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Comptes rendus

Franco Miullari, L’interpretazione anamorfica dell’Edipo Re. Una nuova lettura della tragedia sofoclea

François Jouan
p. 133-134
Référence(s) :

Franco Miullari, L’interpretazione anamorfica dell’Edipo Re. Una nuova lettura della tragedia sofoclea, Pisa – Roma, Istituti editoriali e poligrafici internazionali, 1999, 483 p.

Texte intégral

  • 1 « La péronè dans le destin d’Œdipe », Kentron, 15, 2, 1999, 33-49.

1Les lecteurs de Kentron ont pu lire il y a quelque temps le texte d’un exposé de cet auteur qui développait un aspect de sa réflexion sur le drame de Sophocle1. Dans le gros volume présenté ici, il s’attache à l’Œdipe Roi dans son ensemble pour en proposer une « nouvelle lecture ». L’auteur peut revendiquer parmi ses maîtres de grands hellénistes comme Oddone Longo ou Bruno Gentili. Mais la grande originalité de son travail est de se trouver également nourri de son expérience médicale, le Dr Maiullari étant un éminent spécialiste suisse de neuropsychiatrie infantile et de psychothérapie.

2Le livre s’ouvre sur une introduction d’une trentaine de pages qui définit le but de la recherche et la méthode suivie. Le corps de l’ouvrage est ensuite constitué par une analyse détaillée, pratiquement vers à vers, de la tragédie de Sophocle. Chacun des treize chapitres, répartis entre trois parties, envisage une tranche de texte plus ou moins étendue (de quelques dizaines à quelques centaines de vers). Il comporte un titre, qui définit le thème essentiel du passage étudié, et une courte introduction. Ensuite, chaque double page présente en vis-à-vis quelques vers grecs et leur traduction italienne, volontairement très littérale (les mots ou membres de phrase sur lesquels le traducteur veut attirer l’attention étant en italique). Tout le reste des deux pages est rempli par le copieux commentaire suivi. Celui-ci vise avant tout à illustrer et à justifier les principes d’exégèse présentés dans l’introduction concernant l’interprétation « anamorphique » du drame. D’où vient ce terme ? Du vocabulaire de la peinture, où il qualifie un procédé emprunté à la Grèce antique par certains peintres de la Renaissance et qui consiste à donner d’un objet une image suffisamment équivoque pour qu’il ne puisse être identifié que sous un certain angle de vision. L’auteur reproduit, pour illustrer cette illusion d’optique, un tableau de Holbein, de la National Gallery, « Les Ambassadeurs », comportant l’image « anamorphique » d’un crâne humain. Il complète cette métaphore par le symbole dynamique de la balance en équilibre, dont une faible poussée donne la position supérieure à l’un ou l’autre des plateaux. Appliqués à la tragédie de Sophocle, ces principes traduisent le fait que la pièce comporte une double clé de lecture, correspondant à deux niveaux du récit, l’un superficiel et exposé en pleine lumière, l’autre plus profond et caché à la vue, mais qui l’accompagne et le « double » constamment en mineure. Le premier niveau de sens est celui qui a été reconnu et accepté par la critique, d’Aristote à nos jours : Œdipe y est coupable de parricide et d’inceste, mais en même temps innocent, puisque dans les deux cas il n’a pas su qu’il tuait son père et qu’il épousait sa mère. Une version en quelque sorte tranquillisante, comme le souligne O. Longo dans son excellente préface, car malgré l’atrocité des actes, elle élimine l’intention criminelle et l’atteinte consciente aux valeurs humaines les plus sacrées. Mais au second niveau l’interprétation anamorphique, détecte une autre face beaucoup plus inquiétante de la réalité, dans laquelle Œdipe a tué volontairement Laïos, en sachant qu’il était son père, pour lui ravir le trône, et aussi pour se venger de la mutilation subie après sa naissance (un assassinat dans lequel ont trempé Créon et Tirésias), et pour atteindre le même but il a épousé consciemment sa mère. Certes, tout cela n’est pas exprimé en toutes lettres, mais se déduit de l’analyse attentive d’une longue série d’ambiguïtés, d’incohérences, de contradictions, de doublets, de paradoxes, que la critique a déjà en grande partie répertoriés, mais sans s’en inquiéter suffisamment. Si bien que dans le cours de la pièce la réalité perd ses contours et que la tragédie devient, selon le mot de l’auteur, « la mise en scène d’un songe rêvé par Œdipe » (p. 4). Toute la pièce est placée sous le signe du double et de l’ambiguïté, à commencer par le caractère des personnages, et surtout celui d’Œdipe, où se combinent des opposés, savoir et ignorance, véracité et mensonge, hardiesse et pusillanimité, aspirations tyranniques et penchants démocratiques. Les paroles prononcées sur scène sont souvent susceptibles de dissimuler un second sens, qui s’applique à des réalités cachées. Celles-ci peuvent du reste apparaître à l’insu de celui qui parle, mais suggèrent en général chez lui une certaine connaissance des vérités sous-jacentes, non officielles. C’est au premier chef à cette thèse que se consacre un commentaire qui n’esquive aucune difficulté et associe la maîtrise du philologue et l’expérience du médecin des âmes. Très sensible aux aspects formels, l’auteur analyse dans le détail la multiplicité des artifices proprement stylistiques dont use le poète et à travers lesquels il conduit avec une étonnante maîtrise ce double cours de l’action tragique.

3Cette exégèse subtile, qu’Oddone Longo qualifie à juste titre de « neuve et révolutionnaire », pourra effectivement déconcerter, et il n’est pas certain qu’elle parviendra à convaincre la totalité des lecteurs de l’ouvrage, mais elle ne pourra que les conduire à méditer une fois encore sur les richesses de cette pièce maîtresse de Sophocle, à la fois la plus admirée et la plus controversée de son œuvre, dont la critique n’est pas près d’épuiser le sens.

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Notes

1 « La péronè dans le destin d’Œdipe », Kentron, 15, 2, 1999, 33-49.

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Pour citer cet article

Référence papier

François Jouan, « Franco Miullari, L’interpretazione anamorfica dell’Edipo Re. Una nuova lettura della tragedia sofoclea »Kentron, 17-2 | 2001, 133-134.

Référence électronique

François Jouan, « Franco Miullari, L’interpretazione anamorfica dell’Edipo Re. Una nuova lettura della tragedia sofoclea »Kentron [En ligne], 17-2 | 2001, mis en ligne le 10 octobre 2018, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/2151 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.2151

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