Notes
Nous citons Malaterra par les numéros de livre et de chapitre, la page et la ligne de Pontieri 1927-1928. Pour les auteurs anciens, nous avons recouru aux abréviations indiquées par l’Index2 du Thesaurus linguae Latinae (Leipzig, B.G. Teubner, 1990). Sur les manuscrits et les principes sur lesquels est fondé le texte de la chronique, voir Desbordes 2005, 111-115, et Avenel 2008, 31-38.
Ce nom figure dans la liste des variantes nouvelles que G.B. Caruso a recueillies dans un codex Panormitanus découvert tardivement dans les collections d’un Collège de Palerme. Or cette liste ne se confond pas toujours avec celle que nous pouvons établir aujourd’hui en confrontant les débris de A avec le même texte de base (l’éd. pr.) : cf. Desbordes 2005, 114. Le nom de « Murielle » aurait-il été fourni à l’érudit sicilien par l’Anonyme du Vatican, dont il fut le premier éditeur ? Pour nous, ce nom a bel et bien disparu de la tradition manuscrite du De rebus gestis Rogerii…
Le « nom […] de gigligaycia […] ressemble à celui de la seconde épouse de Robert Guiscard, Sykelgaite » (Avenel 2001, III, 315 sq.). En II Index xix (p. 27,25 [app.]), B – ou plutôt le témoin disparu qu’il copiait, intermédiaire entre β et lui – fut plus heureux : seul de toutes nos sources primaires, il précise dans ce résumé le nom de la jeune épouse du comte Roger, qu’il est allé chercher dans le texte du chapitre correspondant.
Cf. Desbordes 2002, 46. « Quand la correction consiste à insérer un mot, un indice de localisation est fourni par l’inégale vraisemblance de l’omission, selon la place où on la suppose » (Havet 1911, 105, § 371).
Sur de telles substitutions, cf. Havet 1911, 134, § 470 – déjà invoqué par Desbordes 2002, 46, n. 22.
Si ce nom présentait aux yeux du copiste la graphie de l’Anon. Vat. 745, Muriella[m], l’identité de la syllabe initiale aura facilité l’altération – inconsciente – de la leçon primitive et le passage d’une forme à l’autre.
Comparer Vvlg., gen. 25, 1 Abraham uero aliam duxit uxorem nomine Cetthuram ; I par. 2, 26 duxit quoque uxorem alteram Hieramehel nomine Atara ; Frédégaire, chron. cont. 6 (p. 172,13 sq. Krusch) Pippinus aliam duxit uxorem nobilem et eligantem, nomine Chalpaida, ex qua genuit filium. Cette tournure, réservée aux cas de « secondes noces », se lit dans la chronique en IV 14 (p. 93,14 sq.) comes Rogerius, uxore Eremburga […] defuncta, aliam duxit Adelaidem nomine […]. Cf. encore Anon. Vat. 745 Mortua uero Muriella, duxit aliam genere insignem, cuius nomen fuit Fressenda.
On relève chez le même un tour où ces deux constructions sont réunies : cf. hist. 6, 21 Tunc mortua Agnete, duxit uxorem nomine Constanciam ex partibus Galliarum (« il épousa une dénommée Constance, originaire des Gaules »).
Sur ces phrases, voir Desbordes 2005, 130 sq.
On a un exemple de la construction régulière et ordinaire en IV 21 (p. 99,21 sq.) dicens sibi iure competere [sc. Rossanam, Calabriae urbem] ut qui sororem ducis, filiam uidelicet Guiscardi, Mabiliam nomine, uxorem habebat.
L’apparat de l’édition Pontieri observe ici un silence coupable : ce supplément n’est pas spécifié comme tel. – natus, -i, qui est « employé dans des circonstances où est exprimée la tendresse, la commisération, l’émotion » (cf. Marouzeau 1962, 166 sq.), n’apparaît qu’en III 23 (p. 70,30), dans une partie versifiée, à l’occasion du mariage de Mathilde avec Raymond de Toulouse (a. 1080). En I 30 (p. 22,14), natam est doublement hors de sa place.
Ne réplique-t-il pas à son fils Jourdain en IV 16 (p. 95,7-10) « qu’il n’enverrait jamais son fils ni quelqu’un d’autre là où lui-même n’oserait pas être le premier et que, s’il voulait être le premier quand il s’agit de devenir propriétaire ou de partager des biens, il lui appartenait aussi de se porter en première ligne quand il s’agit d’en conquérir » (retulit se numquam uel filium uel aliquem quo ipse primus esse non audeat missurum et, sicut primus esse uolebat in possidendis uel distribuendis, ita quoque [C : ergo Pontieri om. Z, ed. pr.] conueniens esse ut prior fieret in acquirendis) ? Et n’est-ce pas lui encore qui, bien qu’il ait répondu à l’appel au secours de Richard, prince d’Aversa, impuissant devant les empiètements des Lombards, prend naturellement la direction des opérations et exerce le haut commandement des forces normandes, assumant tous les devoirs de cette charge avec une énergie qui fait l’admiration de tous les hommes de troupe (cf. IV 26, p. 105,26-38) ?
Comparer II 12 (p. 33,8 sq.) fratremque sanum inueniens, non minimum congauisi sunt.
En IV 28 (p. 106,23 sq.), l’éditeur princeps avait-il redonné à la syntaxe son dessin exact en imprimant le singulier persistens là où Pontieri – à la suite de B ; A et C ici font défaut – a adopté le pluriel, traitant la préposition cum comme une particule copulative ? Ce désaccord de nombre entre le verbe et son sujet donnerait une « construction à anacoluthe » : Comes autem, cum duce et principe in oppugnatione (impugnatione Z : impugnationi B ; cf. III 4 [p. 59,9] infestationi […] persistens) urbis attentissime persistens, machinamenta […] aptant. Seulement, si plausibles qu’elles semblent a priori, nous avons le droit de révoquer en doute l’authenticité de ces deux lectures. En effet, Z porte une leçon double, persistere persistentes, que les variantes imprimées ne permettent pas d’expliquer. Il y a toute apparence que B – où déjà un de ses ancêtres – a purement et simplement supprimé l’infinitif que cet état de la tradition lui donnait, persistentes s’accordant par syllepse avec l’ensemble des sujets (comes […] cum duce et principe) et préparant le pluriel aptant. Quant à l’éditeur princeps, il a non seulement arrangé le texte de sa source en privilégiant l’accord grammatical régulier du participe avec le substantif auquel il se rattache, mais il a normalisé la construction en éliminant lui aussi l’infinitif. Or la faute de Z a une explication assez simple. La répétition de persistere dans persistentes paraît être le résultat d’un double effet de suggestion : le participe régissant l’infinitif a conservé sa désinence (-entes), mais le radical auquel ce morphème est lié se sera effacé dans la mémoire du copiste au profit du mot immédiatement antérieur ; cf. Havet 1911, 134, § 475. La substitution aurait-elle été facilitée par la présence, à l’initiale, d’une syllabe identique ? II 45 (p. 52,38 sq.) présente, dans un contexte analogue, un composé en per-, qui est un quasi-hapax : ipse, nihilominus impugnationi cum fratre intentus, inquietare (sc. les habitants de Palerme assiégée) perstuduit. Le verbe simple étant mieux représenté, nous proposons de lire en IV 28 impugnationi […] persistere studentes.
La faute, commune à toutes nos sources, est ancienne. C’est à un accident de même espèce que l’éd. Pontieri doit la chute de la coordination et dans une citation légèrement déformée du Bellum Iugurthinum (3, 3) de Salluste en IV 15 (p. 93,22) : scientes frustra niti et ad extremum nihil nisi odium fatigando quaerere eqs. Cf. I 26 (p. 20,31 sq.), qui répète la citation sous une forme en tout point identique. Dans l’un et l’autre endroit, le texte et la ponctuation de l’éd. italienne doivent être réformés. Sur l’omission de « petits mots » au cours de la transmission du texte de Malaterra, voir Desbordes 2005, 136, n. 64, et Avenel 2008, 33, n. 9.
Voici un parallèle textuel plus exact que les passages tirés de la chronique : Historia Compostellana 2, 64, 4 (p. 352,106 sq. Falque) Quod si quid in eo corrigendum et meliorandum uiderint, ad placitum suum corrigant et emendent.
Dans une proposition infinitive, esse manque avec le participe futur (cf. Desbordes 2009, 73, n. 8) ou le participe passé passif. Il arrive que Malaterra le supprime également lorsque le prédicat, comme ici, est un adjectif : cf. II 1 (p. 29,14) Siciliam incredulam audiens ; III 37 (p. 79,31) ubi minorem custodiam […] persensit ; IV 3 (p. 86,35-87,1) quem in talibus sufficientem et praeualidum cognoscebant ; IV 16 (p. 94,11 sq.) Melitam insulam a referentibus uiciniorem ceteris sibi cognoscens ; voire quand c’est un substantif : III 32 (p. 77,8 sq.) Et quia hanc quasi claues (C B : clauem Z, edd.) Siciliae aestimabat, […] ; IV 17 (p. 96,30 sq.) quod comitem prudentioris consilii uirum [esse add. B, Pontieri] sciebant. Monnaie courante durant toute la latinité, ces ellipses d’esse, auxiliaire ou copule, ne dépassent pas dans la chronique les limites que l’usage antique leur a assignées. Cf. Kühner & Stegmann 1976, I, 14 sq. ; Hofmann & Szantyr 1965, 392, § 209 c) ; 422, § 223, Einzelheiten. c). Quand il indique simplement l’existence, esse ne manque pas : cf. I 32 (p. 22,29 sq.) ubi eos esse audiuit aduolat ; II 23 (p. 37,6) cum ducem in uno [sc. castello] esse sciebat ; II 24 (p. 37,18 sq.) urbicenses […] ducem infra urbem esse cognoscentes ; etc.
Le savant italien s’est-il aperçu qu’à cet endroit B se sépare de C ? Son apparat n’en fait pas état. Auparavant, ce morceau de texte n’était connu que par la liste des variantes glanées dans son codex Panormitanus par G.B. Caruso, puis enregistrées par L.A. Muratori, qui les a ventilées dans les notes de sa propre édition ; cf. Desbordes 2005, 113, et Avenel 2008, 34, n. 11.
Dans sa thèse de doctorat (cf. Avenel 2001, IV, 433), M.-A. Lucas-Avenel a cru devoir donner la préférence au redituri que porte B ; néanmoins, dans la note qu’elle a consacrée à ce mot, elle n’a pas éprouvé le besoin d’indiquer le motif qui l’a guidée dans ce choix. Si redituri, qui ne présente après ad eundem stilum aucune difficulté pour la grammaire ni pour le sens, était le vrai texte, on ne voit pas pas pourquoi, dans le ms. dont la recension offre le plus de garanties d’authenticité, il aurait été évincé au profit d’une forme nouvelle impliquant une faute de langue. De toute évidence, c’est le contraire qui s’est produit, et cette leçon est le résultat d’une réfection de bon sens, mais arbitraire, d’un réviseur.
Dans Desbordes 2005, 134, n. 58, nous considérions, après d’autres, que « l’accusatif régime que requiert reducturi est […] sous-entendu : il s’agit du lector […], ici non précisé, mais présent derrière l’impersonnel quaeritur ». En réalité Malaterra dans ce prologue s’adresse à ceux de ses lecteurs qui n’approuvent pas sa manière d’ordonner le récit de la conquête ; cf. Desbordes 2007, 56. Loin d’effacer l’impossibilité grammaticale à laquelle on se heurte, cette interprétation, qui trahit le sens, décèle l’altération du texte traditionnel.
Cf. Loud (Medieval History Texts in Translation) ; Avenel 2001, II, 214 ; Lo Curto 2002, 91 ; Wolf 2005, 85.
Cette altération du texte original, commune à tous les témoins conservés, est antérieure au moment où la tradition s’est divisée en deux rameaux.
Rapprocher Fréculfe de Lisieux, hist. II 3, 16 (p. 601,104 Allen) Nos uero ad opus conpendii coeptum stilum scribendo reuocemus ; Agnellus de Rauenna, Liber pontificalis 141 (p. 506,14 sq. Nauerth) : Deflectemus ad aliam urbem stilum et de amissis nostris ciuibus per ordinem enarremus ; Vita Waldetrudis Montensis (s. X), praef. : De uita et conuersatione sanctae Waldedrudis aliqua scripturi ipsius poscimus habitatorem, Spiritum scilicet sanctum, quo […] stilum scribendi dirigat sensificum, ne sermo incultus tribuat auditoribus fastidium ; Gualterus Teruanensis, Vita Karoli 27 (p. 51,3 sq. Rider) Sed iam libet stilum a narrationis serie parumper declinare et enormitatem tanti facinoris […] considerare ; Pierre le Vénérable, De miraculis 1, 23 : Memini me superius promisisse quod […] sic illis quae de proximo cognoueram praemissis, pedetemptim ad remotiora stilum transferrem ; Hugues de Poitiers, Chronicon abbatiae Vizeliacensis 4 : Descriptis itaque superioribus libellis de dignitate et exordio atque libertate Vizeliacensis aecclesiae, […] ad ea quae desunt non supplenda quidem, sed prosequenda […] stilum ducimus ; Jean de Salisbury, Policraticus 6, 30 : […] nisi [urgear] auctoritate superioris amici ad hoc stilum, licet hebetem, impellentis ; Guillaume d’Ockham, Summa logicae, praef. : Ad studiosos itaque […] stilum dirigens, sed uniuersis prodesse cupiens exorsus est ita dicere […] ; etc. Dans chacune de ces expressions métaphoriques, stilus est employé normalement dans le sens de « stylet ». Les locutions les plus usitées sont formées avec le verbe uertere ou son composé conuertere.
Cf. II 32 (p. 42,7) ; IV 2 (p. 85,21) ; IV 2 (p. 86,3) ; IV 8 (p. 90,15) ; IV 10 (p. 91,11 sq.) ; IV 10 (p. 91,14 sq.) ; IV 16 (p. 94,30-32) ; IV 25 (p. 103,16 sq.). Il semble qu’une différence sépare les deux verbes dans leur fonction prédicative, obuius esse dépeignant un état – la position de celui qui s’est déplacé pour se trouver sur le passage de quelqu’un et qui attend (cf. IV 16 ; IV 23 ; IV 25) –, et obuius fieri mettant en évidence le déplacement nécessité par la rencontre, amicale ou hostile. C’est pourquoi en II 32 (p. 42,6 sq.), le contexte nous engagerait à restituer fiunt aux dépens de sunt : Quos Arabici […] eminus aduentare uidentes, magno impetu prorumpentes obuii sunt. Comparer Tite-Live 3, 7, 5 ubi cum hostes non inuenissent, secuti famam ac uestigia obuii fiunt descendentibus ab Tusculana in Albanam uallem.
Voir ThlL IX 2, fasc. II, 316,22-42 (Hermans-Ehlers, 1971).
Cf. II 13 (p. 33,14 sq.) ; II 43 (p. 51,20).
Cf. II 41 (p. 50,5 sq.) [praedam] ultro uobis obuiam […] adducit [sc. fortuna] – comparer Cicéron, Att. 6, 5, 1 uelim […] obuias mihi litteras […] mittas – et IV 13 (p. 92,25 sq.).
L’une des plus remarquables, passée quasi inaperçue, concerne le locatif, conservé dans des noms propres de villes sans indiquer le lieu où l’on est. Sur d’autres singularités affectant l’expression du lieu, voir Desbordes 2005, 143 sq. et n. 86 ; Desbordes 2007, 75 et n. 90. En règle générale, pour ce qui concerne la syntaxe de ces compléments, il semble que Malaterra ne s’écarte significativement de l’usage classique qu’à la question quo : on trouve plus d’une fois dans C, ainsi que dans Z, in et l’ablatif avec des verbes où l’idée de mouvement ou de direction domine. Ces cas particuliers du latin de la chronique mériteraient d’être étudiés chacun dans son ensemble.
Dans chacun des emplois signalés dans cette note critique, dimitto + acc. de la personne a le sens de « laisser », c’est-à-dire « quitter momentanément », sans aucune des connotations négatives attachées ordinairement à cette acception du verbe dans les articles de nos dictionnaires de latin classique.
De même, en II 3 (p. 30,12), il faut s’en tenir à la lecture des mss secondaires, la seule qui donne une construction satisfaisante : duce relicto in Apulia (ZB : -am C). Comparer I 11 (p. 14,4) ; I 14 (p. 15,15) ; I 28 (p. 22,7 sq.) ; II 13 (p. 33,11) ; IV 10 (p. 91,20 sq.). En II 24 (p. 38,6 sq.), la leçon de C est évidemment mauvaise et ne doit pas être substituée, au nom du principe d’autorité pris dans toute sa rigueur, à la vulgate des éditions : ducem in captione (Z : -nem C acceptione B) […] ponunt. Cf. I 12 (p. 14,23) ; I 37 (p. 24,11 sq.) ; III 20 (p. 69,19 sq. et p. 69,30 sq.) ; IV 16 (p. 94,23 sq.) ; IV 29 (p. 107,7). En I 38 (p. 24,16 sq.), des considérations du même genre appuient l’intercalation du supplément que les éditeurs y ont introduit : illos […] <in> Normannia (ZB : -niam A -ndi C) remansisse ; comparer I 34 (p. 23,18) ; II 10 (p. 32,18 sq.) ; II 18 (p. 35,3 : comes […] in Calabria [A ZB : -iam C] remansit) ; III 1 (p. 57,17) ; IV 16 (p. 95,43). Enfin, il n’est pas douteux qu’en I 40 (p. 25,35), l’accusatif a pris indûment – pour une raison qu’on ne s’explique guère – la place de l’ablatif : l’agencement syntaxique de la proposition exige, en effet, comme l’éditeur princeps l’a bien compris, quae fama didicimus ab ipsis fratribus in Apulia (edd. : -am C ZB) uel certe (C Z : circam B circa Pontieri) Calabria (ed. pr. : -iam C ZB, Pontieri) facta. Comparer I 40 (p. 25,37 sq. : quae postea in Apulia uel Roma siue Graecia facta sunt) ; II praef. (p. 29,3 : quae in eis [sc. Calabria uel Apulia] facta sunt). Sans doute doit-on se garder de vouloir trouver partout une construction fixe et corriger les textes pour les rendre conformes à la règle ; mais nous inclinons à croire, avec Mondry Beaudouin (Revue critique, 39, 1895, I, p. 343), « qu’un auteur soucieux de sa langue a toujours été constant avec lui-même, tout au moins dans le cours d’un même chapitre ».
Adjectif ou substantif, le mot – qui apparaît avec Cassiodore – se présente en trois autres endroits de la chronique, toujours associé à un datif d’intérêt : cf. II 24 (p. 37,43 sq.) Sed neque, ut reor, quantum de me uobis aliquid proficuum erit ; IV 23 (p. 101,23 sq.) dicenssibi magno honori et proficuo futurum, si filia filio regis futuro sponso iungatur ; IV 24 (p. 102,20 sq.) Boamundus […] plus fratri ad damnum quam ad proficuum – non tamen, ut credimus, ex industria – factus est.
In et l’accusatif avec positus indique le but ; cf. Vvlg., Luc. 2, 34 Ecce positus est hic in ruinam et in resurrectionem multorum in Israhel.
Cf. Ambroise, in psalm. 61, 32, 3 in angustiis quis positus ; Hégésippe, hist. 3, 13 (p. 207,11 Ussani) in angustiis positi ; Augustin, in psalm. 43, 25 posito itaque in angustiis ; etc.
Hormis II, 25, on compte cinq occurrences du mot, toutes au singulier : cf. I 21 (p. 19,28) ; I 25 (p. 20,23) ; I 27 (p. 21,22) ; II 29 (p. 40,16) et III 33 (p. 77, 16).
La Bible latine offre une expression en tout point comparable, (et conuenerunt ad eum omnes) qui erant in angustia constituti (I reg. 22, 2), que les auteurs anciens – à partir du IVe siècle –, puis les auteurs médiévaux ont reprise, mais en substituant souvent le pluriel au singulier de leur source. Si Ambroise et Augustin, par exemple, n’usent guère que du pluriel, Jérôme passe sans motif apparent d’un nombre à l’autre. Fait remarquable : constitutus, cet autre succédané d’un participe inexistant, ne figure pas dans le lexique de Malaterra.
« Lorsque deux portions de texte voisines ont des analogies, les auteurs s’efforcent d’y varier l’expression ; les copistes, au contraire, tendent à l’uniformiser » (Havet 1911, 144, § 543). Sur l’image, cf. Hildegarde de Bingen, Sciuias 3, uisio 7, 6 Medius [sc. angulus] uero contra Occidentem respicit ; ubi plurima putrida ligna ab ipso desecta iacent. On se souvient du passage de Virgile, ecl. 7, 54 strata iacent passim sua quaeque sub arbore poma.
Selon toute apparence, la paire formée par le cumul des deux adverbes ne fait pas partie de la langue du chroniqueur ; si elle était authentique, elle serait d’autant plus remarquable qu’elle n’est pas conforme aux usages du latin – tels du moins que nous pouvons les appréhender par l’entremise des banques de données mises par Brepols à la disposition des chercheurs. On ne saurait lui comparer illuc usque, « jusque-là », que nous offre par exemple la Vulgate (cf. gen. 22, 5 ego et puer illuc usque properantes ; I Macc. 11, 73 et peruenerunt usque illuc) ; au demeurant cette expression n’est pas, comme la précédente, du vocabulaire de Malaterra.
Quand ils ne sautent pas une étape du récit, ils ont imaginé soit une manœuvre des Sarrasins – « les Arabes […] les poursuivent dans leur fuite, les encerclent et les renversent » (Avenel 2001, II, 251) ; « The Arabs […] chased, surrounded, and finally overcame the fleeing Normans » (Wolf 2005, 106) –, soit une volte-face partielle des Normands – « gli Arabi […] si misero a incalzare quelli che si davano alla fuga et abatterono altri che si accingevano a combattere » (Lo Curto 2002, 139). Cingere a communément pour régime un nom désignant une ville, une place forte, un château, etc., que l’on veut « bloquer » (cf. II 40 [p. 48,28] ; III 15 [p. 66,7] ; IV 22 [p. 100,40] ; IV 24 [p. 102,16] ; IV 26 [p. 105,27]) ; il se dit également de toute réalité qui, en vous enveloppant, vous protège : précipice (cf. II 35 [p. 46,5]), rempart (cf. III 18 [p. 67,33]), mer (cf. IV 26 [p. 104,11]) ; il ne s’emploie jamais dans la chronique pour dire « cerner » un homme, une patrouille, une armée – idée qui se traduit prioritairement par des composés de circum : cf. I 32 (p. 22,30 : circumcingens) ; II 40 (p. 49,18 hostibus circumsertis) ; II 43 (p. 50,29 : hostibus circumseptos) ; III 11 (p. 63,40 : prouincia […] circumsepta). C’est pourquoi, ici, accingentes ne représente pas ac + cingentes agglutinés.
Sur cette question, voir en dernier lieu M.-A. Lucas-Avenel, « Le sallustianisme de Geoffroi Malaterra », in L’historiographie médiévale normande et ses sources antiques, P. Bauduin, M.-A. Lucas-Avenel (éd.), colloque international de Cerisy-la-Salle (7-10 octobre 2009), dont les actes seront publiés en 2012 aux Presses universitaires de Caen.
Diruere appliqué à des personnes constitue une exception (cf. ThlL V, 1268,1 sq. [Tafel, 1914]). Ailleurs, ce verbe n’admet comme régimes réguliers que des termes concrets désignant une construction, que l’on « démolit ». Cf. I 10 (p. 13,21 sq.) ; I 31 (p. 22,20 sq.) ; II 27 (p. 39,10) ; II 36 (p. 47,2 sq.) ; IV 10 (p. 91,5 sq. et 17).
D’une manière générale, les interprètes de Pontieri éludent la difficulté en tirant de deputare – quand ils le traduisent – autre chose que ce que ce verbe signifie en toute occasion.
Cf. II 22 (p. 36,23 sq.) Normanni qui apud Traynam et Petreleium ad castra tuenda a comite deputati erant ; III 29 (p. 75,8 sq.) Trecenti […] Waringi in eadem urbe habitabant, custodes ab Imperatore deputati, eqs. Comparer Richer, hist. 4, 17 Deputauit ergo uigiles quingentenos qui noctibus singulis armati excubias per urbem et moenia exercerent ; Joseph de Cantorbéry (cité in English Historical Review, 25, 1910, p. 295) deputauerat custodes unumque praecipue qui ceteris in custodia praeesset.
Les ducis ministri n’apparaissent qu’ici et en III 40 (p. 81,32) ministros suos undecumque conuocans.
Peut-on, en attribuant à Malaterra une construction dont il n’offre pas l’exact correspondant, risquer le tour suivant, qui admet le zeugme dénoncé plus haut : noctis excubias solito attentius <agendas / celebrandas (cf. II 30 [p. 41,17 sq.]) / custodiendas / exercendas / faciendas (cf. III 27 [p. 73,36]) / obseruandas / tuendas> uigilesque circa ducem deputant ?
Les ellipses suivantes appartiennent à une série distincte, celle où la forme sous-entendue – substantif ou pronom – devrait être répétée au même cas : II 8 (p. 32,5 sq.) Nam quamuis noster naualis exercitus plurimus esset, eorum tamen amplior et fortioribus nauibus abundantior erat ; III praef. (p. 57,10 sq.) Quae […] inseruntur, non meae uel tuae laudi, sed illorum qui faciendo meruere sutitulantur ; III 27 (p. 73,34 sq.) nemine ipsorum aduersus nostros, sed neque ex nostris aduersum ipsos ipsa die aliquid praesumente. Comparer, par exemple, Cicéron, fin. 4, 3 Existimo […] ueteres illos Platonis auditores, Speusippum, Aristotelem, Xenocratem, deinde eorum, Polemonem, Theophrastum, satis et copiose et eleganter habuisse constitutam disciplinam, ou Att. 12, 21, 1 Catonem primum sententiam putat [sc. Brutus] de animaduersione dixisse […], et, cum ipsius Caesaris tam seuera fuerit […], consularium putat leniores fuisse […], ou encore Tite-Live 26, 36, 12 Hunc consensum senatus equester ordo est secutus, equestri ordinis plebs. Ici, le pronom n’a pas été exprimé avant d’être sous-entendu. Dans son usage partitif, l’ablatif après de ou ex joue aussi le rôle de régime direct d’un verbe transitif : cf. I 7 (p. 10,27) etiam de suis [sc. praemiis] pollicetur (« il <leur> en promet même lui aussi [sc. des présents] ») ; III 1 (p. 57,20) dum ex his quae acquirebat cum fratre partiebatur (voir Desbordes 2009, 73 sq.) ; IV 21 (p. 99,18 sq.) de his quae duci competebant […] sibi usurpare (« s’approprier des biens qui appartenaient au duc ») ; IV 25 (p. 102,37 sq.) de suis etiam ne fallatur cum ipsis dirigens […] (« les faisant accompagner de gens à lui par crainte d’être dupe »). Cet emploi ne saurait être confondu avec celui qui a retenu ici notre attention.
Cf. Vvlg., act. 2, 30 propheta […] cum esset et sciret quia iureiurando iurasset illi [sc. Dauid] Deus de fructu lumbi eius sedere super sedem eius, que Grégoire de Tours, hist. 5, 14 (p. 302,24-27 Buchner) a imité en le combinant avec un autre verset de la Bible (gen. 35, 11) : « Percussit Deus Chilpericum et omnes filios eius, nec superauit de his qui processerunt ex lumbis eius qui regat regnum illius in aeternum » ; Vitae patr. 5, 14 supererat adhuc de palmulis suis. Sur ces partitifs « sans terme de “portion” » (Väänänen 1987, 38), voir Salonius 1920, 89-94 et Hofmann & Szantyr 1965, 58 sq., § 52, Zusätze. ι).
On ne peut pas ne pas rapprocher du texte ici discuté ces vers d’Ovide, met. 1, 325 sq. : et superesse uirum de tot modo milibus unum / et superesse uidet de tot modo milibus unam [sc. Iuppiter].
Cf. Rufin, hist. 27, 8, 1 : in illa omni multitudine uix inuenires aliquem qui oleo saltim uteretur. Dans I 15 (p. 16,2-4) [Apuliam] tanta in pace rexit [sc. le comte Onfroi] ut uix in aliquo loco suae dominationis latro uel praedo uel qui suis imperiis contradicere auderet posset inueniri, la relative déterminative sans antécédent lexicalisé doit sans doute sa construction elliptique aux substantifs auxquels elle est coordonnée et dont elle est l’équivalent. Sur ce type de relative, voir Desbordes 2007, 69, n. 66 ; Goelzer 1909, 325, § 202, citant Avit de Vienne, carm. 4, 262-266 : ne penitus cessans intercidat omne creatum, / spirantum e cunctis pecorum celerumque uolucrum / siluarumque feris et quae [= ex eis quae] iumenta uocantur / uel quae per tacitos reptant labentia motus / bina cape et tecum claustro uictura reconde. Autre phrase de la chronique où l’on ne s’attend pas à voir manquer l’antécédent d’un relatif : II 7 (p. 31,32 sq.) nam acceptis ingrati utuntur a quibus ipse largitor non recognoscitur ; cf. Kühner & Stegmann 1976, II, 281 sq., § 193, 5 ; Desbordes 2005, 154, n. 121.
La faute s’est répétée en IV 22 (p. 99,38 sq.) : Sicque potius ipse ducem ad expeditionem super Guillelmum urgens quam ipse a duce ad id iniuriarum ulciscendum (C : ad iniuriam ulciscendam Z, edd.) submoueretur (Z, edd.). Avec C lire submoneretur. Le texte de Pontieri a déconcerté ses traducteurs, qui ont soit escamoté purement et simplement, soit interprété à contresens le verbe déformé, altérant le sens général de la phrase.
Cf. Desbordes 2005, 125 sq., n. 36.
Quelque leçon qu’on retienne, la virgule qui suit le participe doit disparaître. Autre phrase défigurée dans les éditions par une ponctuation aberrante : III 36 (p. 78,22-25) Erat autem idem (om. ZB, edd.) Iordanus ex concubina, tamen magnae uis (C ZB : uiris edd.) animi et corporis et magnarum rerum, gloriae siue (C Z2B : suae Z1, edd.) dominationis appetitor. Et iamdudum consilio prauorum sibi adhaerentium iuuenum tacito sub pectore uersus (C Z1B : usus Z2, edd.) patrem insurgendi conspirationem uersans, hic, discedente patre, locum suae prauae dispositionis, ut sibi uidebatur, nactus eqs. Le portrait peu flatteur que Malaterra brosse ici de Jourdain ne s’arrête pas avec le point qui suit appetitor. Le syntagme participial qui, dans Pontieri, ouvre la phrase suivante, Et iamdudum – uersans, en fait aussi partie. De fait la troisième phrase de ce paragraphe ne commence qu’avec hic, usuel dans un récit de nature biographique pour désigner le personnage qui en est le sujet. On trouvera, par exemple, dans l’Histoire Auguste une application presque caricaturale de ce procédé : l’incipit des courtes biographies qui composent le livre intitulé « Les Trente Tyrans » présente chacun – ou peu s’en faut – une forme de ce pronom démonstratif.
Malaterra fait ici de ce verbe un usage manifestement impropre et abusif : il y a fait entrer une signification que nos dictionnaires classiques attribuent exclusivement à circumire (cf. ThlL III 1138, 20-60 [K.E. Goetz, 1909]). Mais on doit admettre que circumuenire est dans une certaine mesure le synonyme de circumire. II 44 mis à part, il se présente une autre fois au moins en faisant apparaître un des sens de ce verbe : en II 45 (p. 52,39), C porte omnia circumuenire, en opposition avec Z, B et les éditeurs, pour indiquer une idée exprimée ordinairement par circumire (cf. II 40 [p. 49,13] ; III 1 [p. 57,22] ; III 20 [p. 69,21] ; IV 17 [p. 96,25] ; première occurrence de l’expression dans un contexte militaire en Ivst. 11, 9, 8). La formule est trop bien fixée pour qu’un copiste passe – délibérément ou par distraction – d’un verbe à l’autre. Et sans doute faut-il joindre à cet exemple II 31 (p. 41,32), où, selon toute apparence, le circumuens de C – forme que Z (circuens, singularité morphologique entérinée par les éditeurs) et B (circuiens) ont régularisée chacun à sa façon – représente le participe présent de circumuenire défiguré par un saut du même au même : diatim circumuen<ien>s.
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