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Dossier thématique : Transferts, emprunts, réappropriations

Flavius Josèphe et l’évergétisme : un regard juif sur un échange perverti

Serge Bardet
p. 89-110

Résumés

En héritier du monde hellénistique et de ses codes sociaux, Flavius Josèphe décrit couramment les relations sociales et de pouvoir de son temps ou des siècles précédents selon les valeurs et le vocabulaire de l’évergétisme ; mais il interprète également dans les mêmes termes des épisodes bibliques beaucoup plus anciens. Or, ce qui est frappant, c’est que, autant les relations d’évergétisme qu’il décrit sont harmonieuses quand elles sont anachroniques, autant ces relations deviennent inefficaces, voire perverses, se retournant contre leurs auteurs, quand elles sont appliquées à bon escient du point de vue chronologique pour évoquer des sociétés hellénistiques ou le monde juif hellénistique et romain. On en conclut que, s’opposant à la fois à Polybe, qui a totalement confiance dans ce mode de régulation des rapports sociaux, quels qu’en soient les acteurs, et à Philon d’Alexandrie, qui investit la phraséologie évergétique de valeurs morales totalement étrangères à sa logique réelle, Josèphe ne croit guère à la possibilité d’acclimater l’évergétisme, ni au monde juif réel, ni à des sociétés hellénistiques tardives, désormais minées par la bassesse morale et la mauvaise foi : l’évergétisme révèle seulement ce que valent ses acteurs.

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Texte intégral

Auguste – O ma fille ! Est-ce là le prix de mes bienfaits ?
Émilie – Ceux de mon père en vous firent les mêmes effets.

Pierre Corneille, Cinna, V, 2, v. 1595 sq.

Souvenez-vous qu’un bienfait ne reste jamais impuni !

Hergé, Tintin et les Picaros, p. 58.2.

  • 1 Cf. Ma 2004, 133-161.

1Dans son ouvrage sur Antiochos III et les cités de l’Asie Mineure occidentale, J. Ma1 fait de l’évergétisme l’exemple même des interactions entre pouvoir et société dans un empire hellénistique qu’il définit « comme [un] processus d’échange » (de bons procédés) qui, dans les grandes lignes, répondait aux mêmes règles qu’un langage. Cette interaction était d’ailleurs indissociable d’une phraséologie standardisée, que J. Ma analyse de manière fouillée, et qui visait à une dialectique sociale complexe, régulatrice des rapports de pouvoir, destinée à s’auto-entretenir dans la mesure du possible (« une spirale de l’échange »). Selon son analyse, la relation de domination prend la forme d’un « processus de réciprocité », certes inégal et hétérogène, mais constitutif de la relation évergétique. D’une certaine manière, si l’on suit la définition qu’il en donne, l’expression d’« échange évergétique » est un pléonasme pur et simple. On peut bien entendu en convenir… tant que l’institution fonctionne selon ses principes et ses modalités normales pour atteindre les résultats qui la justifient.

  • 2 Cf. Azoulay 2004, 113-148.

2Une seconde caractéristique historique de l’évergétisme, c’est son caractère proliférant : quoique l’idéologie royale hellénistique s’en soit largement emparée, il n’est en réalité limité à l’exercice de la royauté ni dans le temps – il apparaît dans les cités au Ve siècle et il se développe en se transformant dans le monde romain impérial –, ni dans l’espace – il se répand dans les cités, dans les royaumes grecs, mais aussi dans les zones de mixité culturelle comme sur les fronts de contact plus conflictuels, par exemple dans la zone gréco-perse ou la sphère du judaïsme –, ni dans la figure sociale de l’évergète – qui, certes, se pique de distinction aristocratique, mais peut très bien être un concitoyen, un étranger à la cité, à la confédération, au royaume, voire une femme ou un barbare en quête d’hellénisation –, ni dans celle du bénéficiaire – ce peut être une cité ou une communauté plus restreinte : un politeuma, une association, une forme du bien commun, mais pas forcément assujettie à un roi… –, ni même dans la nature du bienfait, aussi bien matériel qu’immatériel2, adaptable à la bonne volonté de tous les hommes de bien un peu éminents.

  • 3 Cf. Lafond 2006, 35-54.
  • 4 Cf. Savalli-Lestrade 2003, 260.
  • 5 Veyne 1976, 22 ; entre Veyne 1976 et Gauthier 1985, pour mentionner les deux constructeurs (...)
  • 6 Cf. Vial 2005, 280.

3Du coup, la relation évergétique envahit le droit écrit comme les convenances éthiques3 et les pratiques sociales coutumières ; elle influence « le style de vie des notables »4, les mentalités et les représentations sociales. Bref, elle est, selon la formule célèbre de P. Veyne, « un fait social total »5 ou, en d’autres termes, une superstructure qui pèse assez sur les sociétés du Proche Orient pour « modifier l’architecture de la communauté civique »6 ou non civique. Il ne faut donc pas s’étonner que cette communauté, civique ou pas, se pense couramment selon la terminologie familière au phénomène qui l’a modifiée et lui a de fait imposé ses normes de pensée et de conduite.

  • 7 Transcription et traduction de ces termes, qui seront ensuite donnés seulement en grec : εὐ (...)
  • 8 Mais, chez Josèphe, προθυμία désigne le plus souvent une qualité psychologique abso (...)

4Il n’y a donc rien non plus d’étonnant à ce que, comme tant d’auteurs grecs mêlés par ailleurs à la vie publique de leur temps, de Xénophon à Polybe, et à leur suite, Josèphe raisonne couramment en termes d’échange évergétique : εὐεργέτης et ses composés apparaissent plus de 110 fois dans son œuvre. Les valeurs typiques de l’évergétisme sont encore plus souvent invoquées : l’εὔνοια, près de 230 fois (et même plus de 250 fois si l’on tient compte des termes dérivés) ; la φιλία, plus de 130 fois – souvent en doublet avec la συμμαχία7. On trouve également – en situation – le vocabulaire adjuvant du discours sur l’évergétisme : διατελέω (agir avec la constance qui garantit la loyauté et légitime le retour des bienfaits), πίστις (la confiance nécessaire à l’échange évergétique) et ses dérivés, σώτηρ une dizaine de fois, ainsi que φιλανθρωπία et φιλάνθρωπος (ou φιλάνθρωπον substantivé) ou le verbe χαρίζομαι et le nom χάρις (voire εὐχαριστία) qui expriment à la fois le fait de rendre un service et la reconnaissance qui en résulte8. On trouve aussi, assez fréquemment le terme ἀμοιβή ou ses dérivés, pour insister, précisément, sur le caractère d’échange, la part de réciprocité qui constitue la relation évergétique.

5Il est de ce point de vue, et beaucoup plus qu’on ne le dit généralement, un héritier du monde hellénistique ; mais un héritier très critique.

6Car il y a un facteur culturel qui doit être pris en compte : Josèphe est ἰουδαῖος (juif de Judée) et, sur un même lexique, les valeurs du judaïsme peuvent interférer avec celles de l’hellénisme. Ainsi on ne trouvera que rarement dans son œuvre l’expression, traditionnelle en contexte évergétique, de la bienveillance, préférentielle, envers quelqu’un (αἵρεσις ou προαίρεσις πρός τινα) : le terme αἵρεσις renvoie presque toujours à un choix d’engagement et signifie souvent, ce que nous traduisons faute de mieux par les « sectes », les courants du judaïsme de son temps, et προαίρεσις à une intention préétablie. Nous verrons cependant infra une exception significative.

  • 9 Rébecca et Isaac : voir en AJ I 249 l’expression χάριτος ἀμοιβήν. Pour Moïse et les filles (...)

7De manière plus délicate à estimer, un certain nombre de termes – en particulier χάρις – servent aussi à exprimer la rétribution du juste par Dieu ou par une autre personne humaine, apparemment en dehors de la logique spécifique de l’évergétisme quand il s’agit de Rébecca et Isaac, à qui elle a donné à boire. Mais quand Moïse secourt les filles de Jéthro9, la phraséologie de l’évergétisme se fait au contraire trop insistante pour qu’on ne se pose pas la question de l’influence des catégories de pensée hellénistiques sur la paraphrase du récit biblique.

8J’ai ici travaillé principalement, mais pas exclusivement, sur trois morceaux dans son œuvre : le premier livre de la Guerre des Juifs et les livres V et XIII des Antiquités juives. Ces passages renvoient à trois grands moments de l’histoire juive : l’entrée des Hébreux dans l’histoire ; la prise d’indépendance des Maccabées à l’égard d’un pouvoir séleucide présenté comme déliquescent ; le règne d’Hérode le Grand. D’une certaine manière, trois grands moments de contacts, voire de transferts culturels, imposés à autrui, refusés d’autrui, assumés par le pouvoir juif. Par ailleurs, l’œuvre de Flavius Josèphe correspond à deux grands moments d’écriture : le Bellum Judaicum vers 75 ; les Antiquités Juives dans les années 90. On essaiera de faire la part entre ce qui constitue un élément d’évolution dans son approche (une différence majeure dans le regard porté sur les interventions divines), et une vision globalement constante et distanciée de l’échange évergétique entre humains : au-delà des effets de construction littéraire, qu’on essaiera de repérer, il s’agit d’une conception bien ancrée chez lui.

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9Assurément, Josèphe porte l’empreinte de la tradition hellénistique : il conçoit et expose fréquemment les relations entre humains, individuelles ou collectives, mais aussi avec Dieu, sur le mode de l’évergétisme. C’est ainsi qu’il rapporte, par exemple, des épisodes bibliques qui, dans l’Ancien Testament, n’ont aucun rapport avec cette institution ni avec ses habitudes rhétoriques.

  • 10 Cf. Jos 2 ; 6, 22-25 ; Josèphe, AJ V 7-15 ; 30.
  • 11 À moins qu’il ne s’agisse que d’un euphémisme. Pour le texte du Targum, voir The Bible in A (...)
  • 12 Josèphe, AJ V 11-13.
  • 13 Ibid., 30 : μηδὲν τῆς εὐεργεσίας ταύτης ἐν ταῖς ἀμοιβαῖς οὐχ ἥττοντα φανήσεσθαι.
  • 14 Mt 1, 5 ; traité TB Megillot 14b. Sur la tradition de ce mariage, cf. Baskin 2002, 156-157.
  • 15 Sur la tradition prophétique de Rahab, cf. Baskin 2002, 155-160 et 200 (notes) ; Ginzberg 2 (...)
  • 16 On trouvera un exemple tout aussi significatif dans Josèphe, AJ VI 325-326 (réponse favorab (...)

10L’épisode de Rahab à Jéricho10 s’y prêtait certainement. Mais la transformation n’en est pas moins révélatrice : dans le Livre de Josué, au moment de traverser le Jourdain, des espions hébreux cherchent à préparer la prise de Jéricho. La prostituée Rahab les cache et exige en retour, loyauté pour loyauté, d’avoir la vie sauve ; les espions en font le serment. Josèphe, qui, comme le Targum dit de Jonathan, en fait une plus respectable aubergiste11, n’a guère qu’à insister sur la fonction salvatrice de son action et la préservation qu’elle en attend en retour (σωτηρίας… ἀμοιβήν… σωτηρίας) : il n’y aurait là rien de bien significatif en soi. Ce qui l’est davantage, c’est le discours prêté aux espions et l’attitude de Josué : les premiers, qui, dans le texte biblique, se contentaient de donner des instructions à Rahab, confessent maintenant leur reconnaissance (χάριν ἔχειν) et, entrant dans sa rhétorique, lui promettent la réciprocité demandée (ἀμοιβήν) pour leur préservation (σῴζεσθαι12). De fait, lors de la prise de Jéricho, les Hébreux la préservent (ἔσωσαν), et après la bataille, le récit de Josèphe s’écarte complètement de l’Ancien Testament (lequel note simplement qu’elle vit désormais « au milieu d’Israël »), puisque Josué se fait présenter Rahab, affirme à son tour sa reconnaissance (χάριν ἔχειν τῆς σωτηρίας : on a bien affaire à un motif rhétorique récurrent), mais il ne saurait « se montrer inférieur à ce bienfait dans les récompenses accordées en retour »13 : c’est très exactement la phraséologie d’une inscription royale hellénistique. Il lui fait donc, comme un roi hellénistique, don d’une dôréa (δωρεῖται… ἀγροῖς) et lui offre sa τιμήv. Josèphe propose ainsi un embellissement non pas isolé, mais très spécifique de l’histoire de Rahab : là où Matthieu porte peut-être la trace de son intégration à l’arbre généalogique du Messie (une Rahab est la mère de Booz), le Talmud de Babylone conserve le souvenir de son mariage avec Josué14 ! Il est donc clair que le judaïsme messianique, puis rabbinique l’a exploitée dans une perspective historique – c’est une figure auxiliatrice de l’avènement d’Israël, soit dans la pleine propriété de la Terre Promise, soit dans sa dimension eschatologique, Rahab devenant personnage prophétique15 ou figure du salut –, alors que Josèphe relève d’une tout autre perspective : inscrire – consciemment ou par automatisme de pensée ? – les premiers Hébreux dans une organisation sociale qui les apparentait déjà à la grande culture hellénistique16.

  • 17 Cf. Jos 24 ; Josèphe, AJ V 115-116.
  • 18 Sherk 1969, no 34 ; cité et traduit dans Ma 2004, 408 sq.
  • 19 La diatribe de Samuel (cf. Josèphe, AJ VI 60 sq.), paraphrase éminemment hellénisti (...)

11Autre exemple révélateur de sa propension à analyser les rapports en termes d’évergétisme : la mort de Josué17. Alors que le Josué de l’Ancien Testament réunit « les Anciens d’Israël, ses juges, ses chefs et ses fonctionnaires », celui de Josèphe convoque « les notables dans les cités, les magistrats, la gerousia et toute la foule qu’il lui fut possible de rassembler ». Simple anachronisme, dira-t-on. Mais voilà que, au lieu de la Prosopopée du Dieu d’Israël et du serment de fidélité religieuse exclusive que le Josué biblique exige du peuple, celui de Josèphe souligne les nombreuses évergésies divines (τάς τε εὐεργεσίας τοῦ θεοῦ ἁπάσας) ; puis, employant exceptionnellement l’expression προαίρεσιν πρὸς αὐτούς, le choix préférentiel pour le peuple élu – ce qui fait une synthèse parfaite de la phraséologie hellénistique et de la perspective juive –, il appelle le peuple à le conserver par la τιμήv – ce qui peut sembler un terme étrange pour désigner le culte religieux, mais doit être rapproché de la double expression εἰς τὸ θεῖον προτίμιαν / τίμια, employée deux fois dans la lettre du Sénat romain à la cité de Téos18. C’est le seul moyen pour que Dieu leur reste favorable à l’avenir – διαμένειν est ici un synonyme de διατελεῖν. La relation de piété est donc ici conçue dans les termes qu’emploie le Sénat romain s’adressant à une cité grecque hellénistique : soigneusement calquée sur le langage de l’évergétisme19.

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12Dans le registre humain, il arrive naturellement que l’échange évergétique fonctionne selon les règles sociales couramment admises.

  • 20 On trouvera la même phraséologie exactement dans le texte, plus tardif, des AJ XIV 388. Qu’ (...)
  • 21 Cf. Josèphe, BJ I 282-285, où tout est dit explicitement, si ce n’est avec un certa (...)

13Ainsi, dans la version joséphienne, le jeune Hérode est-il fait roi par la volonté conjointe d’Octave et d’Antoine (en ~37), parce que son père et lui ont accumulé une telle série de preuves d’εὔνοια – Antipater avait, entre autres, aidé César en Égypte – que le Sénat et eux-mêmes ne peuvent plus rester sans nourrir l’échange par une mesure à la hauteur de leurs ambitions20 : rendre un bienfait encore plus grand pour affirmer doublement la suzeraineté romaine sur le Proche et le Moyen Orient. L’affirmer en se montrant capable du plus grand bienfait – la surenchère est la marque de la position supérieure –, et aussi en s’assurant la suprématie stratégique21.

14Parcourant alors Judée et Galilée pour le compte des triumvirs, il s’y attache très normalement des fidélités par sa renommée personnelle (κλέος), mais aussi en rappelant la φιλία qui unissait traditionnellement les habitants de la région à son père et leur εὐεργεσία à tous les deux. Ainsi légitimé, il devenait « difficile à vaincre » (δυσνίκητος) : le lien logique est explicite dans le texte de Josèphe.

15La logique de l’échange proportionné de services entre le petit peuple, qui reçoit un certain nombre de bienfaits et les rend en se mettant au service du prince, ou entre le vassal, qui aide la grande puissance, lui offre l’hospitalité, lui marque sa bienveillance à divers signes, et le suzerain, qui fait roi le jeune prince, est donc, ici, parfaitement opératoire. Chez Josèphe, les Romains font de bons évergètes.

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16Mais, comme régulateur social, la relation évergétique trouve très vite ses limites.

  • 22 Sur l’ordre de Sextus César, qui protégeait Antipater et son fils Hérode ; mais Hyrcan semb (...)
  • 23 Cf. ibid., 215. Symétriquement, la même obligation vaut pour le suzerain envers son sujet : (...)

17Hérode, dans sa jeunesse, avait réprimé avec un certain manque de mesure ce que Josèphe qualifie de brigandage (une agitation fiscale probablement, messianiste par surcroît ?) : il avait fait procéder à des exécutions nombreuses sans y être habilité par la loi juive. Hyrcan, le grand-prêtre – et détenteur du pouvoir temporel –, s’était trouvé contraint de le mettre en accusation avant de le relaxer22. À force de s’abriter derrière des hommes en armes pour sa sécurité, Hérode avait donné l’impression, puis montré manifestement la volonté de renverser Hyrcan. À ce point, les parents du jeune et bouillant prince l’avaient amené à réfléchir : Hyrcan, dont la bienveillance pour Hérode avait toujours été patente – et que Josèphe, à ce moment, qualifie abusivement de « roi » –, était l’εὐεργέτης d’Hérode ; par conséquent, même s’il l’a accusé injustement, il l’a néanmoins acquitté, et Hérode ne doit pas se montrer ingrat (ἀχαρίστος). Jouant sur le champ lexical de l’injustice, ils lui expliquent que l’injustice du souverain évergète n’est jamais qu’une « ombre d’injustice » (σκιὰν ἀδικήματος), alors que celle du vassal acquitté serait bien réelle : le bienfait a annulé l’injustice23.

18Ils recourent donc clairement aux valeurs de l’évergétisme pour stabiliser et pacifier une situation explosive. Mais il y a une valeur qui, on le sait bien, pouvait légitimer l’action d’Hérode contre les règles de l’évergétisme : c’est la légitimation par la victoire.

19Il faut donc une valeur supérieure à celle de l’évergétisme pour en assurer le fonctionnement : l’action divine. La victoire est bien un facteur de légitimité, en ceci que c’est Dieu qui la donne ; ergo, Hérode ne doit pas entreprendre une action violente contre son suzerain, de peur que Dieu ne sanctionne par la défaite l’injustice de son entreprise.

20Dieu apporterait la victoire au secours du droit de l’évergète. À vrai dire, l’argumentation était assez naïve et, vingt ans après, les Antiquités juives en prouvent assez la vanité : Josèphe y montre assez de méchants victorieux et de vertueux vaincus pour qu’on soit édifié sur un monde laissé à lui-même par un Dieu caché. Mais ce qui restera, c’est la conviction qu’en elles-mêmes, les valeurs de l’évergétisme sont d’une assez piètre efficacité (c’est précisément l’objet de cet article).

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21Car, vers 75, date à laquelle paraît le Bellum Judaicum, la question divine affecte et relativise sérieusement la logique de l’échange évergétique.

22Après Actium, le même Hérode, qui se trouvait jusqu’alors dans le camp de Marc Antoine, va trouver Octave et lui explique qu’en effet il devait sa couronne à Antoine et que, par conséquent, il devait lui être dévoué. Il a fait son possible pour aider Antoine, même après la défaite : c’était son devoir. Octave doit donc être persuadé que Hérode est un homme de bien.

  • 24 Cf. Josèphe, BJ I 390.
  • 25 Ibid., 392.
  • 26 Après Actium, le gouverneur Q. Didius avait coordonné un certain nombre d’actions, (...)
  • 27 Cf. ibid., 392 : πειράσομαι δὲ καὶ αὖθις ἀγαθόν τί σε ποιεῖν.
  • 28 Sartre 1991, 106, rappelle comment, dès l’année ~30, Octave se pare en Orient du titre d’Év (...)

23De fait, Octave lui offre de perpétuer avec un nouveau suzerain une relation de φιλία24, puisqu’il a déjà su faire la preuve de sa συμμαχία25 – il faut comprendre qu’il a déjà retourné ses troupes contre celles d’Antoine pour le service d’Octave26 –, à charge pour le miraculé politique de rester fidèle (πιστός). Et, dans la grande tradition hellénistique, il lui annonce qu’il y aura de nouveaux bienfaits27, appel classique à entretenir l’échange évergétique que, vassal avisé, Hérode avait su provoquer en « prenant l’initiative des bienfaits »28.

  • 29 Cf. Josèphe, BJ I 380 : θεὸς ὁ σοὶ τὸ κτατεῖν χαριζόμενος.
  • 30 Sur la notion d’ἄνοια, on peut consulter Hadas-Lebel 1987, qui en fait, à juste tit (...)
  • 31 Philon, De opificio mundi, 23, employant trois fois le verbe εὐεργετεῖν, répondrait en comp (...)

24Mais un facteur a tout perturbé : Dieu voulait faire à Octave la faveur de la victoire29. Dès lors, la logique du retour évergétique ne peut plus fonctionner : Hérode ne pouvait pas aider un Antoine rendu par Dieu sourd à la raison et devenu victime de son ἄνοια, mauvaise réponse à l’εὔνοια dont, même s’il n’emploie pas le mot à ce moment-là, Hérode avait fait preuve en lui offrant ses conseils avisés, son argent, son armée30. Mais comment Octave lui-même, redevable de son pouvoir à la providence divine, pourrait-il y répondre par un retour de bienfait ? Qui peut être à la hauteur des bienfaits divins ? Il y a encore, vers 75, une transcendance active – au moins dans le discours – qui cantonne l’échange évergétique au monde des apparences, des illusions humaines31.

  • 32 Cf. Dt 6, 4-9 ; Josèphe, AJ IV 212 sq.

25Car, au-dessus des évergètes humains, Dieu est le Grand Évergète. Il n’est qu’à lire la façon dont Josèphe rend compte des versets du Deutéronome qui prescrivent la prière, le port des phylactères et l’installation des mezouzoth sur les huisseries32. Là où la Torah prescrit l’amour inconditionnel du Seigneur, Josèphe fait apparaître un double mouvement dans lequel la prière biquotidienne constitue l’aveu fait à Dieu de la reconnaissance (εὐχαριστίας) des hommes pour ses dons (μαρτυρεῖν τῷ θεῷ τὰς δωρεάς). Cette reconnaissance intervient « en retour des bienfaits passés » (ἐπ’ ἀμοιβῇ μὲν τῶν ἤδη γεγονότων) et – le terme est caractéristique – « comme une exhortation, un ressort pour [des bienfaits] à venir » (ἐπὶ δὲ προτροπῇ τῶν ἐσομένων). Phylactères et mezouzoth sont ainsi les moyens de manifester et de signifier publiquement (διαφαίνειν et ἀποσημαίνειν) des bienfaits évergétiques de Dieu pour les Juifs (εὐεργέτησεν αὐτοὺς ὁ θεός), son εὔνοια et son attachement actif, sa sollicitude à leur égard (πρόθυμον).

  • 33 Καθὸ δὲ εὐεργέτης, θάτερον μόνον βούλεται, τὸ εὐεργετεῖν (Philon, De plantatione, 8 (...)

26À cet égard, Josèphe est bien plus dépendant de la tradition hellénistique qu’un Philon d’Alexandrie, pour qui « en tant que bienfaiteur, au contraire [de celui qui modifie son attitude en fonction de la rétribution de celui qui a commis l’action antérieure], il ne veut qu’une chose, faire bien »33.

  • 34 Cf. Mishna, traité Berakhot 1.5 – il ressort de Tosefta, Hag 2.3, qu’il pourrait être lié a (...)

27Pour autant, comme le fait remarquer en note l’éditeur de Josèphe (É. Nodet), il n’est en rien extérieur aux débats rabbiniques sur ce passage : l’emploi du verbe μαρτυρεῖν le met du côté de l’école de Hillel, qui soulignait le caractère public de la prière, contre l’école de Shammaï, dont l’interprétation revenait à en faire un acte privé. Peut-être Josèphe s’appuie-t-il aussi sur Es 43, 10 : « mes témoins à moi, c’est vous — oracle du Seigneur ». Tout un débat s’est élevé pour savoir si, comme semble le faire Josèphe à l’instar de son strict contemporain Éléazar ben Zoma34, les deux prières quotidiennes doivent avoir ou non la même signification.

  • 35 2 R 19, 19.
  • 36 Pour une application possible à la doctrine de la rétribution, voir aussi Josèphe, AJ IV 26 (...)

28É. Nodet cherche à établir un lien entre la rhétorique de Josèphe et une tradition scripturaire, en particulier la prière d’Ézéchias35. Mais en réalité, il n’y a aucune commune mesure entre la pauvre articulation temporelle du livre des Rois et la rhétorique de l’évergétisme ainsi déployée par Josèphe, et par lui seul, en pareil contexte36.

  • 37 Cf. Josèphe, BJ III 293 : θεὸς δ’ἦν ἄρα ὁ ῾Ρωμαίοις τὰ Γαλιλαίων πάθη χαριζόμενος ; cf. aus (...)

29Il y a néanmoins quelque paradoxe à voir appliquée à Dieu la phraséologie de l’action évergétique37. Car, dans le cas de Rome, aucun échange n’est possible, même pas celui – très romain dans sa conception – de l’adoration et de la bienfaisance : Dieu n’attend pas d’Octave ou de Titus qu’ils se convertissent.

  • 38 Philon, De specialibus legibus, I 152 : μηδενὸς ἐπιδεᾶ.

30En réalité, et c’est Philon qui l’explicite, « Dieu n’a besoin de rien »38, si bien que les dons faits par les prêtres à Dieu en reconnaissance (χαριστηρίους) de ses bienfaits (εὐεργετουμένους), ce sont les prêtres qui les reprennent pour leur usage.

***

31Pour le reste, si l’on s’en tient à l’époque hellénistique et ses séquelles de l’époque impériale – qu’il s’agisse du princeps ou des derniers princes juifs et des derniers soubresauts de la volonté politique juive –, c’est-à-dire à l’époque où la rhétorique évergétique est historiquement à sa place, dans l’énorme majorité des cas, l’échange évergétique dysfonctionne ou n’est pas respecté, et pour des raisons strictement humaines.

32Première figure : il ne peut pas fonctionner, parce que l’émetteur du « signal évergétique » a affaire à des gens qui ne le comprennent pas.

  • 39 Cf. Josèphe, BJ V 333.
  • 40 Cf. ibid., III 455.
  • 41 Cf. ibid., IV 112-117.
  • 42 Hadas-Lebel 1990, 78-85, analyse ces épisodes sous un angle purement psychologique (...)

33Il y a dans le Bellum Judaicum au moins trois récits jumeaux, dont la parenté est frappante : par trois fois, Vespasien ou Titus négocie avec une cité un compromis aux termes duquel les habitants consentent qu’on procède symboliquement à une brèche modeste dans leur muraille ou, la brèche ayant déjà eu lieu par fait de guerre, adoptent une attitude suffisamment favorable pour qu’en retour le commandement romain leur accorde la préservation de ce qui reste de la muraille. Ainsi Titus, qui vient de prendre d’assaut la deuxième enceinte de Jérusalem39, conçoit-il comme εὐεργετεῖν de n’avoir pas fait élargir la brèche, empêchant ainsi mécaniquement la soldatesque de se répandre dans le quartier voisin pour le mettre à sac, ce qui serait strictement le droit du vainqueur. Et il en attend explicitement en retour que les Juifs « ne cherchent pas à lui nuire » (οὐ […] ἐπιβουλεύσειν). Dans des circonstances comparables, l’accord a été facilement trouvé avec les citoyens de Tibériade, qui « avaient toujours montré des dispositions amicales envers les Romains »40 – phraséologie type en ce genre d’occasions –, comme avec ceux de Gischala41. Dans les deux cas, le scénario diplomatico-militaire est le même : le peuple donne au général romain le titre de « sauveur et évergète » ; celui-ci fait entrer la troupe, élargit pour cela le passage aux dépens de la muraille et interdit formellement toute forme de pillage. La mise en scène évergétique a euphémisé avec succès l’acte de violence, la prise de la ville42.

  • 43 Voir en particulier Ma 2004, 84 ; 152 ; 162 sq. ; 171, ainsi que Bickerman 1938, 133-141, e (...)
  • 44 Cf. Ma 2004, 184.

34Le processus, en l’occurrence, suit exactement celui qui est déjà bien repérable dès la haute époque hellénistique : prise de la ville – par la violence – ou reddition à temps ; de jure, la cité perd tout droit, toute garantie ; « restitution » d’un statut honorable – ou qu’elle fait mine de trouver tel – ou octroi de largesses pour se reconstruire ; acte de reconnaissance de la ville avec toute la phraséologie évergétique souhaitable43. Les cités attendaient cette conduite des rois44 et, par contrecoup, Titus pouvait s’attendre à ce que les villes de Judée y répondissent favorablement.

  • 45 Cf. Josèphe, BJ V 335.

35Mais à Jérusalem, il trouve en face de lui des gens qui confondent la vertu royale de philanthrôpia (τὸ φιλάνθρωπον) avec de la faiblesse (ἀσθένεια) et de l’impuissance (ἀδυναμία45).

  • 46 Cf. Ma 2004, 141, qui reproduit Welles 1974, no 15 – même document que OGIS no 223 et I. Er (...)

36C’est une idée perceptible dès les débuts de l’époque hellénistique que l’action évergétique débouche sur un échange nourri par la reconnaissance parce que les diverses parties prenantes partagent la même éducation (ἀγωγήv46). Mais précisément, ce constat, qui intervient dans un contexte où l’institution fonctionne, tient plutôt du satisfecit : il prend acte qu’un pouvoir qui se juge bon et légitime a trouvé un terrain de dialogue fructueux avec une population qui a l’avantage d’être grecque ou hellénisée. Trois siècles plus tard, la crise n’est pas que militaire, elle est culturelle : le modèle évergétique est alors incapable d’y répondre.

  • 47 Cf. Josèphe, BJ V 333 et 335.

37Si l’on se fait l’évergète de gens qui « ne partagent pas les codes », l’échange ne peut pas se faire, l’institution ne fonctionne pas, parce qu’on ne se comprend pas et que, par conséquent, on se méprend sur les intentions de l’autre – Josèphe emploie deux fois le verbe ὑπολαμβάνω, au sens très dérivé de « croire [faussement], s’imaginer »47. L’évergétisme n’est rien d’autre que la manifestation d’un code culturel et politique. Ce n’est pas une institution en soi efficiente.

***

38Il existe aussi, dans le même ordre d’idées, des situations plus étranges, où celui qui se réclame ostensiblement de la logique évergétique la disqualifie en réalité, par maladresse ou par impudence. Et on peut soupçonner, de la part de Josèphe, une certaine ironie, ou du moins une parfaite conscience de l’ironie de la situation.

  • 48 Voir ibid., I 422-428.

39Josèphe consacre un long passage48 à l’énumération des actions évergétiques d’Hérode une fois au pouvoir. On ne saurait mieux illustrer la prégnance des catégories culturelles grecques dans le bassin méditerranéen au tournant de notre ère. Le roi se conduit exactement selon le modèle hellénistique : il exerce son évergétisme à l’étranger pour affermir sa stature de « grand roi » ; il le fait sur les lieux traditionnellement symboliques de l’hellénisme (le gymnase, l’agora, le théâtre et, par-dessus tout, les Jeux olympiques) ; ou, selon la tradition d’un évergétisme utilitaire, soucieux du bien public et parfois rénové par la romanité, par un arsenal de mesures éprouvées : remises de taxes et distributions de blé, subventions à l’édification de remparts, à la construction d’un aqueduc ou de bains. Josèphe souligne le caractère dispendieux de ces investissements, à la hauteur nécessaire pour la reconnaissance qu’en attend Hérode.

  • 49 δωρεά / δωρέω / δῶρον : 423, 425, 426 ; χαρισθέν : 426.

40Le verbe εὐεργετῶν intervient donc en conclusion du passage comme un terme qui résume et caractérise son action. Mais on trouve aussi dans ces paragraphes tout un champ lexical constitutif du discours évergétique, pléthore de δωρεά / δωρέω / δῶρον, χαρισθέν, etc.49.

41Cet évergétisme s’exerce sur les bénéficiaires attendus, s’agissant d’un roi comme Hérode : les cités à forte population juive (essentiellement des cités de la province de Syrie, mais aussi Cos) ; Rhodes, célèbre pour son talent à capter les dons ; mais aussi Olympie, au cœur même de ce vieux Péloponnèse spartiate, avec lequel la Judée entretenait des relations aujourd’hui difficiles à expliquer. Même Pergame, jadis l’évergète par excellence, est désormais son obligée. Par contrecoup, c’est la totalité du monde, ὅλη ἡ οἰκουμένη, qui bénéficie de ses bienfaits !

  • 50 Variation – ironique ? en tout cas hyperbolique – sur le même thème chez Philon, Le (...)
  • 51 Cf. Josèphe, BJ I 428. Sur le rôle de bienfaiteur universel qui est celui d’Auguste (...)

42Mais l’expression sonne comme un signal qu’il « en fait trop »50 : le champ lexical de l’évergétisme est ici relativement pauvre, alors même que l’action évergétique semble évidente. Hérode, qui donne sans relâche, ne nourrit aucun échange : il travaille à sa gloire sans laisser les autres exister dans un échange – c’est du moins ainsi que fonctionne l’économie du texte de Josèphe : on n’a aucune trace textuelle d’initiative ou d’évergésies en retour de la part des collectivités ainsi obligées. Et, quand il s’avise de donner des territoires aux cités, acte relativement banal pour un roi séleucide en son royaume, il se conduit « comme s’il en était le maître », au point de devoir se réfréner pour ne pas offenser ceux qui sont les vrais suzerains – et qui ne sont pas nommés, mais qu’on devine sans peine être les autorités romaines, au premier chef l’empereur Auguste et son gouverneur51.

  • 52 Cf. ibid., 625 : καὶ τί μὲν ἐκείνους εὐεργέτησα τηλικοῦτον, ἡλίκον τοῦτον… – « Quand donc l (...)
  • 53 Ibid., 632 : ταῖς σαῖς εὐεργεσίαις ἐνικήθην.

43Évidemment, n’aurait-on que ce seul passage, il serait difficile de décider si c’est là la réflexion d’un moderne ou s’il y a vraiment une pointe d’ironie chez Josèphe. Mais la même idée que Hérode en fait trop, qu’il ne maîtrise pas les processus qu’il singe, est clairement explicitée un peu plus loin, à propos de ses relations avec ses fils : il a trop donné à Antipater, le fils préféré, au-delà de toute justice, et il a ainsi exaspéré ses autres fils – qu’il a déjà fait exécuter à ce moment, ce qui finit par lui ouvrir les yeux52. Accusé à son tour, Antipater, pour sa défense, se dit « vaincu par les largesses [paternelles] »53, en essayant de revenir à l’intérieur d’une logique évergétique : très normalement, le roi (son père) a consenti une telle quantité de bienfaits que le sujet (son fils) revenu à résipiscence ne peut qu’affirmer sa soumission. Il n’y a pas de retour proportionné possible, simplement un rapport de suzeraineté / soumission affirmé par le fils, désormais soumis, mais que la faiblesse de son père avait paradoxalement « fait roi de son vivant » : Hérode avait donc créé par sa maladresse une double, contradictoire et incompatible domination. Mais précisément, dans cette situation, il n’y avait pas d’échange possible : pourquoi, accablé des marques d’affection paternelle, Antipater en appelle-t-il à la logique évergétique ? Ne serait-ce pas, précisément, une façon de faire admettre que, acculé à recevoir passivement les marques d’une affection dévorante, Antipater perdait toute dignité princière et ne pouvait plus réagir à proportion que dans l’inversion que constitue le parricide ? On ne plaque pas impunément la logique de l’évergétisme sur une relation aussi inconditionnelle, dans l’esprit des Anciens, que celle d’un père et son fils : c’est y introduire une sorte de virus ou, pour parler comme nos informaticiens, un cheval de Troie.

  • 54 Cf. De specialibus legibus, II 229 : εὐεργέται μέντοι τίνες ἂν εἶεν μᾶλλον ἢ παίδων (...)
  • 55 Ibid., 231 : πρὸς ταῖς εὐεργεσίαις καὶ τὴν ἐφ’ οἷς ἐγέννησαν ἀρχὴν ἔλαβον.

44De ce point de vue, Josèphe paraît aux antipodes de l’optimisme d’un Philon, pour qui, « quant à la qualité de bienfaiteurs, qui pourrait l’avoir plus que les parents à l’égard de leurs enfants »54 ?… Même « s’ils les comblent de bienfaits, les parents disposent aussi de l’autorité sur ceux qu’ils ont mis au monde »55. Il est vrai que, on l’a vu, l’évergétisme ne prend pas chez Philon la figure d’un échange, mais d’une caritas, charité ou marque d’amour.

45Au lieu de mettre du liant dans les relations sociales, la relation évergétique débouche donc, chez Josèphe, sur une aporie.

***

46Mais dans les cas les plus fréquents, l’échange ne peut pas fonctionner, parce que l’interlocuteur n’est pas de bonne foi.

  • 56 Cf. Josèphe, BJ I 520 : […] ἀντιδιδόναι τὸ ζῆν ἔφασκεν Ἡρώδῃ τῶν εἰς αὐτὸν εὐεργεσιῶν καὶ τ (...)
  • 57 Ibid., 530.

47La figure emblématique pourrait être un Spartiate du nom d’Euryclès, espion d’Hérode auprès de ses fils, et qui se fait leur accusateur « en reconnaissance de tous les bienfaits reçus de lui »56. En réalité, il diffame le malheureux prince Alexandre. Et pour ce mensonge, il est fait « sauveur et évergète »57 par un Hérode bien peu perspicace dès qu’il s’agit de complots. Chose impensable chez Polybe, le mensonge est recouvert par le langage de l’évergétisme et triomphe dans et par l’échange évergétique !

  • 58 Ibid., 554.
  • 59 Ibid., 564.
  • 60 Ibid., 559.
  • 61 Ibid., 567.

48Parfois, la mauvaise foi de l’évergète prétendu est tellement évidente que son action est contre-productive : Antipater, le mauvais fils d’Hérode, craignant d’être démasqué ou supplanté dans la préférence paternelle, cherche à circonvenir son oncle paternel Phéroras et l’entourage de Saturninus, le gouverneur de Syrie, par des dons (δώροις / δωρεῶν), et les amis de César [Auguste] par de grosses sommes d’argent58. Mais plus il donne, plus on le hait : ses dons sont attribués à la crainte, si bien que les bénéficiaires n’en sont pas mieux disposés et que ceux qui n’en bénéficient pas en sont encore plus malveillants. Le poids de la morale, ainsi que du sentimentalisme, celui du roi comme celui de la foule, inactive totalement l’échange évergétique et débouche sur la colère du roi59. C’est au contraire le malheur des orphelins princiers qui leur vaut en retour la τιμή60, de beaux mariages et la bienveillance royale. Antipater ne conserve que l’appui de Phéroras, mais uniquement parce que ce dernier appuie le prince qu’il croit le mieux placé pour accéder au trône61 : l’échange évergétique n’a aucune place dans ce calcul.

  • 62 Polybe, V 11, 6 : διὰ τὴν εὐεργεσίαν καὶ φιλανθρωπίαν ἀγαπώμενον (traduction Pédech 1977, 5 (...)

49Ce passage contredit assez exactement la remarque de Polybe à propos de Philippe V de Macédoine : « C’est le propre d’un tyran de dominer par la crainte en leur faisant du mal les gens malgré eux, détesté de ses sujets et les détestant ; mais c’est le fait d’un roi de commander et de diriger en faisant du bien à tous, aimé pour sa bienveillance et son humanité, accepté de bon gré »62. Antipater, c’est le tyran évergète, distribuant les bienfaits pour ne recevoir en retour que la détestation.

  • 63 Sur le contexte de ces affaires, voir Will 1967 et Bar-Kochva 2002.
  • 64 Cf. Josèphe, AJ XIII, respectivement 37 ; 45 ; 48.
  • 65 Cf. ibid., respectivement 45 et 48.

50Dans le livre XIII des Antiquités juives, dont le récit croise la décadence inéluctable des Séleucides avec l’ascension des Maccabées vers la monarchie hasmonéenne63, le texte est parcouru par un motif récurrent, presque un fil conducteur : celui de l’amitié en trompe-l’œil et de la loyauté faussement proclamée. Quand Alexandre Balas et Démétrios Ier se disputent le concours de Jonathan Maccabée, Josèphe juxtapose les protestations d’amitié des deux prétendants : συμμαχίας καὶ εὐνοίας offertes par Démétrios ; Alexandre lui donne du ἀδελφῷ et du φίλον ἐμὸν ; Démétrios renchérit en le remerciant de sa φιλίαν64. L’ironie de Josèphe est flagrante lorsque, à moins d’une page d’intervalle, chacun loue sa loyauté simultanée (πίστιν65) ! Non que Jonathan fasse preuve de duplicité : au contraire, ce sont les Séleucides qui mettent le pouvoir à l’encan et veulent être le mieux-disant dans l’affaire.

  • 66 Cf. ibid., respectivement 85 ; 102 ; 88.

51Ils jouent d’ailleurs le même jeu quand, un peu plus tard, Alexandre nomme Jonathan πρῶτον τῶν φίλων et s’adresse à lui comme à un φίλῷ καὶ συμμάχῳ, tandis que le futur Démétrios II juge injuste (ἄδικον) son autonomie et sa bienveillance envers Alexandre66, pourtant seul souverain en place à cette date : tout est question de point de vue, parfaitement subjectif.

  • 67 Ibid., 80.
  • 68 Ibid., 110.

52C’est au nom du δίκαιον encore qu’Alexandre, vainqueur de Démétrios, sollicite une alliance matrimoniale auprès de Ptolémée VI67. À son tour, Ptolémée, trahi par son premier gendre, propose à Démétrios συμμάχίας καὶ φιλίας, sanctionnée par le mariage avec sa fille68.

  • 69 Ibid., 80.

53Tout cela est bien entendu à interpréter dans le cadre des sociétés hellénistiques et s’inscrit parfaitement dans le discours et les pratiques de la diplomatie et de l’évergétisme. Lorsque Ptolémée « donne [à Alexandre] sa fille et pour dot de l’or et de l’argent autant qu’il convenait qu’en donnât un roi »69, il endosse le rôle du dispensateur de bienfaits indissociable de l’image du pouvoir royal hellénistique. Lorsque les Séleucides prétendent maîtriser le partage entre le juste et l’injuste, ou dispenser des brevets et des propositions d’amitié, le but est le même au fond : affirmer sa suprématie, voire sa position de pouvoir, tenir un discours de pouvoir sous l’apparence d’un discours ou de pratiques d’apaisement. Il n’y a là rien de bien original ; sauf que, précisément, cela ne fonctionne pas. C’est un jeu de menteurs : ils font semblant d’octroyer alors qu’en réalité ils sont les demandeurs. Le pouvoir est incapable de se faire reconnaître durablement, et le langage de l’évergétisme est en réalité dévoyé : non plus un discours qui a l’avantage d’euphémiser la relation de pouvoir, mais un langage de duplicité et de trahison ; non plus un discours qui, en rendant la domination supportable, est facteur de stabilité, mais un langage qui génère de l’instabilité.

54De manière caractéristique, dans toutes ces occurrences, ce langage n’intervient pas après les événements, pour panser les plaies physiques ou morales – comme c’est souvent le cas dans les situations que nous ont révélées les inscriptions –, mais a priori, pour être cruellement démenti par les faits, presque comme un signal que le mal est à venir.

  • 70 Ibid., 189.
  • 71 Ibid., 191.
  • 72 Ibid., 195.

55C’est particulièrement net lorsque Tryphon endort la méfiance de Jonathan « par des cadeaux et des démonstrations d’amitié » (δώροις καὶ φιλοφρονήσει), « pour le convaincre de sa bienveillance (εὔνοια) », alors qu’il l’attire dans un piège70. Pour lui, il n’y a pas d’εὔνοια, il n’y a que de (vaines) preuves d’εὔνοια. Jonathan a cru aux démonstrations de bons sentiments71 et mal lui en a pris : words, words, words. Faut-il en accuser la naïveté du Maccabée ? Que non point : Josèphe souligne, sans ironie perceptible, sa prévoyante sagesse, sa πρόνοια72. Il y a quelque chose de pourri au royaume séleucide, et plus rien n’assure de la légitimité réelle du pouvoir ni de sa fiabilité morale ou politique.

  • 73 Ibid., 223.
  • 74 Ibid., 225.
  • 75 Ibid., 227. Même motif, étendu à la totalité de la période royale juive, dans Josèphe, Cont (...)

56À son tour, Antiochos VII offre φιλία καὶ συμμαχία à Simon Maccabée73. Il perpétue la traditionnelle trahison des serments et se retourne contre Simon74, qui le vainc sans grande difficulté – Simon, échaudé par les malheurs de son frère, n’était déjà plus dupe des manœuvres de Tryphon et persévère dans l’alliance loyale avec Rome75.

  • 76 Cf. Josèphe, AJ XIII 124 sq.
  • 77 Ibid., 127. Lasthène est le chef des mercenaires crétois avec lesquels – sous la coupe (...)
  • 78 Ibid., 130 sq.
  • 79 Ibid., 152. Ce sont exactement les mêmes termes qui, au § 170, servent ensuite à l’établiss (...)
  • 80 Ibid., 153.

57La seule exception vient précisément du sage Jonathan, pourtant en guerre contre les Grecs et les hellénistes de Judée, à la tête d’un mouvement de retour à la pureté juive, mais qui sait comment recourir lui aussi à l’échange évergétique, dans le but de « calmer la colère » de Démétrios II, et obtient en échange la confirmation de son archipresbytérat et un aménagement du tribut76 : ici, les pratiques de l’évergétisme fonctionnent. Mais quand Démétrios reprend la parole à travers la lettre à Lasthène77 pour souligner l’amitié, la justice et l’εὔνοια du peuple juif, l’échange évergétique se retourne contre lui parce que, en pacifiant la situation, il mécontente les mercenaires et nourrit l’usurpation d’Antiochos VI fomentée par Tryphon78. De la même manière, devant Gaza, c’est parce que les notables de la cité refusent à Jonathan l’assurance de leur εὔνοια, c’est-à-dire d’une soumission qui leur permettait de sauver la face, qu’il assiège la ville. Mais dès que la capitulation est proposée par les autorités de Gaza sous la forme mutuellement acceptable de φιλία τε συμμαχία79, il répond par les mêmes termes (φιλία80), lève le camp – non sans prendre des otages, tout de même… – et fait route vers Damas. Seul, le Maccabée sait faire efficacement fonctionner l’outil politique qu’est le langage de l’évergétisme et de l’amitié.

***

  • 81 Pour une comparaison entre Josèphe et Polybe fondée sur des considérations tout aut (...)

58On n’est plus du tout dans le même univers mental que chez Polybe81 ; pas non plus dans celui de Philon.

  • 82 Polybe, III 98, 2-99, 7.

59Chez Polybe, l’échange évergétique est objectivement un mode de régulation et un facteur de fiabilité dans les rapports humains : quand Abilyx, le notable ibérique à qui les Carthaginois ont confié des otages locaux, les remet aux Romains82, nous, modernes, le voyons comme un traître. Mais Polybe ne s’attarde pas à le flétrir. Ce qui l’intéresse, c’est que, ce faisant, il a déclenché un processus extrinsèque à la volonté des acteurs : en présentant la chose comme un bienfait des Romains, il a ipso facto et automatiquement enclenché un processus en retour, par lequel ceux qui se voient désormais comme débiteurs d’un premier, et important, bienfait éprouvent pour Rome une εὔνοια qui ne demande qu’à se traduire dans les faits. Les acteurs peuvent mentir et tromper ; mais l’échange évergétique ne ment pas : il est aux rapports sociaux ce que les lois physiques sont au monde.

  • 83 Cf. Josèphe, AJ IV 212 : δικαίας οὔσης φύσει τῆς εὐχαριστίας.

60Josèphe aurait aimé qu’il en fût ainsi : dans sa paraphrase du Deutéronome, il avance l’idée que l’εὐχαριστία est « juste par nature »83. Mais l’expérience historique prouve que la rhétorique de l’évergétisme produit ce que valent ses auteurs.

  • 84 Cf. Philon, Specialibus legibus, I 225 : à des bienfaits immédiats doivent répondre des sac (...)
  • 85 Cf. ibid., 283 : εὐχαριστῶν ἐπὶ εὐεργεσίαις […] κτῆσιν ἀγαθῶν […] σωτηρίαν.
  • 86 Ibid., II 84 sq.

61Pour Philon, l’échange évergétique n’a pas d’objet, si ce n’est métaphorique et analogique84. Philon pense certes la relation entre le fidèle et Dieu dans les termes de l’échange évergétique85 ; mais ce n’en est pas un du tout. De même, dans les rapports humains : l’affranchissement de l’esclave est un bienfait, et la libéralité oblige à y ajouter des dons « en viatique pour la vie »86 ; mais rien dans ces considérations n’appelle à la réciproque, à l’échange de bienfaits, et c’est là simplement se conformer aux exigences conjointes de la nature et de la libéralité. Le vocabulaire de l’évergétisme est devenu un vocabulaire usuel, utile à l’expression de la charité ou de l’amour pour le Créateur, mais détaché de l’institution évergétique.

62L’évergétisme humain est le même que celui de Dieu : octroi, surpassement de l’autre, lequel ne peut qu’exprimer une vaine, mais nécessaire, reconnaissance. Au sein du judaïsme hellénistique tardif du Ier siècle, l’hellénisme de Philon n’a donc rien à voir avec celui de Josèphe.

  • 87 Cf. Veyne 1976, 326.

63Mais il y a également une différence fondamentale entre Polybe et Josèphe : pour Polybe, les règles de l’échange évergétique sont un mode de fonctionnement objectif qui explique les rapports sociaux et les accidents historiques, au même titre que le Contrat social chez Rousseau, la lutte des classes chez Marx ou la dialectique challenge / response chez les libéraux anglo-saxons. Contrairement à ce qu’affirme P. Veyne, une partie du monde hellénistique a pu se bercer de l’illusion que « le contrat évergétique » n’avait rien « d’arbitraire », de conditionnel, mais qu’il « découlait de la vie sociale »87. Mais, pour Josèphe, en effet, c’est bien un code social, un langage conscient, et par conséquent, comme n’importe quel code ou langage, il doit être partagé pour permettre le dialogue, il est susceptible d’erreurs de maniement et il peut être trompeur ou mensonger.

64Il apparaît donc que, loin d’être le régulateur des rapports de pouvoir que J. Ma a pu analyser à propos d’Antiochos III et qu’illustre la lecture de Polybe, l’échange évergétique est devenu chez Josèphe un révélateur de ce que valent les hommes et les institutions.

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Notes

1 Cf. Ma 2004, 133-161.

2 Cf. Azoulay 2004, 113-148.

3 Cf. Lafond 2006, 35-54.

4 Cf. Savalli-Lestrade 2003, 260.

5 Veyne 1976, 22 ; entre Veyne 1976 et Gauthier 1985, pour mentionner les deux constructeurs du concept, les conceptions divergent notablement : cf. Migeotte 1997. On trouvera aussi une utile synthèse dans Sartre 1991, 147-166, et tout récemment, pour « une définition large et souple », Müller 2011, 348-351 en particulier.

6 Cf. Vial 2005, 280.

7 Transcription et traduction de ces termes, qui seront ensuite donnés seulement en grec : εὐεργέτης (euergétès), un évergète, un bienfaiteur ; εὔνοια (eunoia), la bienveillance ; φιλία (philia), l’amitié ; συμμαχία (summakhia), une alliance. Dans les lignes qui suivent : σώτηρ (sôtèr), sauveur ; φιλάνθρωπος (et ses dérivés), philanthrope (et ses dérivés). Les autres termes sont expliqués dans le cours de la phrase.

8 Mais, chez Josèphe, προθυμία désigne le plus souvent une qualité psychologique absolue (l’ardeur), indépendante de la relation avec autrui (la capacité de persuasion en BJ II 502 ; mais c’est sans rapport avec la relation évergétique). Étant donné le nombre de renvois à ces deux œuvres tout au long du présent article, les Antiquités Judaïques et la Guerre des Juifs (Bellum Judaicum) seront abrégés respectivement AJ et BJ dans les références. Pour les livres vétéro- et néotestamentaires, on suivra les abréviations de la TOB.

9 Rébecca et Isaac : voir en AJ I 249 l’expression χάριτος ἀμοιβήν. Pour Moïse et les filles de Jéthro, voir Josèphe, AJ I 261 sq.

10 Cf. Jos 2 ; 6, 22-25 ; Josèphe, AJ V 7-15 ; 30.

11 À moins qu’il ne s’agisse que d’un euphémisme. Pour le texte du Targum, voir The Bible in Aramaic, vol. 2, 2. Pour une explication du glissement d’une profession à l’autre, cf. Ginzberg 2004, 130.

12 Josèphe, AJ V 11-13.

13 Ibid., 30 : μηδὲν τῆς εὐεργεσίας ταύτης ἐν ταῖς ἀμοιβαῖς οὐχ ἥττοντα φανήσεσθαι.

14 Mt 1, 5 ; traité TB Megillot 14b. Sur la tradition de ce mariage, cf. Baskin 2002, 156-157.

15 Sur la tradition prophétique de Rahab, cf. Baskin 2002, 155-160 et 200 (notes) ; Ginzberg 2004, 10 sq. et 130.

16 On trouvera un exemple tout aussi significatif dans Josèphe, AJ VI 325-326 (réponse favorable de David au roi philistin Akish ; cf. 1 S 28.2) et, plus discrètement, AJ III 64-65 (éloge de Moïse par Réuel / Jéthro ; cf. Ex 18, 9-11). À noter que Moïse et David sont, tout autant que Rahab et même davantage, des figures salvifiques : faut-il en conclure que Josèphe évacue systématiquement la dimension eschatologique au profit d’un « ripolinage » hellénisant ? et le mettre en rapport avec son aversion pour les courants messianistes ? Pour l’heure, on n’ira pas au-delà de cette idée « lancée en l’air ».

17 Cf. Jos 24 ; Josèphe, AJ V 115-116.

18 Sherk 1969, no 34 ; cité et traduit dans Ma 2004, 408 sq.

19 La diatribe de Samuel (cf. Josèphe, AJ VI 60 sq.), paraphrase éminemment hellénistique de l’adresse au peuple réuni à Miçpa (cf. I S 10.17), pourrait bien être un bon exemple de ce que les inscriptions ne transmettaient pas : les remontrances adressées quand les peuples et les cités n’avaient pas joué le jeu des codes évergétiques. Voir aussi, plus discret, Philon, De opificio mundi, 169, en conclusion du péché originel.

20 On trouvera la même phraséologie exactement dans le texte, plus tardif, des AJ XIV 388. Qu’il soit bien clair que je ne cherche pas à savoir ici si la version des faits présentée avec constance par Josèphe est véridique ou non : le présent article analyse un discours sur une certaine manière de concevoir les relations entre humains ou avec la divinité.

21 Cf. Josèphe, BJ I 282-285, où tout est dit explicitement, si ce n’est avec un certain cynisme – même exposé en substance dans AJ XIV 381-389. Introduits dans la guerre civile par Pompée et profitant de la désorganisation de l’Orient après l’élimination des Césaricides à Philippes, les Parthes ont envahi la Syrie septentrionale, poussé jusqu’à Jérusalem et, avec trois ans d’avance (selon la chronologie de la Guerre Juive), ont déjà fait la même chose avec Antigone Matthatias, l’héritier hasmonéen et rival d’Hérode : nommer un roi qui soit leur instrument pour contrôler, voire assujettir la région. Quand il est fait roi, Hérode vient d’éliminer Antigone selon la version de la Guerre ; les Antiquités ont une chronologie différente, faisant coïncider l’intronisation d’Hérode avec les accords de Brindisi, la grande – et brève – réconciliation entre Antoine et Octavien, comme une réponse immédiate à celle d’Antigone. Sur le conflit, voir Strugnell 2006, 243-248 ; on peut se reporter à Schürer 1973, 278-283, mais il dépend entièrement de Josèphe, qui est pratiquement le seul à relater les incursions des Parthes en Syrie.
Par ailleurs, on ne doit pas forcément s’étonner que Hérode, devenant roi, reconnaisse ainsi la suzeraineté de Rome, et la contradiction n’est pas aussi forte que le feraient croire les manuels : quand Antiochos III veut obtenir la capitulation d’Euthydème Ier de Bactriane, il lui octroie en échange le titre royal que l’autre lui réclamait (cf. Polybe, XI 34, 9, et Bickerman 1938, 140).

22 Sur l’ordre de Sextus César, qui protégeait Antipater et son fils Hérode ; mais Hyrcan semble en avoir été soulagé : cf. Josèphe, BJ I 204-212.

23 Cf. ibid., 215. Symétriquement, la même obligation vaut pour le suzerain envers son sujet : là où le Jonathan de 1 S 19, 4 plaide pour David auprès de Saül en évoquant le risque de « pécher en répandant le sang d’un innocent », celui de Josèphe, AJ VI 211, retient son père de « faire aucun mal à un homme qui nous a d’abord rendu un grand bienfait en te sauvant » (μηδὲν ποιήσῃς κακὸν ἄνδρα πρῶτον ἡμᾶς εὐεργεσίαν μεγάλην εὐεργετήσαντα τὴν σὴν σωτηρίαν). Faut-il voir dans la discussion entre Hérode et ses parents un écho direct d’Aristote, Éthique à Nicomaque, IX 5, 1167 a 14 sqq. (ὁ μὲν γὰρ εὐεργετηθεὶς ἀνθ’ ὦν πέπονθεν ἀπονέμει τὴν εὔνοιαν, τὰ δίκαια δρῶν : « l’homme qui, en effet, a reçu un bienfait et qui, en échange des faveurs dont il a été gratifié, répond par de la bienveillance, ne fait là que ce qui est juste »), ou le simple effet d’une vulgate idéologique ?

24 Cf. Josèphe, BJ I 390.

25 Ibid., 392.

26 Après Actium, le gouverneur Q. Didius avait coordonné un certain nombre d’actions, des Arabes contre les unités préservées de la flotte égyptienne, d’Hérode contre une armée de gladiateurs qui faisait route vers le sud pour prêter main forte à Antoine : autant d’actions visant, de la part d’obligés d’Antoine, à donner des gages tardifs au nouveau vainqueur, semble-t-il. Sur cette phase de la guerre, voir Schürer 1973, I, 254.

27 Cf. ibid., 392 : πειράσομαι δὲ καὶ αὖθις ἀγαθόν τί σε ποιεῖν.

28 Sartre 1991, 106, rappelle comment, dès l’année ~30, Octave se pare en Orient du titre d’Évergète et se substitue parfois purement et simplement à Antoine. La démarche d’Hérode s’inscrit parfaitement dans ce contexte.

29 Cf. Josèphe, BJ I 380 : θεὸς ὁ σοὶ τὸ κτατεῖν χαριζόμενος.

30 Sur la notion d’ἄνοια, on peut consulter Hadas-Lebel 1987, qui en fait, à juste titre, l’opposé de πρόνοια. Mais toute la mise en perspective de ἄνοια et εὔνοια resterait à faire.

31 Philon, De opificio mundi, 23, employant trois fois le verbe εὐεργετεῖν, répondrait en complément que Dieu « donne, non pas en proportion de la grandeur de ses grâces », mais « selon les capacités de ceux qui reçoivent ces bienfaits. En effet, ce qui est dans le devenir n’a pas pour nature de recevoir autant de bien que Dieu a pour nature d’en faire, puisque ses puissances dépassent tout et que ce qui est trop faible pour recevoir leur grandeur la refuserait, si Dieu ne mesurait, en pesant à la contenance de chacun, ce qui lui échoit » (traduction Arnaldez 1961). Mais cela n’arrangera pas les affaires mondaines : comment savoir si on place sa confiance évergétique dans un puissant capable de répondre aux bienfaits de Dieu ? Et surtout, comment se dégager des obligations évergétiques, si l'on s’est aperçu de son erreur ? Hérode était prisonnier des règles.

32 Cf. Dt 6, 4-9 ; Josèphe, AJ IV 212 sq.

33 Καθὸ δὲ εὐεργέτης, θάτερον μόνον βούλεται, τὸ εὐεργετεῖν (Philon, De plantatione, 87 [traduction Pouilloux 1963 retouchée]).

34 Cf. Mishna, traité Berakhot 1.5 – il ressort de Tosefta, Hag 2.3, qu’il pourrait être lié aussi au débat sur le messianisme. Le débat portait sur ces deux questions : la prière du soir peut-elle comporter le Shema’, qui évoque les tsitsit, les franges, lesquelles doivent être vues, donc portées de jour ; et peut-elle concerner la traversée de la Mer Rouge, également diurne ? Sur ces questions, cf. les n. 5-6 rédigées par É. Nodet dans Josèphe, AJ, vol. 2, p. 57 sq.

35 2 R 19, 19.

36 Pour une application possible à la doctrine de la rétribution, voir aussi Josèphe, AJ IV 266, qui utilise le même vocabulaire. À vrai dire, on trouverait aussi un parallèle chez Philon, De plantatione, 90, qui explique le verset de Gn 28, 21, apparemment tautologique (« Le seigneur sera aussi pour moi comme un Dieu »), comme le passage d’un Dieu despotique (δεσποτικόν) à un Dieu bienfaisant (εὐεργετικόν), promesse de salut (σωτηρίου δυνάμεως), « offrant à l’âme une amitié et un dévouement tels qu’on les éprouve pour un bienfaiteur » (τὴν δὲ ὡς ἐπ’ εὐεργέτῃ φιλίαν καὶ εὔνοιαν τῇ ψυχῇ παρέχων). Mais il s’agit là d’un vocabulaire à fonction pédagogique : il prouve la prégnance des catégories de l’évergétisme dans les esprits ; mais il fonctionne en dehors de tout échange évergétique réel.

37 Cf. Josèphe, BJ III 293 : θεὸς δ’ἦν ἄρα ὁ ῾Ρωμαίοις τὰ Γαλιλαίων πάθη χαριζόμενος ; cf. aussi IV 370.

38 Philon, De specialibus legibus, I 152 : μηδενὸς ἐπιδεᾶ.

39 Cf. Josèphe, BJ V 333.

40 Cf. ibid., III 455.

41 Cf. ibid., IV 112-117.

42 Hadas-Lebel 1990, 78-85, analyse ces épisodes sous un angle purement psychologique et passe à côté de cette phraséologie de la relation évergétique.

43 Voir en particulier Ma 2004, 84 ; 152 ; 162 sq. ; 171, ainsi que Bickerman 1938, 133-141, et les attestations épigraphiques à Sardes (Gauthier 1989, nos 2-3 – mêmes documents que SEG 39.1284-1285, et Ma 2004, 322-326 ; datés de ~213) ou à Téos (SEG 41.1003 I et II – mêmes documents que Ma 2004, 351-361 – attribués par celui-ci à l’année ~203).

44 Cf. Ma 2004, 184.

45 Cf. Josèphe, BJ V 335.

46 Cf. Ma 2004, 141, qui reproduit Welles 1974, no 15 – même document que OGIS no 223 et I. Erythrai nos 31 + 30.

47 Cf. Josèphe, BJ V 333 et 335.

48 Voir ibid., I 422-428.

49 δωρεά / δωρέω / δῶρον : 423, 425, 426 ; χαρισθέν : 426.

50 Variation – ironique ? en tout cas hyperbolique – sur le même thème chez Philon, Legatio ad Caium, 283 sq. ; 323.

51 Cf. Josèphe, BJ I 428. Sur le rôle de bienfaiteur universel qui est celui d’Auguste et, plus généralement, de Rome – non d’Hérode, par conséquent –, voir Hadas-Lebel 1990, 61-64.

52 Cf. ibid., 625 : καὶ τί μὲν ἐκείνους εὐεργέτησα τηλικοῦτον, ἡλίκον τοῦτον… – « Quand donc leur ai-je jamais fait autant de bien qu’à lui ? » (traduction Pelletier 1975).

53 Ibid., 632 : ταῖς σαῖς εὐεργεσίαις ἐνικήθην.

54 Cf. De specialibus legibus, II 229 : εὐεργέται μέντοι τίνες ἂν εἶεν μᾶλλον ἢ παίδων γονεῖς.

55 Ibid., 231 : πρὸς ταῖς εὐεργεσίαις καὶ τὴν ἐφ’ οἷς ἐγέννησαν ἀρχὴν ἔλαβον.

56 Cf. Josèphe, BJ I 520 : […] ἀντιδιδόναι τὸ ζῆν ἔφασκεν Ἡρώδῃ τῶν εἰς αὐτὸν εὐεργεσιῶν καὶ τὸ φῶς ἀμοιβήν τῆς ξενίας ἀντιπαρέχειν : « il lui déclara sur tous les tons qu’il lui apportait la vie en reconnaissance de tous les bienfaits qu’il avait reçus de lui et la lumière en échange de son hospitalité » (traduction Pelletier 1975).

57 Ibid., 530.

58 Ibid., 554.

59 Ibid., 564.

60 Ibid., 559.

61 Ibid., 567.

62 Polybe, V 11, 6 : διὰ τὴν εὐεργεσίαν καὶ φιλανθρωπίαν ἀγαπώμενον (traduction Pédech 1977, 55 retouchée).

63 Sur le contexte de ces affaires, voir Will 1967 et Bar-Kochva 2002.

64 Cf. Josèphe, AJ XIII, respectivement 37 ; 45 ; 48.

65 Cf. ibid., respectivement 45 et 48.

66 Cf. ibid., respectivement 85 ; 102 ; 88.

67 Ibid., 80.

68 Ibid., 110.

69 Ibid., 80.

70 Ibid., 189.

71 Ibid., 191.

72 Ibid., 195.

73 Ibid., 223.

74 Ibid., 225.

75 Ibid., 227. Même motif, étendu à la totalité de la période royale juive, dans Josèphe, Contre Apion, II 134 : seuls, les rois juifs, grâce à leur loyauté, sont restés alliés des Romains – supposés loyaux également.

76 Cf. Josèphe, AJ XIII 124 sq.

77 Ibid., 127. Lasthène est le chef des mercenaires crétois avec lesquels – sous la coupe desquels ? – Démétrios, âgé de quatorze ans, a entamé la conquête du pouvoir.

78 Ibid., 130 sq.

79 Ibid., 152. Ce sont exactement les mêmes termes qui, au § 170, servent ensuite à l’établissement de relations cordiales entre Sparte et Jonathan.

80 Ibid., 153.

81 Pour une comparaison entre Josèphe et Polybe fondée sur des considérations tout autres, mais complémentaires, voir Hadas-Lebel 1999, 161 sq.

82 Polybe, III 98, 2-99, 7.

83 Cf. Josèphe, AJ IV 212 : δικαίας οὔσης φύσει τῆς εὐχαριστίας.

84 Cf. Philon, Specialibus legibus, I 225 : à des bienfaits immédiats doivent répondre des sacrifices immédiats.

85 Cf. ibid., 283 : εὐχαριστῶν ἐπὶ εὐεργεσίαις […] κτῆσιν ἀγαθῶν […] σωτηρίαν.

86 Ibid., II 84 sq.

87 Cf. Veyne 1976, 326.

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Pour citer cet article

Référence papier

Serge Bardet, « Flavius Josèphe et l’évergétisme : un regard juif sur un échange perverti »Kentron, 28 | 2012, 89-110.

Référence électronique

Serge Bardet, « Flavius Josèphe et l’évergétisme : un regard juif sur un échange perverti »Kentron [En ligne], 28 | 2012, mis en ligne le 12 décembre 2017, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/kentron/1126 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/kentron.1126

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Auteur

Serge Bardet

Université d’Évry-Val d’Essonne

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