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Résumés

Dans la procuration des prodiges, les autorités religieuses romaines, soucieuses de regagner la faveur des dieux, ont en général préféré s’adresser à l’ensemble des divinités, sans les nommer une à une : ainsi dans les lectisternes (six, puis douze dieux) ou les supplications ad omnia puluinaria. Pourtant une tendance nouvelle est apparue, avec des supplications individuelles, adressées à des divinités particulières, appelées par leur nom. Les tremblements de terre représentent un cas particulier : il ne faut pas énoncer le nom de la divinité en l’honneur de laquelle sont organisées les feriae expiatoires, même si Tellus et Cérès ont été, par exception, nommément apaisées. C’est que Tellus et le monde tellurique restent, à l’ordinaire, insaisissables. Les Romains, prudents comme toujours, n’ont pas voulu prendre le risque de nommer une divinité à la place d’une autre.

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Texte intégral

  • 1 Selon l’excellente formulation de R. Bloch, c’est « l’irruption du sacré dans le pr (...)

1L’entente harmonieuse avec les dieux, la pax deorum, est ce vers quoi tendent tous les efforts des Romains, qui s’emploient sans relâche à se concilier les faveurs d’un ciel instable. Phénomène contre nature, le prodige concrétise brutalement l’intervention du divin dans le monde terrestre1. Pour autant, il revêt une signification bien différente d’un peuple à l’autre : en Grèce, le prodige relève de la mantique au même titre que le présage et il ne nécessite donc pas la mise en œuvre des rituels de procuration connus des Romains ; les Étrusques, eux, n’y voient qu’un présage à caractère exceptionnel, ce qui lui vaut de faire l’objet d’une savante exégèse et de rites expiatoires appropriés. Toujours funeste, le prodige romain n’a, quant à lui, aucune valeur divinatoire. Qu’il soit d’ordre météorologique, végétal ou même animal, il n’est là que pour révéler aux hommes la rupture de la pax deorum.

2Un message divin que les Romains ne se bornent pas à recevoir, et qu’ils ne se soucient même pas d’interpréter : à ces signes patents de la colère céleste va répondre une procédure juridico-religieuse, d’une rigueur et d’une efficacité éprouvées. La procuratio, c’est-à-dire la « prise en charge », du prodige par les autorités civiles et religieuses visera, dans un premier temps, à éliminer la souillure qu’il représente, expiare, puis à se concilier à nouveau la faveur de la divinité, placare, au moyen d’un certain nombre de cérémonies. C’est sur cette placatio deorum, plus que sur l’expiatio, qui n’est en fait qu’une purification de l’espace et des biens, que nous porterons notre attention : les tentatives d’apaisement du divin et, d’une manière plus générale, la procuration dans son ensemble sont en tout cas constitutives d’une forme de dialogue entre hommes et dieux.

3L’échange reste toutefois inégal. La procuration, bien qu’elle soit annuelle et soigneusement encadrée par l’appareil religieux de Rome, s’inscrit tout de même dans un contexte de crise, et l’homme, sur qui pèse la menace divine, est indéniablement en position d’infériorité. Plus encore que dans le simple sacrifice – qui, lui, relève du culte ordinaire –, les Romains, déjà si formalistes, doivent veiller à l’efficience des rites qu’ils mettent en œuvre. Il y va du salut de la communauté tout entière. Afin d’optimiser l’efficacité de la procédure, les autorités religieuses préféraient s’en remettre à l’ensemble du panthéon romain, souvent élargi aux divinités des régions voisines. Une adresse générale, qui permettait d’embrasser la totalité des attributions et des forces divines susceptibles de favoriser le peuple de Rome. Nous verrons ensuite que cette approche globalisante, pourtant caractéristique du pragmatisme romain, va progressivement céder le pas à la tendance inverse : il faudra désormais mettre un nom sur la divinité courroucée, avant de lui adresser nommément les remedia propres à l’apaiser. Enfin, il s’agira de voir dans quelle mesure l’identité du destinataire divin était indispensable à la mise en œuvre des rites placatoires. En d’autres termes, les Romains pouvaient-ils, sans risque, apaiser des dieux qu’ils n’avaient pas réussi à identifier ? Et surtout de quels moyens la religion d’État, toujours soucieuse d’exactitude rituelle, disposait-elle pour contourner cet écueil ?

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  • 2 Obsecrare : Liv. 31, 8, 2 ; Gell. 13, 23, 13 ; supplicare : Liv. 3, 63, 5 ; 10, 23, 2 ; (...)

4La procuration des prodiges est sans doute l’une des manifestations les plus évidentes de la religio – littéralement « le scrupule religieux » –, qui, à Rome, conditionne les relations entre hommes et dieux. Prudent, sourcilleux, pointilliste, le Romain l’est dans tous les actes du culte, qu’il s’agisse du sacrifice ou de la prière qui l’accompagne. A fortiori, il le sera plus encore dans une procédure censée rétablir l’excellence de ses relations avec les habitants du ciel. Les dieux sont irrités, et il importe de les apaiser pour rétablir au plus tôt une situation d’harmonie. Obsecrare, supplicare, ueniam poscere2 : la religion romaine use et abuse des formules redondantes et de tous les procédés d’accumulation verbale. C’est un même souci d’efficacité qui préside à la mise en œuvre des rituels placatoires. Après s’être acquitté de l’expiation proprement dite, on n’hésite pas à célébrer successivement ou simultanément plusieurs cérémonies, que cette concomitance même rend plus performantes.

5Cette volonté de se concilier à tout prix la faveur des dieux – la faveur de tous les dieux – s’illustre pleinement dans quelques-uns des plus anciens rituels de la religion romaine. On pourrait être tenté, a priori, d’y associer la lustratio urbis, le seul rituel lustratoire qui, ponctuellement, procède de la procuratio prodigiorum. Sous la forme d’une procession solennelle menée par les collèges sacerdotaux, la lustratio consiste à décrire un cercle cathartique autour du territoire urbain, afin d’éliminer les souillures constituées par les prodiges qui ont pu s’y manifester. Rite expiatoire plus que placatoire, la lustratio urbis vise donc essentiellement à purifier l’espace, et surtout le sol souillé par la chute de la foudre ou l’intrusion d’une créature jugée néfaste ; elle n’est pas, directement, orientée vers la placatio deorum et vers des divinités pourtant localisées à l’intérieur de ce périmètre.

  • 3 Voir en particulier G. Wissowa, s. v. lectisternium, RE, XII 1, col. 1108-1115 ; A. Bouché- (...)
  • 4 Avec Denys d’Halicarnasse, 12, 9, 9-10.

6En revanche, un autre cérémonial, tout aussi spectaculaire, sollicite plus explicitement la uenia deorum. À partir de 399 avant J.-C., les décemvirs, prêtres romains du rituel hellénisant, prescrivent ponctuellement un nouveau mode de procuration, dont le caractère inédit justifie l’ample notice que lui consacre Tite-Live (5, 13, 4-6). Comme son nom l’indique, le lectisterne consiste à dresser les lits de table (lectos sternere) d’un banquet solennel auquel Rome convie les dieux3. Pour autant, la prescription de ce rituel grandiose restera exceptionnelle autant qu’éphémère et, si on le célèbre cinq fois au cours du IVe siècle (Liv. 8, 25, 1), il ne réapparaît ensuite qu’à l’époque de la seconde guerre punique, en 218 et surtout en 217 avant J.-C. Tite-Live, notre source majeure en la matière4, raconte ainsi qu’en raison d’une terrible épidémie, en 399, les duumvirs préconisèrent la mise en œuvre de ce rite sans précédent. Tandis que de multiples festivités accaparaient la cité tout entière, on dressa trois lits de banquet sur lesquels prirent place, deux par deux, six divinités : d’abord Apollon et sa mère Latone, puis Diane et Hercule, et enfin Mercure et Neptune. Un cérémonial qui, au regard de la relation livienne, fut reproduit à l’identique pour – au moins – les cinq premiers lectisternes que connut Rome (Liv. 8, 25, 1). Autrement dit, à chaque fois qu’on réitéra la procédure et quelle qu’en fût la cause, une épidémie ou une famine, la table dressée par les prêtres romains dut toujours réunir les mêmes commensaux. Il serait fastidieux d’exposer ici toutes les interprétations auxquelles ce panthéon problématique et ces associations divines ont pu donner lieu, d’autant qu’aucune d’entre elles ne propose d’hypothèse qui emporte la décision. Il est probable qu’à chaque fois, on ait jugé utile d’apaiser simultanément non seulement les dieux guérisseurs censés mettre fin à la pestilentia, mais aussi ceux qui pouvaient, comme Hercule, Mercure ou Neptune, favoriser l’approvisionnement de Rome. Un mode de placatio sinon expéditif, du moins efficace, qui permettait d’apaiser, en une seule fois, l’ensemble des dieux concernés.

  • 5 Mise au point commode dans Séchan & Lévêque 1966, 25-27.

7Plus magnifique, plus fastueux encore que les précédents, le lectisterne célébré en 217 semble être organisé selon une tout autre logique. Cette fois, il ne s’agissait pas de faire cesser un fléau mortifère, mais plutôt d’écarter de Rome la menace carthaginoise, au lendemain de Trasimène (Liv. 22, 10, 9). Douze dieux conviés au festin, douze dieux derrière lesquels on a trop souvent voulu retrouver les douze Olympiens de la mythologie grecque5. Nous préférerions pour notre part reconnaître en eux les dii consentes, ces douze grandes divinités qui, à elles seules, incarnaient le panthéon romain et dont Varron (rust. 1, 1, 4) voyait les statues de bronze doré qui, au cœur de l’Vrbs, se dressaient sur le Forum. Des dieux certes hellénisés, à une époque où l’interpretatio Graeca avait déjà imprimé sa marque, mais qui conservent néanmoins leurs attributions originelles : Jupiter, Junon, Minerve, la Triade Capitoline, mais aussi Vesta, déesse du foyer civique, Vulcain, dieu du feu, Mars, dieu de la guerre, Cérès nourricière et Vénus, mère des Énéades, ainsi qu’Apollon, Diane, Mercure et Neptune, déjà présents, eux, lors du premier des lectisternes. Comment expliquer cette volonté de recourir, simultanément, à tant de puissances et de compétences diverses ? Lors des premiers lectisternes, l’influence du modèle olympien ne se faisait pas encore sentir, mais on peut concevoir qu’on ait voulu réunir alors une sorte d’échantillon représentatif du personnel divin. L’exemple du lectisterne des Douze dieux (puisque tel est le nom qu’on lui donne couramment) montre en tout cas que la visée était double : obtenir l’aide efficace de chacune de ces divinités nommément désignées et, en même temps, apaiser à travers elles la totalité du panthéon romain. Un cérémonial qui, sous le couvert d’honorer des divinités spécifiques, seules nommées et conviées au festin sacré, embrassait en fait l’ensemble des attributions divines susceptibles de secourir Rome et ses habitants.

  • 6 Pour ne pas alourdir une bibliographie surabondante, nous nous bornerons à citer Freyburger (...)
  • 7 Liv. 3, 7, 8 ; 26, 9, 7-8.

8À cette (relative) économie de moyens, nous pourrions opposer les rites plus démonstratifs de la supplication, qui, elle, ne prive aucun dieu de la dévotion populaire. Souvent rattachée à la religion grecque – qui ne lui connaît pourtant pas d’équivalent –, la supplicatio expiatoire a tout lieu d’être considérée comme un rite romain, mais teinté d’hellénisme. Elle se présente comme une forme dérivée de la supplication entre hommes, fondée elle aussi sur un rapport d’inégalité entre suppliant et supplié. Ce n’est toutefois plus l’étranger qui réclame l’hospitalité, ni le vaincu qui demande grâce au vainqueur, mais l’individu qui, dans sa condition de mortel, implore le pardon ou le secours de la divinité. Une divinité toute-puissante, qu’il s’agira de fléchir par une attitude de soumission caractéristique du rituel6. Supplicare, c’est d’abord, comme l’indique vraisemblablement l’étymologie, même si elle est discutée, ployer le genou (de plicare, « plier ») en « s’abaissant », littéralement (sub-), devant les dieux ; ou, plus exactement, le fait de « prier en manifestant sa soumission », d’« implorer », comportement qui est celui du supplex, la supplicatio étant « l’acte d’implorer les dieux ». C’est aussi, lors des cérémonies les plus spectaculaires, les matrones romaines qui, en larmes, balayent de leurs cheveux dénoués les marches des sanctuaires7. C’est enfin l’une des cérémonies les plus grandioses de l’arsenal placatoire des prêtres romains, qui fait que le peuple de Rome, en habits de fête, parcourt la Ville pour aller s’agenouiller aux portes des temples.

  • 8 Liv. 21, 62, 9 ; 22, 1, 15 ; 24, 10, 13 ; 27, 4, 15 ; 27, 11, 6 ; 30, 21, 10 ; 31, 8, 2 ; 3 (...)
  • 9 Liv. 3, 5, 14 : omnia delubra ; 3, 7, 8 ; 26, 9, 7 ; 27, 50, 5. Obs. 13 : circa compita (...)
  • 10 Malgré ce que semble suggérer G. Dumézil ; cf. Dumézil 1974, 561 : « tout le peuple est con (...)
  • 11 Chaque quartier possédait en effet, à la fin de la République, son autel des Lares (...)
  • 12 Les historiens font, à plusieurs reprises, mention de supplications aux carrefours. Cf. Liv (...)

9D’après le témoignage livien et les formules récurrentes qui accompagnent la mention du rituel – ad omnia puluinaria, circa omnia puluinaria8 –, le champ d’application de la supplicatio s’étend ainsi à l’ensemble des puluinaria que compte la Ville. Encore faudrait-il préciser ce que l’on entendait par puluinaria. Le terme puluinar (de puluinus, « coussin ») désignait surtout les banquettes garnies de coussins sur lesquelles prenaient place les dieux conviés aux lectisternes ; à l’époque impériale, le puluinar n’est autre que la loge occupée par le prince et sa famille au Circus Maximus. Dans le contexte de la supplicatio, le terme désignait sans doute une sorte de reposoir, installé de façon permanente derrière la colonnade du temple, auprès duquel hommes et femmes venaient s’agenouiller et déposer leurs offrandes. Ce qui ne s’appliquait, à l’origine, qu’au réceptacle des actes de dévotion a ensuite donné son nom, par métonymie, au sanctuaire lui-même. Dans nos textes, puluinaria est donc un synonyme de templa, de sacella ou encore de delubra9, pour désigner les temples auprès desquels les suppliants devaient aller implorer les dieux. Il nous est difficile de répertorier avec précision l’ensemble des sanctuaires concernés par le rituel. Tout au plus pourrons-nous limiter cet inventaire aux sanctuaires effectivement susceptibles d’accueillir les dévotions des supplices : ceux qui se réduisaient à un simple autel en étaient forcément exclus, de même que les lieux de culte réservés à une catégorie sociale bien définie10. Malgré tout, l’expression omnia puluinaria devait recouvrir un nombre impressionnant d’édifices, augmenté, au fil des ans, par l’apparition de divinités nouvelles qui venaient grossir le panthéon romain. Les compita, et plus précisément les sanctuaires de ces carrefours11, recevaient également la visite des suppliants, venus honorer les Lares Compitales, protecteurs de l’espace urbain et des hommes qui l’occupent12.

  • 13 Sur le sens de la notion dans les religions antiques, voir Belayche et al. 2005.
  • 14 Liv. 7, 28, 8 (344 av. J.-C.) ; 22, 10, 8 (217 av. J.-C.).
  • 15 Liv. 40, 19, 5 (181 av. J.-C.).

10Bref, l’adresse du rituel placatoire à l’ensemble des dieux possédant un sanctuaire à Rome semblait garantir immanquablement l’efficacité de la procédure, si bien qu’il ne paraissait pas nécessaire aux prêtres de « nommer » les dieux13 vers lesquels ils dirigeaient la ferveur du peuple. Sollicités officiellement par le Sénat, les pontifes, les décemvirs ou, dans une moindre mesure, les haruspices ne jugeaient donc pas utile de mentionner dans leur responsum le nom des dieux qu’il convenait d’apaiser : peu importait qu’on apaisât tel ou tel, pourvu qu’on les apaisât tous. À tel point qu’on n’hésita pas, à plusieurs reprises, à élargir la prescription du rituel aux habitants des régions avoisinantes14, voire à l’Italie tout entière15.

11Pour autant, l’exemple de la supplicatio expiatoire permet d’observer l’émergence d’une placatio d’un nouveau type, adressée cette fois à une divinité particulière.

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  • 16 Outre les exemples cités plus bas, nous pourrions mentionner la supplicatio organis (...)

12En effet, à partir du IIIe siècle avant notre ère s’impose le modèle de ce que nous pourrions appeler supplication de « réparation », adressée à une divinité particulière. Il s’agit cette fois de se concilier les bonnes grâces d’un dieu ou d’une déesse dont la colère est désormais manifeste. Que les mortels se soient rendus coupables de négligence à l’égard de la divinité ou que celle-ci ait été, en son sanctuaire, atteinte par l’un des prodiges observés, il importe d’apaiser au plus tôt sa colère par les rituels appropriés. La supplicatio était donc célébrée auprès du sanctuaire de la divinité concernée et, le cas échéant, aux lieux mêmes où le prodige était survenu16.

  • 17 Liv. 27, 4, 14-15 : […] in agro Capenate ad lucum Feroniae quattuor signa sanguine multo di (...)
  • 18 Cf. Ov., fast. 6, 295 sq. : Esse diu stultus Vestae simulacra putaui, / mox didici curuo nu (...)
  • 19 Julius Obsequens, 8, nous apprend pourtant que le même rituel fut prescrit dans des (...)

13C’est ainsi qu’une supplicatio est organisée, en 210 avant J.-C., à Capène, près du lucus de Feronia, où, si l’on en croit Tite-Live, quatre statues s’étaient couvertes d’une sueur sanglante ; les pontifes ordonnent alors une journée de supplication en l’honneur de Feronia, déesse de la fertilité et du monde sauvage, ainsi qu’une seconde journée, célébrée à Rome et adressée cette fois ad omnia puluinaria17. Peu après, en 206 avant J.-C., l’extinction du feu de Vesta entraîne non seulement le châtiment de la prêtresse coupable, mais aussi la prescription d’une supplication au temple de la déesse (Liv. 28, 11, 6-7). Supplication dont la mise en œuvre ne laisse pas de soulever des interrogations, dans la mesure où, comme on le sait, la petite tholos n’abritait pas de statue18. Les suppliants allaient-ils s’agenouiller devant la flamme sacrée qui symbolisait la déesse ? Mais le rituel, fondé pour une très large part sur l’anthropomorphisme divin, aurait perdu, en ce cas, beaucoup de sa signification19. On croira donc qu’une statue se trouvait effectivement, non pas à l’intérieur de l’aedes, mais bien dans son vestibule, ce qui rejoint la règle commune.

14En 218 avant J.-C. avaient eu lieu deux supplications, l’une adressée à la Fortune de l’Algide, divinité sur laquelle nos sources ne nous livrent aucune information, et l’autre, à Hercule (Liv. 21, 62, 8-9). Si Tite-Live ne précise pas à la suite de quels prodiges il aurait été nécessaire d’apaiser précisément ces divinités, le contexte historique – on est entre les batailles de la Trébie et de Trasimène – incite à penser qu’on a voulu, à ce moment, se propitier les puissances divines susceptibles de conduire Rome à la victoire et, en particulier, de régénérer la vigueur de ses troupes. C’est sans doute la raison pour laquelle on célébra au même moment des sacrifices offerts au Genius publicus, ainsi qu’un lectisterne en l’honneur de Iuuentas, incarnations célestes des forces vives de la fécondité et de la vitalité romaines. La supplication n’est donc pas le seul cérémonial qui fasse l’objet d’une prescription nominale. Les lectisternes individuels font une apparition fugitive à la fin du IIIe siècle avant J.-C. (cf. Liv. 22, 1, 18 et 19, où sont mentionnés un lectisterne en l’honneur de Junon Reine et un autre en l’honneur de Saturne), avant d’échapper à la procuratio prodigiorum pour rejoindre les rites du culte ordinaire.

15Comme si le fait de cibler les rites placatoires conférait plus d’efficacité à l’ensemble de la procédure. Ici s’exprime, une fois encore, le pragmatisme romain, qui ne va pas sans une certaine parcimonie : on réduit l’ampleur de la procédure, en la restreignant à un rituel adressé à une divinité unique, qui gagne ainsi en précision. Il ne s’agit plus – même si cette pratique subsiste encore – de solliciter en bloc toutes les puissances divines, mais bien de proposer un remedium en adéquation avec la nature et les attributions du dieu que l’on se sera, au préalable, attaché à identifier.

  • 20 Non celui de Lanuvium, mais plus probablement celui de Rome, sur le Forum Holitorium ; (...)
  • 21 Nous renvoyons à notre article, Février 2003.
  • 22 Voir Montero Herrero 1994, 111.
  • 23 Cic., diu. 1, 4 ; 1, 99.
  • 24 Obs. 55.

16Bien souvent, le destinataire s’impose de lui-même, en particulier lorsque le prodige survient dans un sanctuaire et lorsque le dieu manifeste sa colère ou son chagrin à travers la statue qui le matérialise. Dans le passage que nous évoquions à l’instant, Tite-Live mentionne le fait qu’un corbeau s’était introduit dans le temple de la Junon de Lanuvium, avant de s’installer sur le siège de la déesse : coruum in aedem Iunonis deuolasse atque in ipso puluinari consedisse (21, 62, 4). Le Sénat décida alors de s’en remettre aux compétences des decemuiri sacris faciundis, qui prescrivirent, entre autres remedia, que l’on portât une offrande d’or à la Seispes Mater Regina et que l’on offrît en outre une statue de bronze à Junon Reine sur l’Aventin (21, 62, 8). Nous pourrions citer également un autre prodige, à la fois différent et curieusement similaire. Obsequens, 55, raconte en effet qu’en 90 avant J.-C., Caecilia Metella fit un songe où lui apparut Junon Sospita : la déesse fuyait son propre sanctuaire20, souillé par l’inconduite de certaines matrones qui y avaient fait commerce de leur corps et par une chienne qui s’y était installée avec sa portée. La présence d’un chien, animal « obscène » pour les Anciens, constituait à la fois un sacrilège et un présage de mauvais augure (cf. le double sens d’obscenus) et, de toute façon, l’intrusion d’un animal (chien, serpent ou volatile) dans un lieu sacré constituait un prodige particulièrement funeste21. Il faut croire, d’ailleurs, que, contrairement à l’usage, ce prodige virtuel (puisqu’il n’existait que dans le songe de Caecilia) fut pris en compte par le Sénat : le prestige considérable des Metelli n’y était sans doute pas étranger22. Le temple fut nettoyé, purifié23 et une supplication fut célébrée en l’honneur de la déesse24.

  • 25 Varron, frg. 157 Card. : propter aegros medicus uel Apollo uel Aesculapius.

17Parallèlement à ces cérémonies qui ressortissent proprement à la placatio deorum, il faut mentionner les rituels qui, beaucoup plus nombreux, relèvent d’une démarche essentiellement propitiatoire. Il ne s’agit plus, alors, d’apaiser la colère d’un dieu ou d’une déesse dont le nom s’est trouvé associé au prodige, mais plutôt de requérir l’assistance d’une divinité tutélaire bien définie, seule capable, par ses attributions, de résoudre la crise du moment. Une adéquation prodigium / remedium qui fait jouer à la divinité le rôle d’une puissance secourable, ultime espoir d’une cité en péril. On pense bien sûr, en premier lieu, aux dieux guérisseurs dont Rome sollicite, tour à tour, les pouvoirs salutaires25.

  • 26 Liv. 3, 63, 7 ; 4, 25, 3 ; 4, 29, 7.

18En 433 avant J.-C., alors qu’une terrible pestilentia exerce ses ravages, les autorités religieuses décrètent le vœu d’un temple en l’honneur d’Apollon, afin de rétablir et, à plus long terme, de garantir la santé du peuple romain. La construction de ce temple, édifié aux Prés Flaminiens, accompagne en fait l’entrée officielle d’Apollon dans le panthéon romain, en 431 avant J.-C.26. Dieu « adopté », le dieu de Delphes garde à Rome le nom qu’il portait en Grèce, en même temps qu’il restreint ses attributions au domaine de la médecine. Appelé au secours de la ualetudo populi, Apollon romain restera un dieu guérisseur, et ce jusqu’à l’époque augustéenne.

  • 27 Liv., per. 11, 3 ; Ov., met. 15, 622-744.

19En effet, avec la construction de son nouveau sanctuaire, en 28 avant notre ère, c’est un autre Apollon qui prend place sur les hauteurs du Palatin : dieu solaire, dieu des arts et de la mantique, Apollon ne possède plus le monopole de la salubrité publique. Tite-Live relate qu’en 293 avant J.-C., une autre pestilentia – nous hésitons à utiliser le terme anachronique d’« épidémie » –, dont l’ampleur et la virulence étaient sans précédent, conduisit les décemvirs à ordonner l’introduction, à Rome, du culte d’Esculape (Liv. 10, 47, 6-7). Il fallut cependant attendre deux années pour qu’on allât chercher le dieu dans son sanctuaire d’Épidaure et qu’il fasse, sous l’apparence du serpent, son entrée triomphale dans la Ville27. Soucieux de mettre fin au fléau, les prêtres prescrivirent donc, à plus court terme, une supplicatio en l’honneur du dieu médecin, probablement organisée auprès d’un édicule temporaire, puisque le sanctuaire de l’île Tibérine n’existait pas encore à cette date.

  • 28 Val. Max. 8, 15, 12 : […] quo facilius uirginum mulierumque mens a libidine ad pudi (...)

20D’autres divinités apparaîtront plus propres à revigorer les forces guerrières de Rome et surtout à assurer la victoire de la cité. C’est le cas en 217 avant J.-C., au lendemain de la bataille de Trasimène, lorsqu’on décide, non seulement de renouveler un vœu à Mars et de célébrer un printemps sacré, mais aussi de vouer un temple à la Vénus sicilienne du mont Éryx et un autre à Mens, incarnation divine de l’intelligence guerrière (Liv. 22, 9, 9-11). En 205 avant J.-C., alors que l’ennemi punique continue à s’acharner contre Rome et que la victoire ne semble pas acquise, des pluies de pierres continuelles incitent les sénateurs à recourir aux compétences décemvirales (Liv. 29, 10, 4-5). Après avoir consulté les Livres Sibyllins, les décemvirs préconisent alors l’introduction du culte de Cybèle, la puissante déesse phrygienne, censée permettre à l’armée romaine de vaincre les Carthaginois. En 114 avant J.-C. enfin, c’est l’inconduite de trois vestales, toutes coupables d’incestum, qui déchaîne la colère divine et conduit les prêtres à ordonner la dédicace d’un nouveau sanctuaire. Vénus Verticordia, littéralement « Vénus qui tourne les cœurs », telle est l’épithète sous laquelle doit être honorée cette divinité salvatrice (Obs. 37). Des cœurs qu’il ne s’agit pas, loin s’en faut, de faire chavirer, mais plutôt de « retourner » dans le bon sens, afin de faire retrouver aux jeunes filles et aux matrones romaines leur sens de la dignité et une pudeur de bon aloi28. Nous pourrions multiplier les exemples de cérémonies, de vœux ou de dédicaces adressés à chaque fois à une divinité précise. Bornons-nous à observer ce souci constant de rapporter à un seul dieu le rituel mis en œuvre, et donc d’orienter vers un destinataire unique les dévotions de tout un peuple. Encore fallait-il, pour que la placatio aboutît, que la divinité en question fût identifiée avec précision.

  • 29 La formule consacrée, avec ses variantes, est : editi a collegio pontificum dei quibus sacr (...)
  • 30 Ainsi, sans que le nom des dieux apaisés soit indiqué, Liv. 24, 44, 9 ; 27, 4, 15 ; 27, 37, (...)
  • 31 Voir nos articles : Février 2002 et 2004.

21Cette identification n’était pas le fruit du hasard : elle relevait, au même titre que la sélection des rituels de procuration, de la compétence des prêtres (qui jouaient le rôle d’experts auprès du Sénat) et donnait lieu à une procédure apparemment très formelle. Au regard des exemples que nous fournissent les historiens, les deux collèges sacerdotaux, auxquels s’ajoutent les haruspices, impliqués alternativement ou simultanément dans la procuratio, étaient habilités à définir quels dieux avaient manifesté leur courroux29. Les pontifes (Liv. 30, 2, 13), les haruspices (32, 1, 14 ; 41, 13, 3), mais surtout les décemvirs (36, 37, 4-5 ; 37, 3, 5 ; 40, 19, 4 ; 40, 45, 5 ; 42, 2, 3-6 ; 43, 13, 7-8) étaient amenés, au cours de la procédure, à révéler le nom des dieux vers lesquels il fallait diriger les prières des hommes. Le caractère lacunaire de nos sources nous contraint à la plus grande prudence dans l’interprétation de ces données. Toutefois, en considérant la procédure dans son ensemble et le schéma qu’il est permis d’en tracer, on peut supposer que les pontifes intervenaient plus souvent que les autres collèges comme conseillers immédiats des sénateurs30. Plus fréquemment sollicitée, leur compétence trouvait aussi plus rapidement ses limites et, dans les situations plus alarmantes, les autorités préféraient s’en remettre à la science, plus exotique sans doute, des décemvirs sacris faciundis et des haruspices étrusques. Rien d’étonnant alors à ce que les devins toscans, particulièrement habiles à établir des correspondances entre les parties des exta et les régions du ciel, aient excellé dans l’identification des dii irati, en tirant probablement de leurs libri rituales de précieuses grilles de lecture. Quant aux gardiens des Livres, détenteurs d’oracles que Rome prétendait tenir du dernier de ses rois et, avant lui, de la Sibylle cumaine, ils étaient, par leur statut de lecteurs et d’interprètes, les mieux placés pour révéler au profane le nom des dieux qu’il importait d’apaiser. Des noms dictés, comme le voulait la tradition, par l’oracle lui-même et qu’il leur appartenait donc de déchiffrer, par-delà les sinuosités de l’hexamètre grec, dans les inestimables libri du Capitole31.

22Lorsqu’ils avaient enfin identifié les destinataires de la procédure en cours, les prêtres rédigeaient un décret qui devait être transmis au Sénat afin que celui-ci puisse procéder à la mise en œuvre des remedia. On a tout lieu de penser, cependant, que cet édit était bien distinct de la prescription proprement dite, laquelle ne concernait que la nature et l’ampleur des cérémonies, et qu’il relevait comme elle de la plus stricte juridiction, comme en témoigne le caractère répétitif des formules reprises par Tite-Live. Même si l’on peut regretter que l’historien n’indique pas, précisément, les dieux concernés par la procuration, sans doute parce qu’il ne fait que reproduire ici la concision des sénatus-consultes et des archives sacerdotales, il ressort nettement de ces relevés qu’au second siècle avant notre ère, l’identification des dieux et la destination précise des rites avaient pris une importance capitale dans la procédure.

* * *

23Pouvait-on cependant nommer tous les dieux dont on s’employait à apaiser la colère ? À en croire nos sources, il semble que non. C’est un passage d’Aulu-Gelle qui, pour la troisième et dernière partie de cet exposé, retiendra notre attention. L’auteur des Nuits attiques fait ici référence à une situation particulière, qui interdit d’énoncer le nom de la divinité à laquelle sont adressés les rites placatoires (Gell. 2, 28, 2-3, d’après Varron, frg. 78 Card.). Quelles conclusions tirer de ces allégations qui, dans une certaine mesure, semblent aller à l’encontre de ce que nous évoquions précédemment ?

24Force est de constater qu’il s’agit là d’un cas particulier : Aulu-Gelle souligne d’ailleurs explicitement le fait que l’usage est bien, d’ordinaire, de décider, statuere, et de rendre compte officiellement, edicere, du nom de la divinité que l’on entreprend d’apaiser, ita uti solet. Une exception à la règle qui semble se justifier ici par l’ignorance des Anciens quant à l’origine des secousses sismiques. Suivant l’argumentation développée par Aulu-Gelle, les Romains ne savaient pas à quel dieu attribuer les phénomènes telluriques, et, par conséquent, s’ils procédaient avec soin à la procuration de ce prodige, ils se gardaient bien en revanche de donner le nom de la divinité en l’honneur de laquelle les rites étaient célébrés. Une précaution qui s’accordait pleinement avec la prudence extrême dont ils faisaient preuve dans les actes du culte, in dis inmortalibus animaduertendis castissimi cautissimique : il ne fallait à aucun prix qu’une appellation fautive, qu’un nom employé pour un autre, puisse lier le peuple romain à une divinité qui n’était nullement concernée et qui aurait pu, à l’inverse, s’irriter de cette sollicitation injustifiée.

  • 32 Guittard 1981 ; 1987 ; 1998 ; 2002 ; 2007.

25Il n’est nul besoin de revenir ici sur le formalisme de la prière romaine, et il suffira de se reporter, pour l’essentiel, aux travaux de C. Guittard32. Nous ne reprendrons pas non plus le passage bien connu de l’Histoire naturelle que Pline consacre à la prière et à la rigueur de son énonciation (Plin., nat. 28, 10-11). L’adresse d’une prière ou d’une victime sacrificielle à une divinité donnée fait plus précisément l’objet d’une réflexion menée par Arnobe. Dans le livre III de son Aduersus nationes, l’apologiste chrétien s’interroge d’abord sur les conditions d’une invocation ou d’une requête : on ne peut invoquer qu’une divinité dont on connaît les attributions (Arn. 3, 42, 2-3). Comme le précise Arnobe, il ne s’agit pas, explicitement, de connaître le nom de la divinité, mais plutôt de connaître son champ d’intervention pour savoir quelle divinité solliciter dans quelle circonstance. Au chapitre suivant, il poursuit en évoquant les conséquences fâcheuses qu’entraînerait une erreur, soit dans l’attribution de la victime sacrificielle, soit dans l’invocation du nom de la divinité (3, 43, 1-3). Toute méprise de la part de l’officiant provoquerait irrémédiablement la colère de la divinité et un vice de forme, piaculum, qu’il faudrait alors expier : cum ignoratio rerum, personarum confusio et deos cogat offendat et necessario piaculum contrahi. Arnobe conclut alors :

Vsque adeo res exigit propriatim deos scire, nec ambigere, nec dubitare de uniuscuiusque ui, nomine, <ne> si alienis ritibus et appellationibus fuerint inuocati, et aures habeant structas et piaculis nos teneant inexpiabilibus obligatos (3, 43, 4).

  • 33 Bayet 1969, 128.

26On comprend mieux les efforts déployés par les Romains pour se préserver de tout piaculum et réussir à invoquer dans leurs prières des dieux dont ils ignoraient le nom. C’est ainsi que, pour pallier cette incertitude, ils recouraient à « des formules de prudente ambiguïté », pour reprendre l’expression de J. Bayet33, sur le modèle siue deus, siue dea. Des formules que l’on retrouve dans des rites officiels à caractère ponctuel, comme la deuotio ou l’euocatio, mais également dans la religion privée. Caton décrit d’ailleurs avec précision le rituel rustique qui précédait l’ouverture d’une clairière (agr. 139). Il s’agissait d’offrir le sacrifice d’un porc pour expier le sacrilège constitué par l’amputation d’une partie du bois, tibi ius est porco piaculo facere illiusce sacri coercendi ergo harumque rerum ergo. En même temps, puisque le paysan ne savait quelle était la divinité tutélaire du lucus, il veillait à ne pas froisser sa susceptibilité par l’usage d’une formule inappropriée. Le texte d’Aulu-Gelle fait donc référence à une pratique tout à fait courante dans la formulation des prières romaines, mais exceptionnelle dans le cadre plus étroit de la procuration des prodiges.

  • 34 Cf. Liv. 4, 21, 5 ; 34, 55, 1-4 ; Obs. 35 ; Suet., Claud. 22, 2 ; SHA, Gord. 26, 1-2.
  • 35 Sur l’ensemble de la question, Tellus, Cérès et les tremblements de terre, cf. Le Bonniec 1 (...)

27Au regard des relevés prodigiaux établis par Tite-Live, on constate qu’en effet la procuration des tremblements de terre ne donnait pas lieu aux mêmes cérémonies que pour d’autres prodiges. Le plus souvent, elle prenait la forme de feriae, c’est-à-dire de jours chômés pendant lesquels avaient lieu des supplications ou de simples sacrifices34. En tout cas, jamais le nom des divinités concernées par la célébration de ces rites n’est mentionné dans nos textes, à l’exception de trois d’entre eux. La procuration mentionnée par l’Histoire Auguste, pour l’année 262 de notre ère, est à exclure d’emblée (SHA, Gall. 5, 2-5). Hormis la fiabilité toute relative de cette source, notamment pour toutes les références à la religion païenne, il semble évident que le Jupiter Salutaris ici mentionné n’était invoqué en ces circonstances qu’au nom de la salubrité publique : dans la suite du texte, il est fait référence à une terrible pestilentia qui avait décimé les populations. Plus intéressantes, sans doute, sont les procurations de 268 et de 174 avant J.-C. : Florus évoque ainsi l’érection d’un temple en l’honneur de Tellus, à la suite d’une secousse qui avait ébranlé le champ de bataille pendant la guerre contre les Picentins (1, 14, 2) ; Tite-Live rapporte, quant à lui, qu’une supplication fut adressée à la triade agraire de l’Aventin, en raison d’un tremblement de terre sur le territoire sabin (41, 28, 2). Il va de soi que cette supplication n’a pas d’autre destinataire que Cérès35, même s’il était impossible de la séparer de ses parèdres, Liber et Libera. Deux occurrences qui paraissent donc être en contradiction avec le texte d’Aulu-Gelle.

28En effet, la déesse romaine Tellus, bien différente de la Gaia grecque et de ses mythes, est avant toute chose l’incarnation divine de la terre, déesse du sol fertile et en même temps principe de fécondité qui fait naître, puis renaître à la vie les corps qu’elle accueille en son sein. Progressivement, la figure de Tellus sera mise en retrait au profit d’une Cérès, déesse de la germination, enrichie par les caractères de la Déméter grecque. Complémentaires à l’origine, les deux déesses restent néanmoins associées dans certains rites du férial romain (porca praecidanea, Sementiuae), où domine toujours la figure de Cérès. Déesse de la terre, Tellus est aussi déesse du mariage et de la procréation, avant d’être enfin déesse des morts et du monde souterrain. C’est cette dernière attribution qui la caractérisera le mieux à l’époque classique : Tellus incarne le sol fécond qui reçoit les semences, le sol destructeur et régénérateur qui décompose et ressuscite les organismes, elle règne sur les profondeurs souterraines du monde tellurique.

  • 36 Monnaies et médaillons : RIC II, p. 372, nos 276-278 ; 441, no 791 ; 445, nos 835-836 (Hadrien) ; G (...)

29Rien d’étonnant donc à ce que les Anciens aient vu dans les tremblements de terre l’expression de sa colère. Puisqu’elle présidait au mariage, on considérait comme un funeste présage le fait que la terre tremble le jour des épousailles (Serv., Aen. 4, 166) ; des monnaies d’époque impériale la représentaient d’ailleurs avec l’épithète de Stabilis ou Stabilita36, en référence aux secousses sismiques. Il n’y a donc aucune raison de douter qu’on ait pu l’apaiser nommément, en 268 avant J.-C. D’ailleurs, Cicéron lui-même expose ce qui constitue en quelque sorte l’étiologie de la placatio Telluris. Selon une tradition ancienne, ce serait Junon Moneta, la déesse qui « avertit », qui aurait, du fond de son sanctuaire, dicté au peuple romain le mode de procuration des tremblements de terre, sue plena (diu. 1, 101). Or, la truie pleine est précisément la victime propre de Tellus, comme celle de Cérès (Arn. 7, 22). Tout semble donc cohérent : de longue date, les Romains savaient qu’en cas de secousses telluriques, ils pouvaient sacrifier une truie pleine à une divinité qui n’était autre que Tellus, déesse de la terre. Il était donc normal qu’on lui consacrât un temple, en 268, et qu’on allât supplier Cérès qui avait ici revêtu l’aspect infernal de la déesse qui partageait son culte.

  • 37 Dumézil 1974, 60 sq.
  • 38 Cf. Serv. auct., Aen. 4, 166 : cui etiam uirgines, uel cum ire ad domum mariti coeperint, u (...)

30Comment, en ce cas, faut-il entendre le texte d’Aulu-Gelle ? G. Dumézil affirme37 que les Romains avaient une conscience très nette de la nature de leurs dieux et surtout de la richesse, de la pluralité de cette nature, si bien qu’ils avaient également conscience des limites de leur savoir : incapables d’envisager la multiplicité des aspects du divin, ils devaient donc redoubler de précautions en l’invoquant. Peut-être pourrions-nous envisager ici l’idée qu’il en allait de même pour Tellus, une figure mouvante, impalpable, aux attributions mal délimitées. Quoi qu’en dise Aulu-Gelle, qui amalgame à tort rationalisme scientifique et croyance religieuse, et si les Romains ne savaient comment la terre pouvait trembler, ils savaient en revanche quelle divinité pouvait la faire trembler. Cela étant, il est tout à fait concevable qu’ils n’aient pas pris le risque d’invoquer une déesse aussi insaisissable et dont les épithètes étaient multiples38. En d’autres termes, ils identifiaient sans peine la destinataire de la procuration, mais ils ne savaient pas sous quelle épithète, nomen, ils devaient l’apaiser.

31Dans le même ordre d’idées, une autre hypothèse, qui n’exclut pas la précédente, serait que les Anciens aient attribué l’origine des tremblements de terre non seulement à Tellus, mais aussi à un certain nombre de divinités souterraines qu’ils ne parvenaient pas à identifier. Dans un cas comme dans l’autre, égaré dans le monde grouillant des forces obscures de la végétation et des morts, le Romain avouait peut-être son incapacité soit à citer les épithètes de Tellus, soit à nommer les indigitations multiples qui devaient assister celle-ci.

* * *

32Au terme d’une analyse qui mériterait sans doute d’être approfondie, nous pouvons déjà constater dans quelle mesure l’étude d’une pratique particulière, à savoir celle qui, dans la procédure de procuration des prodiges, consiste à apaiser les divinités, permet d’éclairer de manière plus générale l’attitude du Romain face à ses dieux.

33En contexte prodigial, l’élaboration du protocole rituel susceptible de calmer la colère divine est confiée d’emblée aux prêtres, pontifes, haruspices ou décemvirs. C’est à eux et à eux seuls qu’il appartient de définir non seulement quelles cérémonies semblent les plus propres à expier les souillures et à apaiser les dieux, mais aussi quelle ampleur et quelle orientation il s’agit de donner à ces rites. En d’autres termes, de déterminer vers quelles divinités diriger les prières et les sacrifices dont dépend le salut de Rome. Bien souvent, nous l’avons vu, la placatio deorum est adressée de façon globale à l’ensemble des dieux que compte Rome, manière de n’en oublier et surtout de n’en offenser aucun. C’est le cas de la supplication, célébrée ad omnia puluinaria, et aussi, dans une moindre mesure, celui du lectisterne, fastueux banquet auquel, à travers les douze Consentes, est convié le « panthéon », au sens étymologique du terme. Pour autant, à partir du IIIe siècle avant notre ère, émerge en parallèle un souci de précision et d’efficacité : les prêtres s’attachent ainsi à identifier les dieux irrités afin de leur adresser nommément les cérémonies adéquates. Une placatio désormais nominale, dont le succès se trouve par là-même assuré. Enfin, le cas si particulier des tremblements de terre permet de mettre en évidence le scrupule exacerbé du Romain en matière de religion. Aux prises avec un monde souterrain qu’il connaît mal et qu’il redoute, il préférera s’abstenir de nommer une divinité pourtant identifiable, plutôt que de l’invoquer à mauvais escient.

* * *

  • 39 Cf. la formule citée par Serv. auct., Aen. 2, 351 : et pontifices ita precabantur : (...)

34Au regard de ces trois attitudes se dégage néanmoins une constante : un formalisme rigide, précautionneux (cautissimus, diraient les Anciens), qui seul peut garantir la tranquillité d’esprit du Romain. Par ailleurs, s’impose l’idée que dans la procuration des prodiges, plus encore que dans tout autre domaine, les dieux de Rome sont définis avant tout par leur champ d’action. Ce sont des forces agissantes et c’est à ce titre qu’ils sont sollicités et, le cas échéant, « nommés », au moyen d’une épiclèse ou d’une épithète fonctionnelle, par les mortels. Nommer un dieu en l’invoquant par son surnom, c’est en quelque sorte recourir à la spécificité de son pouvoir. L’invoquer sans le « nommer », c’est-à-dire sans spécifier son surnom39, c’est recourir à la totalité et à la multiplicité de ses attributions. Nous conclurons, pour notre part, qu’à l’instar du vieux Numa, le Romain, lorsqu’il traitait avec les dieux, tirait toujours son épingle du jeu.

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Notes

1 Selon l’excellente formulation de R. Bloch, c’est « l’irruption du sacré dans le profane » (Bloch 1963, 2). Cf. A. Bouché-Leclercq, s. v. Prodigia, in DA, IV / 1, p. 667 ; Bouché-Leclercq 1882, 74 : « phénomène miraculeux à caractère comminatoire » ; P. Händel, s. v. prodigium, RE, XXIII 2, col. 2283-2296.

2 Obsecrare : Liv. 31, 8, 2 ; Gell. 13, 23, 13 ; supplicare : Liv. 3, 63, 5 ; 10, 23, 2 ; ueniam poscere : 7, 40, 4 ; ueniam petere : 8, 9, 7 ; etc.

3 Voir en particulier G. Wissowa, s. v. lectisternium, RE, XII 1, col. 1108-1115 ; A. Bouché-Leclercq, s. v. Lectisternium, in DA, III / 2, p. 1006-1012 ; Gagé 1955, 168-179 ; Combet-Farnoux 1980, 329-330 et 399-400 ; Cèbe 1985 ; Champeaux 1989 ; Nouilhan 1989 ; Guittard 2003 ; Février à paraître a.

4 Avec Denys d’Halicarnasse, 12, 9, 9-10.

5 Mise au point commode dans Séchan & Lévêque 1966, 25-27.

6 Pour ne pas alourdir une bibliographie surabondante, nous nous bornerons à citer Freyburger 1977 et 1978, ainsi que notre thèse (Février à paraître b), à paraître chez Brepols (collection « Recherches sur les rhétoriques religieuses »), à laquelle nous renvoyons pour tout ce qui suit.

7 Liv. 3, 7, 8 ; 26, 9, 7-8.

8 Liv. 21, 62, 9 ; 22, 1, 15 ; 24, 10, 13 ; 27, 4, 15 ; 27, 11, 6 ; 30, 21, 10 ; 31, 8, 2 ; 31, 9, 6 ; 32, 1, 14 ; 34, 55, 4 ; 36, 2, 2 et 4 ; 40, 19, 5 ; 40, 28, 9 ; 41, 9, 7 ; 43, 13, 8 ; 45, 2, 8 ; 45, 16, 6 et 8.

9 Liv. 3, 5, 14 : omnia delubra ; 3, 7, 8 ; 26, 9, 7 ; 27, 50, 5. Obs. 13 : circa compita sacellaque ; 44 : circa omnia templa.

10 Malgré ce que semble suggérer G. Dumézil ; cf. Dumézil 1974, 561 : « tout le peuple est convié, tous les dieux l’accueillent… ».

11 Chaque quartier possédait en effet, à la fin de la République, son autel des Lares Compitales. Riches et pauvres pouvaient ainsi rendre un culte aux divinités des carrefours, dont les statuettes étaient exposées dans de petites chapelles (cf. Ramos Crespo 1988). Sur le culte de ces Lares, voir Wissowa 1912, 166-171 ; Dumézil 1974, 347-351.

12 Les historiens font, à plusieurs reprises, mention de supplications aux carrefours. Cf. Liv. 27, 23, 7 ; 38, 36, 4 ; Obs. 13.

13 Sur le sens de la notion dans les religions antiques, voir Belayche et al. 2005.

14 Liv. 7, 28, 8 (344 av. J.-C.) ; 22, 10, 8 (217 av. J.-C.).

15 Liv. 40, 19, 5 (181 av. J.-C.).

16 Outre les exemples cités plus bas, nous pourrions mentionner la supplicatio organisée en 177 avant J.-C. à Crustumérie, où une auis sanqualis avait frappé de son bec une pierre sacrée ; il s’agissait probablement d’apaiser les divinités locales, auxquelles l’oiseau sacrilège avait porté atteinte (Liv. 41, 13, 1-3 : in Crustumino auem sanqualem, quam uocant, sacrum lapidem rostro cecidisse […]. In Crustumino diem unum in ipso loco supplicatio fuit […]).

17 Liv. 27, 4, 14-15 : […] in agro Capenate ad lucum Feroniae quattuor signa sanguine multo diem ac noctem sudasse. […] et supplicatio diem unum Romae ad omnia puluinaria, alterum in Capenate agro ad Feroniae lucum indicta.

18 Cf. Ov., fast. 6, 295 sq. : Esse diu stultus Vestae simulacra putaui, / mox didici curuo nulla subesse tholo, avec la note 91 de l’édition R. Schilling, p. 177 (CUF).

19 Julius Obsequens, 8, nous apprend pourtant que le même rituel fut prescrit dans des circonstances similaires, en 178 avant J.-C. : Vestae penetralis ignis extinctus. Virgo iussu M. Aemilii pontificis maximi flagro caesa negauit ulterius interiturum. Supplicationibus habitis in Hispania et Histria bella prospere administrata.

20 Non celui de Lanuvium, mais plus probablement celui de Rome, sur le Forum Holitorium ; cf. Liv. 34, 53, 3.

21 Nous renvoyons à notre article, Février 2003.

22 Voir Montero Herrero 1994, 111.

23 Cic., diu. 1, 4 ; 1, 99.

24 Obs. 55.

25 Varron, frg. 157 Card. : propter aegros medicus uel Apollo uel Aesculapius.

26 Liv. 3, 63, 7 ; 4, 25, 3 ; 4, 29, 7.

27 Liv., per. 11, 3 ; Ov., met. 15, 622-744.

28 Val. Max. 8, 15, 12 : […] quo facilius uirginum mulierumque mens a libidine ad pudicitiam conuerteretur.

29 La formule consacrée, avec ses variantes, est : editi a collegio pontificum dei quibus sacrificaretur (Liv. 30, 2, 13).

30 Ainsi, sans que le nom des dieux apaisés soit indiqué, Liv. 24, 44, 9 ; 27, 4, 15 ; 27, 37, 4 et 7 ; 34, 45, 8 ; 39, 22, 3-4 ; 41, 16, 6. Sans compter tous les cas où le nom du collège compétent n’est pas non plus précisé…

31 Voir nos articles : Février 2002 et 2004.

32 Guittard 1981 ; 1987 ; 1998 ; 2002 ; 2007.

33 Bayet 1969, 128.

34 Cf. Liv. 4, 21, 5 ; 34, 55, 1-4 ; Obs. 35 ; Suet., Claud. 22, 2 ; SHA, Gord. 26, 1-2.

35 Sur l’ensemble de la question, Tellus, Cérès et les tremblements de terre, cf. Le Bonniec 1958, 88-91.

36 Monnaies et médaillons : RIC II, p. 372, nos 276-278 ; 441, no 791 ; 445, nos 835-836 (Hadrien) ; Gnecchi 1912, 39, no 5 (Faustine la Jeune) ; 65-66, nos 125-131 (Commode).

37 Dumézil 1974, 60 sq.

38 Cf. Serv. auct., Aen. 4, 166 : cui etiam uirgines, uel cum ire ad domum mariti coeperint, uel iam ibi positae, diuersis nominibus uel ritu sacrificant.

39 Cf. la formule citée par Serv. auct., Aen. 2, 351 : et pontifices ita precabantur : « Iuppiter Optime Maxime, siue quo alio nomine te appellari uolueris ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Caroline Février, « Diis placandis. Les destinataires de la procuratio prodigiorum »Kentron, 24 | 2008, 165-181.

Référence électronique

Caroline Février, « Diis placandis. Les destinataires de la procuratio prodigiorum »Kentron [En ligne], 24 | 2008, mis en ligne le 13 mars 2018, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/1675 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.1675

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