux publics, les lieux qui accueillent l’ensemble de la communauté militaire ou dans lesquels s’effectuent des activités qui concernent l’ensemble des soldats. Il s’agit notamment des principia, de l’aedes signorum, des thermes et de la cour intérieure. Ce chapitre révèle non seulement la difficulté dans l’attribution des dédicaces dans les camps, mais également que la présence des dédicaces dans les lieux publics est fonction du rang des dédicants dans la hiérarchie militaire. Le second chapitre concerne les dédicaces dans les lieux semi-privés. Il s’agit ici de tous les espaces du camp autres que les logements qui, à la différence des édifices à usage collectif, n’étaient accessibles qu’à un nombre limité de soldats (p. 79). Dans ce cadre-ci, les dédicaces sont plutôt le fait de dévots et de groupes attachés à des divinités particulières. Le troisième chapitre rend compte des dédicaces dans les lieux privés. Ce sont des lieux particuliers où le soldat pouvait ériger sa dédicace (p. 105). Il faut noter que la taille de ces lieux était fonction du rang hiérarchique des dédicants. Le quatrième chapitre de cette partie aborde enfin les lieux de passage et les lieux indéfinis. Il s’agit ici de dédicaces trouvées dans les lieux ne correspondant pas aux endroits indiqués précédemment, mais qui se rapprochent, dans une certaine mesure, des lieux publics (p. 127). Au terme de cette première partie, l’auteur conclut que même si certaines dédicaces ont été déplacées de leur lieu d’origine, cela ne compromet pas pour autant la complète localisation effectuée pour le reste du corpus de l’étude.

5La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée aux acteurs de la religion dans les camps militaires. L’auteur y présente le rôle joué par les habitants du camp, qu’ils soient divins ou humains. Le premier chapitre s’intéresse ainsi aux dieux du camp. En effet, l’analyse des divinités est essentielle dans la compréhension de cette épigraphie castrale. L’auteur conduit cette analyse des divinités en les répartissant entre divinités tutélaires et divinités non tutélaires. À côté de ces divinités, une analyse des personnifications telles la Victoria, la Disciplina et les Genii est également effectuée. Il aborde spécifiquement les questions liées à leur identification et à leur importance dans la vie religieuse des camps (p. 149). L’auteur indique dans cette section que la dédicace peut également s’adresser à des associations divines (p. 184). Le deuxième chapitre de cette partie examine la hiérarchie des dédicants (189). L’armée étant une structure hiérarchique par excellence, les espaces dans lesquels sont élevées les dédicaces reflètent cette hiérarchie militaire. L’auteur analyse donc chaque groupe et leurs dédicaces en partant des officiers aux soldats du rang. On apprend dans ce second chapitre que d’autres acteurs tels les familles de soldats, les civils et les vétérans étaient cités dans certaines dédicaces. Au terme de cette seconde partie, il conclut que l’analyse des dédicaces religieuses dans les camps nécessite une bonne connaissance de ses acteurs que sont les dieux et les dédicants. Par ailleurs, il faut noter qu’une minorité de dédicants, spécialement les officiers, possédaient les compétences religieuses nécessaires pour faire vivre cette religion castrale (p. 209).

6Dans la troisième partie, l’auteur conduit une analyse sociologique des dédicaces religieuses à l’intérieur des camps. En effet, la dédicace religieuse, au-delà de l’aspect de la topographie du sacré, rend compte non seulement des rapports entre société et divinités, mais également des caractères d’une certaine épigraphie castrale (p. 217). Le premier chapitre de cette partie analyse cette communication entre les hommes et les divinités de manière générale, tout en mettant en exergue la spécificité de cette communication à l’intérieur des camps. Le deuxième chapitre s’intéresse particulièrement au fait épigraphique dans les camps (p. 241). Il analyse les questions liées au développement de la culture épigraphique dans les camps, à son organisation et à son fonctionnement. L’auteur soutient que les dédicaces religieuses constituent un moyen de communication entre les hommes et les dieux et est d’une certaine façon, un vecteur culturel puisqu’il rend compte dans certains cas du degré de romanisation des soldats (p. 262).

7L’ouvrage de Christophe Schmidt est très riche, stimulant et original. L’usage exclusif de l’épigraphie comme source de première main et son application à l’histoire militaire renforcent ce caractère novateur. Il contribue incontestablement à améliorer la connaissance de la religion de l’armée romaine à travers l’analyse des dédicaces religieuses dans les camps. Il n’est toutefois pas exempt de reproches. D’abord, il faut souligner sa faible perspective chronologique. Il est vrai que dans son introduction, l’auteur indique clairement que le corpus établi permet de conduire une analyse qui part de la période flavienne à celle de Dioclétien (p. 33). Cependant, dans la démonstration, on remarque peu de références à cette chronologie. Il faut attendre le chapitre 8 sur le fait épigraphique dans les camps pour lire une analyse sur l’évolution chronologique. Il aurait été bénéfique pour le lecteur de disposer d’une analyse chronologique plus approfondie sur l’épigraphie castrale dans le but d’en saisir les évolutions. En outre, une perspective régionale plus détaillée de cette épigraphie dans les camps aurait sans nul doute permis d’en faire ressortir les particularités, de la mettre en perspective avec le degré de romanisation des régions où se trouvaient les camps, mais bien plus d’évaluer dans une certaine mesure l’influence des divinités étrangères sur la religion pratiquée à l’intérieur des camps d’un point de vue hiérarchique et d’un point de vue de syncrétisme religieux. On peut aussi regretter que les motivations des dédicaces aient fait l’objet d’un faible développement (p. 227-230). Un approfondissement de cette section aurait été pertinent dans la mesure où il nous aurait permis de bien comprendre les raisons qui sont à l’origine de l’érection de dédicaces par les soldats. Par ailleurs, l’usage exclusif des dédicaces comme outil d’analyse, même s’il rassure par sa fiabilité, a amené l’auteur à éviter des questions sur lesquelles on aurait aimé avoir son point de vue. Il s’agit notamment des relations entre l’épigraphie castrale et la religion romaine en général et les relations entre le culte impérial et l’épigraphie castrale ou encore entre l’épigraphie castrale et les autres cultes de l’armée.

8Ces observations mises à part, Christophe Schmidt propose un ouvrage érudit et original. Il est construit à l’aide d’une méthode rigoureuse et féconde, qui renforce l’usage de l’épigraphie comme outil d’analyse de l’histoire militaire sous l’empire et surtout ouvre de nouvelles perspectives sur la religion de l’armée romaine en général et sur l’épigraphie castrale en particulier.

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Notes

1 A. von Domaszewski, Die Religion des Römischen Heeres, Trior, F. Lintz, 1895, 121 p.

2 M. Speidel, The Religion of Iuppiter Dolichenus in the Roman Army, Leyde, Brill, 1978 ; É. Birley, « The Religion of the Roman Army : 1895-1977 », ANRW, II, 16.2, 1978, p. 1506-1541 ; M. Popescu, La religion dans l’armée romaine de Dacie, Bucarest, Éditions de l’Académie roumaine, 2004 ; C. Wolff, Y. Le Bohec, L’armée romaine et la religion sous le Haut-Empire romain (Actes du 4e congrès de Lyon, 26-28 octobre 2006), Lyon, Édition CERGR, 2009.

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Pour citer cet article

Référence papier

Hermann Amon, « Christophe Schmidt Heidenreich, Le Glaive et l’Autel : camps et piété militaires sous le Haut-Empire romain »Kentron, 31 | 2015, 191-194.

Référence électronique

Hermann Amon, « Christophe Schmidt Heidenreich, Le Glaive et l’Autel : camps et piété militaires sous le Haut-Empire romain »Kentron [En ligne], 31 | 2015, mis en ligne le 19 octobre 2016, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/402 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.402

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