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Philologies

L’image d’Alexandre le Conquérant chez les chroniqueurs byzantins (VIe-XIIe siècles)

Corinne Jouanno
p. 93-106

Résumés

Le chapitre que les chroniqueurs byzantins consacrent au règne d’Alexandre est généralement composé d’éléments hétérogènes : données historiques, emprunts au Roman d’Alexandre, développements inspirés de la tradition judéo-chrétienne (tel l’épisode fameux du séjour à Jérusalem). Si le dosage des ingrédients, et notamment la part de l’affabulation, varie selon les auteurs, un trait est commun à toutes les notices : leur caractère très favorable au conquérant macédonien. L’image d’Alexandre dans les chroniques byzantines relève de la « légende rose ».

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Notes de la rédaction

Le présent article est la version remaniée d’une communication présentée au XIXe Congrès international des études byzantines (18-24 août 1996) : seul un résumé en avait été publié dans les Actes du Congrès (Byzantium. Identity, Image, Influence, Copenhague, 1996, Abstract no 7322).

Texte intégral

  • 2 Sur la littérature chronographique à Byzance, voir H. Hunger, Die hochsprachliche p (...)
  • 3 Chez Malalas, seules trois pages sont réservées à Alexandre (CFHB, p. 146-148), alors que l (...)

1Dans les chroniques byzantines, où l’histoire de l’Antiquité grecque se réduit en général à l’évocation, considérablement déformée, de légendes empruntées à la geste des dieux et des héros, Alexandre est la première figure historique de la Grèce qui fasse l’objet d’un développement spécifique2. Encore le chapitre qui lui est consacré peut-il parfois sembler n’être pas à la mesure d’un personnage de cette envergure, et paraître chichement mesuré, comparé aux développements plus fournis dont bénéficient certains empereurs romains ou byzantins3. Si nos chroniqueurs sont à son égard d’une générosité variable – Manassès lui accorde à peine une demi-page, alors que Georges le Moine lui en octroie une quinzaine, et Zonaras près de trente – ils ont en revanche tous en commun de présenter à son sujet un amalgame de données très hétérogènes.

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  • 4 Chap. 7, 17 et 8, 1-4, éd. I. Thurn, CFHB 35, Berlin, 2000, p. 144 et 146-148 ; trad. E. et (...)
  • 5 Malalas cite pour sources, non pas des historiens d’Alexandre – Diodore, Plutarque ou Arrie (...)

2La notice composée par Malalas (ca 490 – ap. 570), auteur de la plus ancienne chronique byzantine qui nous ait été intégralement conservée, et source, directe ou indirecte, de la plupart des chroniqueurs ultérieurs, offre un bon exemple de ce caractère composite4. Malalas juxtapose en effet des éléments de provenance diverse, données historiques et fictives, mêlées d’interprétations religieuses qui font de son chapitre sur Alexandre un ensemble fort disparate. S’il ne doit pas grand-chose à la tradition historiographique ancienne5, il a en revanche abondamment exploité le Roman d’Alexandre, et nous offre en quelques pages une claire illustration de la popularité dont jouissait à Byzance le texte du Pseudo-Callisthène.

  • 6 CFHB, p. 144 : cf. Ps. Call., I, 1-12 (éd. G. Kroll, Historia Alexandri Magni. Volumen I. R (...)
  • 7 CFHB, p. 147, l. 53-54 : cf. Ps. Call., I, 13.
  • 8 CFHB, p. 146, l. 19-23. Ce passage montre que Malalas a dû utiliser le texte de la plus anc (...)
  • 9 CFHB, p. 147, l. 42-43 : cf. Ps. Call., II, 20-22 (passim).
  • 10 CFHB, p. 147 : cf. Ps. Call., III, 21-23.
  • 11 Le mariage d’Alexandre et de Candace est peut-être un souvenir déformé des liaisons (...)

3Ainsi présente-t-il Alexandre comme le fils du pharaon Nectanabo (sic), réfugié en Macédoine à la suite de l’invasion des Perses en Égypte ; Alexandre est né des amours illégitimes de la reine Olympias et du mage égyptien, « histoire bien connue » (θρυλλούμενα), précise-t-il6. Du Conquérant, il trace un étrange portrait physique, tiré tout droit du Roman : « Il était petit, il avait les dents grandes et saillantes, un œil bleu et l’autre noir »7. À l’instar du Pseudo-Callisthène, Malalas tient Alexandre pour un descendant d’Achille et nous le montre rendant hommage à son illustre ancêtre lors de son passage à Troie8. Il évoque également le mariage d’Alexandre avec Roxane, donnée pour fille de Darius, comme dans le Roman9, et raconte le séjour du Macédonien chez la reine Candace, empruntant au Pseudo-Callisthène le motif du héros déguisé et néanmoins percé à jour par la clairvoyance d’une simple femme10 ; Malalas innove toutefois en modifiant la conclusion de l’épisode, qui se termine chez lui par un mariage11 – manière peut-être d’offrir sa revanche au Conquérant, ce qui serait bien dans l’esprit d’un auteur dont la misogynie n’est pas le moindre défaut.

  • 12 On notera notamment l’existence, à Byzance, de spéculations apocalyptiques situant l’entrée (...)
  • 13 CFHB, p. 146, l. 19-20 et l. 8.
  • 14 On retrouve diverses autres mentions de sacrifices humains dans la chronique de Mal (...)

4Tous ces éléments empruntés au Roman suggèrent d’Alexandre une image assez peu flattée, et en tout cas fort éloignée de l’idéal moral des Byzantins : le roi macédo-nien a en effet contre lui d’être un enfant bâtard, fils de magicien, doté de surcroît d’un physique inquiétant – car l’hétérophtalmie passait volontiers pour un trait maléfique12. Époux de Roxane et de Candace, il est par conséquent bigame et, qui plus est, résolument païen : Malalas nous le montre offrant un sacrifice sur la tombe d’Achille et, pire encore, immolant une vierge, à titre propitiatoire, lors de la fondation d’Alexandrie13. En quoi il s’écarte du Roman, où jamais n’est mentionné aucun sacrifice humain, pour projeter sur le passé grec ses préjugés de chrétien du VIe s., et semble ainsi vou-loir fournir à travers Alexandre une illustration des coutumes horribles du paganisme14.

5Rien pourtant dans le reste de la notice ne vient confirmer pareille volonté de brosser un portrait négatif du Conquérant. Bien au contraire, fidèle à une vision providentialiste de l’histoire commune à la plupart des chroniqueurs byzantins, Malalas présente explicitement Alexandre comme l’instrument du plan divin :

  • 15 CFHB, p. 146, l. 3-6. La présentation d’Alexandre en instrument de Dieu se retrouve (...)

La quatrième année du règne de Darius le Mède, fils d’Assalam, Dieu suscita contre les Assyriens, les Parthes et les Mèdes, Alexandre, fils de Philippe15.

  • 16 CFHB, p. 146, l. 3-6 ; cf. Daniel, 7, 6 : la troisième bête, image d’Alexandre, est dite «  (...)
  • 17 Le texte fut composé ca 165 / 164 av. J.-C., à l’époque des persécutions d’Antiochos IV Épi (...)
  • 18 CFHB, p. 146, l. 11 et p. 147, l. 31-32.
  • 19 Le motif de l’expédition punitive figurait déjà parmi les arguments de propagande u (...)

Influencé par le Livre de Daniel et par l’idée de succession des empires, notre chroniqueur compare Alexandre au léopard, troisième des quatre bêtes apparues au prophète, en préfiguration des « quatre rois qui se lèveront de la terre »16. Mais à la différence de Daniel, dont le texte était originellement hostile aux Gréco-Macédoniens17, Malalas réinterprète en un sens positif l’image du léopard, dont il fait un symbole de la valeur guerrière du Conquérant, et il insiste sur l’heureux résultat de l’expédition d’Alexandre, qui sut châtier « le fol orgueil des Assyriens » et les soumettre à son pouvoir, restituant ainsi « aux Romains tout ce qu’ils avaient perdu »18. On notera ici la façon dont Malalas actualise le motif ancien de l’expédition punitive19, à la faveur d’un anachronisme, en substituant les « Romains » aux Grecs, superposant ainsi à l’image d’Alexandre celle de l’empereur byzantin menant croisade contre les Perses pour défendre les intérêts de la nouvelle Rome.

  • 20 CFHB, p. 146, l. 13-15. On retrouve le même détail, tout droit tiré de Malalas, dans (...)
  • 21 Chap. 69, éd. J. Herrin – A. Cameron, Constantinople in the Early Eighth Century : (...)

6D’autres éléments du récit de Malalas témoignent du même désir de mettre Alexandre en relation avec les réalités byzantines : ainsi notre chroniqueur fait-il du Macédonien le fondateur du Stratégion, qui aurait reçu ce nom parce que le Conquérant y « conçut sa stratégie de guerre, en compagnie de son armée et de ses alliés »20 ; or en ce site constantinopolitain se trouvait une statue d’Alexandre, installée par Constantin, si l’on en croit les Parastaseis, et toujours d’après la même source, c’est précisément en cet endroit que le premier empereur de Byzance avait choisi d’établir le forum de sa nouvelle capitale21. Ainsi l’Alexandre de Malalas se trouve-t-il implicitement associé aux lieux centraux du pouvoir et au fondateur même de l’Empire, dont il préfigure en quelque sorte la mission.

7Malalas se plaît enfin à évoquer les divers travaux de construction réalisés par Alexandre :

  • 22 CFHB, p. 146, l. 6-10 : cf. Ps. Call., I, 30-33 (fondation d’Alexandrie et du Sarap (...)

C’est lui qui fonda la grande Alexandrie, qui était auparavant un village appelé Rhacoustis ; lui-même appela la cité de son nom […]. Il fonda aussi un sanctuaire en l’honneur de Sérapis Hélios, un bain public que l’on appelle Hippos, et d’autres sanctuaires22.

  • 23 Bien attestée dans le Roman, où figure d’ailleurs en guise de conclusion une liste (largeme (...)
  • 24 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 321. À titre d’exemple, on peu (...)

Le roi macédonien se trouve ainsi dépeint sous les traits d’un héros bâtisseur23. Or la qualité de κτίστηϛ fait partie des attributs du καλὸϛ βασιλεύϛ, comme l’atteste la fréquence de ce motif dans les éloges impériaux, soucieux d’exalter la fonction créatrice du partenaire terrestre du δημιουργόϛ divin24. Ainsi le texte composite de Malalas aboutit-il à la création d’une figure paradoxale de roi païen aux airs de basileus modèle.

* * *

  • 25 Éd. C. Müller, FHG IV, 1885, p. 555 (no 41-42) ; cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literat (...)
  • 26 Ainsi le fragment évoquant l’orientalisation d’Alexandre s’inspire-t-il de Diodore, 17, 77, (...)
  • 27 À la différence de Malalas, Jean d’Antioche ne parle toutefois pas de mariage d’Alexandre e (...)
  • 28 Dans la Chronique Paschale, dont tout le texte est au service de la démonstration chronolog (...)
  • 29 Pour ces quatre auteurs, voir infra.
  • 30 Sur cette chronique, achevée ca 808-810, voir H. Hunger, Die hochsprachlich (...)
  • 31 Éd. Mosshammer, p. 307 : … φυγόντοϛ Νεκτανεβώ, ὡϛ τινέϛ, εἰϛ Αἰθιοπίαν, ὡϛ δὲ ἕτεροι, εἰϛ (...)
  • 32 Cf. notamment le passage où le Syncelle évoque cavalièrement les conquêtes d’Alexandre (Thr (...)
  • 33 H.J. Gleixner, Das Alexanderbild der Byzantiner, p. 37.
  • 34 Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, 11, 8. Cet ouvrage fut si assidûment lu, médité et p (...)
  • 35 Bonn, I, p. 390.
  • 36 Éd. Mosshammer, p. 314, l. 8-10.
  • 37 On retrouve la même image du Conquérant dans certaines versions byzantines du Roman d’Alexa (...)
  • 38 Eusèbe, éd. R. Helm, Eusebius Werke, Bd 7, Berlin, 1956 (GCS), p. 123 (version de H (...)

8Les notices consacrées au Conquérant dans les chroniques ultérieures ne sont pas moins hétérogènes que le texte de Malalas, quoique le dosage des ingrédients varie assez considérablement d’un auteur à l’autre. Si les quelques fragments de Jean d’Antioche (début VIIe s.) en notre possession25 laissent penser que prédominaient dans son chapitre sur Alexandre la composante historique26, il n’en racontait pas moins l’histoire de la reine Candace, à l’instar de Malalas27, et l’on retrouve aussi des éléments tirés du Roman dans la Chronique Paschale28, chez Georges le Syncelle, Georges le Moine, Kédrénos ou Michel Glykas29 – à commencer par le motif de la naissance égyptienne, qui d’ailleurs apparaît parfois juxtaposé à d’autres versions concurrentes. Ainsi en va-t-il chez Georges le Syncelle (ap. 810)30 qui, mieux documenté et plus critique que Malalas, prend ses distances avec la fable pseudo-callisthénienne, à laquelle il oppose, sans toutefois s’autoriser à trancher par lui-même, la version historique selon laquelle Nectanébo se serait enfui en Éthiopie lors de l’invasion perse – version qui restitue à Philippe la paternité du Conquérant31. Les éléments empruntés à l’historiographie antique tiennent d’ailleurs une place assez considérable dans les divers passages consacrés par le Syncelle au règne du Conquérant32. Si la veine romanesque est en net recul chez ce chroniqueur à qui H.J. Gleixner reconnaît, avec peut-être quelque exagération, « eine wirkliche historische Begebung »33, la dimension affabulatrice n’est pourtant pas absente de son texte, puisqu’y figure, sous forme embryonnaire, un épisode anhistorique dont la plus ancienne occurrence remonte à Flavius Josèphe (Ier s. ap. J.-C.)34 et qui, s’il était aussi fugitivement mentionné par l’auteur de la Chronique Paschale35, bénéficiera dans les chroniques ultérieures d’un extraordinaire développement, parce qu’il servait excellemment le désir conçu par les Byzantins de s’approprier la figure d’Alexandre : il s’agit du séjour du Conquérant à Jérusalem, et de l’hommage que le roi macédonien aurait alors rendu au Dieu des Juifs, « reconnaissant avoir reçu de lui l’empire de l’univers »36. Un pas décisif se trouve ainsi franchi, puisque Alexandre, qui chez Malalas n’était encore que l’instrument du plan divin, devient adorateur du dieu unique37 : dans la Chronique Paschale et chez Georges le Syncelle, l’importance de l’innovation se trouve toutefois amoindrie par la brièveté de l’allusion, empruntée, semble-t-il, à la chronique d’Eusèbe38.

  • 39 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 347-351.
  • 40 Éd. C. de Boor, Leipzig, Teubner, 1904 (réimpr. 1978), I, p. 25-39.
  • 41 La digression sur le costume du grand-prêtre est un montage de citations qui proviennent no (...)
  • 42 Éd. C. de Boor, I, p. 32-33. L’anecdote en question est tirée du Contre Apion de Flavius (...)
  • 43 Éd. C. de Boor, I, p. 32, l. 6.
  • 44 De Malalas proviennent notamment l’histoire de la naissance égyptienne, l’allusion à la (...)
  • 45 Éd. C. de Boor, I, p. 34, l. 4, p. 35, l. 5. De la deuxième homélie de Jean Chrysostome In (...)
  • 46 Éd. C. de Boor, I, p. 35-39.
  • 47 Au développement de contenu géographique tiré de Palladius (de Boor, I, p. 35-37 : cf. Pall (...)

9Chez Georges le Moine (ca 866 – ap. 872)39, en revanche, c’est précisément l’épisode du passage à Jérusalem qui constitue la pièce maîtresse de la notice consacrée au Conquérant, et qui en justifie l’assez considérable étendue40 : la moitié du chapitre sur Alexandre s’attache en effet à évoquer la rencontre du roi macédonien et du grand-prêtre des Juifs. Étroitement calqué sur le récit de Flavius Josèphe, le développement de Georges le Moine est encore allongé d’une minutieuse digression sur le costume du grand-prêtre41, qui contribue à accentuer la coloration religieuse de l’ensemble de la notice. L’épisode jérusalémite se prolonge d’ailleurs d’un appendice anecdotique qui en renforce la signification édifiante : on y voit en effet un dénommé Mosomachos, Juif ayant choisi de s’enrôler aux côtés d’Alexandre, se gausser des mauvais présages en vertu desquels un devin prétend freiner l’avance de l’armée macédonienne, et donner ainsi une leçon à « tous ceux qui étaient asservis à la même erreur »42. Si Georges le Moine a choisi de conférer pareille ampleur à la visite à Jérusalem, c’est qu’il prétend faire apparaître Alexandre en élu de Dieu, ayant reçu du ciel la mission de « mettre un terme à l’empire des Perses »43. À l’instar de Malalas, mais de façon plus explicite, il se réfère aux prophéties de Daniel, qu’il interprète lui aussi en un sens très favorable au Conquérant. Le cadre dans lequel vient s’insérer la séquence jérusalémite est d’ailleurs tout droit tiré de Malalas : Georges le Moine a en effet copieusement remployé la notice de son prédécesseur44, dont il a toutefois pris soin d’expurger les éléments trop agressivement païens, parce qu’ils auraient contredit son interprétation religieuse du Conquérant ; aussi n’est-il plus question chez lui de sacrifice humain, ni d’hommage au tombeau d’Achille, ni de mariage avec Roxane, ce qui évite de faire apparaître Alexandre comme un héros bigame. La volonté qu’a Georges le Moine de peindre le Conquérant en roi modèle apparaît très clairement dans l’avant-dernière section de sa notice, censée mettre en évidence les principales vertus du Macédonien : montage d’emprunts, directs ou indirects, à Plutarque, Basile de Césarée et Jean Chrysostome, ce court passage souligne en effet l’efficacité d’Alexandre, sa grandeur d’âme, sa bravoure et sa tempérance45. Quant au développement sur lequel s’achève le chapitre consacré au Conquérant, il avait sans doute pour fonction d’illustrer la hauteur morale du roi, puisqu’il évoque sa rencontre avec les Brahmanes et son admiration pour leur mode de vie ascétique46. Mais, s’inspirant de l’opuscule de Palladius Sur les peuples de l’Inde, Georges le Moine se laisse emporter à des considérations ethnographiques dont le rapport avec le thème initial devient vite assez lointain47 : ultime dérive témoignant à l’évidence de la force de fascination qu’exerçaient même sur l’esprit des moines les plus dévôts les fabuleux voyages du Conquérant.

  • 48 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 422-426.
  • 49 Éd. I. Bekker, Bonn, 1936, p. 267-271.

10L’influence de Georges le Moine sur les chroniqueurs ultérieurs fut considérable. Ainsi Michel Glykas (premier tiers XIIe s. – peu avant 1204)48, dans son chapitre sur Alexandre, se contente-t-il de résumer le texte du pieux chroniqueur, dont la teneur fortement religieuse se trouve toutefois altérée par un certain nombre de coupes sombres : Glykas a notamment élagué le récit du passage à Jérusalem de tous les détails concernant la tenue du grand-prêtre, tandis qu’il conservait sans changement les passages romanesques empruntés par Georges le Moine à la chronique de Malalas (liaison de Nectanébo et d’Olympias, séjour d’Alexandre chez Candace) et n’abrégeait que fort peu le récit de la visite aux Brahmanes, qui se trouve ainsi occuper la moitié de la notice49. Les choix opérés par Glykas dans le texte de Georges le Moine nous offrent donc confirmation de l’attrait exercé sur les Byzantins par la dimension exotique de la geste d’Alexandre.

  • 50 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 393-394. Éd. I. Bekker, Bonn, (...)
  • 51 Comme Georges le Moine, Kédrénos ne parle pas de mariage d’Alexandre et de Candace.
  • 52 Kédrénos semble d’ailleurs s’être à plusieurs reprises inspiré de Georges le Syncelle, nota (...)
  • 53 Bonn, I, p. 264 : cf. Diodore, 17, 1, 5. Héraclès passait, traditionnellement, pour ancêtre (...)
  • 54 Chez Georges le Syncelle figuraient deux mentions lapidaires de cet épisode (éd. Mo (...)
  • 55 Kédrénos raconte comment Poros, vaincu, devint l’allié d’Alexandre (Bonn, I, p. 266 (...)
  • 56 L’histoire de la couronne emportée par le vent est rapportée par Arrien (7, 22). Elle figur (...)
  • 57 Bonn, I, p. 265 : cf. Georges le Syncelle, éd. Mosshammer, p. 314 (d’après Eusèbe).

11On retrouve chez Jean Kédrénos (XIIe s.)50 le même épisode des Brahmanes, emprunté à Georges le Moine, ainsi que l’histoire romanesque du séjour chez Candace51, l’anecdote du Juif Mosomachos et l’éloge d’Alexandre. Pour le reste, Kédrénos est sans doute, avec Georges le Syncelle et Zonaras, le chroniqueur byzantin le plus proche de la tradition historique52. Témoignant d’un certain esprit critique, il émet des doutes au sujet de la naissance égyptienne du Conquérant, opposant à la version du Roman celle de Diodore, selon qui Alexandre, fils de Philippe et d’Olympias, descendait d’Héraclès en ligne paternelle et d’Éaque en ligne maternelle53. En accord avec les sources antiques, auxquelles il a peut-être directement puisé, Kédrénos évoque aussi divers épisodes qui soit ne figuraient pas chez les chroniqueurs précédents, soit n’y étaient que très fugitivement mentionnés : la prise de Tyr54, la guerre contre Poros55, les mauvais présages annonçant la mort prochaine d’Alexandre56. Et si, fidèle à la vulgate byzantine, il insère dans sa notice l’épisode fameux du séjour à Jérusalem, il ne suit pas en ce passage la version circonstanciée de Georges le Moine, mais celle, rapide, de Georges le Syncelle, dont il semble s’être inspiré57.

  • 58 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 416-419.
  • 59 Éd. M. Pinder, Bonn, 1841, I, p. 329-355 (p. 329, l. 13-14). À la différence des autres (...)
  • 60 À l’exception d’un bref passage inspiré d’Arrien (7, 27), où il est question de la volonté (...)
  • 61 Bonn, I, p. 329-332 : cf. Plut., Alex., 2, 3-5 et 3, 5-7 (présages) ; 4, 3-5 (portrait phys (...)
  • 62 Bonn, I, p. 332-333 : cf. Plut. Alex., 12.
  • 63 Bonn, I, p. 333 : cf. Plut. Alex., 14, 2-5.
  • 64 Bonn, I, p. 334 : cf. Plut. Alex., 19.
  • 65 Bonn, I, p. 335-336 : cf. Plut., Alex., 21.
  • 66 Bonn, I, p. 341 : cf. Plut., Alex., 42, 5-10.
  • 67 Toutes les vertus que Zonaras prête à Alexandre étaient considérées comme caractéri (...)
  • 68 Bonn, I, p. 347.
  • 69 Bonn, I, p. 334 (Granique) ; p. 336 (Gaza) ; p. 338 ; p. 344 (Inde) ; p. 347 (Malles).
  • 70 Bonn, I, p. 332, l. 9-11 (différend avec Philippe) ; p. 332, l. 15-16 (Thèbes) ; p. 340, l. (...)
  • 71 Bonn, I, p. 343-344.
  • 72 Bonn, I, p. 334, l. 2-4.
  • 73 Bonn, I, p. 350, l. 31-32.
  • 74 Zonaras évoque très rapidement l’intolérance croissante d’Alexandre à l’égard des calomniat (...)
  • 75 Éd. Mosshammer, p. 318, l. 17 : Βασιλεύει δὲ βασιλείαν Περσικὴ ν ἅμα τῇ βαρβάρῳ δ (...)
  • 76 Jean d’Antioche, FHG IV, no 41 ; Kédrénos, Bonn, I, p. 272, l. 13-19. Kédrénos s’inspire vr (...)

12L’épisode jérusalémite figure aussi dans la notice de Jean Zonaras (ap. 1159)58, qui le qualifie de θαύματοϛ ἄξιον59. Il constitue d’ailleurs l’unique élément hétérogène d’un chapitre pour le reste entièrement tiré de Plutarque60. Ainsi Zonaras est-il le seul de nos chroniqueurs à ne rien devoir au Pseudo-Callisthène. Il est aussi le seul à consacrer au Conquérant un aussi long développement. Résumant fidèlement le texte de la Vie plutarchéenne, il suit parfois sa source de fort près, ainsi lorsqu’il évoque la naissance et l’enfance d’Alexandre61 ; il conserve même volontiers les anecdotes de son modèle, lorsqu’elles présentent le Conquérant sous un jour édifiant, illustrent sa clémence (histoire de la prisonnière thébaine Timocléia62), sa sagesse (rencontre avec Diogène63), sa confiance envers ses amis (histoire du médecin Philippe64), sa tempérance (respect témoigné à la femme de Darius65) ou sa maîtrise de soi (traversée du désert dans les Hautes Satrapies66). Car – et c’est là son principal point commun avec les autres chroniqueurs, dont il se démarque par la qualité de sa documentation et son goût du rationnel – Zonaras cède lui aussi à la tentation enkomiastique67 : s’il met volontiers en valeur les pages glorieuses ou édifiantes de l’histoire d’Alexandre, évoquant longuement son comportement héroïque chez les Malles68 et signalant, de bataille en bataille, les diverses blessures reçues par le Conquérant69, il passe en revanche très vite sur les différends du héros adolescent avec son père, sur l’épisode sanglant de la prise de Thèbes, l’incendie de Persépolis ou la bacchanale de Carmanie70. Et si, contrairement aux autres chroniqueurs, chez qui ces épisodes sombres de la carrière du Conquérant se trouvaient tout bonnement éliminés, Zonaras, fidèle à sa source, évoque l’arrestation de Philotas et le meurtre de Clitus, il prend soin de minimiser la gravité de ces deux affaires, en noircissant à dessein les victimes d’Alexandre, qu’il présente comme coupables de conspiration ou de provocation71. Accentuant encore la tendance déjà nettement apologétique du texte de Plutarque, il n’émet sur le compte d’Alexandre que des critiques minimes, notant dans son récit de la bataille du Granique la témérité déraisonnable du Conquérant72, relevant d’un mot le caractère excessif de son chagrin à la mort d’Héphaïstion73, évoquant enfin sans s’y attarder le durcissement progressif du caractère d’Alexandre74. Réserves discrètes qui ne trouvent guère d’équivalent que chez Georges le Syncelle notant l’orientalisation du Macédonien devenu maître de l’Asie75, ou chez Jean d’Antioche et Kédrénos dénonçant, dans un passage repris de Diodore, la corruption du Conquérant gagné, après sa victoire sur Darius, au luxe et à l’intempérance barbares, et procédant à des « purges » sévères parmi les cadres de son armée76. Encore ces remarques critiques figurent-elles chez Kédrénos à la suite immédiate d’un vibrant éloge repris de Georges le Moine.

  • 77 Bonn, I, p. 335, l. 22 - p. 336, l. 1.
  • 78 Bonn, I, p. 349, l. 11-19.
  • 79 Lors de son intronisation, l’empereur byzantin recevait, en même temps que les insi (...)
  • 80 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 419-422. Éd. O. Lampsidis, CFH (...)
  • 81 V. 926-931 : … ὡϛ δὲ καὶ τοῦτον ἄνθρωπον ὄντα θνητὸν τῇ φύσει ἐχρῆν | τὸ χρέοϛ τῆϛ θνητῆ (...)

13De Plutarque, Zonaras a aussi conservé deux passages où Alexandre apparaissait méditant sur l’instabilité des choses humaines : à Issos, tout d’abord, lorsqu’on lui apprend la détresse des femmes de Darius tombées en servitude77, en Perse ensuite, devant le tombeau profané du roi Cyrus78. C’était là, assurément, un thème riche de résonances pour un esprit byzantin, habitué à penser la personne impériale en termes de dualité, et à considérer le basileus à la fois comme un représentant de Dieu sur terre et comme l’égal du plus humble mortel79. C’est sans doute pourquoi on retrouve le même motif dans la très brève notice de Constantin Manassès80 : car, évoquant en quelques vers la fulgurante carrière du Conquérant, l’historien-romancier ne dit guère que deux choses au sujet d’Alexandre : qu’il fut un empereur universel, devant qui s’inclinèrent « toutes les nations, les gouverneurs et satrapes de la terre entière | Des confins de l’Orient jusqu’à l’extrême Occident » ; mais qu’en dépit de ses succès, il dut céder lui aussi à la loi commune et périt empoisonné81.

* * *

  • 82 On retrouve la même tendance en dehors de la littérature chronographique : de fait, l’image (...)

14Quelques mots, pour conclure, afin de souligner le bel ensemble avec lequel nos chroniqueurs ont opté en faveur de la légende rose d’Alexandre et ont cherché à lui prêter les actes et les vertus requis de la part d’un empereur idéal82. Sans doute s’agit-il de transformer ainsi la prestigieuse figure du Conquérant en grand ancêtre conforme aux normes byzantines. Mais on a l’impression, parfois, que cette volonté d’appropriation se heurte à la fascination même exercée par celui qui fut aussi un extraordinaire aventurier, dont l’épopée multiforme ne se prêtait guère aux interprétations univoques.

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Notes

2 Sur la littérature chronographique à Byzance, voir H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur der Byzantiner, Munich, 1978, I, p. 257-278. Sur la figure d’Alexandre chez les chroniqueurs, voir F. Pfister, « Alexander der Grosse in der byzantinischen Literatur und in neugriechischen Volksbüchern », Probleme der neugriechischen Literatur 3 = Berliner Byzantinische Arbeiten 16, 1960, p. 112-130 (p. 121-126) et H.J. Gleixner, Das Alexanderbild der Byzantiner, Munich, 1961, p. 32-45.

3 Chez Malalas, seules trois pages sont réservées à Alexandre (CFHB, p. 146-148), alors que le règne d’Auguste fait l’objet d’un développement de plus d’une douzaine de pages (ibid., p. 164-176), et que sept pages sont consacrées à Tibère (ibid., p. 176-183) ; Georges le Moine octroie quatorze pages à Alexandre (Teubner, I, p. 25-39), et quarante-quatre à Constantin (ibid., II, p. 489-533).

4 Chap. 7, 17 et 8, 1-4, éd. I. Thurn, CFHB 35, Berlin, 2000, p. 144 et 146-148 ; trad. E. et M. Jeffreys, R. Scott et al., The Chronicle of John Malalas, Melbourne, 1986. Bibl. : H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 319-326.

5 Malalas cite pour sources, non pas des historiens d’Alexandre – Diodore, Plutarque ou Arrien – mais « le très savant Bottios » et le chroniqueur Théophile (CFHB, p. 146, l. 28 et p. 148, l. 70). Bottios est également mentionné comme ἱστορικὸϛ χρονογράφοϛ en 2, 11 à propos de Danaé (ibid., p. 25), et en 10, 48 à propos des persécutions de Domitien contre les chrétiens (ibid., p. 199) ; cité chez Eusèbe et dans la Chronique Paschale sous le nom de Brouttios, sous celui de Brettios chez Georges le Syncelle, il avait composé un ouvrage historique allant des temps mythiques au IIe ou IIIe s. de notre ère (cf. F. Pfister, « Alexander der Grosse… », p. 118-119). Quant à Théophile, lui aussi plusieurs fois cité par Malalas, ce doit être, d’après W. Ensslin, un quasi-contemporain de notre chroniqueur, auteur d’une chronique universelle qui allait jusqu’au début du règne de Justinien, en 528 (RE 5, 2, 1934, col. 2170 : « Theophilos », no 58). Outre ces deux auteurs mal connus, Malalas pourrait bien avoir utilisé une chronique alexandrine aujourd’hui perdue, composée, semble-t-il, dans le courant du Ve siècle, et dont nous possédons, sous le titre d’Excerpta latina Barbari, une traduction latine réalisée au VIIIe s. (éd. C. Frick, Chronica minora, I, Leipzig, 1892, p. 244, p. 266-276 et p. 316-322 = passages consacrés à Alexandre).

6 CFHB, p. 144 : cf. Ps. Call., I, 1-12 (éd. G. Kroll, Historia Alexandri Magni. Volumen I. Recensio vetusta, Berlin, 1926).

7 CFHB, p. 147, l. 53-54 : cf. Ps. Call., I, 13.

8 CFHB, p. 146, l. 19-23. Ce passage montre que Malalas a dû utiliser le texte de la plus ancienne version du Roman (a), et non la recension β, qui elle aussi avait cours au VIe siècle : dans β, en effet, il n’est pas question de lien de parenté entre Alexandre et Achille, ni même d’hommage rendu par le héros macédonien à son ancêtre mythique (éd. L. Bergson, Stokholm – Göteborg – Uppsala, 1965, p. 72). Des trois témoins subsistants de la recension α, seule la traduction latine de Julius Valère comporte à vrai dire à la fois la mention du lien de parenté d’Alexandre et d’Achille et celle des hommages – notre unique manuscrit grec (A) étant lacunaire, et la traduction arménienne ne parlant que de sacrifice au héros homérique : cf. G. Kroll, Historia Alexandri Magni…, p. 48-49. Mais la présence simultanée des deux éléments dans la recension ε (VIIIe s. : éd. J. Trumpf, Stuttgart, 1974, p. 53-54), qui malgré sa date tardive a conservé un certain nombre de données tout droit tirées d’α, laisse penser que la plus ancienne version grecque du Pseudo-Callisthène devait, comme Julius Valère, présenter Alexandre en parent d’Achille.

9 CFHB, p. 147, l. 42-43 : cf. Ps. Call., II, 20-22 (passim).

10 CFHB, p. 147 : cf. Ps. Call., III, 21-23.

11 Le mariage d’Alexandre et de Candace est peut-être un souvenir déformé des liaisons amoureuses que la tradition historique attribuait à Alexandre avec la reine des Amazones (cf. Diod., 17, 77, 1-3 ; QC, 6, 5, 24-32) et avec Cléophis, la reine des Assacéniens (cf. QC, 8, 10, 35 ; Just., 12, 7, 9-11). Si aucune des recensions grecques du Roman d’Alexandre ne parle d’intrigue entre la reine éthiopienne et le Conquérant, on notera tout de même que les deux rédactions l et e, assez nettement postérieures à Malalas (comme e, la recension l date au plus tôt du VIIIe s.), soulignent avec une certaine insistance la fascination exercée sur Candace par la personne du Conquérant (ayant fait faire son portrait, elle ne se lasse plus de le contempler). Et dans la traduction éthiopienne du Roman (XIVe siècle ?), il est bel et bien question d’idylle entre les deux personnages (trad. A.A. W. Budge, The Alexander Book in Ethiopia, Cambridge, 1933, p. 123) – de même que dans nombre d’adaptations occidentales, où la rencontre d’Alexandre et de Candace se transforme en aventure courtoise (cf. T. Ehlert, « Alexander und die Frauen in spätantiken und mittelalterlichen Alexander-Erzählungen », in Kontinuität und Transformation der Antike im Mittelalter, éd. W. Erzgräber, Sigmaringen, 1989, p. 81-103 : p. 87-90).

12 On notera notamment l’existence, à Byzance, de spéculations apocalyptiques situant l’entrée dans le septième et dernier millénaire sous le règne d’Anastase, l’inquiétant empereur « aux prunelles de deux couleurs » : cf. W. Brandes, « Anastasios ὁ δίκοροϛ : Endzeiterwartung und Kaiserkritik in Byzanz um 500 n. Chr. », BZ 90, 1997, p. 24-63 (p. 55-61). En parallèle au texte de Malalas, premier à faire allusion à l’hétérophtalmie d’Anastase, sans toutefois lui prêter aucune signification maléfique (16, 1, CFHB, p. 319 : ἐν τῷ δεξιῷ ὀφθαλμῷ ἔχων τὴν κόρην γλαυκὴν καὶ ἐν τῷ ἀριστερῷ μέλαιναν, τελείουϛ ἔχων ὀφθαλμούϛ – adjonction que Jeffreys – Scott traduisent par « though his eye sight was perfect »), W. Brandes signale plusieurs textes apocryphes où le diable lui-même est décrit comme un être δίκοροϛ : cf. Apocalypse grecque d’Esra (ὁ ὀφθαλμὸϛ αὐτοῦ ὁ δεξιὸϛ ὡϛ ἀστὴρ τὸ πρωὶ ἀνατέλλων, καὶ ὁ ἕτεροϛ ἀσάλευτοϛ, éd. C. de Tischendorf, Apocalypses apocryphae, Leipzig, 1866, p. 29) ; Apocalypse apocryphe de Jean (ὁ ὀφθαλμὸϛ αὐτοῦ ὁ δεξιὸϛ ὡϛ ὁ ἀστὴρ ὁ πρωὶ ἀνατέλλων, καὶ ὁ ἕτεροϛ ὡϛ λέοντοϛ, ibid., p. 74). Dans « Physical Descriptions of Byzantine Emperors », Byzantion 51, 1981, p. 8-21 (p. 16-17), B. Baldwin cite toutefois d’autres exemples (profanes) où la qualité de δίκοροϛ, tout en suggérant la possession de pouvoirs surhumains, apparaît sous un jour beaucoup plus positif : cf. Photius, Bibl., cod. 190 (Histoire nouvelle de Ptolémée Héphaïstion), 150 b (Nysia, femme de Candaule) ; Isaac Porphyrogénète, Περὶ ἰδιότητοϛ καὶ χαρακτήρων τῶν ἐν Τροία Ἑλλήνων τε καὶ Τρώων, in Polemonis declamationes, éd. H. Hinck, Leipzig, 1873, p. 87 (Hector) ; Eustathe, Comm. ad Iliadem, cht II, v. 586 (§ 298 : le poète Thamyris).

13 CFHB, p. 146, l. 19-20 et l. 8.

14 On retrouve diverses autres mentions de sacrifices humains dans la chronique de Malalas : en 8, 12, à propos de Séleucos (fondation d’Antioche : CFHB, p. 151-152), en 9, 13, à propos d’Auguste (construction d’Ancyre : ibid., p. 168), en 10, 10, à propos de Tibère (construction du théâtre d’Antioche : ibid., p. 178), en 11, 9, à propos de Trajan (reconstruction d’Antioche : ibid., p. 208). Comme le remarque P. Chuvin, païens et chrétiens de l’Antiquité tardive s’imaginaient volontiers que des sacrifices humains étaient régulièrement accomplis par leurs ancêtres (Chronique des derniers païens, Paris, Les Belles Lettres – Fayard, 1991, p. 257) : le texte de Malalas porte la marque de cette croyance communément répandue.

15 CFHB, p. 146, l. 3-6. La présentation d’Alexandre en instrument de Dieu se retrouve dans les Excerpta latina Barbari, auxquels le motif est peut-être emprunté (éd. C. Frick, Chronica minora, p. 244 : « Suscitavit deus Alexandrum Macedonem […]. Et tradidit dominus in manum ejus regnum Assyriorum »).

16 CFHB, p. 146, l. 3-6 ; cf. Daniel, 7, 6 : la troisième bête, image d’Alexandre, est dite « pareille à un léopard » (θηρίον ἄλλο ὡσεὶ πάρδαλιν, καὶ πτερὰ τέσσαρα ἐπέτεινον ἐπάνω αὐτοῦ, καὶ τέσσαρεϛ κεφαλαὶ τῷ θηρίῳ, καὶ γλῶσσα ἐδόθη αὐτῶ).

17 Le texte fut composé ca 165 / 164 av. J.-C., à l’époque des persécutions d’Antiochos IV Épiphane contre les Juifs – d’où son caractère antimacédonien.

18 CFHB, p. 146, l. 11 et p. 147, l. 31-32.

19 Le motif de l’expédition punitive figurait déjà parmi les arguments de propagande utilisés par Philippe pour entraîner les Grecs dans la guerre asiatique : il avait fait « répandre le bruit qu’il voulait déclarer la guerre aux Perses pour venger les Grecs des profanations que les Barbares avaient commises dans les temples de la Grèce » (Diod., 16, 89, 1). Suivant l’exemple paternel, Alexandre reprit à son compte le slogan de la guerre de revanche, auquel Callisthène, son historiographe officiel, semble avoir assuré un large écho : cf. P. Pédech, Historiens compagnons d’Alexandre, Paris, Les Belles Lettres, 1984, p. 42-44. Motif présent aussi, à diverses reprises, chez Diodore (17, 4, 9 ; 14, 2 ; 24, 1 ; 72, 3 et 4), et dans le Roman (cf. notamment I, 25 : première proclamation d’Alexandre).

20 CFHB, p. 146, l. 13-15. On retrouve le même détail, tout droit tiré de Malalas, dans la Chronique Paschale (Bonn, I, p. 495), et chez Georges le Moine (Teubner, I, p. 25-26).

21 Chap. 69, éd. J. Herrin – A. Cameron, Constantinople in the Early Eighth Century : The Parastaseis Syntomai Chronikai, Leyde, 1984, p. 150-151 : « La statue sur un trépied, qui est au grand Stratégion, Promountios dit que c’est Alexandre le Macédonien ; il se fonde sur les lettres (de l’inscription dédicatoire), et tous ceux qui s’intéressent de près à ces lettres, notamment ceux qui en tirent des prophéties, reconnaîtront que c’est bien Alexandre. Le même Promountios écrit que c’est Saint Constantin qui donna ici son premier forum à notre ville » (trad. G. Dagron, Constantinople imaginaire. Études sur le recueil des Patria, Paris, PUF, 1984, p. 35). D’après les Patria (Xe s.), Constantin aurait transféré la statue d’Alexandre de Chrysopolis, où elle se trouvait antérieurement, sur le site du Stratégion (II, 59 : éd. T. Preger, Scriptores Originum Constantinopolitanarum, Leipzig, Teubner, 1907, t. II, p. 183). Sur le Stratégion, voir R. Janin, Constantinople byzantine, développement urbain et répertoire topographique, Paris, Institut français d’études byzantines, 1950, p. 19 et p. 396 : l’endroit était, semble-t-il, situé au nord de la ville, sans doute dans le quartier de l’ancienne Sublime Porte, et faisait fonction de Champ de Mars, où les chefs militaires venaient recevoir distinctions et récompenses (d’après Hésychius).

22 CFHB, p. 146, l. 6-10 : cf. Ps. Call., I, 30-33 (fondation d’Alexandrie et du Sarapeion).

23 Bien attestée dans le Roman, où figure d’ailleurs en guise de conclusion une liste (largement fictive) des villes fondées par le Conquérant (III, 35), la thématique du héros bâtisseur tient aussi une large place dans les Excerpta latina Barbari, où Alexandre est régulièrement qualifié de « Macedo conditor » (éd. Frick, p. 244, 268 sq., 316, 320). On retrouve la même tendance à présenter Alexandre en héros κτίστηϛ dans la tradition savante, par exemple chez Anne Comnène : sur les quatre références de l’Alexiade au Conquérant, deux mentionnent cet aspect du personnage (7, 5, 3 et 15, 7, 8), et dans le premier des passages en question, c’est précisément autour du thème du héros fondateur (et donneur de noms) que s’articule la comparaison entre Alexis et Alexandre : « Grâce à l’autokrator Alexis qui fit partout de fréquentes expéditions, bien des lieux partout reçurent des noms soit de lui directement, soit des ennemis qui s’y rassemblèrent ; je trouve également quelque chose d’analogue sous le règne d’Alexandre, roi de Macédoine. De fait, qu’il s’agisse de l’Alexandrie d’Égypte ou de l’Alexandrie des Indes, elles furent ainsi appelées à cause de lui […]. Aussi bien ne serais-je pas surprise que le basileus Alexis, rivalisant avec Alexandre, ait à l’occasion attaché aux lieux de nouvelles appellations en raison de peuples qui s’y trouvaient réunis ou qu’il y avait convoqués, ou bien qu’il ait donné son nom à certains endroits à cause de ses propres exploits. »

24 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 321. À titre d’exemple, on peut citer le De aedificiis de Procope, tout spécialement composé pour exalter les mérites de Justinien-bâtisseur (1, 1, 12 : ὅσα δὲ αὐτῷ ἀγαθὰ οἰκοδομουμένῳ  δεδημιούργηται) : cf. J. Irmscher, « Justinian als Bauherr in der Sicht der Literatur seiner Epoche », Klio 59, 1977, p. 225-229 ; A. Cameron, Procopius and the Sixth Century, Berkeley – LA, 1985, p. 89-90. On notera aussi le très long développement consacré par Constantin Porphyrogénète aux constructions réalisées par son aïeul Basile à Constantinople (Vie de Basile, Theoph. Cont. V, 78-94, éd. Bonn, p. 321-341). Malalas lui-même énumère volontiers les activités bâtisseuses des empereurs successifs : cf. G. Downey, « Imperial Building Records in Malalas », BZ 38, 1938, p. 1-15 et 299-311. L’importance accordée par les Byzantins à la qualité de κτίστηϛ transparaît également à travers l’iconographie impériale : témoin la célèbre mosaïque de Sainte-Sophie où Constantin et Justinien sont représentés apportant l’un le modèle de la capitale qu’il fonda sur le Bosphore, l’autre celui de la Grande Église (A. Grabar, L’Iconoclasme byzantin. Dossier archéologique, Paris, Collège de France, 1957, p. 175).

25 Éd. C. Müller, FHG IV, 1885, p. 555 (no 41-42) ; cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 326-328.

26 Ainsi le fragment évoquant l’orientalisation d’Alexandre s’inspire-t-il de Diodore, 17, 77, 4-7. La provenance du motif de l’empoisonnement est plus difficile à déterminer : il peut avoir été emprunté indifféremment au Pseudo-Callisthène ou à la tradition historique, où sa présence est bien attestée, quoique généralement sous forme de rumeur mensongère.

27 À la différence de Malalas, Jean d’Antioche ne parle toutefois pas de mariage d’Alexandre et de Candace.

28 Dans la Chronique Paschale, dont tout le texte est au service de la démonstration chronologique, puisque le développement du temps historique y sert à justifier le calendrier liturgique, les quelques données relatives à Alexandre apparaissent disséminées au fil des années, l’ouvrage étant conçu selon une structure annalistique (éd. L. Dindorf, Bonn, 1832, I, p. 293, p. 319 et 321-322, p. 390, p. 495). Sur ce texte, voir H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 328-330 ; J. Beaucamp, R. Bondoux et al., « La Chronique Paschale : le temps approprié », in Le Temps chrétien de la fin de l’Antiquité au Moyen Âge (IIIe-XIIIe s.), Paris, CNRS, 1984, p. 451-468. Proviennent du Roman le motif d’Alexandre fils de Nectanébo et, peut-être, celui de l’empoisonnement.

29 Pour ces quatre auteurs, voir infra.

30 Sur cette chronique, achevée ca 808-810, voir H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 331-332 ; A. Kazhdan, A History of Byzantine Literature (650-850), Athènes, 1999, p. 206-208. Comme dans la Chronique Paschale, les questions de chronologie tiennent une large place dans la chronique de Georges le Syncelle, que Kazhdan catalogue sous la rubrique « prose scientifique ». Les éléments relatifs à Alexandre y figurent sous plusieurs entrées différentes : éd. A.A. Mosshammer, Leipzig, Teubner, 1984, p. 306, l. 23-24, p. 307, l. 24-28, p. 308, l. 7, p. 312, l. 29 - 313, l. 3, p. 314-315, p. 317, l. 18-21, p. 318-319.

31 Éd. Mosshammer, p. 307 : … φυγόντοϛ Νεκτανεβώ, ὡϛ τινέϛ, εἰϛ Αἰθιοπίαν, ὡϛ δὲ ἕτεροι, εἰϛ Μακεδονίαν… ; cf. aussi p. 306 (où Alexandre est présenté comme fils de Philippe) et p. 317 (où le Syncelle fait référence à la généalogie mythique d’Olympias, telle qu’elle figure notamment chez Théopompe, FGrH 115, F 355).

32 Cf. notamment le passage où le Syncelle évoque cavalièrement les conquêtes d’Alexandre (Thrace, Grèce, Asie – avec mention des batailles du Granique, d’Issos, etc.) et précise que le Conquérant mourut de maladie (éd. Mosshammer, p. 318-319) : cette séquence est placée sous l’autorité de Dexippos (ibid., p. 318, l. 6 = FGrH 100, F 10), historien du IIIe s. ap. J.-C. qui paraît avoir été fort apprécié à Byzance : Photius avait lu son Histoire des diadoques (cf. Bibl., cod. 82) ; il était aussi l’auteur d’une chronique universelle allant des origines à 270 ap. J.-C. ; c’est de cet ouvrage que doit provenir notre passage (cf. F. Pfister, « Alexander der Grosse… », p. 114).

33 H.J. Gleixner, Das Alexanderbild der Byzantiner, p. 37.

34 Flavius Josèphe, Antiquités Judaïques, 11, 8. Cet ouvrage fut si assidûment lu, médité et parfois réécrit par les chrétiens qu’on est allé jusqu’à le qualifier de « cinquième évangile ».

35 Bonn, I, p. 390.

36 Éd. Mosshammer, p. 314, l. 8-10.

37 On retrouve la même image du Conquérant dans certaines versions byzantines du Roman d’Alexandre, où figure aussi l’épisode du passage à Jérusalem : cf. e, 20 ; g, II, 24 (éd. H. Engelmann, Meisenheim am Glan, 1963).

38 Eusèbe, éd. R. Helm, Eusebius Werke, Bd 7, Berlin, 1956 (GCS), p. 123 (version de Hiéron) : « Alexander capta Tyro Iudaeam invadit. A qua favorabiliter exceptus deo victimas immolat et pontificem templi honoribus plurimis prosequitur. » D’Eusèbe doit aussi provenir la suite du passage, où sont évoqués la nomination d’Andromachos comme gouverneur de la Judée et les démêlés d’Alexandre avec les Samaritains.

39 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 347-351.

40 Éd. C. de Boor, Leipzig, Teubner, 1904 (réimpr. 1978), I, p. 25-39.

41 La digression sur le costume du grand-prêtre est un montage de citations qui proviennent notamment des Antiquités Judaïques de Flavius Josèphe (3, 162 sq.) et de la Question 40 d’Anastase le Sinaïte (VIIe s.), « Quid erat ephod, per quod sacerdos Deum interrogabat » (PG 89, col. 585 A-C). La source première en est le chapitre 28 de l’Exode, où sont minutieusement décrits les vêtements qu’Aaron devra porter dans l’exercice de la prêtrise.

42 Éd. C. de Boor, I, p. 32-33. L’anecdote en question est tirée du Contre Apion de Flavius Josèphe (I, 201), qui l’a lui-même empruntée au Περὶ ̓ Ιουδαίων du Ps. Hécatée, sans doute composé dans le courant du IIe s. av. J.-C. (FGrH 264, F 21).

43 Éd. C. de Boor, I, p. 32, l. 6.

44 De Malalas proviennent notamment l’histoire de la naissance égyptienne, l’allusion à la fondation du Stratégion et l’épisode de Candace.

45 Éd. C. de Boor, I, p. 34, l. 4, p. 35, l. 5. De la deuxième homélie de Jean Chrysostome In Epistulam primam ad Thessalonicenses, cap. 1 (PG 62, col. 399) provient le début du passage – commentaire de Daniel 7, 6 (Alexandre = léopard ailé) et paraphrase du De tranquillitate animi, 4, de Plutarque (466 d : réaction du roi entendant un philosophe parler de l’infinité des mondes) ; l’anecdote qui met en scène Alexandre tançant un lâche homonyme s’inspire librement de Plutarque, Alex., 58 ; on la retrouve dans divers recueils d’apophtegmes byzantins (cf. Ps. Maxime, Loci communes, Sermo 4, PG 91, col. 745 D ; Gnomologium Vaticanum, 83, éd. L. Sternbach, Berlin, 1963) ; la fin du passage est tirée du traité de Basile, Aux jeunes gens sur la manière de tirer profit des lettres helléniques (§ 7 : p. 51). Il est fort possible que Georges le Moine n’ait pas réalisé lui-même ce montage de citations, mais l’ait trouvé, déjà constitué, dans une collection d’anecdotes, et se soit contenté de le reproduire textuellement.

46 Éd. C. de Boor, I, p. 35-39.

47 Au développement de contenu géographique tiré de Palladius (de Boor, I, p. 35-37 : cf. Pall., I, 11-15, éd. W. Berghoff, Meisenheim am Glan, 1967) est venu se greffer un excursus sur la coutume et la loi emprunté à César de Nazianze (de Boor, I, p. 37-39 : cf. Dialogue II, Question 109, PG 38, col. 980-981), lequel César de Nazianze s’inspirait du Livre des lois des pays du philosophe syrien Bardesane d’Édesse, actif à la fin du IIe s. ap. J.-C. (FGrH 719, F 3). Le même passage sur la relativité des coutumes et des lois est cité, plus longuement, dans la Préparation évangélique d’Eusèbe de Césarée (6, 10, 11-36).

48 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 422-426.

49 Éd. I. Bekker, Bonn, 1936, p. 267-271.

50 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 393-394. Éd. I. Bekker, Bonn, 1938, I, p. 264-272.

51 Comme Georges le Moine, Kédrénos ne parle pas de mariage d’Alexandre et de Candace.

52 Kédrénos semble d’ailleurs s’être à plusieurs reprises inspiré de Georges le Syncelle, notamment dans le passage où il cite pour source Dexippos (Bonn, I, p. 265, l. 8 : cf. supra n. 32).

53 Bonn, I, p. 264 : cf. Diodore, 17, 1, 5. Héraclès passait, traditionnellement, pour ancêtre des rois de Macédoine, et Olympias, princesse épirote, prétendait descendre de Néoptolème, fils d’Achille et arrière-petit-fils d’Éaque. Georges le Syncelle fait lui aussi référence à cette généalogie mythique : cf. supra, n. 31.

54 Chez Georges le Syncelle figuraient deux mentions lapidaires de cet épisode (éd. Mosshammer, p. 314, l. 7 et p. 318, l. 25) ; Kédrénos, plus détaillé, s’inspire de Plutarque, comme l’atteste l’évocation du rêve prémonitoire du satyre (cf. Alex., 24, 8-9).

55 Kédrénos raconte comment Poros, vaincu, devint l’allié d’Alexandre (Bonn, I, p. 266).

56 L’histoire de la couronne emportée par le vent est rapportée par Arrien (7, 22). Elle figurait chez Jean d’Antioche (FHG IV, fr. 42), qui a peut-être servi de source à Kédrénos. C’est sans doute aussi à Jean d’Antioche qu’est empruntée l’allusion de Kédrénos à l’orientalisation d’Alexandre (cf. supra, n. 26).

57 Bonn, I, p. 265 : cf. Georges le Syncelle, éd. Mosshammer, p. 314 (d’après Eusèbe).

58 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 416-419.

59 Éd. M. Pinder, Bonn, 1841, I, p. 329-355 (p. 329, l. 13-14). À la différence des autres chroniqueurs, Zonaras est remonté à la source première de l’épisode, qu’il raconte d’après la version de Flavius Josèphe : comme Flavius, il évoque non seulement la visite d’Alexandre à Jérusalem, mais aussi l’histoire de ses démêlés avec les Samaritains (à laquelle on trouvait une brève allusion chez Eusèbe et le Syncelle). On notera que Zonaras se réfère dès la préface de sa chronique à cet épisode jérusalémite, auquel il accorde visiblement grande importance (Bonn, I, p. 10-11).

60 À l’exception d’un bref passage inspiré d’Arrien (7, 27), où il est question de la volonté qu’aurait manifestée Alexandre de se jeter dans l’Euphrate, pour faire croire à la postérité qu’il était né d’un dieu (Bonn, I, p. 353) : c’est précisément ce passage qui fait la soudure entre l’epitomè de Plutarque et l’épisode du séjour à Jérusalem.

61 Bonn, I, p. 329-332 : cf. Plut., Alex., 2, 3-5 et 3, 5-7 (présages) ; 4, 3-5 (portrait physique) ; 4, 10 et 5, 4 (anecdotes sur Alexandre enfant) ; 6 (domptage de Bucéphale) ; 7 (Alexandre et Aristote).

62 Bonn, I, p. 332-333 : cf. Plut. Alex., 12.

63 Bonn, I, p. 333 : cf. Plut. Alex., 14, 2-5.

64 Bonn, I, p. 334 : cf. Plut. Alex., 19.

65 Bonn, I, p. 335-336 : cf. Plut., Alex., 21.

66 Bonn, I, p. 341 : cf. Plut., Alex., 42, 5-10.

67 Toutes les vertus que Zonaras prête à Alexandre étaient considérées comme caractéristiques du καλὸϛ βασιλεύϛ : cf. W. Blum, Byzantinische Fürstenspiegel, Stuttgart, 1981, p. 3-5.

68 Bonn, I, p. 347.

69 Bonn, I, p. 334 (Granique) ; p. 336 (Gaza) ; p. 338 ; p. 344 (Inde) ; p. 347 (Malles).

70 Bonn, I, p. 332, l. 9-11 (différend avec Philippe) ; p. 332, l. 15-16 (Thèbes) ; p. 340, l. 19-20 (Persépolis) ; p. 349, l. 2-3 (Carmanie).

71 Bonn, I, p. 343-344.

72 Bonn, I, p. 334, l. 2-4.

73 Bonn, I, p. 350, l. 31-32.

74 Zonaras évoque très rapidement l’intolérance croissante d’Alexandre à l’égard des calomniateurs (Bonn, I, p. 341, l. 9-11 : cf. Plut., 42, 3-4) et la manière intraitable dont il punissait les coupables (Bonn, I, p. 344, l. 14-15 : cf. Plut., 57, 3).

75 Éd. Mosshammer, p. 318, l. 17 : Βασιλεύει δὲ βασιλείαν Περσικὴ ν ἅμα τῇ βαρβάρῳ διαίτῃ. Comme on voit, la critique n’est même pas explicitement formulée.

76 Jean d’Antioche, FHG IV, no 41 ; Kédrénos, Bonn, I, p. 272, l. 13-19. Kédrénos s’inspire vraisemblablement de Jean d’Antioche, et non directement de Diodore. Jean d’Antioche mentionnait toutefois l’élimination de Parménion et la mise à mort de plusieurs jeunes gens macédoniens ; Kédrénos reste dans le vague et parle seulement d’ἐξάρχουϛ ἄνδραϛ τῶν Μακεδονικῶν ταγμάτων πλείστουϛ.

77 Bonn, I, p. 335, l. 22 - p. 336, l. 1.

78 Bonn, I, p. 349, l. 11-19.

79 Lors de son intronisation, l’empereur byzantin recevait, en même temps que les insignes de son pouvoir, un sachet d’étoffe rempli de terre, l’akakia, destiné à lui rappeler qu’il était fait de la même boue que les autres hommes : de fait, l’akakia signifie « le caractère périssable du pouvoir et l’humilité que doit en éprouver l’empereur », comme le souligne Syméon, métropolite de Thessalonique (1429), dans son traité De Sacro Templo (chap. 148, PG 155, col. 356 a-b). Pareils rappels à l’humilité ne manquent pas non plus dans les miroirs des princes, comme le fait remarquer W. Blum dans Byzantinische Fürstenspiegel, p. 11, p. 34, p. 47 : cf. Agapet (VIe s.), Ekthesis, chap. 14, 15, 33 (PG 86 / 1, col. 1169 a et 1173 c-d) ; Alexis I Comnène, Les Muses, éd. P. Maas, BZ 22, 1913, p. 348-369 (v. 170-253, et notamment v. 246-248 : Καὶ γνῶθι σαυτὸν καὶ πυκνῶϛ οὕτωϛ λέγὲ· | ματαιότηϛ ἅπαντα καὶ πολλὴ πλάνη· | ὁ χρυσὸϛ ἀργόν, ὁ θρόνοϛ ταπεινότηϛ).

80 Cf. H. Hunger, Die hochsprachliche profane Literatur…, I, p. 419-422. Éd. O. Lampsidis, CFHB 36 / 1, Athènes, 1996, p. 53-54 (v. 920-935).

81 V. 926-931 : … ὡϛ δὲ καὶ τοῦτον ἄνθρωπον ὄντα θνητὸν τῇ φύσει ἐχρῆν | τὸ χρέοϛ τῆϛ θνητῆϛ φύσεωϛ ἀποδοῦναι… On ne s’étonnera pas de retrouver dans les versions byzantines du Roman d’Alexandre la même image de kosmokrator soumis à la loi commune : « Moi qui ai parcouru tout le monde habité, | Ainsi que la terre inhabitée et ténébreuse | – se lamente le héros mourant – Je n’ai pas été assez fort pour échapper au destin : | Une coupe amère [γ : une petite coupe] me livre au trépas » (ε, 46, 3 = γ, III, 33).

82 On retrouve la même tendance en dehors de la littérature chronographique : de fait, l’image d’Alexandre à Byzance est globalement positive, comme le montrent les résultats auxquels aboutit l’enquête menée par W. J. Aerts sur le corpus de textes contenus dans la Patrologie Grecque, du t. 70 (Cyrille d’Alexandrie, VIe s.) au t. 161 (Bessarion, XVe s.) : sur environ trois cent cinquante références à Alexandre, quatre-vingt treize citent Alexandre en exemple, tandis que seulement vingt-cinq expriment des vues critiques sur sa personne ou son empire (« Alexander the Great in Exempla and Similitudines in Byzantine Literature », in Exemplum et Similitudo. Alexander the Great and Other Heroes as Points of Reference in Medieval Literature, W. J. Aerts, M. Gosman (éd.), Groningue, 1988, p. 1-18).

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Pour citer cet article

Référence papier

Corinne Jouanno, « L’image d’Alexandre le Conquérant chez les chroniqueurs byzantins (VIe-XIIe siècles) »Kentron, 17-2 | 2001, 93-106.

Référence électronique

Corinne Jouanno, « L’image d’Alexandre le Conquérant chez les chroniqueurs byzantins (VIe-XIIe siècles) »Kentron [En ligne], 17-2 | 2001, mis en ligne le 10 octobre 2018, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/2114 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.2114

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