Navigation – Plan du site

AccueilNuméros17-1Comptes rendusAlessia Guardasole, Tragedia e me...

Comptes rendus

Alessia Guardasole, Tragedia e medicina nell’Atene del V secolo a. c.

François Jouan
p. 85-87
Référence(s) :

Alessia Guardasole, Tragedia e medicina nell’Atene del V secolo a. c., Naples, M. d’Auria, 2000.

Texte intégral

1On a reconnu de longue date la place importante que tiennent les thèmes médicaux dans la tragédie grecque. Il suffit d’évoquer les transes d’Io, la folie d’Oreste ou celle d’Héraclès, la blessure de Philoctète ou l’épidémie qui ravage Thèbes. Il en va de même pour le vocabulaire et les images. Depuis les travaux de précurseurs comme Daremberg (1868-1869), depuis l’ouvrage encore souvent invoqué de Dumortier sur Eschyle (1935), les travaux de détail dans ce domaine n’ont pas manqué. Ils ont été stimulés depuis quelques décennies par l’élan nouveau qu’ont pris les études des œuvres hippocratiques et de la médecine antique en général. Mais il manquait un ouvrage de synthèse qui fît le point sur les rapports entre la tragédie attique à son apogée et les débuts de la médecine rationnelle : c’est ce que confirme la très complète bibliographie qui débute l’ouvrage, et c’est à cela que répond heureusement le livre d’Alessia Guardasole.

2Disciple d’Antonio Garzya, lui-même aussi bon connaisseur de la tragédie que de l’histoire de la médecine antique, cette jeune chercheuse s’était déjà fait apprécier dans ce dernier domaine par une édition des fragments d’Héraclide de Tarente (Naples, 1997), médecin empirique, pharmacien et diététicien du Ier siècle av. J.-C. La présente étude s’adresse à un public plus large, en mettant en particulier à la disposition des lecteurs de la tragédie des textes scientifiques anciens d’un accès souvent malaisé et en permettant de renouveler l’interprétation de certains passages tragiques.

3L’introduction présente un rapide historique du sujet et souligne le cas particulier d’Eschyle, dont l’œuvre est antérieure à la publication des premiers traités de la Collection hippocratique (une œuvre incluant le Prométhée, dont l’auteur préfère ne pas envisager – et on ne le lui reproche certes pas – qu’il puisse ne pas être d’Eschyle lui-même). L’étude comprend quatre chapitres. Le premier s’attache à déterminer la conception de la médecine qui se manifeste chez chacun des trois tragiques, sous le triple aspect de la maladie, des malades et des médecins. Les trois autres sont consacrés respectivement, « en suivant l’ordre propre à un traité médical », à l’anatomo-physiologie, à la pathologie et à la thérapeutique. Dans ces trois chapitres, l’auteur s’efforce de concilier l’ordre chronologique des œuvres théâtrales et l’unité qu’impose la matière médicale.

4Dans le premier chapitre, à part deux brefs passages d’Agamemnon (1101-1104) et des Choéphores (471-474), les références eschyléennes sont tirées du Prométhée. Il ne reste guère de trace chez Eschyle, estime l’auteur, de la « médecine des temples ». Les problèmes médicaux sont envisagés avec une rigueur qui préfigure la production hippocratique. À défaut de renvois à des œuvres médicales qui nous échappent, le vocabulaire révèle déjà de nombreuses similitudes avec les traités de l’époque suivante et témoigne qu’Eschyle a participé activement au mouvement culturel de la Grèce de son temps. Les rapports étroits de Sophocle avec les milieux médicaux sont mieux connus. Ils passaient en particulier par son implication dans le culte d’Asclépios et d’autres héros guérisseurs. Sa culture médicale est attestée par la précision du vocabulaire dont il use dans de nombreux passages. L’auteur s’attache en particulier au fameux stasimon d’Antigone, et consacre plusieurs pages au tableau de la « pestilence » de Thèbes du début d’Œdipe Roi. Les relations entre les textes tragiques et les textes hippocratiques sont encore plus nombreuses et plus évidentes dans l’œuvre d’Euripide. Ainsi, on retrouve (dans les pièces conservées comme dans les fragments) des allusions certaines à des traités comme Airs, Eaux, Lieux.

5À travers les développements plus techniques qui suivent, nous signalerons seulement quelques points importants. Le chapitre sur l’anatomo-physiologie envisage successivement la colonne vertébrale et la moelle épinière (avec un examen détaillé du difficile passage 72-82 de l’Agamemnon), les poumons et les bronches (avec l’exégèse du fr. 983 N2 d’Euripide), l’appareil circulatoire (étude de l’αἱματορραγία), le foie, les liquides organiques (l’auteur consacrant une dizaine de pages à la bile, dont le rôle est si important dans la médecine antique). Moins essentiel est peut-être le long développement relatif à l’ichôr, le mot se retrouvant en tout et pour tout une seule fois, au vers 1480 de l’Agamemnon. Dernier point : la théorie de la génération, à propos de laquelle dominent les textes d’Eschyle (Eu., 605 ; 608 ; 658-661 ; Ch., 205-211).

6Dans le domaine de la pathologie, c’est naturellement la folie qui occupe la plus grande partie du chapitre : folie d’Io chez Eschyle, folie d’Ajax et d’Héraclès, égarement de Philoctète chez Sophocle, délires de Phèdre, d’Héraclès encore, de Penthée et d’Agavé chez Euripide. Chaque poète a sa manière propre de peindre ces désordres, mais de l’un à l’autre les mêmes termes se font écho (en particulier d’Eschyle à Euripide). La plus grande précision technique est, bien sûr, le propre de ce dernier. Viennent ensuite la pleurite (avec l’examen du délicat fragment 682 des Skyrioi d’Euripide), la fièvre quotidienne et la « mélancolie ». Peut-être y aurait-il eu plus à dire sur cette dernière affection, largement traitée, il est vrai, par d’autres auteurs modernes. Le chapitre se termine sur les dermatoses et ulcères, avec la référence à l’« ulcère phagédénique » de Philoctète, évoqué dans les mêmes termes par Eschyle et Euripide.

7Beaucoup plus court (et à ce titre un peu décevant) est le dernier chapitre, sur la thérapie. Sans doute cet aspect de la médecine a-t-il moins intéressé les tragiques, qui se sont limités à des généralités concernant les remèdes et les traitements chirurgicaux (cautérisation et incision), à l’exception d’une brève et énigmatique référence à la « fomentation » dans un fragment d’Eschyle (425 TrGF).

8Trois pages rassemblent les conclusions. Elles soulignent le rôle initiateur d’Eschyle, même s’il est naturel que les références précises aux traités hippocratiques soient plus nombreuses chez ses successeurs. L’intérêt de ces derniers pour la figure du médecin traduit un fait de société. Dans le domaine médical comme dans d’autres, on constate chez les tragiques la coexistence persistante d’une pensée archaïque, épico-mythique, et d’une réflexion rationnelle appuyée sur une science en train de se constituer comme telle.

9Trois indices, nomina et res, références aux textes antiques et aux ouvrages modernes, rendront aisée la consultation de ce livre, dont la belle présentation et la correction matérielle sont à la hauteur du contenu. Pour une meilleure compréhension de beaucoup de passages tragiques, le recours au livre d’Alessia Guardasole sera désormais une prescription nécessaire.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

François Jouan, « Alessia Guardasole, Tragedia e medicina nell’Atene del V secolo a. c. »Kentron, 17-1 | 2001, 85-87.

Référence électronique

François Jouan, « Alessia Guardasole, Tragedia e medicina nell’Atene del V secolo a. c. »Kentron [En ligne], 17-1 | 2001, mis en ligne le 15 octobre 2018, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/2242 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.2242

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search