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Comptes rendus

Desire and Denial in Byzantium, Papers from the Thirty-first Spring Symposium of Byzantine Studies (University of Sussex, Brighton, March 1997), L. James (éd.)

Corinne Jouanno
p. 91-93
Référence(s) :

Desire and Denial in Byzantium, Papers from the Thirty-first Spring Symposium of Byzantine Studies (University of Sussex, Brighton, March 1997), L. James (éd.), Ashgate, Variorum, Aldershot, 1999.

Texte intégral

1Si, comme le note Liz James dans l’introduction de ce volume, on associe plus volontiers au monde byzantin l’idée d’ascétisme que celle d’érotisme, le champ exploré par les dix-huit communications présentées au symposium de Brighton n’était pourtant pas entièrement vierge, puisqu’en 1986 l’ouvrage de H.G. Beck, Byzantinisches Erotikon, était déjà venu tempérer l’image d’une Byzance vivant tout entière dans l’esprit de renoncement. Le spectre des méthodes d’approche utilisées par les divers auteurs de Desire and Denial est vaste : à côté d’études de textes (traités spirituels, récits hagiographiques, lettres, épigrammes…), figurent des articles consacrés à la législation (en matière de mariage, d’adultère et de divorce), aux pratiques sociales (problème des eunuques, de l’homosexualité, des rituels religieux), à l’iconographie. On notera, parmi les textes étudiés, un certain déséquilibre au profit de la haute époque byzantine et de la littérature religieuse : seul l’article de M. Mullett, « From Byzantium, with love », qui traite d’épistolographie, fictive et authentique, évoque des œuvres postérieures au XIIe siècle, et l’on peut regretter que la vaste production historique et chronographique des Byzantins n’ait donné lieu qu’à une seule étude, d’ailleurs consacrée au problème ponctuel des relations de l’empereur Michel III et de son favori et successeur Basile le Macédonien (S. Tougher, « Michael III and Basil the Macedonian : just good friends ? »). De l’ensemble de l’ouvrage se dégage une image contrastée de la société byzantine. Image, traditionnelle, d’un monde rigoriste : les critiques vigoureuses de Jean Chrysostome à propos des cohabitations entre vierges et ascètes (A. Hartney, « Manly women and womanly men… »), la méfiance exprimée par les auteurs de traités spirituels (Kephalaia) à l’égard des sens, portes d’un corps-forteresse où les vertus doivent monter la garde pour empêcher l’irruption du péché (M.B. Cunningham, « Shutting the gates of the soul… »), les mises en garde renouvelées de Théodore Stoudite [c. 759-826] à ses moines contre les tentations de l’homosexualité (P. Hatlie, « The city a desert »), toujours vigoureusement condamnée dans les textes byzantins, qui ne nous offrent que de rares témoignages sur l’existence effective de cette pratique (D. C. Smythe, « In denial »), la fréquente association établie par les Byzantins entre nudité et péché, d’où l’habituel gommage des genitalia dans les scènes de nus (B. Zeitler, « Ostentatio genitalium : displays of nudity in Byzantium ») – autant de signes du caractère hautement « prescriptif » de la société byzantine. Mais comme le note A. Cameron dans l’article qui sert de conclusion à ce colloque, « Desire in Byzantium », si la face publique de Byzance est toute de renoncement et de respectabilité, rien ne garantit que le même rigorisme ait été à l’œuvre dans les comportements réels. Littérature et arts plastiques n’ont d’ailleurs pas dédaigné les erotika, comme l’attestent lettres d’amour fictives (M. Mullett, « From Byzantium with love »), recueils d’épigrammes érotiques, dont certaines sont des productions authentiquement byzantines (M. Lauxtermann, « Ninth-century classicism and the erotic muse »), scènes légères, et notamment scènes de rapt, ornant bon nombre de coffrets d’ivoire (J. Hanson, « Erotic imagery on Byzantine ivory caskets ») : cette présence de l’érotisme dans divers types de productions imaginaires laisse à penser que l’art servit parfois d’exutoire aux fantasmes refoulés des Byzantins, comme le suggère M. Mullett à propos des lettres d’amour fictives qui, dans une société où la réserve était de rigueur dans les correspondances réelles, devaient posséder « a specially titillating (because rare) voyeuristic attraction ». Mais la littérature religieuse elle-même montre que Byzance, loin d’avoir occulté le corps, s’en est beaucoup préoccupée et lui a accordé une place de choix : les auteurs de Kephalaia s’intéressent de près aux mécanismes mentaux du désir et du renoncement (M.B. Cunnigham, « Shutting the gates of the soul »), Anastase du Sinaï (VIIe siècle), dans ses divers traités de théologie, insiste sur la liaison de l’âme et du corps (J.A. Munitiz, « Anastasios of Sinai’s teaching… »), et dans les débats entre iconoclastes et iconodoules, le corps joue un rôle central, les partisans des images privilégiant le visuel comme moyen d’expression du divin, précisément parce qu’ils conçoivent le corps comme le véhicule de l’incarnation et l’instrument du martyr : la souffrance étant considérée comme l’attribut spécifique du corps, le corps du saint devient le lieu de sa sainteté, d’où l’importance qui lui est accordée du vivant même du saint et après sa mort, par le biais du culte des reliques (A. Eastmond, « Body vs. column : the cults of St Symeon Stylites »). Dans « Christian bodies : the senses and early Byzantine Christianity », B. Caseau souligne l’existence d’un contraste frappant entre l’insistance mise par les textes prescriptifs byzantins sur la nécessité d’un strict contrôle des sens et la richesse des expériences sensorielles (tant visuelles qu’olfactives) offertes aux fidèles dans les églises : le corps devient instrument de connaissance de Dieu, de communication avec le divin ; il n’y a donc pas dénégation du désir ou du plaisir, mais transfert sur des objets différents. Remarque confirmée par l’article de D. Krausmüller, qui constate dans les écrits hagiographiques du patriarche Méthode (VIIIe-IXe siècles) un phénomène analogue de déplacement du désir : la virginité y est en effet conçue en terme de mariage avec la divinité, selon une conception tout à fait antiascétique (« Divine sex : Patriarch Methodios’s concept of virginity »). A. Cameron revient sur cette idée dans son article de conclusion : à Byzance, dit-elle, le saint, « organizing figure », est personnification du désir de Dieu, et l’anthropologie du mysticisme s’ordonne autour de la notion d’eros, spiritualisée, soustraite à l’expérience quotidienne : la société byzantine est un « theater of desire ».

2En somme, Desire and Denial est un recueil stimulant, qui ouvre de riches perspectives de recherches. On regrettera toutefois l’arrangement du matériau, qui souffre d’un manque de rigueur : l’étude des Kephalaia avait-elle bien sa place dans la section des « Love letters » ? et l’article consacré à la législation du mariage devait-il vraiment figurer sous la rubrique « Problems with Bodies », alors qu’il y est si peu question du corps ? L’agencement assez hasardeux des articles, joint à l’extrême maigreur de l’introduction, n’aide guère à dégager problématiques et lignes de force, et l’article de conclusion de A. Cameron, si intéressant qu’il soit, est plus une réflexion personnelle qu’une véritable synthèse, dont l’effort est laissé pour l’essentiel à la charge du lecteur.

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Pour citer cet article

Référence papier

Corinne Jouanno, « Desire and Denial in Byzantium, Papers from the Thirty-first Spring Symposium of Byzantine Studies (University of Sussex, Brighton, March 1997), L. James (éd.) »Kentron, 17-1 | 2001, 91-93.

Référence électronique

Corinne Jouanno, « Desire and Denial in Byzantium, Papers from the Thirty-first Spring Symposium of Byzantine Studies (University of Sussex, Brighton, March 1997), L. James (éd.) »Kentron [En ligne], 17-1 | 2001, mis en ligne le 15 octobre 2018, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/2269 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.2269

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