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Comptes rendus

La Mythologie et l’Odyssée. Hommage à Gabriel Germain (Actes du colloque international de Grenoble, 20-22 mai 1999), F. Létoublon et A. Hurst (dir.)

Michelle Lacore
p. 181-183
Référence(s) :

La Mythologie et l’Odyssée. Hommage à Gabriel Germain (Actes du colloque international de Grenoble, 20-22 mai 1999), F. Létoublon et A. Hurst (dir.), Genève, Droz, 2002

Texte intégral

1Par deux fois depuis sa création en 1991, le Centre d’études homériques de Grenoble, créé et dirigé par F. Létoublon, a voulu souligner à la fois la continuité et le renouvellement incessant des études homériques en plaçant sous le patronage de maîtres qui ont marqué le xxe siècle des rencontres internationales faisant le point sur l’actualité de la recherche homérique. Le colloque international de 1993 se réclamait de l’héritage illustre de Milman Parry (qui soutint ses thèses à Paris en 1928) et les échanges auxquels il donna lieu furent centrés sur le problème de l’oralité ; en revanche Gabriel Germain, homériste français du milieu du xxe siècle, à qui le colloque de 1999 a voulu rendre hommage, était un unitariste très réservé sur la composition orale des poèmes homériques, recensé comme tel par le Journal du Center for Studies in Oral Tradition fondé et dirigé par J. M. Foley. Pourtant ce n’est pas cet aboutissement – plutôt de l’ordre de la foi – qu’ont retenu les participants au colloque, mais le travail scientifique préalable et très novateur de G. Germain pour identifier toutes les sources possibles de la création homérique, par une analyse structurale avant la lettre des mythes homériques, balayant une aire immense qui va des steppes altaïques à l’Irlande en passant par la Mésopotamie. Les homéristes d’aujourd’hui ont salué en G. Germain le précurseur de certaines recherches actuelles de poétique homérique et de mythologie comparée et les grandes rubriques de son livre principal, Genèse de l’Odyssée. Le fantastique et le sacré (Paris, PUF, 1954), ont ainsi pu fournir un guide et un cadre aux très diverses contributions rassemblées dans l’ouvrage, qui permettent de mesurer le chemin parcouru.

2Les multiples orientations de la recherche stylistique contemporaine y apparaissent dans leur riche polyphonie. Nous ne pouvons prétendre présenter de façon exhaustive ce gros recueil (300 pages de texte) de 21 contributions (en français, anglais, italien ou allemand), précédées d’une introduction d’A. Hurst et F. Létoublon et suivies de plusieurs index (passages homériques cités, auteurs anciens et modernes) et de résumés. Certains thèmes transversaux définissent plusieurs axes de recherche des participants au colloque, avec une confrontation permanente entre la recherche du substrat primitif et l’analyse de l’œuvre dans son aspect abouti :

  • la structure narrative, avec l’analyse des niveaux distingués par la narratologie (D. N. Maronitis), l’étude plus classique du rôle de la Télémachie comme procédé de retardement de l’action principale (A. Rengakos), mais aussi la comparaison avec la tradition orale des épopées des Balkans (J. M. Foley) ;
  • les mythes homériques ;
  • la poétique homérique ;
  • le personnage entre tous énigmatique de Pénélope.

3Nous avons particulièrement apprécié l’étude de G. Danek ouvrant le recueil, qui fait apparaître, dans la présentation homérique fragmentée et recomposée du mythe de Charybde et Scylla, à la fois le présupposé d’un mythe connu de tous les auditeurs et la volonté d’en présenter une version novatrice. L’étude subtile qui est menée ici pourrait être transposée à beaucoup d’autres mythes homériques ; elle pourrait peut-être fournir une explication, autre que purement formelle, à la présence de doublets dans l’épopée homérique. Une telle approche suppose aussi une certaine « rationalisation » du mythe tel qu’il apparaît et pourrait amener à se demander si les interprétations allégorisantes – attestées très tôt par la tradition et qui sont à l’origine des bribes de commentaires mythographiques de provenance littéraire diverse qui nous sont parvenues – n’ont pas déjà tout simplement leur point de départ dans le poème homérique lui-même. À cette recherche le matériel très important fourni par le Mythographus Homericus et les vestiges de Palaiphatos (contributions très riches de F. Montanari et de A. Santoni) rendront de considérables services.

4D’autres contributions cherchent à retrouver, sous les mythes homériques, la substance de mythes archétypaux, prélittéraires, perspective de B. Sergent expliquant le monde des Phéaciens dans l’Odyssée, en raison de leur rôle traditionnellement admis de passeurs des morts, comme une euphémisation du monde d’Hadès et de Perséphone.

5La définition de l’inspiration et du métier poétique à travers la présentation critique des aèdes dans l’Odyssée – et l’évolution sensible de point de vue par rapport à la définition iliadique de l’inspiration comme divine – a donné lieu, de la part de D. Bouvier, à une très stimulante étude de textes pourtant bien connus, qui font apparaître en arrière-plan la condition socio-économique du poète.

6La subversion subtile de l’héritage homérique mise en œuvre par les Alexandrins a été étudiée par A. Hurst à propos de l’évocation de l’Odyssée, qui occupe une position centrale dans l’Alexandra de Lycophron, avec une mise en cause sans appel du personnage de Pénélope. Le contrepoint odysséen entre Pénélope et Clytemnestre est étudié par J. M. Foley en relation avec un dédoublement comparable de la structure de l’épopée du retour dans la tradition orale épique des Balkans. C’est encore Pénélope et la façon dont, en combinant plusieurs mythes concernant la communication entre le monde des hommes et l’autre monde, elle invente le mythe des deux portes des songes (d’ivoire ou de corne), qui inspire à J. Russo une pénétrante analyse, soulignant l’importance, à ce stade de l’action, pour Pénélope, de conserver son système d’autodéfense.

7Le recueil contient aussi quelques échappées vers les prolongements modernes (littéraires ou cinématographiques) des mythes odysséens.

8Nous ne pouvons quitter cette évocation de la recherche homérique sans annoncer la parution, dans un avenir qu’il faut souhaiter proche, des Actes du dernier colloque international qui s’est tenu à Grenoble, en novembre 2002, Homère virtuel : pour un « Compagnon » électronique aux études homériques, résolument orienté vers l’emploi des outils les plus modernes comme auxiliaires de la recherche la plus pointue.

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Pour citer cet article

Référence papier

Michelle Lacore, « La Mythologie et l’Odyssée. Hommage à Gabriel Germain (Actes du colloque international de Grenoble, 20-22 mai 1999), F. Létoublon et A. Hurst (dir.) »Kentron, 18 | 2002, 181-183.

Référence électronique

Michelle Lacore, « La Mythologie et l’Odyssée. Hommage à Gabriel Germain (Actes du colloque international de Grenoble, 20-22 mai 1999), F. Létoublon et A. Hurst (dir.) »Kentron [En ligne], 18 | 2002, mis en ligne le 01 octobre 2018, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/2037 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.2037

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Auteur

Michelle Lacore

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