Dix notes égyptiennes
Résumés
Eubios fils d’Andromachos était-il un simple soldat ?
De quel rang était Eubios dans l’armée ?
Sur quelques séquences épigraphiques de Redesiyeh
Notes sur des textes de Redesiyeh.
Sur un échange de répliques
Note sur l’épitaphe en vers d’Harpalos.
Observations sur les jardins d’Égypte
Observations sur l’emploi de quelques mots grecs, Kêpos et paradeisos à propos des jardins de l’ancienne Égypte.
L’usage du chiffre 7 à Kom Abou Billou
Remarques sur le chiffre 7 à Kom Abou Billou.
Sur l’épitaphe de Samuel fils de Dôras
Remarques sur le mot charis dans l’épitaphe de Samuel (Tell el-Yahoudijeh).
L’âge au mariage d’Hèdeia
Note sur l’âge au mariage d’Hèdeia.
Sur un emploi de l’épithète Pistos
Note sur l’emploi de l’épithète pistos dans le texte d’une épitaphe de Kom Abou Billou.
Sur l’épitaphe d’un Grec de Teos
Remarques sur une fin de vers qui présente l’aspect d’une cheville (épitaphe d’un Téien mort à Naucratis).
Note sur les épitaphes métriques dialoguées
Remarques sur l’organisation des dialogues dans le cas de quelques épitaphes métriques d’Égypte.
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Eubios fils d’Andromachos était-il un simple soldat ?
1Dans l’Égypte gréco-romaine comme ailleurs pendant l’Antiquité, l’honneur de l’épitaphe était le luxe de l’élite sociale. Mais il faut croire que les épitaphes en vers étaient plus coûteuses que les autres ou réservées à des circonstances exceptionnelles car, à ce jour, elles demeurent rarissimes. Dans ses Inscriptions métriques 1969, E. Bernand n’en a recensé que 102 (p. 43-397), total dérisoire si on le compare aux milliers d’épitaphes en prose découvertes dans le même pays. De grosses bourgades rurales, abondantes pourvoyeuses de textes funéraires en prose, n’ont produit que quelques textes en vers, ainsi Kom Abou Billou, Karanis, Hérakléopolis Magna (un chacune), Hawara (trois).
- 1 Jusqu’alors le mot n’avait figuré que dans une scholie à Théocrite 7, 40.
- 2 La zone de Kom Abou Billou a été incluse dans un plan gouvernemental d’extension des cult (...)
2Cette rareté n’est pas due au hasard des trouvailles. On en a des indices dans les textes antiques. Le premier est l’absence, jusqu’à une date récente, du mot qui désignait la profession de versificateur funéraire. Ce mot a fait sa première apparition en 1978, sur une épitaphe de Kom Abou Billou (BIFAO, 78, 237 no 3), au nom d’un certain Herenios qui exerçait le métier de poiètès kai epigrammatographos, « poète et auteur d’épigrammes »1, mais qui, par une singulière ironie du destin, n’a eu droit, lui-même, qu’à une épitaphe en prose. Le second indice de rareté apparaît aussi à Kom Abou Billou : en 1969, Bernand n’y avait relevé qu’une seule épitaphe métrique, celle de Diazelmis (no 10, 75-80) ; or, depuis les années soixante-dix, des fouilles de sauvetage2 sur le site ont exhumé des centaines d’épitaphes nouvelles (Kentron, 12 / 2, 1996, 65 et note 25 ; 15 / 1, 1999, 78) sans ajouter une inscription en vers.
3De ces deux indices, on peut déduire qu’il n’y a plus à attendre de renversement de tendance dans le rapport statistique entre épitaphes de prose et épitaphes en vers.
4Les bénéficiaires de stèles funéraires se répartissent donc en deux catégories : les plus nombreux, à qui on accordait la prose, quelques « happy few » qui avaient droit à la poésie.
5Où se recrutaient ces derniers ?
- 3 La stèle no 25, 142-143, est presque entièrement détruite.
6Parmi les défunts adultes, surtout chez les militaires, qu’on peut qualifier de rang élevé quand leurs coordonnées sont indiquées avec précision. Sur 27 stèles concernées, dont 26 analysables3, on dénombre 8 militaires certains et 3 possibles, soit près de la moitié.
7No 4 : stèle à deux défunts, qui commémore l’hègèmôn et ex-gymnasiarque Ptolémaios (vv. 1 et 10), ainsi que son fils, Mènodôros, porte-étendard sous ses ordres (sèmeiophoros v. 4), tous deux tués dans le même combat.
8No 5 : stèle d’Apollônios, qui a voulu rivaliser en arétè avec son père « à la belle gloire » (kalon kléos vv. 7-8), a combattu en Syrie (vv. 12-14) et obtenu le bandeau emblématique des « parents » du roi (mitra vv. 4-5).
9No 6 : stèle mutilée d’Apollônios, qui a combattu (v. 9) et obtenu la faveur royale (vv. 25-26).
10No 8 : stèle mutilée qui mentionne un commandant d’unité (hègèmôn andrôn v. 5).
11No 10 : stèle de Diazelmis, ancien officier (orchamos andrôn v. 1), venu d’Asie où il avait déjà guerroyé (vv. 5 et 13) et récompensé par les rois lagides (vv. 8 et 15).
12No 13 : stèle d’Eubios évoquée ci-dessous.
13No 24 : stèle d’un personnage qui pourrait avoir été strator auprès du praefectus alae veteranae Gallicae, et avait été peut-être attaché à la remonte de l’armée romaine d’Égypte.
14Malgré le vague des formulations épigraphiques, on peut imaginer aussi des responsables militaires de niveau élevé, comme les précédents, sur les trois épitaphes suivantes :
- 4 Noter la ressemblance de formulaire avec la stèle du « parent » du roi (no 5).
15No 2 : stèle d’un Grec de l’île de Téos, qui a connu une « noble gloire » (kléos esthlon v. 3) méritée par son arétè (ibid.)4.
16No 3 : stèle de Sôsibios, né dans une Magnésie de Grèce ou d’Asie Mineure et supposé avoir été « un colon militaire » (M. Launey, Armées hellénistiques I, 224).
- 5 À son sujet, on peut adopter l’interprétation de Launey 293, pour qui Makedôn était un ps (...)
17No 12 : stèle d’Hérakleitos, Makedôn, mort à 35 ans5.
18Au milieu de ces documents, la stèle no 13 du recueil de Bernand, 85-89, intitulée par lui « épitaphe du soldat Eubios », concerne un militaire grec dont nous savons seulement qu’il est mort « prématurément » et « à 25 ans » (vv. 7 et 14). De cette donnée biométrique, Bernand a conclu : « il s’agit d’un soldat mort en campagne ou en garnison. » Dans cet environnement d’officiers titrés, peut-on le supposer simple soldat de rang ?
- 6 Son épitaphe comprend un hexamètre initial et un pentamètre final encadrant de la prose à (...)
19Mort à 25 ans, Eubios n’avait certainement pas eu le temps de gravir les degrés les plus élevés de la hiérarchie. Néanmoins, il est possible qu’il ait été placé un peu au-dessus de la foule des combattants non gradés, car son interpellation des vv. 3-4 (« je vous en conjure, mes compagnons de tente et d’armes ») pouvait être adressée à des hommes qu’il avait commandés. Le nombre d’hommes groupés sous une tente était limité et on peut supposer qu’il ait commandé une petite subdivision d’un corps de troupe, l’équivalent d’une section. Il pourrait y avoir aussi une autre explication à l’honneur insigne d’une commémoration versifiée6 : que sa mort au combat ait coïncidé avec quelque éclatant fait d’armes, reconnu de ses compagnons. On trouve un exemple de cette simultanéité dans l’épitaphe no 4 :
Alors qu’au premier rang des combattants nous avions massacré la foule innombrable des ennemis, le cruel Arès nous a saisis tous deux (vv. 7-8).
20En résumé, je crois probable qu’Eubios ait été un jeune officier méritant, plutôt qu’un soldat de base, à cause de ce qu’on sait des autres militaires honorés d’une commémoration poétique.
Sur quelques séquences épigraphiques de Redesiyeh
21La ville d’Edfou est située sur la rive gauche du Nil, sa gare ferroviaire sur la rive droite. À une dizaine de kilomètres au sud de la gare, toujours sur la rive droite, on trouve le village de Redesiyeh, à la convergence de plusieurs ouadis qui mènent, à l’Est, à travers la montagne, aux mines du Gebel Zabârah et, plus à l’Est encore, aux ports égyptiens de la mer Rouge. Le pédion de Redesiyeh correspond au Contra Apollônos des textes antiques ; en effet, il était « en face de » l’agglomération d’Edfou / Apollônopolis Magna, sur la rive opposée. Par sa position, Redesiyeh était donc un point de départ pour ceux qui, militaires, commerçants, hommes des mines ou de la mer, « montaient » dans le massif à l’Est et, inversement, un point d’arrivée pour ceux qui « descendaient » vers le Nil. Dans l’un ou l’autre sens, ils passaient par le Paneion d’El-Kanaïs, petit sanctuaire du désert qui leur offrait un peu d’ombre et l’occasion d’une halte. Comme le plus dur était le long tronçon oriental de la route, entre Paneion et la mer Rouge (Kentron, 11 / 1, 1995, 51-52), les partants avaient peur, les arrivants étaient soulagés. E. Bernand a bien souligné (Inscriptions métriques, 1969, 556) que le danger s’accroissait d’Ouest en Est, pour ceux qui montaient vers la mer Rouge :
Les voyageurs anciens, comme les modernes, avaient conscience que le danger augmentait à mesure qu’ils s’éloignaient du Nil. […] On comprend, dès lors, qu’avant de s’engager plus avant sur ce chemin périlleux, ils aient invoqué le secours de la divinité ; ou bien qu’au retour de lointaines expéditions, et près de retrouver la vallée, ils aient remercié le dieu de leur avoir permis de revenir sains et saufs.
22Ces lignes d’E. Bernand m’amènent à proposer quelques remarques sur des inscriptions de Redesiyeh, certaines rédigées en prose, d’autres que Bernand a incluses dans son recueil parce qu’elles sont métriques. Je prolonge là deux articles antérieurs (Kentron, 11 / 1, 1995, 51-53 ; 13 / 1-2, 1997, 79-80).
23Sur les inscriptions 157 et 163 de Bernand (= SB 4052, 8382), Pheidon le Crétois et Antiochos demandent au dieu Pan de leur accorder l’eutychia, mot que, dans les deux cas, Bernand traduit par « un heureux sort ». Ils ont nécessairement formulé leurs prières avant une traversée et eutychia recouvre simplement un espoir de voyage sans incident, c’est un souhait d’euodia (Pheidon, d’ailleurs, appelle préventivement le Dieu euodos, « qui donne la bonne route »). Le mot « sort » a donc un sens trop général et trop large, car il peut englober tout un destin humain. Je pense qu’une traduction telle que « une heureuse issue » serait mieux adaptée au contexte. Au XIXe siècle déjà (Bernand 553), Letronne avait vu qu’eutychia n’avait pas, ici, de rapport avec l’idée de « bonheur », malgré son sens usuel ; il avait associé le mot à l’idée que Pheidon remerciait le Dieu après être revenu à Redesiyeh (« […] signifie non pas le bonheur en général, mais un heureux retour »). En demandant à Pan de lui donner (« didonai ») l’eutychia, Pheidon nous apprend seulement qu’il était à la veille d’un départ. Comme nous ne savons pas où il était domicilié et quelles étaient ses activités, nous ne pouvons pas préciser si le trajet Redesiyeh-montagne orientale était, pour lui, un aller ou un retour. Il faut donc proscrire ce dernier mot du commentaire, comme trop précis.
24Sur les nos 158-159 du même recueil (= SB 4050 et 8381), Zènodotos et Eutychidès remercient Pan de leur avoir assuré un retour sans incident à Redesiyeh. Le premier lui rend grâce « après être revenu sain et sauf du pays des Sabéens », le second lui a « témoigné sa reconnaissance, revenu sain et sauf de chez les Trogodytes » (traductions de Bernand). À ces traductions j’oppose l’objection formulée dans Kentron, 11 / 1, 51-53. Admettre qu’ils aient remercié le dieu après avoir traversé la zone dangereuse, c’est affaiblir leurs textes et même leur faire proférer un quasi-truisme : ils ne pouvaient pas remercier le dieu avant d’avoir franchi l’obstacle ! En revanche, donner, dans les deux cas, à sôtheis un sens causal (« parce que je suis revenu sain et sauf »), c’est pourvoir leurs actions de grâce de leur sens le plus fort.
25Parmi les inscriptions en prose de Redesiyeh, on peut proposer la même traduction de sôtheis sur SB 4049 : Ménéas y exprime « sa reconnaissance (charis, comme sur l’inscription d’Eutychidès), à Pan de la Bonne Route » (euodos), « parce qu’il est revenu sain et sauf de chez les Trogodytes ».
26Quand le dieu est dit euagros, « de la Bonne Chasse », on peut lui supposer pour adorateurs des militaires envoyés vers le Sud, à la chasse aux éléphants. C’était sans doute le cas sur SB 4031, dédicace dont on ne peut pas dire si elle demandait une chasse fructueuse au dieu ou si elle l’en remerciait, puisque Redesiyeh était point de départ ou d’arrivée. Dans la série « à Pan euagros », l’inscription métrique 164 du recueil de Bernand occupe une place à part par son origine, sa longueur, l’abondance de ses détails et les interrogations que soulève son texte, assez mutilé. Je n’en examine que les huit premiers vers, sur deux points précis.
- 7 « Volvi in mare » (Thesaurus). Le verbe définit toutes sortes de mouvements tou (...)
- 8 Sur les inconvénients des navigations en mer Rouge, cf. par exemple Cl. Préaux, (...)
- 9 C’est le vent favorable l’euphoron pneuma de Xénophon Hell. 6, 2, 27 ou l’ourion pneuma d (...)
- 10 Dans ce passage, il est question du son « des flûtes phrygiennes ».
- 11 Parmi les références, des témoignages d’Euripide et de l’Anthologie.
- 12 Sur l’impressionnante sensation de solitude absolue que déclenche le massif ara (...)
- 13 Il est parfois aussi appelé « sauveur » (sôter).
- 14 Autre raison de ne pas croire à une tempête : celle-ci aurait suscité, me semble-t-il, un (...)
27L’inscription n’a pas été trouvée in situ. Elle est entrée dans une collection privée américaine après être passée par le marché des antiquités et c’est son contenu qui a fait penser qu’elle provenait de Redesiyeh. Un personnage, qui ne se nomme pas dans la partie préservée du texte, mais dont le nom apparaissait peut-être en fin de poème (Bernand 573), y remercie « Pan favorable à la chasse et secourable (euagros kai épèkoos) » au v. 1. La première épithète a pour origine probable une chasse fructueuse, la seconde pour origine certaine et longuement analysée (vv. 4-8) l’aide du dieu en mer Rouge. Ce personnage y parle d’abord en son nom propre (v. 2 « Pan […] qui m’a sauvé »), puis il passe au pluriel (v. 4 plazoménous) pour évoquer les incidents qui ont failli causer la perte des navires (v. 5). Sans doute était-il le chef de la mission, remerciant Pan au nom d’un groupe de chasseurs embarqués sur plusieurs bateaux. Deux points, que n’aborde pas Bernand, me semblent mériter considération. Le premier touche à la nature de l’accident maritime subi. Il nous est dit que les équipages « erraient » sur la mer (v. 4 plazoménous) et que les navires « tournaient en rond » (v. 5 neusi helissoménais7). Bernand 571 émet l’idée que « l’expédition maritime revenant du pays des éléphants avait perdu sa route sous l’effet d’une tempête ». Mais les autres éditeurs (ibid. note 7) réservent leur jugement, car les deux participes précédents ne prouvent pas que la mer ait été agitée ni calme. Aucun mot n’y définit ni même n’y évoque une tempête et l’errance des navires tournant sur eux-mêmes donne plutôt à supposer une mer d’huile, un calme immobilisateur8 (on pense aux retards que l’absence de vent impose à nos actuels navigateurs dans leurs tours du monde à la voile). L’indice d’un manque de vent me paraît fourni, aux vv. 5-7, par la description de l’intervention divine : Pan a envoyé une « brise » (ouron) qui a conduit les équipages directement au port ; on imagine mal le dieu suscitant une brise pour contrarier une tempête ! Second point à considérer, me semble-t-il, c’est par des pneumata, « des souffles », que le dieu se révèle aux marins : « tu as envoyé une brise […] grâce aux souffles mélodieux dont tu as fait résonner ton chalumeau » (vv. 5-6). Bernand 572 écrit de ces pneumata « le poète oppose tacitement le souffle de Pan à la tourmente, en jouant sur le sens du mot ». L’opposition évoquée me semble peu probable s’il n’y a pas eu tempête. En revanche, un jeu sur le mot pneuma est certain, à trois niveaux : le vocable désigne très couramment le souffle du vent (Thesaurus « plerumque ventorum flatus ») et nombre de textes en portent témoignage, ainsi Hérodote 7, 61, Eschyle Prom. 1088, Aristote Pol. 4, 3 ; or, Pan se révèle par le vent qui monte9. Pneuma s’emploie aussi pour désigner le son de la flûte (Thesaurus « flatus tibiarum »), comme dans Euripide Bacch. 12810 ; or, Pan est flûtiste et l’évocation de ce dieu en joueur de flûte n’est pas rare dans la poésie grecque (réf. dans Bernand ibid. note 311). Enfin, pneuma désigne le souffle vital, celui qui anime toute la création et qu’on perd par la mort (Thesaurus « substantia animata et genitalis in stirpibus et animantibus existens et per omnia pertingens » d’après Aristote De mundo 4) ; or, dans les affreuses solitudes du désert oriental12, entre Nil et mer Rouge, il est le dieu de vitalité qui sauve les voyageurs de la mort, en écoutant leurs prières (épèkoos) et en leur suggérant le bon chemin (euodos)13. Pan est là quand le vent se lève, fait le bruit de la flûte, sauve les vies14.
Sur un échange de répliques
28Parmi la dizaine d’épitaphes dialoguées que contiennent les Inscriptions métriques d’E. Bernand, 1969, il en est une dont la disposition actuellement admise me paraît mériter correction. C’est celle d’Harpalos, 128-133 no 23, qui relate un dialogue entre le monument funéraire et un passant imaginaire. Je reprends la traduction de Bernand, mais je désigne l’interlocuteur supposé devant chaque réplique :
Vers 1-4
(la stèle) « Je suis la tombe d’Harpalos. »
(le passant) « De quel Harpalos ? »
(la stèle) « Sache qu’Harpalos était le plus industrieux dans la science qui réclame de l’habileté. »
(le passant) « J’ai compris, ô Destinées ! L’art de l’invention a disparu.
Quel autre homme, parmi les vivants, était semblable à celui-ci ? »
Vers 5-8
(la stèle) « C’est lui qui a orné les très longs murs des temples, qui a dressé dans des portiques de hautes colonnes, et souvent il a déplacé les cimes des montagnes, comme des enfants des bouts de bois, en les faisant céder avec de faibles câbles. »
Vers 9-10
(le passant) « Ainsi Amphion, ainsi Orphée, jadis, déplaçaient des pierres sans effort par le charme de leurs accents. »
Vers 11-12
(la stèle) « Sache qu’aussi le fils d’Harpalos, Achille, repose ici ; une sépulture commune les a renfermés l’un et l’autre. »
Vers 13-14
(le passant) « Non, je ne m’en étonne pas. Les fils des Moires sont trop forts, et contre la mort aucun savant n’a trouvé de machine. »
29Aux vv. 1-4 et 11-14, la répartition des répliques est assurée : aux vv. 1-4 le passant questionne, la stèle informe ; aux vv. 11-14, la stèle informe, puis le passant tire la leçon (contre la mort pas de parade). En revanche, Bernand 130 trouve la répartition « moins claire » aux vv. 5-10.
30Avant lui, W. Peek avait attribué au passant ces vv. 5-10 qui contiennent l’éloge du mort. W. G. Waddell a corrigé Peek, en faisant remarquer que cet éloge pourrait être attribué à la stèle. Les titres de gloire du défunt étant groupés aux vv. 5-8, les vv. 11-12 (« sache qu’aussi » etc.) ne pouvant être prononcés que par la stèle, Waddell a imaginé qu’aux vv. 9-10 le passant coupait la parole à celle-ci.
31D’où cette hypothèse :
- vv. 5-8 la stèle loue le défunt ;
- vv. 9-10 le passant l’interrompt pour évoquer Amphion et Orphée ;
- vv. 11-12 la stèle reprend la parole ;
- vv. 13-14 le passant conclut.
32Bernand 130 a suivi le schéma imaginé par Waddell. Il trouve qu’il a « l’avantage de maintenir le dialogue tout au long du texte ».
- 15 Exemple sur le no 43 du recueil de Bernand (épitaphe juive d’Arsinoé) : v. 1 : « Qui es-t (...)
- 16 No 43, v. 9 : « Que te soit légère la terre gardienne des disparus » ; no 47, vv. 5-6 : « (...)
- 17 C’est le cas sur la stèle d’Harpalos, où la réflexion concernant la mort inéluc (...)
33L’hypothèse de Peek, elle, est contredite par le témoignage des autres épitaphes métriques où la stèle dialogue avec le passant. La répartition des rôles y est toujours la même et le passant y reste dans le rôle subalterne de celui qui interroge15 ; c’est la stèle qui l’informe et qui loue le défunt ; le passant, enfin, conclut, soit par un vœu16, soit par une maxime ou une réflexion de portée générale17. Attribuer l’éloge d’Harpalos au passant, comme Peek, serait donc faire de son épitaphe une exception.
- 18 La mention d’Amphion trouve sa justification ici dans son activité architecturale : au so (...)
34Mais, faut-il, comme Waddell et Bernand, supposer que le passant ait délibérément interrompu le discours de la stèle pour « placer » l’allusion aux mythes d’Amphion et d’Orphée18 ?
35Pour deux raisons, je n’en suis pas convaincu.
- 19 Ainsi sur le no 68 du même recueil, c’est la tombe qui se réserve toute la partie du poèm (...)
36Aucune des autres épitaphes où le passant dialogue avec la stèle ne montre celui-ci interrompant son discours, pour faire montre d’érudition. Ce serait contraire à une tradition qui donne toujours l’avantage à la stèle19.
- 20 On pourrait se demander pourquoi la stèle ajoute la mention du fils au v. 11. L (...)
37Bernand ibid. note que « l’éloge du défunt s’achève dans le surnaturel » aux vv. 9-10, mais le surnaturel commence dès le v. 7 (« souvent il a déplacé les cimes des montagnes »). Cette continuité sur les quatre vv. 7-10 est une raison de les placer tous dans la même bouche, les deux derniers étant le prolongement oratoire et l’illustration par des exemples célèbres (« ainsi […] ainsi ») des deux premiers. En attribuant les vv. 5-10 d’un seul bloc à la stèle, on donne plus de volume à l’éloge d’Harpalos, ce qui s’accorde bien au tour assez emphatique du poème. Et l’organisation générale du texte en dialogue ne s’en trouve pas affectée, puisque le passant reprend la parole à la fin20, comme sur les épitaphes bâties selon le même schéma.
Observations sur les jardins d’Égypte
38Trois contributions récentes ont enrichi la bibliographie déjà abondante des jardins d’Égypte : J.-C. Hugonot, Le Jardin dans l’Égypte ancienne, 1989, a rassemblé la documentation pharaonique de langue indigène ; du côté des hellénistes, il faut citer G. Husson, Oikia, 1983, 147-150 (sur le lien entre jardins et maisons d’habitation) et R. S. Bagnall, CE, 71, 1996, 148-152 (sur la place des jardins en général dans le paysage nilotique).
39Ces trois contributions me suggèrent quelques remarques.
Le lien jardin-maison
40Hugonot 129, 146 et 157, a fortement souligné que les jardins privés égyptiens, attestés dès l’Ancien Empire, étaient toujours contigus aux maisons de leurs propriétaires. Cette relation spatiale apparaît déjà dans la tombe d’Herkhouef (Assouan 6e dyn.), dont le texte (Hugonot 130)
montre clairement que la création d’un jardin allait de pair avec la construction de l’habitation dont il est un des éléments.
On retrouve la même relation de simultanéité dans le conte de Sinouhé, les P. Anastasi 4 et Lansing 11 (Hugonot 130-131). Or, on n’a pas de preuve que cette tradition ait disparu après l’arrivée des Gréco-romains. Au contraire, on a un indice de sa perpétuation, à l’époque romaine, dans le second roman de Seton qui évoque aussi un complexe jardin + maison, à Boubastis (ibid.). Dès lors, on comprend la surprise de G. Husson 147, devant le très petit nombre des témoignages grecs de cette relation :
[…] nous n’avons que trois textes, tous du IIIe siècle av. J.-C., mentionnant explicitement un jardin comme rattaché à une habitation. Ce sont P. Cairo Zen. 59 193, PSI 547 et les lignes 211-212 du P. Tebt. 703.
41G. Husson constate cette rareté sans en donner l’explication qui, pourtant, me paraît clairement ressortir du contenu des documents. Le premier évoque des travaux d’agrandissement d’une maison qui ne doivent pas se faire au détriment du jardin périphérique (11. 7-8 : « il a été prescrit à l’architecte de laisser de la place également pour le jardin autour », trad. G. Husson). Le second document mentionne un devis pour des peintures sur une porte de jardin, qui semblent devoir s’harmoniser à celles, « à l’imitation du bois » qu’on voit déjà sur les fenêtres et portes de la maison adjacente (comment comprendre autrement l’allusion à ces enduits antérieurs ?). Le troisième contient un ordre du dioecète à l’économe d’établir une « liste » (anagraphè) de « résidences royales avec les vergers qui leur sont attenants ». Il faut souligner que dans les trois cas, la mention des locaux était nécessaire pour que les consignes transmises fussent claires.
42Je ne comprends pas pourquoi G. Husson a choisi de reléguer dans la note 2 de la page 150 le BGU 1141, 26-27, qui évoque des sévices subis « dans le jardin et dans la maison ». Ici encore, c’est le déroulement de l’incident qui a entraîné les deux mentions. Il me semble donc malencontreux d’écrire, comme elle l’a fait, « dans ce cas, le jardin est, peut-être, une dépendance de la maison ». Le jardin l’était certainement, car on ne peut pas imaginer qu’un tel incident se soit produit dans un jardin et une maison qui n’avaient pas, entre eux, de relation spatiale directe. Il est même possible que l’ordre des mots ait respecté la chronologie des faits (rixe commencée au jardin puis poursuivie dans la maison jointe). Le BGU 1141 est à ajouter aux trois autres papyrus.
43De ce qui précède, on peut retenir deux idées, absentes du commentaire de G. Husson : la rareté des mentions grecques de maisons est le fait du hasard et n’a pas de valeur statistique ; de l’absence des maisons dans les autres sources, on ne peut pas conclure à l’existence de jardins séparés des habitats, donc à une rupture de la tradition indigène.
L’importance des jardins en Égypte
44Bagnall 148 insiste sur ce point :
References in the papyri to kêpoi and paradeisoi (and to other terms designating more specific varieties of these) are very numerous.
Curieusement, Hugonot, lui, n’évoque jamais cet aspect quantitatif.
- 21 Hugonot 159 a beaucoup insisté sur les frais que devait susciter la création (...)
- 22 Quand les artistes amarniens ont représenté des personnages au milieu de jardins, c’éta (...)
- 23 C’est dans l’iconographie des vergers qu’apparaît le plus nettement la possibilité d’un (...)
- 24 Hugonot 229-230 et fig. 215 le qualifie de « vaste » ce qui révèle à quel point les (...)
45Dès l’époque pharaonique, qu’ils fussent utilitaires ou d’agrément, les jardins étaient un luxe de l’élite sociale (Hugonot 5). À Thèbes, au Nouvel Empire, ce ne sont que jardins de vizirs (Rekhmirê) de hauts fonctionnaires (Minnakht, Nebamon, Kenamon, Sebekhotep, Djehoutynefer, Ineni), de grands-prêtres (Ouserhet, Hatiay, Puyemrê), d’officiers (Amerinemheb), etc.21. Le lien avec l’aristocratie apparaît également à Tell el-Amarna22 (tombe du haut fonctionnaire Mériré) et il en était déjà de même bien avant les dynasties glorieuses du Nouvel Empire (cf., à Saqqarah, la tombe de Metjen, haut fonctionnaire de Snéfrou, Hugonot 129-150). Le P. Cairo Zen. 59193 semble confirmer la persistance de cette tradition à l’époque grecque puisque la maison à agrandir avait une écurie, un pavillon d’entrée, une boulangerie (11. 5 et 9). Ni l’iconographie ni la papyrologie ne permettent donc de supposer une large diffusion des jardins dans le pays. L’iconographie ne permet pas, non plus, d’évaluer leurs surfaces moyennes. L’image et le mot ayant eu, pour les Égyptiens, le pouvoir magique de donner réalité à la chose peinte et nommée, le défunt était supposé savourer, dans l’au-delà, les fruits du jardin peint comme il l’avait fait, vivant, dans son jardin réel. Mais, comme un jardin réel coûtait cher, on pouvait en peindre un qui n’avait jamais existé (Hugonot 6), selon la place disponible, on pouvait aussi symboliser un jardin par un seul arbre ou agrandir le jardin réel23. Un bon exemple de cette dernière attitude est le jardin d’Ineni aux 470 espèces botaniques : Hugonot 141 et 162 pense qu’il a voulu présenter les espèces de différents vergers épars à travers l’Égypte, un unique verger de 470 arbres étant peu vraisemblable. Seule, l’archéologie pourrait nous donner des mensurations réelles, du moins là où des fouilles ont porté sur ce type d’espace, qui fut longtemps négligé par l’égyptologie, toute occupée qu’elle était à recueillir objets et inscriptions. Or, elle nous livre des informations rares et sujettes à réserves. En effet, c’est Tell el-Amarna qui a produit le plus d’indications en ce domaine. Mais, capitale aussi éphémère que l’hérésie qu’elle abrita, c’était une ville de palais et de résidences nobiliaires, qui nous révèle des pratiques exceptionnelles, par la qualité sociale de ses habitants et la particularité de son inspiration religieuse (on sait l’intérêt de la théologie amarnienne pour les mondes végétal et animal, en permanence renouvelés par la puissance solaire, Hugonot 7, 119, 132). On y trouve beaucoup de petits jardins (24 dans Hugonot 154 note 1), contigus à des maisons privées (ex. N. 49.9, Hugonot 230-231, de 5 x 2 m) ou à des palais (ex. le jardin Nord du palais septentrional, Hugonot 116, de 5 x 10 m), plus rarement des jardins spacieux (ex. Q. 44. 1 et 46. 1, Hugonot 150-154, de 74 x 36 m et 57 x 28 m). Quand on aura cité quelques autres sites, comme Mirgissa (Hugonot 229-230), qui a produit plusieurs jardinets dont un de 13 m de côté24, on aura parcouru les possibilités de l’information archéologique. Elles ne paraissent pas considérables.
46Bagnall s’exprime comme si l’abondance des jardins était un fait général en Égypte et son affirmation ne laisse pas place à la possibilité de forts contrastes dans leur répartition territoriale. Pourtant, cette inégalité n’est pas une hypothèse invraisemblable.
47Le delta, bien arrosé, de climat méditerranéen sur sa côte, se distinguait fortement de la Haute-Égypte, sèche et torride.
48Frappant est le cas des jardins funéraires, que le haut pays reléguait hors des zones cultivées, loin de l’eau, imposant des machineries coûteuses et complexes pour leur irrigation. Je me demande s’il ne faudrait pas voir l’expression d’un contraste de ce type dans la remarque de Strabon 17, 1, 10 = C 795, sur les jardins funéraires d’Alexandrie-Ouest,
[…] ensuite, il y a le faubourg de la nécropole, dans lequel se trouvent des jardins en nombre (kêpoi polloi) et des sépultures et des locaux disposés pour l’embaumement des morts,
plutôt qu’une banale allusion à l’abondante population de la capitale inhumée là (interprétation démographique) ou à la richesse des Alexandrins capables d’offrir en nombre des jardins funéraires à leurs défunts (interprétation sociale). Par son abondance, la végétation funéraire locale se distinguait peut-être fortement des bosquets plus maigres ou plus rares des tombes de l’arrière-pays.
49En dernier ressort, la vraie question qui commande toutes les analyses est de savoir combien de pousses il fallait pour faire un kêpos ou un paradeisos. Il est piquant de constater que G. Husson et Bagnall, qui n’ont pas une approche identique de la question, n’y répondent ni l’un ni l’autre avec précision. G. Husson 149 se limite à énumérer les exclusions qui lui paraissent nécessaires, d’après une vision du jardin qui me paraît très proche de la nôtre :
Les cours plantées d’arbres, quatre palmiers dans le P. Oxy. 3.503, un acanthe dans le SB 5.8002 ne peuvent pas être considérés comme des jardins et les perséas plantés devant les façades des maisons et entourés de murets protecteurs à Oxyrhynchos au IVe siècle apr. J.-C. ne sont qu’un maigre substitut de jardin (P. Oxy. 36.2767, 41.2969, 2993 et 2994).
Évoquant le cas particulier des plantations de sanctuaires, Bagnall 151 paraît plus hésitant à exclure :
- 25 C’est moi qui souligne.
Apart from the use of trees to line the processional dromos or to flank a facade (neither of which, perhaps deserves the term “garden”)25, gardens in the temples were found in one of two principal locations, around the sacred lake and in courtyards placed between a pylon and a sanctuary.
Quant à Hugonot, tout à l’exhaustive minutie de son recensement, il dénombre, sans exception, toutes les végétations (y compris les arbres isolés), dont le souvenir s’est conservé par les textes et l’archéologie, donc, parmi elles, nombre de témoins qui auraient suscité le rejet de G. Husson et l’embarras de Bagnall.
50Si l’on suit l’argumentation de G. Husson, de nombreuses exclusions peuvent être prononcées contre :
-
les arbres en trop petit nombre, ex. les deux arbres plantés en avant du temple de Neith, de part et d’autre de la porte (Hugonot 34-35) ;
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- 27 Le temple de Chnoum est un bon exemple de la difficulté de trancher entre inclusion (...)
les arbres plantés dans des cours, ex. ceux du temple d’Amenemhet 2 à Hermoupolis ou les deux lignes, de 6 arbres chacune, qui bordaient l’allée courant du pylône à l’entrée du temple de Chnoum à Éléphantine (Hugonot 53-55)27.
- 28 De même peut-on nommer « jardin » la rangée d’arbres unique qui bordait certains bassin (...)
51On peut hésiter aussi (Bagnall le fait) à propos des alignements d’arbres le long des dromoi, comme on en trouve des traces à Louxor, Karnak, Deir el-Bahari, etc. (Hugonot 22-33)28. Les cas les plus ambigus sont ceux de plantations groupées sur de petites surfaces comme celle de 9 x 2,5 m dans la cour du temple de Thot à Hermoupolis. Hugonot 55 y mentionne la trace de « plusieurs palmiers doum », qui ne devaient pas être bien grands sur 22,5 m2.
52De vrais parcs sacrés ont existé. Du côté égyptien, on en connaît par des inscriptions royales (leur création et leur entretien étaient des prérogatives des souverains) et par des papyrus (ainsi le P. Harris 1 qui recense les biens offerts aux temples du pays par Ramsès III). Mais les uns et les autres ne donnent presque jamais de précisions quantitatives (ainsi le même P. Harris qui parle vaguement « des vignobles, vergers remplis de fruits et de fleurs » (Hugonot 79 et note 1) attribués au temple funéraire de Ramsès III à Médinet Habou) et ils reproduisent, en général, des formulaires stéréotypés des époques antérieures. À cette universelle imprécision, Hugonot 68-73 n’a trouvé qu’une exception, au temple d’Hatschepsout, à Deir el-Bahari, où les textes dénombrent 31 arbres à encens, plantés là après avoir été transportés du pays de Pount.
53Qu’ils aient été profanes ou sacrés, utilitaires ou d’agrément, nous ignorons donc le nombre, les superficies, les densités de végétations de presque tous les kêpoi, paradeisoi, alsè, etc. dont les textes et l’archéologie portent témoignage.
L’impossibilité de définir le jardin égyptien à la manière occidentale
- 29 Cf. La Fontaine, Psyché 1 : « Tous parcs étaient vergers du temps de nos ancêtres », où (...)
- 30 Cf. Hugonot 222-244 et figs 208-213 sur le mélange potager-vigne-verger dans l’iconogra (...)
54Différant de nos jardins par une conception beaucoup plus large, le jardin égyptien antique offrait une pluralité de possibilités que notre vision contemporaine et occidentale exclut de ce mot. Nous distinguons ainsi avec une relative précision les vergers et les parcs des jardins ordinaires et il suffit de consulter les bons auteurs pour découvrir ce lent effort de différenciation, que la langue française a entrepris, des diverses variétés de sols cultivés29. Au contraire, le paysan d’Égypte mariait souvent des cultures différentes dans le même espace, par exemple la vigne aux arbres fruitiers, le potager ou les arbres fruitiers à la palmeraie, les productions utilitaires aux fleurs et plantations d’agrément. Hugonot 16 signale le cas de la pierre de Rosette, où « les champs de vigne du hsp » sont significativement traduits par la séquence ampelitis gê kai paradeisos, « terre à vigne et verger ». Alors qu’il désigne ailleurs des potagers, hsp, ici, évoque des vergers au milieu desquels de la vigne a été plantée. Le kai grec n’énumérait donc pas deux types de terrains distincts, les uns plantés en vignes, les autres en vergers, mais, plus probablement, des terrains combinant vigne et verger, mêlés sur le même espace selon l’habitude ancestrale. Pour cette raison aussi, aucune enquête ne peut déboucher sur une évaluation solide des superficies jardinées30.
55Deux indices, pourtant, donnent à supposer que ces superficies aient été plutôt modestes (curieusement, Bagnall n’évoque ni l’un ni l’autre).
56Le premier est d’ordre technique. Au Nouvel Empire, une invention s’est répandue dans les campagnes, le chadouf, qui améliorait l’irrigation au point que W. Schenkel a vu là « eine Bewässerungsrevolution » (Hugonot 227, 254, 257). Le chadouf permettait à un paysan entraîné d’arroser un quart d’hectare par jour. Cette innovation se superposait à une pratique plus ancienne, qui consistait à porter l’eau dans des cruches de terre cuite, suspendues à une « palanche » sur les épaules. La méthode ancienne a survécu là où il fallait peu de main-d’œuvre et peu d’eau (sur des surfaces étendues, la faible capacité des cruches aurait exigé d’énormes effectifs humains). Or, Hugonot 257 souligne que le chadouf est « rarement représenté en contexte de jardin » dans la peinture égyptienne (c’est moi qui souligne). Tout semble donc s’être passé comme si les paysans égyptiens avaient généralement jugé peu utile d’introduire le chadouf sur des espaces qui n’en justifiaient pas l’usage.
57Par la papyrologie, nous n’avons pas la possibilité de dresser site par site des tableaux comparatifs des surfaces occupées par chaque type de culture. Mais un village fournit des informations qui sont le second indice. Voici les chiffres que nous donne D. J. Crawford, Kerkeosiris an Egyptian Village in the Ptolemaic Period, 1971, 44, pour l’année 118 av. J.-C. :
- 31 Sur le sens du mot, cf. ibid., note 4. Crawford traduit par le mot « surrounds ».
- 32 « Orchards » Crawford.
- 33 « Meadow-land » Crawford.
village et peristasis31 | 69 aroures 1 / 2 |
terre inculte, non taxée | 169 aroures 9 / 16 |
terre sacrée | 291 aroures 7 / 8 |
terre clérouchique | 1 564 aroures 27 / 32 |
paradeisoi32 | 21 aroures 1 / 4 |
herbages33 non taxés | 175 aroures 3 / 8 |
terre de la couronne | 2 427 aroures 10 / 32 |
- 34 « Kerkeosiris is the only Fayum village for which such a complete set of totals exists, (...)
- 35 « […] the extent if not also the distribution of lands was probably typical of many sim (...)
58Quelques rubriques isolées dans d’autres villages34 font supposer que cette répartition n’avait rien d’exceptionnel35.
- 36 L’aroure équivaut à 2 756 m2. 21 aroures 1 /4 valent donc un peu moins de 6 hectares.
59L’addition donne un total de très peu inférieur à 4 720 aroures. La terre clérouchique et les sols de la couronne y représentaient 84,5 % à eux seuls, les paradeisoi 0,4 % seulement36, soit nettement moins du tiers de la surface urbanisée. Il y avait donc très peu de superficies jardinées en cette année 118, à Kerkeosiris.
- 37 31 aroures 5 / 8 = un peu moins de 9 hectares.
60À Magdôla, le P. Tebt. 80, 33, révèle des proportions plus significatives encore (31 aroures 5 / 8 d’am(pelônes) kai para(deisoi)37, pour une surface urbanisée de 156 aroures 1 / 8, soit un cinquième environ de l’agglomération, à la fin du second siècle avant J.-C).
- 38 L’impression d’abondance peut venir d’une lecture des index de recueils. Un (...)
61En conclusion, les données disponibles n’obligent pas à affirmer que les jardins d’Égypte aient été « très nombreux ». D’autre part, même un nombre élevé de leurs attestations ne prouverait leur importance que si leurs surfaces indiquées étaient de grande taille. Or, on en sait trop peu sur ce dernier point. Enfin, sous certains mots, ex. paradeisos, peuvent s’être cachées des végétations sans rapport avec ce que nous avons coutume d’appeler « jardin » en Occident38.
L’usage du chiffre 7 à Kom Abou Billou
- 39 Ouvrage paru dans la collection du Journal of Roman Archaeology, Supplementary Series no (...)
- 40 Elles concernent les p. 53-91 du livre de Scheidel, intitulées Digit preference in age re (...)
62Sous la plume de J. A. Straus, commentant la récente publication de W. Scheidel, Measuring Sex, Age and Death in Roman Empire, Explorations in Ancient Demography, 199639, je lis les remarques suivantes à propos de l’enregistrement des âges déclarés au décès, en Égypte40 :
- 42 Dernier état comptable dans Kentron, 15 / 1, 1999, 78-79. Kom Abou Billou est le seul sit (...)
63Comme le seul site funéraire de l’Égypte romaine à avoir produit plusieurs centaines de données chiffrées sur l’énoncé des âges est la nécropole de Kom Abou Billou42, il m’a paru opportun de réexaminer ce dossier à la lumière de ses plus récents accroissements.
- 43 Le douzième témoin, SB 10 162 / 637 est de sexe indéterminé (nom en lacune). Sur ce point (...)
64En 1976 (ZPE, 21, 219, tableau), un état maintenant ancien de la documentation exhumée de cette nécropole révélait déjà que les chiffres 7 et dizaine + 7 y étaient autant représentés que les autres : 2 témoins à 7 ans, 3 à 17, autant à 27 et 47, 1 à 67. Seul un lecteur inaccoutumé aux effectifs dérisoires des dossiers démographiques de l’Égypte romaine pourrait s’étonner de la maigreur des chiffres, car deux des âges précédents ou suivants sont aussi exigus : 1 et 6 témoins à 6 et 8 ans, 2 à 16, aucun à 18, 3 à 26 et autant à 28, aucun à 46 et 48 ! Bourgade agricole du delta, Kom Abou Billou ne révélait pas non plus, alors, de rejet féminin et campagnard du chiffre 7 : sur les 12 témoins précités, 6 concernent des femmes, 5 des hommes43.
65Bien entendu, sur des effectifs aussi pauvres, l’analyse statistique est presque caricaturale. Cette pauvreté a au moins un mérite, cependant : elle montre qu’en 1976, on ne pouvait rien affirmer de certain sur l’emploi ou le rejet du chiffre 7.
66Est-on plus avancé aujourd’hui ?
67La réponse me paraît devoir être négative.
- 44 Pour éviter tout risque d’erreur, j’ai systématiquement éliminé les cas incertains où la (...)
- 45 Les femmes sont largement représentées dans cet accroissement, ex. Achillis et Asklatarin (...)
68L’augmentation considérable de la documentation publiée a fait croître parallèlement le nombre des témoins de 7 et x + 7 : on est passé de 12 à 3144, 8 exemples à 7 ans, 7 à 17, 4 à 27, 2 à 37, 3 à 47, 2 à 57, 4 à 67, 1 enfin à 8745. On ne constate pas davantage de phénomène de rejet à 14 ans, 21, 28, etc. qui étaient pourtant des multiples de 7. Voici les chiffres jusqu’à 50 ans :
14 ans | 9 ex. | 35 ans | 10 ex. | |
21 ans | 6 ex. | 42 ans | 3 ex. | |
28 ans | 8 ex. | 49 ans | 5 ex. |
69Pour montrer que les témoins de 7 et de ses multiples ne sont pas moins nombreux que ceux des âges voisins, je reproduis ci-dessous tous les totaux enregistrés entre 15 et 35 ans en 1999 :
15 ans | 1 ex. | 22 ans | 3 ex. | 29 ans | 4 ex. | ||
16 ans | 5 ex. | 23 ans | 3 ex. | 30 ans | 10 ex. | ||
*17 ans | 7 ex. | 24 ans | 3 ex. | 31 ans | 1 ex. | ||
18 ans | 4 ex. | 25 ans | 12 ex. | 32 ans | 10 ex. | ||
19 ans | 8 ex. | 26 ans | 2 ex. | 33 ans | 3 ex. | ||
20 ans | 13 ex. | *27 ans | 4 ex. | 34 ans | 3 ex. | ||
*21 ans | 6 ex. | *28 ans | 8 ex. | *35 ans | 10 ex. |
- 46 Les épitaphes versifiées, au nombre d’une centaine dans les Inscriptions métriques d’E. B (...)
70Provisoirement, on peut donc souligner un fait. Le plus riche dossier funéraire de l’Égypte romaine, celui de Kom Abou Billou, ne porte pas de trace d’un rejet superstitieux du chiffre 7. Dans la vallée du Nil, il faut chercher ailleurs ces traces46.
Sur l’épitaphe de Samuel Fils de Dôras
71L’épitaphe juive de Samuel fils de Dôras a été découverte dans la zone funéraire de Tell el-Yahoudijeh / Léontopolis, à la bordure sud-est du delta du Nil. Son dernier éditeur en langue française est E. Bernand, Inscriptions métriques de l’Égypte gréco-romaine, 1969, 282 no 70. Voici la traduction qu’il en propose :
…Ô voyageur, celui qui m’a engendré me pleure maintenant encore profondément ment et se consume l’âme, en même temps que la famille et les amis. Si tu le veux, tu peux savoir quelle foi et quelle grâce il avait en partage, et combien le chagrin s’est emparé de tous. Viens ici et demande à Samuel, fils de Dôras, qui il est, d’où il vient.
72Cette stèle soulève des problèmes d’interprétation, qui ne sont pas dûs seulement à la perte du début de son texte (il lui manque au moins un hexamètre et les trois quarts initiaux du pentamètre qui formait distique avec le vers précédent, comme le montre la planche 22 du volume). Deux mots y ont suscité des commentaires divergents, ceux que Bernand a traduits par « foi » et « grâce », en grec pistis et charis. Les discussions, à leur sujet, ont commencé dès la fin du XIXe siècle.
73Frappé de leur extrême rareté dans la phraséologie funéraire grecque en général, E. Naville, qui fut le premier à analyser le texte (The Mound of the Jews and the City of Onias, Eg. Expl. Fund. 7, 15), a vu, dans leur emploi, une manifestation de judaïsme (Bernand 283 note 3) et il a proposé de ses vv. 5-6 la traduction suivante : « But if thou will, thou canst know how great was his faith and grace. » Il a donc orienté clairement l’interprétation du passage dans un sens théologique, faisant de la pistis une adhésion à la foi de l’Ancien Testament et de la charis la grâce divine.
74Après Naville, J. B. Frey, CIJ, 1952, 1451, a rejeté cette interprétation, sur deux points. D’abord, il a attribué la pistis et la charis au père du défunt et non à ce dernier. Ensuite il a refusé d’y voir des témoignages de la relation verticale qui peut unir le fidèle à Dieu, foi qui monte de l’homme vers Dieu, grâce qui descend de Dieu vers l’homme, pour lui substituer une relation horizontale entre l’individu et son prochain. Dès lors, la pistis devenait la vertu de « fidélité » et la charis celle de « reconnaissance ». D’où sa traduction des vv. 2-6, que voici :
Car celui qui m’a engendré se lamente fort et il se désole avec la famille et les amis. Si tu le veux, tu pourras savoir quelle fidélité et quelle reconnaissance [il me garde] et quelle est la désolation de tous.
75Après avoir rappelé les propositions de Naville et de Frey, Bernand, à son tour, a avancé les siennes. Il oppose deux objections à l’interprétation de Frey. La première, à mon avis très convaincante, porte sur le détenteur de la pistis et de la charis. Comme Naville, il attribue ces qualités au défunt et fait fort opportunément remarquer qu’il serait surprenant qu’elles aient été accordées au père, car, dans les documents de ce type, c’est l’éloge du défunt qu’on fait, prioritairement. En accordant à Samuel la pistis et la charis, on rattache l’épitaphe à la tradition, ancienne et universelle, dans l’épigraphie funéraire grecque, de la louange au mort. Que ce thème ait été un des fondements de la phraséologie antique a été bien montré par M. N. Tod, ABSA, 46, 1951, 182-190, et, à consulter les Jewish Inscriptions of Graeco-Roman Egypt, 1992, de W. Horbury et D. Noy, on constate que les auteurs d’épitaphes juives de la vallée du Nil ne se sont jamais éloignés de cet idéal de donner l’image la plus flatteuse de leurs morts. À l’objection de Bernand contre l’hypothèse de Frey, on pourrait même ajouter la justification que voici : les vv. 3-4 du poème (« celui qui m’a engendré me pleure […] et se consume l’âme ») suffisaient largement à exprimer la force des sentiments du père et le poète n’avait pas besoin d’en dire davantage sur lui. En revanche, je ne suis pas convaincu par la seconde objection de Bernand, que je ne comprends pas. Supposant que charis pourrait exprimer, ici, non pas la grâce divine, mais la grâce physique et morale de Samuel, il voit une contradiction dans son association avec pistis : charis, en effet, dans le sens physique et moral qu’il lui attribue, est réservé aux défunts prématurés par la littérature épigrammatique, tandis que la pistis, au sens que lui donnait Frey, est réservée aux morts adultes (exemples de la pistis qu’on accordait aux adultes importants, fonctionnaires, médecins, soldats, dans Bernand 284, notes 2-4). Je ne comprends pas cette deuxième objection parce que la partie subsistante de l’épitaphe ne porte aucune mention d’âge, ni du défunt, ni de son père. On ne peut donc pas s’appuyer sur le silence d’un texte mutilé pour exclure l’un ou l’autre sens du champ des possibilités. Parce qu’il lui fallait traduire, donc trancher, Bernand s’est rallié à l’interprétation de Naville, soit « donner à pistis […] un sens religieux » et voir « dans charis la grâce de Dieu ». Comme Naville, il est donc amené à fortement souligner « le caractère juif de l’inscription ».
76À ma connaissance, Horbury et Noy, 51-54 no 29, sont les derniers en date à avoir proposé une nouvelle édition de l’inscription et à avoir rouvert le débat. Comme Bernand, ils rejettent l’attribution des deux qualités au père de Samuel. Mais ils ne suivent ni Bernand ni, avant lui, Naville dans leur interprétation théologique des mots. S’appuyant sur la Septante et les textes du judaïsme hellénisé, ils leur préfèrent des sens moraux : pour pistis, ils suggèrent les notions de loyauté, de capacité à inspirer confiance (« faithfulness, reliability ») et, pour charis, de générosité (« graciousness, generosity »). D’où leur traduction :
But if you wish, you can know how great was [my] faithfulness and grace, and how all are possessed by grief.
77Pour une raison simple, je ne crois pas que pistis ait eu, ici, un sens théologique : sur près de deux cents inscriptions supposées ou sûrement juives de la vallée du Nil, dont la grande majorité sont funéraires, je ne connais qu’une seule affirmation possible de « piété », l’eusebeia des Anciens. C’est sur une épitaphe tout récemment publiée, au nom de Didymè, dans le CRIPEL, 19, 1998, 94, no 20. Elle vient d’être découverte en 1996, lors de fouilles archéologiques menées à Sedment près d’Ehnasiya, à la périphérie méridionale du Fayoum, dans une zone qui devait faire administrativement partie du nome hérakléopolite, et elle appartient à un groupe de vingt stèles funéraires, trouvées ensemble dans une nécropole juive. Didymè, qui est déclarée morte à 44 ans, est qualifiée, notamment, de philandros, philosemnos, que les coéditeurs de la trouvaille traduisent « qui aime son mari, qui aime la vénération du divin » (N. B. pour un individu déjà mort au moment de la gravure, des temps passés du verbe seraient plus pertinents). Dans l’addendum lexicis « philosemnos », ils ont vu « le contraire de l’asebeia, l’impiété, accusation lancée en particulier contre les Juifs par les peuples de l’Antiquité et notamment les Égyptiens » et ils ajoutent « si Didymè est juive, ce serait une réponse à cet antijudaïsme païen ». À cette note de leur apparat critique, on peut opposer qu’un seul témoin de profession de foi juive prouve plutôt que ce reproche d’impiété n’a pas dû être fréquent, au moins dans les petites bourgades de l’arrière-pays.
78En revanche, dans le grec de l’époque hellénistique, on trouve pistis utilisé dans un sens qui s’accorderait bien au contexte des épitaphes métriques de Tell el-Yahoudijeh et au rôle que jouaient les notables commémorés par elles. Pistis, à cette époque, y désigne parfois « le crédit » attaché à des personnages d’importance. Polybe évoque, par exemple en 1, 34, 4, l’envoi d’un certain Alexon en mission auprès de mercenaires (des misthophoroi) à cause de la popularité (apodochè) et du crédit (pistis) qu’il avait sur eux. Il s’étonne de même, en 12, 25C, 1, de la popularité et du crédit (apodochè kai pistis) que certains accordent à l’œuvre de Timée, malgré ses nombreux défauts (l’association de ces deux mots semble être une particularité du style de Polybe, comme il ressort du Polybios-Lexicon, 1968, d’A. Mauersberger s. v. « apodochè », ainsi qu’une variante, paradochè kai pistis, en 1, 5, 5, par ex.). Ce sens « social » de pistis s’accorderait aussi au sens que Horbury et Noy 54 attribuent à charis (« graciousness, generosity »). Dans la page indiquée supra, ils donnent un exemple où charis est quasiment un synonyme d’éléèmosynè.
- 47 Je regrette que Bernand d’une part, Horbury et Noy de l’autre, aient traduit le pluriel c (...)
79Rien n’interdit donc, en l’absence de toute indication d’âge et compte tenu des parallèles susmentionnés de la langue littéraire hellénistique (l’épitaphe est généralement datée du Ier siècle après J.-C. ; Bernand 282 note 1), de supposer en Samuel un notable parvenu à l’âge adulte et assez important, dans sa petite communauté, pour lui apporter l’aide de sa générosité. Cette interprétation peut s’appuyer sur des parallèles : la célébration du notable qui aide son entourage, grâce à son dévouement ou à sa compétence, est un thème banal sur les épitaphes d’hommes en général, à Tell el-Yahoudijeh en particulier. Ainsi l’épitaphe de Dèmas (Bernand 89 no 14 = Horbury-Noy 55 no 30) insiste sur les secours qu’il a apportés à ses compatriotes (v. 4 « pollôn anthrôpôn boèthos ») grâce à son métier (peut-être médecin, selon l’hypothèse d’A. Wilhelm, acceptée par Bernand 91). De même, la stèle funéraire d’Abraham (Bernand 96 no 16 = Horbury-Noy 95 no 39) souligne fortement qu’« à la tête des citoyens de deux localités, il a avec libéralité (charisin) pourvu à la double dépense » (trad. Bernand des vv. 7-8). Les charites d’Abraham, ce sont les actes concrets de générosité et le pluriel ne diffère du singulier charis que par la nuance qui distingue le concret de l’abstrait47. À cette différence près, qui est mince, l’épitaphe de Samuel et celle d’Abraham me paraissent étonnamment parallèles.
80Je propose donc de traduire ce passage de la stèle de Samuel « si tu le veux, tu peux savoir quel crédit et quelle générosité il avait en partage », etc.
L’âge au mariage d’Hèdeia
81L’épitaphe grecque d’Hèdeia a déjà fait l’objet de nombreux commentaires et éditions : E. Breccia, BSAA, 19, 1923, 141 no 30 ; SEG, 2, 1923, 874 ; M. N. Tod, JEA, 11, 1925, 328 N. 2 ; SB, 6701 ; W. M. Calder, Class. Rev., 40, 1926, 127 ; E. Pezopoulos, Byz. Neugr. Jahrb., 8, 1931, 184-186 ; SEG, 8, 1937, 354 ; E. Bernand, Inscr. métr., 1969, 192-194 no 39.
82En voici une traduction :
- 48 Crönert voyait une Alexandrine en Hèdeia, mais Bernand pense que l’épithète astè, employé (...)
Étranger, l’enfant que, pour Rhodippos, Léontion sa mère a mise au monde avec le statut de citoyenne48, Hèdeia, la tombe que voici la retient enfermée ; il lui fut permis de contempler la lumière pendant quatre mois et deux fois huit étés, entiers, sous le soleil ; dans sa jeunesse virginale, à trois fois cinq ans, Diophantos l’avait emmenée comme épouse ; mais, morte à peine mariée, il lui rendit les derniers devoirs en la déposant sous ce tertre léger de Libye, elle l’objet de ses plus grands regrets.
83Je ne me suis écarté de la traduction de Bernand que pour mieux souligner l’équivoque créée, sur l’original, par la juxtaposition au nom du mari d’une indication d’âge (partie soulignée).
84Pezopoulos a attribué les 15 ans à Diophantos et supposé qu’il avait épousé Hèdeia à cet âge. Bernand (o. l. 194 note 3) objecte qu’il est « plus naturel de penser que le poète indique l’âge de la défunte au moment de son mariage ». La justification de Bernand est stylistique : en indiquant qu’Hèdeia s’était mariée à 15 ans et était morte à 16 ans 4 mois, le versificateur mettait implicitement en évidence la brièveté de sa vie conjugale et préparait habilement l’emploi de l’adjectif artigamos (« à peine mariée »), mis en relief par sa place en début de vers (v. 7).
- 49 Bien avant la publication de Bagnall et Frier, on avait déjà le sentiment d’une (...)
85On a maintenant une seconde raison d’attribuer les 15 ans à Hèdeia. Sur l’âge au mariage des Gréco-Égyptiens, on dispose, en effet, des données fournies par les kat’oikian apographai groupées dans R. S. Bagnall et B. W. Frier, The Demography of Roman Egypt, 1994, table B, 337-339. La statistique jusqu’à 35 ans (Kentron, 12 / 2, 1996, 62) y révèle qu’à 25 ans on compte 5,4 % d’hommes mariés pour 15,4 % de femmes dans la même situation, la plus jeune épouse actuellement connue ayant eu 13 ans, le plus jeune époux 1949. On peut donc tenir pour vraisemblable que les 15 ans aient été ceux d’Hèdeia et cet âge était apparemment normal pour le mariage des filles, dans l’Égypte gréco-romaine. Sinon, il faudrait admettre que Diophantos et Hèdeia aient fait exception à la tendance générale.
Sur un emploi de l’épithète pistos
- 50 Modifications enregistrées dans Kentron, 15 / 1, 1999, 78-80.
86Dans la ZPE, 114, 1996, 115-140, G. Wagner a publié une importante série d’épitaphes trouvées à Kom Abou Billou / Térénouthis. Elles sont au nombre de 103 et fournissent un apport précieux, en particulier dans le domaine démographique où elles modifient sensiblement les données antérieures sur la répartition des sexes, des âges déclarés au décès et donc sur les moyennes de longévité locales50.
87L’une de ces épitaphes, o. l. 124 no 43, porte un texte qui me paraît mériter quelques remarques, malgré sa brièveté. Cette épitaphe a été gravée en mémoire d’une défunte nommée Isidôra. Son nom est au génitif, ce qui implique la construction
(stèle d’)Isidôra (avec le mot stèlè sous-entendu), et il est suivi, au génitif également, de l’épithète pistè, précédée de l’article défini. Voici la traduction et le commentaire complets de son éditeur :
« (stèle d’)Isidôra, la fidèle (ou pieuse) ».
La paléographie est celle de l’époque romaine : lettres lunaires, nettement plus hautes que larges, serrées les unes contre les autres. L’épithète est nouvelle à Terenuthis : plutôt allusion à la fidélité du cœur qu’à celle de la pratique religieuse.
- 51 Ainsi la destruction, en 73 de notre ère, à Tell el-Yahoudijeh/Léontopolis, sur l’ordre d (...)
- 52 Je dis « possible » car il ne me paraît pas certain. Ce témoignage, c’est l’épi (...)
- 53 Exemple à Kom Abou Billou même et dans le même article, la stèle, également funéraire, de (...)
88Voir là une épithète à valeur religieuse serait admettre que les auteurs de l’épitaphe ont voulu donner à la commémoration d’Isidôra le sens d’une affirmation, voire d’une revendication, d’appartenance religieuse. Ce serait une exception, apparemment, dans la phraséologie funéraire de l’Égypte en langue grecque. Même parmi les Juifs d’Égypte, qui ont pourtant subi périodiquement menaces ou destructions51, on ne rencontre qu’un témoignage possible52 d’une telle attitude. Une première raison de mettre en doute le sens religieux de pistos, ici, c’est que Kom Abou Billou, village massivement peuplé d’indigènes égyptiens, pratiquait un polythéisme qui n’a jamais subi de menaces ou de persécutions du pouvoir grec, puis romain. Pourquoi, dès lors, affirmer une foi qui était pratiquée librement et publiquement depuis toujours ? Une seconde raison est plus forte encore : la qualité d’être pieux s’exprime par l’adjectif eusébès53 et je ne trouve pas le sens de « pieux » s. v. pistos, dans les dictionnaires. Pour deux raisons solides, je crois donc qu’il faut chercher dans une autre direction.
- 54 Sous la plume de Tod, cette phrase est un commentaire du sens de l’adjectif.
89Les mêmes dictionnaires donnent à pistos les deux sens actif et passif. C’est en lui donnant le sens actif (Bailly s. v. B, « qui a foi, qui croit à / en ») que Wagner est arrivé à la traduction proposée. Mais son sens passif (Bailly A « qu’on peut croire, digne de foi », d’où « sûr, honnête, loyal ») donnerait un sens plus satisfaisant pour deux raisons. La première est d’ordre lexical : le sens passif de pistos est bien attesté ailleurs qu’en Égypte, sur les épitaphes (M. N. Tod ibid. : « Loyalty, justice, straightforwardness, financial rectitude, and honour are highly esteemed »54), et il n’y a pas de raison de supposer un sens particulier du mot ici. La seconde raison touche à l’histoire des mentalités. L’épigraphie funéraire grecque de l’Égypte vante surtout les qualités sociales des morts, leurs aptitudes à la convivialité et à la vie collective (ZPE, 23, 1976, 229-230 et CE, 67, 1992, 330-331). Un individu « digne de foi », c’est un individu sur qui on peut compter, qui a toute son utilité au sein d’une collectivité fortement structurée comme l’étaient les bourgades de la campagne égyptienne.
90Employé dans son sens passif, pistos, ici, s’insère parfaitement dans le système de qualités utilitaires que la phraséologie funéraire d’inspiration indigène a si continûment exaltées. C’est pourquoi je préfère lui attribuer cette valeur passive qui s’accorde aux mentalités du temps.
Sur l’épitaphe d’un Grec de Téos
91L’épitaphe évoquée dans cette note a été rééditée en dernier par E. Bernand, Inscriptions métriques de l’Égypte gréco-romaine, 1969, 45-47 no 2, dans la traduction suivante :
Oui, c’est ici que le sol nourricier renferme Meli ---, de Téos, qui avait en partage une parfaite piété et qui remporta une noble gloire, méritée par sa valeur. Voici le monument qui éternise sa mémoire (aeimneston mnèmeion) et qui est exposé (phaneron) à la vue de la postérité.
92Il faut souligner que l’inscription provient de Naucratis, la ville la plus grecque de la Basse-Égypte, et révèle un goût marqué pour le vocabulaire et pour les valeurs morales de l’épopée homérique (terre nourricière, pouluboteira ; noble gloire, kléos esthlon ; valeur, arétè). Sa langue et sa prosodie correctes révèlent qu’elle a été gravée dans un milieu cultivé.
93À juste titre, Bernand a souligné o. l. 47 et note 5 que l’auteur y développe un thème fréquent sur les épitaphes en vers, celui de l’immortalisation du mort par son tombeau.
- 55 Que la tombe n’ait, en elle-même, aucune possibilité de commémorer si elle n’est pas acco (...)
94Il faut préciser ce qu’on entend par là. Un tombeau sans inscription ne perpétue rien, c’est un monument muet. Mnèmeion désigne donc l’ensemble formé par le bâti muet (de pierre, brique) et l’inscription funéraire, qui « parle » pour lui. C’est elle qui garde la mémoire du défunt55. Or, ici, pour exprimer l’idée que son tombeau perpétuerait toujours le souvenir du Téien, la formule aeimneston mnèmeion suffisait amplement. Il n’était pas utile d’ajouter que le tombeau « est exposé à la vue de la postérité » tant cette exposition sur le sol est une évidence. Clore un quatrain, de bonne facture au total, par une telle banalité, voilà qui a de quoi surprendre.
95Le quatrain est bâti sur une antithèse implicite : le v. 1 évoque, au présent de l’indicatif, le mort dans son caveau (« le sol nourricier renferme » etc.), le v. 3 lui oppose, à l’aoriste, sa gloire passée parmi les siens (« [il] remporta une noble gloire méritée par sa valeur »). Antithèse double, à la fois spatiale et temporelle, puisqu’elle oppose le caveau au monde des vivants, la mort actuelle à la gloire de jadis.
96On pourrait supposer que l’auteur du poème a peiné pour le finir. La séquence « et qui est exposé à la vue de la postérité », développant l’idée déjà incluse dans l’adjectif aeimnestos, ne serait alors qu’un bourrage maladroit en fin de vers, une expression « qui, inutile à la pensée, ne sert qu’à tenir une place dans la phrase ou dans le vers », ce qui est la définition même de la cheville littéraire, dans le dictionnaire de Littré. Cette interprétation présente l’inconvénient d’accabler un rédacteur antique sous le reproche de médiocrité. Dans le cas présent, c’est peut-être une attitude un peu facile. Aussi je me demande si l’auteur n’a pas délibérément pris le risque de paraître inutilement verbeux pour insister sur une idée qui lui tenait à cœur. Vivant au contact quotidien de l’Égypte, les Grecs de Naucratis pouvaient comparer leurs usages funéraires à ceux des indigènes. Un aspect de l’inhumation à l’égyptienne a dû les frapper. L’Égyptien de ce temps (la stèle du Téien est datée des III-IIe siècles avant J.-C. par tous ses éditeurs) enfouissait usuellement dans les sépultures nombre de documents qui auraient pu servir aussi à la commémoration des morts, si leur finalité n’avait pas été d’accompagner ceux-ci sous terre et donc d’échapper à la vue des vivants en même temps que les corps dont ils avaient fixé l’image avant le décès (les portraits de momies, parmi lesquels les célèbres « portraits du Fayoum ») ou défini les coordonnées par des textes peints ou gravés (les étiquettes et linges de momies, linceuls ou bandelettes), pour achever leur course dans l’obscurité des caveaux et de leurs niches. À propos des portraits par exemple, J.-C. Bailly, L’Apostrophe muette, essai sur les portraits du Fayoum, 1997, 118-123, a souligné vigoureusement le contraste entre le soin mis à les peindre et la fin qui leur était assignée. Aujourd’hui, nous jugeons ces chefs-d’œuvre comme nous faisons devant des Vélasquez ou des Monet, mais Vélasquez et Monet peignaient en pensant à l’avenir, tandis que les artistes égyptiens anonymes du Fayoum n’ont jamais songé au jugement de la postérité puisqu’ils les ont peints pour des tombes où on les a tous retrouvés. Je ne crois donc pas invraisemblable d’imaginer que ces enfouissements systématiques aient dû frapper les Grecs. J’y vois une origine possible de cette insistance à souligner que le tombeau du Téien et son support explicatif, la stèle, avec nom, origine et autres coordonnées, resteraient, eux, en permanence visibles aux survivants, les epiginomenoi du v. 4, « la postérité ».
97Si la fin de ce vers exprimait le souci de se démarquer d’habitudes indigènes différentes, elle trouverait une justification qui nous dispenserait d’y voir une simple cheville. Le vers final aurait un sens plein.
Note sur les épitaphes métriques dialoguées
- 56 Abrégées en IM par la suite.
98Les épitaphes métriques font souvent parler les morts, leurs stèles, leurs proches, les passants. D’où des compositions en forme de dialogues, que le mauvais état des pierres rend parfois malaisément intelligibles ; il arrive, en effet, que les lecteurs d’aujourd’hui éprouvent quelque difficulté à séparer les répliques pour distinguer les interlocuteurs. Ce devait déjà être difficile dans l’Antiquité, puisqu’un graveur a jugé bon de marquer, à l’aide de points, les changements d’interlocuteurs sur l’épitaphe d’Isidôra de Thèbes (E. Bernand, Inscriptions métriques de l’Égypte gréco-romaine56, 1969, no 49 et note au v. 1 p. 221). Néanmoins, ce graveur demeure isolé par sa prudence et son respect pour ses lecteurs futurs.
99Quel interlocuteur ouvrait d’ordinaire ces dialogues ? Sur ce point, les 102 épitaphes du volume de Bernand donnent des résultats sans équivoque, qui ne valent bien sûr que pour la vallée du Nil.
Épitaphe du soldat Eubios
- 57 Nouvelles observations sur cette stèle dans Lychnos, 75, 1998, 55-58.
100IM 13, 85-8957
- 58 Toutes les traductions proposées ici sont reprises de Bernand.
101(La stèle parlant à la première personne) « Eubios, fils d’Andromachos, repose près de moi, passant »58.
102(Le mort parle ensuite) « Je vous en conjure, mes compagnons de tente et d’armes. » etc.
Épitaphe de l’architecte Harpalos
103IM 23, 128-133
104(La stèle, à la première personne) « Je suis la tombe d’Harpalos. »
105(Le passant) « De quel Harpalos ? »
106(La stèle) « Sache qu’Harpalos était le plus industrieux dans la science qui réclame de l’habileté. »
107(Le passant) « J’ai compris. » etc.
Épitaphe du parfumeur Casios
108IM 27, 147-152
109(La stèle, présentant le mort sans se désigner elle-même) « Un homme semblable aux Dieux, après avoir laissé son corps à sa mère, la terre, […] s’en est allé vers la société des bienheureux sous la voûte céleste. »
110(Le passant) « Mais quel est cet homme ? » dira l’un des passants qui longent la tombe « qui est à ce point bienheureux, à ce point fortuné, et que toi tu caches ? »
Épitaphe d’une femme anonyme
111IM 38, 189-191
112(Le fils de la défunte parlant en son nom propre) « À ma bienheureuse mère, moi Mélas, j’ai érigé ce monument ; quant à elle, elle est partie pour le séjour sacré des âmes pieuses. »
113(La mère, parlant ensuite en deuxième personne) « Ici, en poussant des gémissements funèbres, mon époux et mon enfant m’ont érigé un tombeau. » etc.
Épitaphe juive d’Arsinoé
114IM 43, 199-203
115(?) « Témoignage d’une stèle. »
116(Le passant) « Qui es-tu, toi qui reposes dans l’obscurité de ce tombeau ? Indique ta patrie et ton père. »
117(La stèle, parlant à la première personne) « Je suis Arsinoé, la fille d’Alinè et de Théodosios. » etc.
118Bernand commente le formulaire initial sans préciser qui, selon lui, est censé le prononcer :
La formule qui commence l’épigramme est inhabituelle. […] Le poète précise le caractère fictif du dialogue en une phrase ramassée. […] La concision du tour permet à l’épigrammatiste de passer immédiatement au dialogue.
Avant Bernand, W. Peek (o. l. 201 note 2) avait avancé une interprétation. Il a supposé que ce formulaire (qu’il a traduit « die Stele gibt Kunde ») représentait un propos que le passant s’adressait à lui-même :
Den ersten Satz spricht der Betrachter zu sich selbst, indem er an die Stele herantritt (er geht von Denkmal zu Denkmal und hat sich gefragt : wem mag nun dies Grab hier gehören ?
L’inconvénient de cette interprétation, c’est qu’elle ferait une exception de cette épitaphe dans la littérature funéraire grecque d’Égypte ; en effet, elle revient à faire de cette séquence un bout de « monologue intérieur » attribué au passant, mais le monologue intérieur n’est pas dans les habitudes stylistiques des rédacteurs du temps. Sur cette stèle imitée du dialecte dorien, je traduirais d’abord stala manuteira par « la stèle témoigne », comme l’ont fait, depuis, W. Horbury et D. Noy, Jewish Inscriptions of Graeco-Roman Egypt, 1992, 90 no 38, « The stele bears witness ». D’autre part, je crois qu’on peut y voir la manifestation d’un désir de clarté de la part du versificateur. Il a voulu préciser d’emblée que le dialogue imaginé mettait en scène la stèle et le passant et qu’à toutes les questions posées (v. 1 « qui es-tu, toi qui ? » etc. , v. 5 « à quel âge ? » etc., v. 7 « as-tu été unie par le mariage ? », vv. 7-8 « lui as-tu laissé un enfant ? »), c’est toujours la stèle qui donne la réponse. Une telle introduction montre que, dès l’Antiquité, certains éprouvaient des difficultés à débrouiller l’écheveau des dialogues sur certaines épitaphes versifiées.
Épitaphe juive de Rachèlis
119IM 44, 203-206
- 59 C’est l’interprétation que j’ai proposée dans la LDP, 4, 1996, 12 note 6.
120(La stèle parle59) « Concitoyens et étrangers, pleurez tous Rachèlis, chaste, aimée de tous, âgée d’environ 30 ans. »
121(La défunte) « Ne vous lamentez pas en vain sur moi. » etc.
Épitaphe d’Hèroïs
122IM 47, 215-219
123(Le passant ouvre le dialogue) « Qui est mort ? »
124(La stèle répond) « Hèroïs. »
125(Le passant poursuit) « Comment et quand ? »
126(La stèle répond) « Elle portait le fruit de ses entrailles. » etc.
Épitaphe d’Isidôra
127IM 49, 220-222
128(La stèle ouvre le dialogue sans se désigner elle-même) « (Ici repose) une femme impérissable, non une mortelle. »
129(Le passant interroge) « Je m’en étonne. Qui est-elle ? »
130(La stèle poursuit) « Isidôra. »
131(Le passant poursuit son interrogation) « Quelle est sa ville ? » etc.
Épitaphe de Sérapous et de son fils
132IM 57, 236-238
133(La stèle, parlant sans se désigner) « Les siècles proclameront le nom de celle qui fut une fille et une sœur aimante. »
134(La défunte se définit ensuite) « Je repose avec mon enfant, comme c’est la coutume, entre ma mère et mon frère. »
135(La stèle reprend le dialogue en expliquant son rôle) « Je suis la meilleure des proclamations pour ceux dont précisément la sagesse. » etc.
Épitaphe d’Hèras
136IM 68, 273-277
137(Le lion sculpté de la tombe ouvre le dialogue) « Arrête-toi auprès de ma tombe, passant. »
138(Le passant) « Qui m’y invite ? »
139(Le lion) « C’est moi, le lion de garde, qui t’y invite. »
140(Le passant) « La statue de pierre elle-même ? »
- 60 Dans deux cas (23 et 68), ce sont la tombe et le lion qui sont censés « parler », mais (...)
141Dix stèles dialoguées sur une centaine d’épitaphes, c’est peu. Comme s’il était malaisé d’insérer du dialogue dans le moule du distique dactylo-spondaïque, le procédé est demeuré une rareté. Sur ces dix témoins, sept s’ouvrent sûrement par l’intervention de la stèle60, huit même soit une écrasante majorité, si on écarte l’hypothèse d’un monologue intérieur du passant sur 43. Seuls deux documents donnent l’initiative du dialogue à d’autres interlocuteurs, 38 au fils de la défunte, 47 au passant.
142Ce constat conduit à trois conclusions.
143On ne peut pas accepter l’affirmation, statistiquement fausse, de Bernand o. l. 130 : « Dans les épigrammes en forme de dialogue, c’est d’ordinaire le passant qui prend le premier la parole. » En Égypte, jusqu’à présent, il apparaît que c’était la stèle qui avait ce rôle.
144On ne peut pas, non plus, accepter son commentaire de la stèle d’Harpalos (no 23) qui commence par l’annonce « Je suis la tombe d’Harpalos ». À la suite de W. G. Waddell, il voyait, dans l’intervention initiale de la tombe parlant par son inscription, un procédé qui tend « à produire un effet de surprise ». L’effet en question n’y était manifestement pas et l’épitaphe d’Harpalos s’insère, au contraire, dans la série largement majoritaire.
145Enfin, la statistique me paraît confirmer aussi la proposition que j’avais faite sur l’épitaphe de Rachèlis dans la LDP, 4 (cf. note). L’appel aux concitoyens et étrangers « pleurez tous Rachèlis » etc. a les meilleures chances d’être lancé par la stèle. L’épitaphe commençait donc comme la quasi-totalité des autres.
Notes
1 Jusqu’alors le mot n’avait figuré que dans une scholie à Théocrite 7, 40.
2 La zone de Kom Abou Billou a été incluse dans un plan gouvernemental d’extension des cultures, d’où ces fouilles d’urgence.
3 La stèle no 25, 142-143, est presque entièrement détruite.
4 Noter la ressemblance de formulaire avec la stèle du « parent » du roi (no 5).
5 À son sujet, on peut adopter l’interprétation de Launey 293, pour qui Makedôn était un pseudo-ethnique et désignait un militaire armé et entraîné à la macédonienne. Hérakleitos pourrait avoir été un officier de cavalerie ou d’infanterie lourde.
6 Son épitaphe comprend un hexamètre initial et un pentamètre final encadrant de la prose à éléments métriques (Lychnos, 75, 1998, 55-58).
7 « Volvi in mare » (Thesaurus). Le verbe définit toutes sortes de mouvements tournoyants, ainsi celui des Ménades dans Euripide Bacch. 570.
8 Sur les inconvénients des navigations en mer Rouge, cf. par exemple Cl. Préaux, L’Économie royale des Lagides, 1939, 355 et 357. Il fallut attendre le règne d’Évergète pour voir des navigateurs franchir au sud de la mer Rouge le détroit de Bab-el-Mandeb.
9 C’est le vent favorable l’euphoron pneuma de Xénophon Hell. 6, 2, 27 ou l’ourion pneuma de Thucydide 7, 53, et Xénophon Hell. 1, 6, 27.
10 Dans ce passage, il est question du son « des flûtes phrygiennes ».
11 Parmi les références, des témoignages d’Euripide et de l’Anthologie.
12 Sur l’impressionnante sensation de solitude absolue que déclenche le massif arabique, cf. A. Bernand, Le Paneion d’El-Kanaïs, 1972, introd. XIX-XXI.
13 Il est parfois aussi appelé « sauveur » (sôter).
14 Autre raison de ne pas croire à une tempête : celle-ci aurait suscité, me semble-t-il, un appel à des divinités marines. Or, Pan est un dieu de la terre ferme (montagne et désert ici, puisqu’il recouvre un Min égyptien de la plaine coptite, qui a fini par étendre son autorité sur les routes du Nil à la mer Rouge).
15 Exemple sur le no 43 du recueil de Bernand (épitaphe juive d’Arsinoé) : v. 1 : « Qui es-tu, toi qui reposes ? » etc. ; v. 2 : « Indique ta patrie et ton père » ; v. 5 : « À quel âge es-tu tombée ? » etc. ; v. 7 : « As-tu été unie par le mariage ? / Lui as-tu laissé un enfant ? »
16 No 43, v. 9 : « Que te soit légère la terre gardienne des disparus » ; no 47, vv. 5-6 : « Qu’Osiris te rende la poussière légère et t’accorde l’eau fraîche » ; no 68, v. 15 : « Que ton nom soit éternellement célèbre. »
17 C’est le cas sur la stèle d’Harpalos, où la réflexion concernant la mort inéluctable est un lieu commun partout utilisé.
18 La mention d’Amphion trouve sa justification ici dans son activité architecturale : au son de sa lyre, il était censé avoir entraîné les rochers qui ont servi à élever les murailles de Thèbes. La lyre d’Amphion a suscité l’évocation d’Orphée, mais ce dernier apparemment n’a pas eu la réputation de constructeur miraculeux attachée à Amphion. La comparaison perd un peu de sa pertinence avec l’exemple d’Orphée.
19 Ainsi sur le no 68 du même recueil, c’est la tombe qui se réserve toute la partie du poème consacrée à l’éloge du défunt (vv. 7-12).
20 On pourrait se demander pourquoi la stèle ajoute la mention du fils au v. 11. L’addition, me semble-t-il, avait pour but de préparer la leçon finale sur la mort inéluctable et universelle.
21 Hugonot 159 a beaucoup insisté sur les frais que devait susciter la création d’un jardin en Égypte. Le cours du Nil était plus bas qu’aujourd’hui et la nappe phréatique était profonde (entre 2,5 et 4 m à Tell el-Amarna avant 1914). Les bassins des jardins ont donc été creusés comme des puits. La difficulté et le coût de pareils travaux ont dû en freiner le développement. De même, la terre des fosses circulaires qui accueillait arbres et buissons était du limon nilotique rapporté. Le creusement des fosses, le transport des pierres des murets protecteurs réclamaient temps et main-d’œuvre. Hugonot a également noté, 222-244 figs 208-213, que même les simples potagers apparaissent dans des tombes de nobles et de dignitaires, ce qui va dans le même sens.
22 Quand les artistes amarniens ont représenté des personnages au milieu de jardins, c’étaient des couples royaux (Hugonot 88 figs 67-68).
23 C’est dans l’iconographie des vergers qu’apparaît le plus nettement la possibilité d’une déformation picturale de la réalité : souvent un arbre signale leur existence, à côté d’une représentation de vigne et de potager (Hugonot 235 et figs 207, 214, 228).
24 Hugonot 229-230 et fig. 215 le qualifie de « vaste » ce qui révèle à quel point les égyptologues sont habitués à de faibles superficies quand ils évoquent cet aspect de l’agriculture égyptienne. Les potagers jouxtant le village des ouvriers à Tell el-Amarna sont remarquablement exigus aussi. Le plus grand mesurait 3,40 x 2,50 m (Hugonot 232 et notes 1-2). Enfin, parmi les espaces que Hugonot appelle « petits jardins » sur le même site, certains étaient des cours plantées et non des jardins, ex. 0. 48. 13, qui est un rectangle de 4 x 6 m, avec un arbre à chaque angle.
25 C’est moi qui souligne.
26 Autres exemples dans des jardins de tombes (Hugonot 177-189) le palmier isolé de la tombe de Khnoumemheb ; celui de la tombe d’Ipouy ; les racines d’un palmier doum retrouvées dans l’enclos funéraire de Neferhotep. La liste n’est pas exhaustive. Cf. aussi Hugonot 273, sur cette habitude égyptienne de réduire les jardins funéraires à un seul arbre.
27 Le temple de Chnoum est un bon exemple de la difficulté de trancher entre inclusion et exclusion. Bagnall 151 l’emprunte à Hugonot 55 comme exemple de « garden », alors que c’est une de ces « cours plantées d’arbres » que G. Husson exclut. Elle a d’abord été entièrement couverte d’un pavement, puis percée de trous où on a planté les arbres. Entre ces trous, il ne pouvait y avoir aucune végétation. Autre exemple, le jardin de la maison du roi à Tell el-Amarna. Derrière la façade, 3 rangées de 2, 7 et 14 arbres, disposées de chaque côté de l’axe de l’entrée, occupaient un quart de la cour. Le reste était impropre à toute culture, étant couvert d’une couche de plâtre mêlé à du gravier (Hugonot 112-113 fig. 92).
28 De même peut-on nommer « jardin » la rangée d’arbres unique qui bordait certains bassins ? (ex. dans la cour centrale du palais Nord de Tell el-Amarna ou autour du lac du Marou Aton, Hugonot 114-121).
29 Cf. La Fontaine, Psyché 1 : « Tous parcs étaient vergers du temps de nos ancêtres », où parc évoque « le seul agrément » (Littré s. v.) et verger l’utilitaire (« lieu planté d’arbres fruitiers », ibid. s. v.).
30 Cf. Hugonot 222-244 et figs 208-213 sur le mélange potager-vigne-verger dans l’iconographie.
31 Sur le sens du mot, cf. ibid., note 4. Crawford traduit par le mot « surrounds ».
32 « Orchards » Crawford.
33 « Meadow-land » Crawford.
34 « Kerkeosiris is the only Fayum village for which such a complete set of totals exists, but a limited comparison with other villages is possible » Crawford.
35 « […] the extent if not also the distribution of lands was probably typical of many similar Fayum villages […] » Crawford. Le tableau transcrit les données du P. Tebt. 60 1-47.
36 L’aroure équivaut à 2 756 m2. 21 aroures 1 /4 valent donc un peu moins de 6 hectares.
37 31 aroures 5 / 8 = un peu moins de 9 hectares.
38 L’impression d’abondance peut venir d’une lecture des index de recueils. Un recensement des P. Oxy. 1-63 montre aisément que cette pratique est trompeuse : sur 3 000 papyrus documentaires à peu près, il faut exclure les témoignages de l’amphodon du Pamménous Paradeisos, qui désignait un quartier de la cité ainsi qu’une allusion au « Paradis » chrétien dans une lettre de consolation du VIe siècle de notre ère. Il ne reste que 12 témoins de kêpoi, kêpia et paradeisoi réels : trois proviennent d’archives aristocratiques (la famille des Apions), quelques-uns seulement sont localisés (dans des villages du nome, Sénepta, Teïs), deux ou trois sont mentionnés à l’occasion de relevés topographiques de propriétés ; quant aux surfaces et aux paiements « pour la taxe sur les paradeisoi », ils sont trop rarement indiqués pour être significatifs.
39 Ouvrage paru dans la collection du Journal of Roman Archaeology, Supplementary Series no 21.
40 Elles concernent les p. 53-91 du livre de Scheidel, intitulées Digit preference in age records from Roman Egypt.
41 Ces lignes figurent dans le compte rendu de Straus, CE, 74 / fasc. 147, 1999, 189.
42 Dernier état comptable dans Kentron, 15 / 1, 1999, 78-79. Kom Abou Billou est le seul site qu’on puisse étudier sous cet angle, car les autres nécropoles d’Égypte ont produit beaucoup moins de textes funéraires que lui (cf. ZPE, 21, 1976, 238-240, pour Alexandrie et Akhmîm ; W. Horbury – D. Noy, Jewish Inscriptions of Graeco-Roman Egypt, 1992, pour Tell-el-Yahoudiyeh). J’ai ajouté à la bibliographie évoquée en début de note H. Riad, BSAA, 44, 1991, 169-200. On y trouve deux femmes déclarées mortes à 7 et 17 ans (Didymè et Thaneutis). Sur celles-ci, cf. aussi ZPE, 101, 1994, 114 figs 7 et 9.
43 Le douzième témoin, SB 10 162 / 637 est de sexe indéterminé (nom en lacune). Sur ce point cf. ZPE, 21, 220 note 15.
44 Pour éviter tout risque d’erreur, j’ai systématiquement éliminé les cas incertains où la lecture du chiffre 7 (dzèta) offrait un degré insuffisant de probabilité. Mon évaluation repose sur le recensement évoqué dans Kentron, 15/1, 79.
45 Les femmes sont largement représentées dans cet accroissement, ex. Achillis et Asklatarin, 17 et 27 ans (BIFAO, 78, 1978, 242 et 253 nos 13 et 46), Thathrès, Dionysarin et Tollous, 7, 37 et 87 ans (SFKAB, 1985, 20, 22, 27 nos 50, 62, 109), Senpsoïs et Ta(s)ouchis (?), 7 et 37 ans (ZPE, 114, 1996, 126 et 136, nos 53 et 98). Le rejet superstitieux du 7 « par les femmes de la campagne » n’est toujours pas manifeste, puisque les témoignages du type précédent continuent à se multiplier.
46 Les épitaphes versifiées, au nombre d’une centaine dans les Inscriptions métriques d’E. Bernand, 1969, ne semblent pas constituer, non plus, un terrain favorable à une analyse de ce genre. En effet, sur les 28 hommes adultes que groupe ce recueil (nos 1-27 + Agathoclès à la dernière ligne du no 44), on trouve deux défunts de 27 ans (Apollôs en 11, 2, de Naucratis, Pappion en 17,5, de Tell-el-Yahoudiyeh).
47 Je regrette que Bernand d’une part, Horbury et Noy de l’autre, aient traduit le pluriel charisin par un mot abstrait au singulier (« avec libéralité » chez l’un, « with gracious liberality » chez les seconds). Il me semble qu’on pourrait marquer la légère nuance qui sépare les réalisations concrètes de la générosité (v. 8 de la stèle d’Abraham) de la disposition d’esprit qui pousse à ces réalisations (v. 6 de la stèle de Samuel).
48 Crönert voyait une Alexandrine en Hèdeia, mais Bernand pense que l’épithète astè, employée seule sans détermination géographique, n’implique pas nécessairement cette origine. Le plus frappant ici, c’est le désir d’affirmer fortement l’hellénisme de toute la famille : les noms sont grecs (o. l. 193 notes 1, 2, 8), le couple géniteur avait le statut civique lui aussi, ainsi que le mari, certainement ; toutes ces caractéristiques sont autant de marques de distinction et de prééminence politique pour ces habitants du Fayoum (sur la provenance de la stèle cf. o. l. 192 et note 1). Qu’une volonté de mettre l’épithète en valeur ait accompagné sa mention est en outre assuré par sa place en rejet, au début du v. 2. On peut noter un procédé identique sur la stèle funéraire d’Ammônia (o. l. 164-173 no 33), où le v. 1 commence par la définition politique de la défunte, « citoyenne (astè) de Naucratis ». L’épitaphe d’Hèdeia et celle d’Ammônia sont d’époque hellénistique et, sous les Lagides, elles témoignent chacune de la persistance d’un vif sentiment de différence chez les Hellènes.
49 Bien avant la publication de Bagnall et Frier, on avait déjà le sentiment d’une précocité générale des mariages féminins, quand des épitaphes associaient des âges juvéniles de défuntes à des épithètes telles qu’agamos ou ateknos. Mais de telles coïncidences sont rares et ces deux épithètes peu employées (Kentron, 12/2, 59-60). Le livre de Bagnall et Frier précise donc les impressions antérieures.
50 Modifications enregistrées dans Kentron, 15 / 1, 1999, 78-80.
51 Ainsi la destruction, en 73 de notre ère, à Tell el-Yahoudijeh/Léontopolis, sur l’ordre du pouvoir romain, du temple fondé par Onias, du temps de Ptolémée Philomètor.
52 Je dis « possible » car il ne me paraît pas certain. Ce témoignage, c’est l’épitaphe juive de Didymè, retrouvée en 1996 à Sedment près d’Ehnasiya, au milieu d’une nécropole faite de sépultures également juives. Ses éditeurs (CRIPEL 19, 1998, 94 No 20) ont traduit l’épithète philosemnos attachée à la défunte par « ce qui aime la vénération du divin » et l’ont interprétée comme une affirmation de sa piété (eusebeia), y voyant une proclamation de judaïsme « si Didymè est juive » (cf. commentaire 94-95). Mais M. N. Tod ABSA, 46, 1951, 189 signale plusieurs exemples, éparpillés jusque dans la Grèce du Nord (Macédoine), des adjectifs semnè/semnotatè, pour louer la bonne conduite des défuntes : « Stress is frequently laid, especially in the epitaphs of women, upon dignity and propriety of conduct. » Je me demande donc si philosemnos, sur la stèle de Didymè, n’évoque pas plutôt la retenue, la réserve, le sens de la bienséance, loin de toute référence à la foi, qui étaient tenus pour vertus essentielles des femmes. Euripide emploie semnotès en ce sens, à propos des femmes également, au v. 1344 d’Iphigénie à Aulis.
53 Exemple à Kom Abou Billou même et dans le même article, la stèle, également funéraire, de Némésas, 121 no 25 « Némésas fils de Psyllos (ou surnommé Psyllos), pieux, (âgé d’)environ 53 ans, etc. ».
54 Sous la plume de Tod, cette phrase est un commentaire du sens de l’adjectif.
55 Que la tombe n’ait, en elle-même, aucune possibilité de commémorer si elle n’est pas accompagnée d’une inscription, est fortement souligné sur l’épitaphe 63, vv. 1-2 et 5, du volume de Bernand : « le tombeau (tumbos) n’est point insignifiant (asamos) […] la pierre désignera (sèmanei) le défunt […] regarde de tes deux yeux l’inscription gravée (kolapton gramma). »
56 Abrégées en IM par la suite.
57 Nouvelles observations sur cette stèle dans Lychnos, 75, 1998, 55-58.
58 Toutes les traductions proposées ici sont reprises de Bernand.
59 C’est l’interprétation que j’ai proposée dans la LDP, 4, 1996, 12 note 6.
60 Dans deux cas (23 et 68), ce sont la tombe et le lion qui sont censés « parler », mais l’une et l’autre ne seraient que des monuments muets si des inscriptions adjacentes n’explicitaient pas ce qu’ils sont supposés vouloir dire. La tombe et le lion parlent donc par stèles interposées. C’est pourquoi je classe 23 et 68 parmi les épitaphes sur lesquelles la stèle entame le dialogue. Ces deux variantes ne modifient pas, d’ailleurs, la tendance statistique générale.
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Référence papier
Bernard Boyaval, « Dix notes égyptiennes », Kentron, 17-1 | 2001, 53-81.
Référence électronique
Bernard Boyaval, « Dix notes égyptiennes », Kentron [En ligne], 17-1 | 2001, mis en ligne le 15 octobre 2018, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/2230 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.2230
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