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Dossier : Pratiques musicales collectives à vocation sociale et partenariats inter-métiers

Documenter les dimensions « inter-RELATIONNELLES » lors d’une répétition de musique contemporaine durant un projet d’Education Artistique et Culturelle

Documenting the “inter-RELATIONAL” dimensions of a contemporary music rehearsal during an Arts and Culture Education project
Olivier Allain, Grégory Munoz, Olivier Villeret, Marine Roche et François Burban

Résumés

La recherche-action partagée ARPEJ (Analyses et Recherches sur les Projets d’Education Jeunesse) vise à analyser le dispositif d’Education Artistique et Culturelle (EAC) d’une ville de Loire-Atlantique, afin d’évaluer les effets perçus par les acteurs (Lauret, 2007), notamment les effets collaboratifs relatifs au « vivre ensemble ». L’étude de cas, en didactique professionnelle (Pastré, 2011 ; Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006), présentée ici mobilise l’analyse de l’activité à propos d’un projet de musique contemporaine intitulé Ekzilo. Cette œuvre est divisée en trois parties, travaillées par trois classes d’école primaire, accompagnées de leurs enseignants et de deux chefs de chœur. Le recueil de données consiste dans l’observation filmée de la première répétition, où les trois classes, assistées d’un orchestre de collégiens et d’un chef d’orchestre, ont associé leurs parties de l’œuvre. Ce recueil est complété par une série d’entretiens d’autoconfrontation. Nos premiers résultats analysent les différents aspects « inter-relationnels » qui ont pu émerger lors de cette répétition : inter-institutionnel, lié au montage du dispositif EAC étudié ; inter-professionnel, impliquant des collaborations entre intervenants EAC, enseignants et élèves ; inter-disciplinaire, relativement aux croisements de disciplines rendus possibles.

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Texte intégral

Introduction

1Le projet ARPEJ (Analyses et Recherches sur les Projet d’Éducation Jeunesse) est une recherche-action partagée qui consiste à analyser et à évaluer les dispositifs d’Education Artistique et Culturelle (EAC), en lien avec les acteurs concernés. Dans ce cadre, une étude du dispositif EAC d’une ville de Loire-Atlantique vise à fournir un bilan qualitatif de ce dispositif et plus spécifiquement à évaluer ses effets en EAC (Lauret, 2007) par les participants et bénéficiaires, intervenants EAC (artistes, médiateurs), enseignants et élèves. L’évaluation est réalisée à partir de plusieurs entrées. La question est de savoir d’une part comment les différents acteurs s’approprient et collaborent aux projets artistiques et culturels proposés dans le cadre du dispositif EAC de cette ville, et d’autre part quels effets, notamment à l’adresse des enfants, ils peuvent décrire.

2Cet article explore les regards croisés des acteurs intervenants dans le cadre d’un projet EAC. Ce dernier porte sur une œuvre de musique contemporaine en trois parties, sur le thème de l’exil, intitulée pour cette raison Ekzilo. Elle est chantée par des élèves de trois classes de primaire, lors de la première répétition avec orchestre. Il s’agit du moment où les trois classes, assistées de leurs enseignants, de leur chef de chœur, d’un orchestre CHAM (Classes à Horaires Aménagés Musique) avec son chef d’orchestre, ont pu, pour la première fois, se rencontrer et associer chacun leur partie musicale à celle des autres, tout en découvrant l’orchestre.

3Comment les différents acteurs appréhendent-ils ce même moment vécu ensemble ? La compréhension de leurs points de vue nécessite une approche qualitative permettant de donner à voir ce qui est vécu par les participants. Épistémologiquement et méthodologiquement, la recherche présentée adopte une entrée didactique basée sur l’analyse de l’activité telle qu’elle est déployée dans le cadre de la didactique professionnelle (Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006 ; Pastré, 2011). Elle prend appui sur des observations filmées, suivies d’entretiens d’autoconfrontation, pour saisir une part du vécu des acteurs. Ce vécu constitue-t-il une expérience ? Dans son ouvrage L’art comme expérience, John Dewey, qui cherche à fonder une pédagogie de l’expérience, érige l’expérience artistique en continuité de l’expérience quotidienne. Les expériences vécues des acteurs participant à ce moment de répétition, plus ou moins partagé, sont dès lors prises en compte de manière à pouvoir en documenter les aspects « inter-relationnels ».

4L’étude de cas présentée ici se situe dans le cadre d’un appel d’offre issu d’une demande de marché public d’une ville de Loire-Atlantique. Elle a deux visées : 1/ « identifier et analyser les effets de la démarche EAC mise en œuvre » ; 2/ « élaborer des outils et des indicateurs d’évaluation à utiliser pour chaque projet ». Le présent propos se centre sur l’axe 1. Il s’agit d’évaluer ce que la démarche a produit et/ou transformé selon différentes « entrées » : 1/ artistique et culturelle ; 2/ pédagogique, en considérant notamment « l’irrigation des projets culturels dans les autres apprentissages » ; 3/ sociale par la « contribution au vivre ensemble » ; 4/ collaborative, avec la question de savoir comment les enfants s’approprient et collaborent aux projets artistiques et culturels proposés.

5L’un des buts de la recherche relève d’une forme d’intervention. Il s’agit de pouvoir déployer une recherche-action partagée, au sein de laquelle acteurs et chercheurs collaborent pour formuler une analyse. Celle-ci est pertinente selon deux perspectives. Premièrement, en ce qu’elle s’inscrit dans les démarches de recherche collaboratives déployées au sein du laboratoire (Vinatier, Filliettaz et Kahn, 2012 ; Vinatier et Morrissette, 2015). Deuxièmement, dans le cadre des approches qui prônent la conception continuée dans l’usage (Béguin, 2013 ; Goigoux, 2017), en prenant en compte le point de vue des « utilisateurs » des dispositifs conçus. Ce type de recherche-action partagée doit permettre de dégager si possible des pistes de développement pour l’ensemble des acteurs impliqués. Ainsi, apparaît-il dès la conception de la recherche un aspect « inter » métier plus large que ceux qui seront examinés dans le cadre de l’analyse de la situation de répétition étudiée, alliant acteurs participants de l’EAC et chercheurs.

6Les éléments du cahier des clauses techniques particulières de la demande de marché public proposent une organisation basée sur deux instances de concertation :

  • « Le comité de pilotage du Contrat Local d’Education Artistique (qui par extension devient celui de cette étude) regroupant les représentants des ministères de la Culture et de l’Education Nationale, des élus et des techniciens de la Ville » ;

  • « Un petit groupe mixte à constituer pour concevoir des indicateurs pérennes d’évaluation des projets. Il regroupe des acteurs du champ scolaire (inspecteurs, directeurs et/ou enseignants), des acteurs culturels et des animateurs. Il est à géométrie variable dans un objectif de partage maximum de la démarche » ; cette instance est définie comme le COOP pour Comité opérationnel du projet.

7Cette organisation présente l’avantage de distinguer les acteurs « commanditaires », pilotes et garants des principes fondamentaux de l’étude, des acteurs chargés de la conception des outils et des productions de l’étude, différenciant en quelque sorte l’instance législative d’une instance exécutive.

Cadres théorique et méthodologique pour comprendre les inter-relations

Points de vue sur les inter-relations

8L’analyse de la littérature relative au travail collectif dans le champ de l’approche ergonomique par Barthe et Queinnec (1999) souligne que les mêmes mots ne renvoient pas aux mêmes sens, engendrant de leur point de vue « un certain flou conceptuel », ainsi que des problèmes de synonymie et de polysémie (Barthe et Queinnec, 1999, p. 664). C’est pourquoi ils cherchent à établir des relations entre critères de description de la tâche collective et les formes d’activité collective, afin de « mettre en place des outils de description et d’analyse de la dynamique collective du travail » pour « comprendre de quelle façon plusieurs opérateurs travaillent, coopèrent et coordonnent leurs actions » (Barthe et Queinnec, 1999, p. 682). Parmi les termes employés par différents auteurs (coactivité, co-présence, co-action, action collective, activité collective, coopération distribuée, etc.), Barthe et Queinnec (1999) fondent la différence à deux niveaux : celui des buts des tâches de chaque co-équipier, différents ou identiques, et celui des sous-buts des tâches de chaque co-équipier, pouvant également être identiques ou différents. En outre, selon eux, « en tant que processus, la coopération est finalisée, active et organisée dans le temps » (Barthe et Queinnec, 1999, p. 670). Ainsi, les caractéristiques déterminant le degré d’activité conjointe des collectifs de travail concernent : les buts de la tâche en fonction des différents acteurs, les moments de réalisation et la répartition des tâches entre les acteurs, ainsi que le degré de dépendance des sous-tâches.

9Parmi les termes examinés dans la typologie de Barthe et Queinnec (1999), ceux de Rogalski (1994) se retrouvent dans l’ensemble des catégories. Elle distingue, en allant du moins au plus coopératif : 1 — la coaction, synonyme de co-présence, quand les acteurs partagent un même espace de travail, mais sans mobiliser les mêmes buts ; 2 — la coopération distribuée, quand les buts immédiats sont différents, mais concourent à la réalisation d’une tâche commune ; 3 — la collaboration, caractérisée par le fait que les opérateurs réalisent simultanément la même tâche commune. Rabardel et al. (2008, p. 298) indiquent que les activités de conception relèvent généralement du cas de la coopération distribuée, quand « les différents acteurs ont des sous-buts distincts, concourant à un but commun ». C’est ce que nous allons pouvoir constater dans le cadre de notre étude de cas en EAC. Cependant, elle relève d’une coopération distribuée spécifique en ce qu’elle embarque différents métiers, comme le montrent Thomazet et Mérini (2014) à propos du travail collectif pour l’école inclusive. Ces auteurs avancent l’idée d’intermétier : « L’intermétier est pour nous un espace professionnel situé à la frontière de différents métiers », où l’activité est orientée par des intérêts différents selon les métiers, qui à un moment « vont devoir œuvrer en commun » (Thomazet et Mérini, 2014, p. 2). Ces auteurs précisent ainsi que des règles d’action d’intermétier « vont être négociées, refaçonnées ou co-construites » (Thomazet et Mérini, 2014, p. 2).

Accéder aux aspects d’inter-relations situés

10Notre but est de documenter les différents aspects « inter-relationnels » dans le cadre d’une situation, en croisant les regards des acteurs en présence lors de la première répétition avec orchestre d’Ekzilo, survenue le 26 mai 2021. Pour cela, un cadre conceptuel et méthodologique est mis en œuvre.

Une activité collective sous conditions de synchronisation

11Caroly et Barcellini (2013) distinguent les notions de travail collectif et de collectif de travail. Selon elles, le travail collectif est favorisé par des synchronisations, que l’on peut sommairement exposer selon deux catégories principales : opératoire et cognitive.

12La synchronisation opératoire concerne la coordination entre les participants. Elle a, en effet,

  • 1 C’est nous qui soulignons.

« pour objectif d’assurer : la répartition des tâches entre les partenaires d’un travail collectif, son organisation temporelle (déclenchement, arrêt, simultanéité, séquençage, rythmes des actions à réaliser)1. Cette coordination n’est jamais totalement pré-spécifiée (par des procédures prescrites par exemple) : elle est co-construite par les partenaires et implique des communications (verbales et non verbales) entre eux » (Caroly et Barcellini, 2013, p. 34).

13Elle permet de faire face aux imprévus en mettant en place des régulations entre acteurs. Parmi cette première forme de synchronisation dite opératoire, nous retenons l’importance de cette synchronisation temporelle.

14La synchronisation cognitive est, quant à elle, construite en vue de « maintenir et de faire évoluer un ensemble de connaissances communes », ce qui « permet aux partenaires du travail collectif de gérer les dépendances entre leurs différentes activités individuelles » (Caroly et Barcellini, 2013, p. 35). Et ce, que ces connaissances soient basées sur un agrégat d’expériences vécues ensemble, ou sur des éléments de « métier historiquement et culturellement constituées », impliquant parfois de véritables « rencontres inter-culturelles entre métiers ». Elle s’appuie sur :

« la construction d’un référentiel opératif commun (ROC), connaissance réciproque du travail de chacun, référence commune sur l’état d’avancement du processus, impliquant une conscience de la situation » (Caroly et Barcellini, 2013, p. 35).

15Le collectif de travail est présenté par ces auteures comme ressource pour le développement de la santé et des compétences qui :

« permet à l’individu de “prendre soin” de son travail et contribue de ce point de vue à la santé individuelle, (…) favorise l’apprentissage et le développement des compétences, développement lui-même vecteur de santé » (Caroly et Barcellini, 2013, p. 36).

Une analyse de l’activité issue de la didactique professionnelle

16Le cadre de recherche de cette approche est relatif à la didactique professionnelle (Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006 ; Pastré, 2011), qui propose de fonctionner par études de cas appuyées sur l’analyse de l’activité de situations convenues avec les acteurs. Les données, définies avec le comité de pilotage et l’équipe projet ARPEJ, relèvent de documents du dispositif, et de traces d’observation (carnet de notes, vidéos, etc.), ainsi que d’entretiens d’autoconfrontation menés avec les acteurs, à partir d’extraits de vidéos de séances choisies en collaboration. Le but de ces analyses est de comprendre leur part de rationalité dans l’action, en tentant de saisir ce que l’on peut appeler « l’intelligence des situations » (Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006, p. 160) des professionnels expérimentés, et de développer une réflexivité chez eux.

17Le recours à la didactique professionnelle (Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006 ; Pastré, 1997 ; Vinatier, 2009, 2013), d’inspiration socioconstructiviste, permet de comprendre comment procéder pour développer une réflexivité, qui soit à la fois ancrée dans les situations concrètes, et à la fois une prise de distance, vers des classes de situations plus larges. Selon Pastré (2006, n.p.), « la didactique professionnelle est née du souci d’analyser l’apprentissage qui se fait dans l’exercice de l’activité professionnelle : on y apprend à faire, mais on y apprend aussi en faisant ». C’est pourquoi, d’après Vinatier (2013, p. 7), la didactique professionnelle « doit intégrer l’analyse de l’activité réelle de travail ». Ce que postule également le cadre d’une ingénierie didactique professionnelle (Samurçay et Vergnaud, 2000), à condition que cette analyse soit réalisée avec les acteurs eux-mêmes.

18Il s’agit d’accompagner ces derniers à expliciter leurs connaissances en acte, celles construites au cours de leur expérience, mais dont une partie demeure invisible pour les acteurs eux-mêmes, tant elle est devenue incorporée. Elle relève de ce que Vergnaud (2007) appelle les « concepts-en-acte ». A cet égard, la didactique professionnelle propose une analyse des aspects cognitifs et situés de l’activité, afin d’accéder aux rationalités et stratégies des acteurs. Selon Pastré (2006),

« il convient d’écarter le paradigme traditionnel qui sous-tend nos conceptions du rapport entre la théorie et la pratique : la connaissance, qu’il faut alors distinguer du savoir, n’est pas quelque chose d’extérieur à l’activité, mais quelque chose d’inscrit en elle et qui sert à l’orienter et à la guider ».

19Cela renvoie à l’approche de Vergnaud (1996, 1999, 2007) qui propose une théorie de la conceptualisation dans l’action.

Une méthodologie de recueil et d’analyse des aspects inter-relationnels

Une approche basée sur des entretiens d’autoconfrontation

20Comprendre l’organisation de l’activité, y compris la sienne propre, ne va pas de soi : les acteurs ne sont pas toujours en mesure de pouvoir rendre explicites les choix pertinents qui ont présidé à leurs prises de décision, en amont ou en cours d’action. C’est pourquoi cette analyse nécessite le recours à un cadre théorique et méthodologie spécifique (Mayen, 1999 ; Vinatier, 2009 ; Pastré, 2011), tant pour recueillir que pour analyser des dimensions de l’activité, y compris cognitives, pertinentes pour permettre l’élargissement du pouvoir d’action des acteurs volontaires qui participent à l’analyse.

21Les analyses de la didactique professionnelle ont pu se déployer auprès des acteurs du dispositif EAC, afin qu’ils puissent mieux comprendre leur fonctionnement en situation, appuyées par l’éclairage des différents acteurs qui y participent (intervenants artistiques, enseignants, élèves). Le recours à des méthodologies spécifiques d’observation et d’analyse en synergie avec les acteurs peut ainsi augmenter leur intelligibilité des situations, en mettant au jour leur multi-dimensionnalité. Il peut aussi permettre de mieux comprendre et documenter l’activité, notamment l’activité complexe de pilotage de processus d’enseignement-apprentissage (Altet, 2002), ce qui est le cas des enseignants, mais aussi des intervenants artistiques et culturels inscrits dans les dispositifs EAC.

22La technique de recueil d’éléments de connaissance sur le travail à partir d’observations ne permet pas d’aller au-delà de ce dont l’acteur a conscience. C’est pourquoi nous proposons de la compléter par la technique de l’autoconfrontation (Body, 2021 ; Vidal-Gomel, 2022). Cette technique est basée sur l’enregistrement audio ou vidéo de quelques situations choisies en lien avec les acteurs volontaires, en fonction de caractéristiques de la situation (prototypique ou critique) à déterminer ensemble (en lien avec les membres du comité de projet).

23L’autoconfrontation simple consiste à présenter les traces de l’activité (vidéo dans notre cas) à l’acteur lui-même, en le questionnant sur les raisonnements sur lesquels il se base pour prendre ses décisions en amont ou en cours d’action.

24Les entretiens d’autoconfrontation croisée constituent un complément aux autoconfrontations simples. Ils consistent à réaliser une analyse de traces de l’activité avec différents acteurs pouvant les commenter et les discuter entre eux. Ils permettent de réaliser une réflexivité collective.

25Notons que des formes d’autoconfrontation collective ont été réalisées auprès des élèves en groupe classe dans le cadre de cette étude de cas.

Une analyse visant à repérer les aspects « inter-relationnels »

26Dans le cadre des données issues des autoconfrontations des trois types d’acteurs concernés par cette étude de cas (les élèves, le chef d’orchestre, les enseignantes), nous mobilisons une analyse visant à identifier les types de collaborations déployées d’une part dans le cadre du projet dans son ensemble, et d’autre part dans le cadre d’un moment situé au sein de la répétition (extrait 3), présenté dans la section suivante. Il s’agit également de localiser les types de synchronisation déployés, repérables dans les propos des acteurs, en nous aidant des apports de Caroly et Barcellini (2013), mais également de prendre en compte les inter-relations à différents niveaux : inter-institutionnels, inter-professionnels et inter-disciplinaires, en nous focalisant sur le niveau inter-professionnel.

Etude de cas : observation d’une répétition

Une observation dans le cadre de l’EAC EKZILO

27Le choix du projet EKZILO a été réalisé lors de la première réunion du COOP, en concertation avec les acteurs, parmi les projets en cours, peu impactés par la crise sanitaire. L’observation du projet s’est déroulée de mai à juin 2021. Ce projet musical s’inscrit au sein de deux écoles. Il s’agit de monter une œuvre musicale sur le thème de l’exil, composée par Arturo Gervasoni. Le projet mobilise le conservatoire avec des intervenants dumistes.

28Le tableau 1 correspond au recueil de données mis en œuvre pour étudier ce projet EAC. Il inclut le temps estimé de déplacement et d’analyse de la part des chercheurs. Le recueil de données s’appuie sur trois types de méthodes qualitatives : 1/ l’observation, avec ou sans vidéo ; 2/ une série d’entretiens de type sociologique menés auprès de divers acteurs ; 3/ une série d’entretiens de type autoconfrontation, basés en partie sur le film de l’observation du 26 mai. Lors de ces entretiens, 5 courts extraits (entre 1 et 4 minutes), choisis parce qu’ils présentent un problème technique spécifique, sont présentés aux participants.

Tableau 1 : ensemble du recueil de données pour le projet EKZILO

Recueil de données

Quand

Temps

1

Observation de répétitions EKZILO dans les écoles

11/05/21

1 jour

2

Observation & vidéos de la répétition des 3 mouvements EKZILO avec classes et orchestre au gymnase

26/05/21

½ jour

3

Entretien d’autoconfrontation croisée avec 2 enseignantes

10/06/21

1h

4

2 entretiens sociologiques avec les intervenants EAC

11/06/21

2x30 min

5

Entretien sociologique avec le compositeur

11/06/21

1h

6

Entretien d’autoconfrontation avec le chef d’orchestre

11/06/21

1h

7

Entretien d’autoconfrontation croisée avec 2 classes d’élèves

11/06/21

30 min

29Notons qu’un entretien d’autoconfrontation prévu avec la cheffe de chœur n’a pu avoir lieu. Notons également que tous les chercheurs ont pu assister à une représentation en concert de l’œuvre, donnée devant les parents des élèves. Celle-ci était agrémentée d’une présentation de l’œuvre par le compositeur, ainsi que d’œuvres plastiques et sonores issues d’un travail réalisé en parallèle par les élèves, avec l’aide des intervenants EAC et de leurs enseignants.

Principe de méthodologie située

30Nous centrons nos analyses sur la matinée de répétition et sur les entretiens d’autoconfrontation qui ont suivi. Le recueil de données consiste dans l’observation filmée de la répétition du 26 mai, où sont présentes les trois classes avec leurs enseignantes, leur cheffe de chœur, l’orchestre CHAM du collège avec son chef d’orchestre. La répétition a lieu dans un gymnase. Ce recueil est complété par une série d’entretiens d’autoconfrontation menés avec : 1/ le chef d’orchestre, 2/ deux enseignantes d’une même école, mais de deux classes différentes participant au projet, et qui ont souhaité réaliser ensemble l’entretien d’autoconfrontation ; 3/ les élèves des deux classes rassemblées. Nous reconnaissons le propos de Montoya (2019, p. 181) qui, insistant sur les méthodologies qualitatives en EAC, soutient que la situation d’entretien collectif joue souvent comme « un catalyseur de réflexivité », permettant des formes de réflexivité situées. Lors de ces entretiens, deux voire trois chercheurs ont pu être présents pour aider les acteurs à expliciter leurs buts, logiques et principes d’action et les questionner sur les quatre entrées, dont celle liée aux aspects collaboratifs de leur situation d’action.

31Pour insister sur le caractère situé de l’activité, la série d’entretiens d’autoconfrontation a pris appui sur cinq extraits vidéos de la répétition choisis par les chercheurs parce qu’ils présentent un problème rencontré. Les cinq extraits sont courts (1 à 4 minutes) et sont présentés aux trois types d’acteurs, afin de pouvoir analyser les différences de points de vue pour un même événement vécu.

Dans les verbatims présentés, les lettres représentent la personne qui parle : CO = le chef d’orchestre, CC = la cheffe de chœur, P = une enseignante, E = un élève ; les chiffres indiquent les tours de parole.

L’extrait n° 3 : un épisode avec un problème de synchronisation

32L’extrait n° 3 exposé à tous les acteurs présente un moment de la répétition (d’une durée de 3 minutes) où se produit un problème central de synchronisation entre l’orchestre dirigé par le chef d’orchestre et le chœur dirigé simultanément par la cheffe de chœur. Les verbatims dévoilent également d’autres obstacles que nous allons développer ci-après.

CC : Je me permets, Fabrice [chef d’orchestre], de temps en temps on n’est pas dans la même pulsation, parce que eux il faut que je les freine tout le temps, et du coup vous étiez un petit peu derrière par rapport à nous, et nous on était en avance et je vais avoir un torticolis parce qu’il va falloir que je regarde très régulièrement.

CO : Oui bah on va…

CC : Est-ce que vous entendez bien l’orchestre ?

Tous les élèves : Oui.

CC : Est-ce que … pour que j’évite de [mime le mouvement de tête et déplace son pupitre] je serais peut-être mieux comme ça.

CO : Faut pas aller trop vite quand même, parce que ...

CC : Oui, oui, oui, mais il faut que je les freine, que je les retienne en permanence, hein. Vous chantez un petit peu trop vite, et puis moi aussi de temps en temps bah je vous suis, mais il faut que je vérifie tout le temps la pulsation en regardant le chef d’orchestre et je me suis aperçue qu’on était en avance.

CO : Alors, vous voyez il y a deux choses. Il y a les gestes, vous avez les gestes d’Isabelle [la cheffe de chœur] qui peuvent vous donner la pulsation, et vous avez les miens. On va faire en sorte que ce soit les mêmes.

CC : C’est ça.

CO : Normalement si on est bien d’accord, ça devrait fonctionner. Les gestes c’est la première chose. La deuxième chose, c’est l’écoute, d’accord, c’est l’oreille vous voyez ? En fait quand on fait de la musique, le plus important, c’est la question de l’écoute, entendre les sons et voir ce que ça donne, voir ce que ça nous fait, et voir comment, par l’écoute, on peut se repérer, d’accord ? Donc vous allez voir que dans ce qui est joué par l’orchestre, il y a pleins d’indices. Et donc ce qu’on appelle une pulsation vous voyez « pam pam pam pam pam », c’est joué par l’orchestre. Donc écoutez bien, et vous allez voir on va entendre, si on est ensemble on va l’entendre, et si on est décalés, si on l’écoute bien on l’entendra aussi, donc il faudra qu’on rectifie, d’accord ? Où est-ce qu’on peut reprendre alors ?

CC : On a commencé à vous lâcher à partir de H.

33La vidéo montre que le partage des gestes comme signaux ne permet pas la synchronisation, il est même facteur de désynchronisation. On expliquera pourquoi ci-dessous. Le chef d’orchestre essaie de faire partager le code musical de l’unicité de la pulsation.

34La vidéo montre, en plus des paroles échangées entre la cheffe de chœur (CC) et le chef d’orchestre (CO), que la cheffe de chœur a des difficultés pour voir l’ensemble des choristes (problème de partage de l’espace), ainsi que sa partition, face à elle, et en même temps le chef d’orchestre, positionné sur son côté droit, ce qui l’incite à sans cesse tourner la tête, d’où son potentiel souci de torticolis.

35Cet épisode semble intéressant à étudier en termes de synchronisation opératoire. Lors de la répétition, il ne peut pas y avoir plusieurs chefs. Le désir de la cheffe de chœur de battre la mesure, qu’il soit dû à l’envie psychologique de garder la maîtrise sur l’action, ou qu’il soit dû à l’intention d’aider les choristes (ses « élèves »), apparaît contre-productif, car il contribue à produire la désynchronisation. La battue de la cheffe de chœur (basée sur ce qu’elle entend des choristes) va plus vite que la battue du chef d’orchestre qui cale le tempo de l’orchestre.

36Notre analyse de l’extrait et des autoconfrontations montre la différence des regards portés sur le vécu concernant cet extrait 3 avec son problème de synchronisation entre l’orchestre et les chanteurs.

Côté cheffe de chœur : prise de conscience du problème, stress et analyse insuffisante de la cause

37La cheffe de chœur prend conscience de la désynchronisation. Plutôt que de critiquer la menée à deux chefs (coopération destructive), elle essaie tout d’abord de trouver une explication externe. Le désynchronisme pourrait venir du fait que les élèves n’entendent pas l’orchestre. Mais les élèves indiquent qu’ils entendent bien l’orchestre ; ce qui fait tomber cette hypothèse. Elle indique ensuite qu’elle n’est pas bien placée pour voir la battue du chef d’orchestre. En fait, les élèves, et c’est bien normal pour une première rencontre entre la chorale et l’orchestre, chantent à la vitesse à laquelle ils ont appris l’œuvre, et ne se calent pas sur l’orchestre. La cheffe de chœur, influencée par ce qu’elle entend de la chorale, aura toujours du mal à synchroniser ses mouvements avec ceux du chef d’orchestre. La coopération, le partage de direction n’est pas pertinent ici.

Côté élèves : prise de conscience du problème, stress et analyse insuffisante de la cause

38Lors de l’autoconfrontation en classe, des propos d’élèves montrent qu’ils sont capables de considérer la position du problème, au sens de la problématisation (Fabre, 2009, 2011) : désynchronisation de l’orchestre et de la chorale. Mais si la prise de conscience est réelle, l’analyse du fait montre la relativité des points de vue : pour l’élève, c’est l’orchestre qui ne va pas assez vite (analyse incorrecte). La solution donnée par l’élève est également centrée sur son point de vue : « l’orchestre s’est adapté, il est allé plus vite » (analyse incorrecte).

430. E3 : Ah si, oui on allait trop vite parce que l’orchestre était plus lent en fait, du coup bah au final, on allait trop vite. Déjà qu’on allait trop vite normalement, bah là on allait beaucoup, beaucoup trop vite, et donc bah on a dû recommencer, mais après, l’orchestre s’est adapté, il est allé plus vite du coup. Du coup ça allait mieux. (…)

39Le problème crée un stress chez les élèves, on le perçoit par une question d’un des chercheurs (C1).

455. E23 : Bah moi j’étais très stressé, autant qu’au concert.

457. E23 : Bah là c’était de… en fait, je ne voulais pas me louper.

459. E23 : Parce que ça… ça aurait été de ma faute hein, et même au concert je voulais pas, parce que j’aurais pu emporter tout le monde et du coup on aurait tout recommencé, et il y avait que 45 minutes d’entraînement, donc…

461. E18 : Bah moi je stressais je pense, peut-être, un peu plus qu’au concert parce que c’était la première fois que je rencontrais bah l’orchestre et le chef d’orchestre. Du coup, ouais, j’étais stressé et euh… surtout quand on a repris plusieurs fois parce que c’était nous qui… c’était nos deux classes qui s’étaient trompées, bah ça… on se disait bah c’est de notre faute du coup-là on a perdu du temps et du coup bah c’est pour ça que j’étais aussi stressé.

40On perçoit en effet que ces élèves peuvent s’avérer « stressés » en vue de vouloir bien faire. Par exemple, l’élève 23, au sein de son propos en 459, indique ne pas vouloir que ce soit de sa « faute », en lien avec le fait qu’il aurait « pu emporter tout le monde », ce qui aurait impliqué de reprendre la répétition selon lui. Ce qui montre en tout cas une vigilance vis-à-vis du collectif de sa part. Mais on voit aussi que ce moment problématique autour du tempo permet aux élèves de se poser des questions et d’entamer collectivement des formes d’analyse, notamment au regard de cet autre propos d’élève :

467. E1 : À ce moment-là, (…) je me suis dit si on va trop vite, l’orchestre va aller moins lentement et on va finir plus vite qu’eux. … (…) et il y a le chef d’orchestre qui a montré que 120, c’était ça, sauf que nous on avait pas compris qu’est-ce que c’était 120, et bah… voilà.

487. E3 : Et en fait 120, c’est une vitesse sur euh… enfin, c’était notre pulsation, du coup, nous on allait à plus que 120 et du coup on s’est décalés.

41On voit comment la méthodologie collective d’autoconfrontation peut permettre du côté des élèves des formes de réflexivité.

Côté enseignantes : assez bonne analyse de la désynchronisation

42Qu’en est-il si l’on considère les commentaires des enseignantes à propos de ce même extrait ? Elles ressentent le malaise et le stress des enfants ; et elles sont dans l’empathie.

680. P2 : Et on part dans quinze minutes [rires] euh... on avait envie de les rassurer [rires]. On avait envie de leur dire que c’était bien...

43Elles ressentent le stress, les difficultés de la cheffe de chœur :

629-632. P : Alors Isabelle était très, très, je peux rajouter un très stressée. (…). Oui. Elle appréhendait beaucoup, je pense qu’elle... Enfin, elle nous l’a dit qu’elle a vécu ce projet avec plus d’anxiété qu’un projet lambda. (…) Et là, je pense qu’elle aussi elle était en demande de repères je pense. Ouais, ouais, elle était stressée et elle... enfin tout au long de l’année, enfin il y a eu un moment à mi-parcours où elle s’est dit « j’espère qu’on va y arriver, c’est difficile ».

44La place de la cheffe de chœur ne lui permet pas de pouvoir suivre l’ensemble des éléments nécessaires à son activité (bonne analyse du rôle de la répétition).

681. P1 : On sent un peu la panique d’Isabelle aussi qui voilà, qui n’est pas forcément à l’aise avec la manière dont elle est placée. Comment elle peut à la fois mener le groupe, avoir le CO en visu... bon bah ça fait partie justement des calages des répétitions donc bon. (…)

45L’absence de conducteur pour la cheffe de chœur pose aussi problème (manque de repères) :

633-644. C et P : Mais il faudrait qu’elle possède le conducteur (…) c’est la partition où tu as toutes les parties dessus (…) elle demande « qui est-ce qui donne le fa ? » (…) elle devrait le savoir, enfin il faudrait qu’elle possède le conducteur. Oui, moi je pense qu’elle avait besoin des repères en tout cas pour être à l’aise et pour pouvoir après emmener les enfants.

652. P : Mais elle avait peur de ça, c’est ce qu’elle disait, cette œuvre-là en particulier, il y a très peu de repères pour les enfants, de la partie musicale, et c’est ça qui... enfin elle nous a souvent dit « il faut qu’on trouve des repères ».

654. P : Parce que le nombre de fois où on a répété ici avec la bande-son et on disait on essaye de reprendre à tel endroit dans les paroles et en fait impossible de retrouver dans la bande-son le moment qui collait avec les paroles. Ouais, impossible.

46Leur solution au problème est complexe pour les élèves (écouter et regarder partout). D’autant plus que l’orchestre ne joue pas bien (bonne analyse).

679. P1 : Ouais, et on leur demande d’écouter l’orchestre, tout en chantant, tout en regardant Isabelle, puis le chef d’orchestre.

687. P : Et puis effectivement, je... alors je trouve les élèves pas très justes, mais l’orchestre non plus, enfin je trouve qu’il y a quelque chose qui ne sonne pas quoi.

689. P1 : Et je me mets à la place des enfants et je me dis mince, on leur dit de prendre des repères dans l’orchestre et en même temps c’est pas très net.

47On assiste à une prise de conscience intéressante de la part de l’enseignante. D’abord, c’est le chef d’orchestre qui donne le tempo et la chorale doit s’adapter, et le fait d’avoir appris à un tempo trop rapide pose problème, la solution étant de travailler en diminuant le tempo.

673. P : Et moi je me souviens à ce moment-là avoir pris conscience de la difficulté pour Isabelle de devoir guider les élèves et l’importance d’avoir un œil sur Fabrice, et voilà, parce que c’est Fabrice qui dirige avant tout, et... il y a eu ce problème-là où les enfants allaient trop vite par rapport à l’orchestre donc... Et en même temps ils allaient au rythme qu’ils avaient appris. Ouais. Donc j’ai pris conscience de la difficulté de la synchronisation, là.

48On note la prise de conscience du métier de l’autre et de ses difficultés (et le respect dû à la compétence).

545. P : Le chef d’orchestre, et on s’est fait la réflexion aussi d’ailleurs, en rentrant dans le bus, on s’est dit « wouah il impose le respect », quand il parle directement tout le monde l’écoute, et c’est super impressionnant la manière dont il dirige l’orchestre.

49L’enseignante développe bien son analyse, les enfants ne peuvent pas avoir deux sources de direction, la direction conjointe n’est ni souhaitable ni possible.

628. P : Parce que d’un côté, il y a Isabelle qui dirige son truc et lui son autre machin forcément à un moment donné ça coince parce que les enfants ils ne savent plus qui regarder.

50L’erreur est constructive (Astolfi, 1997/2015). On a bien vu que la direction à deux chefs n’est pas pertinente, le groupe va apprendre de cette situation. D’ailleurs, il n’y aura qu’un chef le jour du concert. La première mise en place entre un chœur et un orchestre se passe toujours ainsi et les élèves vont pouvoir travailler sur l’erreur pour progresser (ils vont travailler l’œuvre moins vite).

676-678. P : Nous on se rend compte qu’ils [?] à ce moment-là, je pense que ... Oui, enfin moi je sens bien que là c’est... effectivement qu’ils vont trop vite. Ouais... en même temps ils ont appris comme ça.

Côté chef d’orchestre

51Qu’en est-il dès lors à propos du même extrait ? On peut voir que le chef d’orchestre est plutôt serein, car il s’attendait à une difficulté plus importante à gérer :

245. CO : Oui, là on est au cœur du... du… de l’essentiel là. C’est-à-dire que si après on prend des paramètres purement musicaux, il y a une hiérarchie si on veut faire fonctionner une œuvre musicale et la question du tempo c’est ce qui vient en premier. Si on n’a pas le même tempo on ne pourra pas jouer ensemble, en tout cas pas bien. Et puis, ensuite il y a un rythme qu’il va falloir faire fonctionner avec ce tempo. Mais déjà, là il était question de mettre en commun deux ensembles qui ont travaillé de manière séparée (…) Moi je trouve que ça marche plutôt bien pour une première fois, déjà. Et je m’attendais à devoir gérer des choses plus compliquées que ça en fait, donc moi je n’étais pas très inquiet là-dessus. Il y avait juste un ajustement à faire.

78-84. CO : Ça correspondait à ce que... je n’ai pas eu de surprise en fait. J’ai même eu plutôt une bonne surprise on va dire. C’est-à-dire que je... je savais que voilà, que les choses n’allaient pas être... optimales parce qu’en plus il nous a manqué beaucoup de répétitions, enfin finalement on a vécu un bon moment hier, mais... il y a eu quand même... enfin les conditions étaient loin, très, très loin d’être optimales en fait...

52Le chef d’orchestre met également l’accent sur le plaisir, même si dans la pratique il sera très exigeant sur la réalisation.

72. CO : Et puis évidemment ce qui va complètement ensemble, c’est que tout le monde passe un bon moment ensemble, déjà. Et que tout le monde travaille ensemble, de manière constructive. Et bien entendu que les enfants, enfin tout ça fonctionne ensemble pour moi, les enfants vont passer un bon moment si tout ça fonctionne bien. Mais avant tout et malgré tout, je dirais que je préfère quand même que les enfants passent un bon moment, même si on doit déroger un peu à certaines réalisations, certaines qualités de réalisation artistique on va dire. Enfin, bon tout est quand même imbriqué, on essaye de faire le plus possible là-dedans, mais bon.

53Le chef d’orchestre essaie de faire prendre conscience aux élèves des repères auditifs (même si en musique contemporaine ceux-ci sont parfois difficiles à cerner).

72. CO : Et puis cette question du…, du…, du visuel et de l’auditif, elle est fondamentale dans ce genre de projet quand il y a un grand nombre de musiciens, le geste c’est un repère, mais moi je trouve fondamental d’écouter. Ce qui n’est pas toujours le cas, pour avoir joué à l’ONPL [Orchestre National des Pays de la Loire] parfois ça ne marche pas toujours, ça.

54Le chef d’orchestre justifie également le fait que la cheffe de chœur ait pu diriger simultanément (sécurisation des élèves), mais il l’abandonnera pour le concert.

72. CO : C’est... un parti pris, après c’est quelque chose qu’on avait déjà expérimenté sur d’autres projets, où c’est bien d’avoir un lien comme ça avec quelqu’un qui rassure aussi les enfants qui connaît je considère ça un peu... un peu comme un... ce qu’on appelle de la musique de chambre nous c’est-à-dire quand on, quand on joue à trois ou quatre musiciens sans direction, bah voilà on est obligé de se suivre, de savoir ce que fait l’autre. Et dans le fond, quand on est plusieurs à diriger des groupes, c’est un peu le même genre de sensations, c’est-à-dire on est à l’écoute, on regarde, on se suit. Et ce n’est pas facile, mais bon, ça a plutôt bien fonctionné à terme.

55Une demande de repères, de la part de la cheffe de chœur au chef d’orchestre, émerge, qui permet de travailler l’écoute.

231. CO : Oui là il y avait une demande très précise d’un point de vue technique de la part d’Isabelle qui avait besoin de voilà, de repérer une note. La note de départ pour que les enfants puissent bien la chanter à la bonne hauteur. Et c’était l’occasion aussi je pense de faire un petit travail de repérage des instruments aussi. Donc ils ont entendu les clarinettes, ils ont repéré la trompette, le trombone... et puis voilà on a repris un passage en allant spécifiquement sur la partition.

56On comprend, dans le cadre de cet épisode, l’importance de la synchronisation opératoire concernant « l’organisation temporelle (déclenchement, arrêt, simultanéité, séquençage, rythmes des actions à réaliser) », soulignée par Caroly et Barcellini (2013, p. 34), et on étudie comment cette synchronisation est co-construite par les partenaires en cours de situation (ici chef d’orchestre-cheffe de chœur-élèves).

Une analyse au croisement des collaborations

57Abordons cette activité collective du point de vue des aspects inter-relationnels. Des coopérations et collaborations se font jour. Certaines sont très fortes, d’autres plus ténues, et d’autres encore n’existent presque pas et seraient à développer. Étudions ces trois catégories.

Les coopérations fortes au sein du projet Ekzilo

Coopération entre le compositeur et les autres acteurs du projet

58Une coopération forte s’est établie entre le compositeur et les autres acteurs du projet : le chef d’orchestre (CO), les chefs de chœur (CC), les enseignantes (P) et les élèves (E).

59a) Pour le chef d’orchestre (ou la cheffe de chœur), travailler une œuvre avec un compositeur vivant est une aventure intéressante. Il peut lui faire préciser ses intentions, éviter d’éventuelles coquilles dues à l’impression, discuter les difficultés instrumentales rencontrées et proposer des solutions, discuter de l’interprétation. Cela permet un travail plus poussé de la partition.

86-84. CO : Avec Arturo la collaboration offre plutôt des solutions. C’est-à-dire que oui, la transmission est beaucoup plus directe. Et on peut... on peut poser des questions si... alors il y a toute l’histoire de la partition que, à quoi enfin... Pas de conflits. Oui ça c’est des choses qui peuvent arriver. Après, il y a aussi comme dans toute écriture, il y a aussi des questions, des choses qui sont écrites, il peut y avoir des coquilles, des petites choses à corriger ou des choses sur lesquelles on peut se mettre d’accord. Aussi des choses qui sont réalisables instrumentalement, d’autres qui le sont moins. En tout cas par rapport... Oui il y a eu des échanges, mais comme toujours en fait. Comme... Même Mozart travaillait avec des interprètes, et il y avait souvent le même type d’échanges. C’est aussi pour ça qu’il y a, des fois, des ambiguïtés sur les manuscrits qui restent parce qu’il y a des annotations et des choses qu’on doit interpréter aujourd’hui d’une manière ou d’une autre.

60D’un autre côté, c’est aussi une source de stress pour le chef d’orchestre ou la cheffe de chœur.

455-482. P : Arturo est venu voir et Isabelle lui demande de diriger. Il est venu pour la première, c’était la première fois qu’on allait faire chanter les deux voix en simultané. Oui les deux voix ensemble. Et Isabelle... appréhendait beaucoup parce qu’elle se disait « oh, la, la comment je vais mener ça seule ».

61b) Avec les enseignantes et les élèves (P, E), le compositeur a pu intervenir dès le début du travail, ce qui a permis de lancer des activités sur le thème de l’exil. Le thème de l’exil est riche pour des activités interdisciplinaires. Les classes ont travaillé sur ce thème en français (lecture de romans, production d’écrits sur le thème « vous êtes un petit habitant de la ville, exilé dans un autre département français pendant la Seconde Guerre Mondiale, racontez votre vécu »), en histoire, en géographie, en arts plastiques (réalisation d’images, d’un diaporama)... Pour les enseignantes, c’est aussi une découverte de voir qu’un compositeur n’est pas toujours un chef d’orchestre ou de chœur et qu’il peut être parfois en difficulté pour diriger ses propres œuvres. La connaissance réciproque des différents métiers en est améliorée.

455-482. P : D’ailleurs c’était très surprenant ce moment, un peu surréaliste parce que nos enfants, nos élèves qui avaient passé beaucoup de temps à apprendre la pièce, donc Arturo est venu voir et Isabelle lui demande de diriger. Il est venu pour la première, c’était la première fois qu’on allait faire chanter les deux voix en simultané. Oui les deux voix ensemble. Et Isabelle... appréhendait beaucoup parce qu’elle se disait « olala comment je vais mener ça seule ». Et donc elle a demandé à Arturo de venir à l’école sur cette séance pour qu’il puisse mener une des voix. Et en fait, il a perdu les élèves (rires). En fait il a créé, mais il ne connaissait pas les paroles dans l’ordre, et cetera. Et en fait les enfants ça les a... Ça les a surpris. Et quand il est parti ils nous ont dit « mais il ne la connaît pas ! ». Et à la fois c’est aussi ça son métier, c’est, il créé un jour et puis il passe aussi à autre chose après. Mais bon c’est des choses auxquelles nous on n’est pas préparées, mais on le vit avec les enfants aussi. Ça nous a surprises aussi.

Coopération entre la cheffe de chœur et les autres acteurs du projet

62Une coopération forte s’est aussi établie entre la cheffe de chœur, les enseignantes et les élèves.

63La compétence de l’artiste permet l’activité : les enseignantes n’auraient jamais pu monter ce spectacle sans la cheffe de chœur. La musique contemporaine demande une certaine expertise pour être montée. La compétence de la cheffe de chœur ne peut pas être transférée telle quelle aux professeurs des écoles. En revanche, la menée d’une activité musicale, la préparation de la voix, certains aspects techniques sont transférés aux enseignantes qui pourront les réutiliser dans leur pratique de classe. C’est une sorte de formation continue.

340-355. P : Avec Isabelle, tous les petits exercices qui permettaient de centrer les élèves sur la musique. Enfin des procédés qu’on n’avait pas nous en classe déjà. Oui, des procédés dont on pourrait facilement se resservir si on voulait faire chanter nos élèves. Oui voilà, c’est ça, on va pouvoir s’en resservir. Ah bah c’est riche pour nous c’est sûr.

214-231. P : On a fait répéter un peu les élèves sur Ekzilo dans nos classes en dehors d’Isabelle. On leur a fait apprendre les paroles, surtout (…) c’est difficile à mener. On n’a pas mené le chœur, mais Isabelle nous a beaucoup aidé, elle a fait des enregistrements, elle s’est enregistrée en playback, avec les voix... Sans les voix. Et on a utilisé ça pour les faire répéter (…) Mais on ne les a pas réunis pour les faire chanter, nous. Non, c’était avec l’enregistrement (…) Et on a mis ces enregistrements à disposition sur e-primo justement pour que à la maison ils puissent écouter en boucle.

64Les enseignantes apportent en retour une aide à l’artiste sur la gestion du groupe et sur le travail autour de la musique. Elles mettent en avant un travail partagé, avec des formes de répartition des tâches.

65Les enseignantes ont pu développer des activités interdisciplinaires à partir de la musique. Il est à noter qu’elles ont pu reprendre des éléments de ce PEAC en classe :

525-591. P : Je trouve qu’on a un trio qui a bien fonctionné aussi pour le cadrage du groupe, il faut le dire (…) on est toujours autour, si voilà, il y a un truc qui arrive, si un enfant déborde un petit peu, bon, ça ne dure pas longtemps.

340-355. P : Oui et puis aussi la collaboration avec Isabelle nous a montré que chacun a son métier aussi. Oui. Ce qu’elle fait... on ne pourrait pas le faire, on n’a pas les compétences quoi. Non. On comptait sur elle. Et à l’inverse, je pense qu’elle comptait sur nous pour d’autres choses et c’est... un complément de compétences, vraiment.

145-158. P : Et puis on a participé aussi activement, forcément, à la création puisque quand elle nous proposait de créer, elle nous demandait pour la semaine suivante de réfléchir à.… voilà des productions d’écrits. Et ça, ça nous a bien intéressées. Euh oui, alors c’était en général, ces petites missions qu’elle nous donnait, c’était quand même sorti, on sortait des compétences musicales. C’était, voilà, le thème de l’exil, écrire des petits textes pour avoir des paroles. Donc ça c’était à notre portée, on ne s’est pas retrouvées trop en difficulté, après il y a des moments où c’est plus ou moins… Et les enfants étaient très partants aussi.

512. P : Et donc on a travaillé dessus, du coup on a rebondi en histoire, musique, littérature.

518. P : On a regardé un documentaire qui s’appelle « La ville loin des bombes » et qui regroupe des témoignages de personnes âgées qui étaient enfants lors de la Seconde Guerre Mondiale. Et donc mes élèves, ils ont écrit là-dessus, ils se sont mis dans la peau d’un enfant de la ville lors la Seconde Guerre Mondiale qui allait devoir vivre l’exil. Ils ont raconté, alors c’est pas fou, c’est un petit texte, ici on fait des petits textes, mais…

Collaboration entre artistes participant aux activités du service culturel de la ville

66En dehors de la collaboration entre professeurs des écoles et artistes, on remarque aussi des collaborations entre artistes. Il est à noter que les artistes de cette ville ont l’habitude de travailler ensemble, ce qui leur permet de construire un référentiel opératif commun. Certains n’hésitent pas à venir aider, renforcer le groupe lorsqu’il y en a besoin.

74. CO : Oui avec Youen, par exemple, et Arturo, on encadre tous les trois un atelier, toutes les semaines, avec des... des enfants enfin des jeunes on va dire, en situation de handicap. C’est un atelier qui est mixte, d’ailleurs, qui accueille aussi des étudiants du cursus traditionnel. Donc voilà, on se voit déjà régulièrement à cet atelier ce qui donne des occasions de discuter un petit peu. Et on a aussi eu des réunions, des visioconférences inévitablement pour parler de tout ça.

67Face au constat de la difficulté de l’œuvre pour les instrumentistes et les choristes, il a été mis en place, à la fois lors de la répétition, puis durant le concert, des renforts au niveau instrumental et vocal. L’avantage des renforts se situe dans la stabilisation du groupe. L’inconvénient est que ce n’est plus le résultat du groupe d’élèves qui est présenté.

86-84. CO : Oui dans le contexte c’est dans le contexte ça... a énormément consolidé l’ensemble. Dans l’idéal ça aurait été mieux que ça arrive plus tôt, mais ça c’est aussi dans notre organisation.

673-756. P : Il y a plus de personnes dans l’orchestre aussi, des personnes plus âgées aussi qui sont venues. Oui en soutien. Et dans les chœurs aussi. Et dans les chœurs aussi il y a du soutien.

200-198. CO : Oui alors déjà la participation des enseignants en tant qu’interprètes. Toute l’équipe, les profs qui sont venus jouer avec les élèves. Si on avait pu faire une ou deux répétitions bien en amont avec eux, on aurait vraiment… Non alors là, je ne parle même pas des dumistes, mais des instrumentistes, des profs d’instruments qui sont venus stabiliser. Déjà dans l’orchestre je pense qu’on aurait pu, il y a tout un travail qu’on aurait fait de manière beaucoup plus efficace, parce qu’on l’a fait au dernier moment, les élèves n’ont pas eu le temps de réagir suffisamment... Et ça a été très bien, on a gagné beaucoup de choses en peu de temps finalement. Mais voilà, déjà avoir un travail plus collectif de ce point de vue-là, et parce qu’il y avait des… des chanteurs qui étaient avec les enfants aussi, peut-être ça aurait mieux marché de ce côté-là.

68Ainsi, on comprend comment le collectif permet à l’individu de « prendre soin » de son travail, selon les termes de Caroly et Barcellini (2013, p. 36), afin que les élèves puissent être contents de présenter un travail de qualité à leurs parents lors du concert.

Les coopérations faibles ou inexistantes au sein du projet EKZILO

69Ce sont les coopérations qui auraient pu exister et qu’il serait bon de développer.

Avec le chef d’orchestre

70Les contacts avec le chef d’orchestre ont surtout été organisationnels. La première rencontre physique étant celle de la répétition observée.

159-170. P : Le jour de la répétition à Gambetta, seulement. Alors on a eu des réunions quand même en visio avec tous les... Où les intervenants en musique, chef d’orchestre, il y a Youen, Isabelle, tout le monde était là, et les autres enseignants aussi. Mais en visio c’était plus pour caler... l’organisation. L’organisation des répétitions voilà.

Entre les classes impliquées dans le projet

71Le projet était très compartimenté, sans collaboration préalable avant la première répétition, avec les autres classes impliquées, sauf entre les deux classes des deux enseignantes de la même école qui ont souhaité travailler en commun.

171-182. P : Non, on n’en avait pas parlé. Parce qu’il y a plusieurs écoles qui participent au projet. Peut-être, ça aurait été intéressant, je sais pas… Ouais, on s’est rencontré en visio avec les enseignants, mais on n’a pas vraiment échangé sur ce qu’on faisait même en classe.

Avec les instrumentistes

72Il n’y pas eu de rencontre entre les écoliers et les instrumentistes, au-delà du temps de la répétition.

Avec le périscolaire

73Un petit travail sous forme de débat sur l’exil a été repris en périscolaire.

183-194. P : Alors, on en a régulièrement, mais pas cette année. Alors il y a quand même eu un... parce que Erwan [responsable TPE] au départ était là aussi (...) Et ils ont fait un projet, enfin avec les CM1 moi je sais qu’ils ont dû parler de l’exil aussi en TPE, faire un atelier débat-philo.

Avec les parents

74Il est intéressant de voir le degré de collaboration avec les parents. Face à la difficulté de faire participer les parents, d’autant plus pendant une année de Covid, le point le plus notable est leur participation au concert final, ce qui ne constitue pas une collaboration pour autant.

134-144. P : Partager aux parents oui. Et ils seront là, les parents, ce soir ou pas ? Oui ils seront là. Dans l’ensemble.

162. CO : Oui effectivement assez peu, surtout hier au concert avec les familles directement... Non sur ce projet-là très peu.

75Mais certains parents ont quand même pris une part active dans le projet.

356-361. P : C’est un exemple, mais on a travaillé sur le thème de l’exil, sur l’interview d’un papy qui était pied noir, interview vidéo, et qui racontait son retour en France. Ça parlait de l’exil, et du coup chaque enfant est parti de là et avec mission d’aller interviewer un grand-parent qui aurait pu vivre un exil. Mais que ce soit un autre endroit en France, pas forcément à l’étranger. Et donc ils sont revenus avec leur interview, on a pu faire une production d’écrits, c’était un joli partage avec les familles, c’était hyper riche.

Éléments de discussion et perspectives

« Une révélation en art est une expansion accélérée de l’expérience » (Dewey, 1934, p. 439).

76Dewey, dans son ouvrage, L’art comme expérience, constatant que l’art est déconnecté de la vie, entend entre autres : « restaurer cette continuité entre ces formes raffinées et plus intenses de l’expérience que sont les œuvres d’art et les actions, souffrances, et événements quotidiens universellement reconnus comme des éléments constitutifs de l’expérience » (Dewey, 1934/2005, p. 30). N’est-ce pas en partie ce que recherche cette utopie que constitue l’EAC (Jonchéry et Octobre, 2022), dans son souhait de démocratisation de l’accès à l’art ? Selon les aspects « inter-relationels » qu’apporterait l’EAC, qu’en est-il de nos analyses à travers l’étude de cas réalisée ? Au-delà des apports et des limites, qu’en est-il des perspectives potentielles ?

Les apports en matière d’aspects « inter-relationnels » issus de l’étude de cas

77Nos premiers résultats montrent quelques aspects « inter-relationnels » qui émergent de l’analyse de cette répétition. Le versant inter-institutionnel, peu étudié, renvoie au rapport établi entre l’Education nationale (inspection de circonscription) et l’organisme d’EAC lié au dispositif EAC étudié, le conservatoire. Ce rapport est issu d’une structure intermédiaire, celle de la ville (précisément son service culturel) qui déploie un travail de coordination entre l’ensemble des institutions du périmètre politique considéré. Le versant inter-institutionnel, serait-il à prendre en compte entre les métiers des acteurs de l’EAC et les métiers des acteurs de l’éducation, renvoyant en partie aux enjeux et tensions liés aux deux ministères pilotant politiquement le projet national de l’EAC, les ministères de la Culture et de l’Education nationale, comme l’évoquent Jonchéry et Octobre (2022) ?

78En guise de synthèse des apports « interprofessionnels » de cette étude de cas impliquant des collaborations entre intervenants EAC, enseignants et élèves, il est possible de mettre en avant des formes de collaboration et des potentiels effets qui ont pu être repérés, donnant raison à ceux qui soutiennent que l’EAC en musique constitue « une école de la coopération plus que de la compétition » (Havard Duclos et Lozano, 2022). Par exemple, en termes de transfert de compétences entre métiers émergent divers éléments : les techniques en chant, tempo, apprentissage de l’écoute et justesse, l’apprentissage de la scène, pour les élèves et les enseignantes ; la complémentarité des compétences entre les acteurs (en chant et musique du côté des intervenants musicaux, mais aussi en composition des paroles ou en termes de reprises interdisciplinaires pour irriguer les apprentissages scolaires du côté des enseignantes), des apports précieux du fait de la collaboration avec le compositeur de l’œuvre, qui donnent lieu en quelque sorte à des « effets spéciaux » d’étonnement de la part des autres acteurs, qui comme le soulignent les travaux de Thievenaz (2018), dans le secteur de la santé, sont sources d’apprentissage. Au niveau d’une école ouverte sur le monde, il est également possible de noter l’ouverture des enfants sur l’orchestre.

79Nous avons choisi de ne pas nous appesantir sur les aspects « interdisciplinaires », relativement aux croisements de disciplines rendus possibles, pourtant présents dans le cadre de ce PEAC, notamment à travers le travail pédagogique autour du thème de l’exil repris par les enseignantes.

80Faudrait-il souligner en plus des aspects « inter-subjectifs », rendus possibles par la présence de l’artiste, impliquant parfois des appréhensions de la part des enseignantes par rapport aux ressentis des élèves, ou par la présence des parents, sans aller jusqu’à un dispositif « capable de concilier l’expression de la singularité des élèves et le collectif de la classe » (Barrère et Montoya, 2019, p. 15) ?

Des apports en matière d’aspects « inter-relationnels » limités et sous conditions

81Il s’agit cependant de s’enthousiasmer avec davantage de neutralité quant aux apports en matière d’aspects « inter-relationnels » rendus possibles par le PEAC étudié, qui constitue toutefois une forme d’archétype de projet qui fonctionne relativement bien et qu’affectionnent de présenter les défenseurs de l’EAC (Montoya, 2020). En effet, il s’agit de considérer que ses effets sont limités et conditionnés.

82Ils sont conditionnés par les moyens mis en œuvre et par l’engagement des acteurs à tous les niveaux, que ce soit l’accès aux éléments matériels permettant de supporter l’activité déployée, par exemple l’accès à un gymnase mis à disposition durant une matinée entière, ou encore le financement des intervenants, du compositeur, des chefs de chœur et d’orchestre, ou l’investissement des professeurs des écoles et de leurs élèves et parfois de leurs familles, comme lors des enquêtes par entretien sur l’exil que certains élèves ont pu réaliser.

83Que retenir de ce cas d’étude au regard de notre cadre conceptuel basé sur les apports de Caroly et Barcellini (2013) ? Concernant la synchronisation opératoire liée à la temporalité, le recours aux différents points de vue de la part des acteurs autour de l’épisode 3 montre que cette forme de synchronisation ne va pas de soi et nécessite de se constituer en cours de situation, quand il n’a pas été possible de la préparer en amont. Le travail de mise en lien des choristes et des instrumentistes, concrétisé par la première rencontre entre l’orchestre et les chœurs des élèves des trois classes, est exemplaire à plus d’un titre. Elle concerne cette désynchronisation palpable, anticipée et attendue du côté du chef d’orchestre, redoutée par la cheffe de chœur, source de stress pour certains élèves qui semblent prendre cette désynchronisation à leur compte, voire se sentent « fautifs » de l’aspect intrinsèque de ce jeu de coordination. Il en va de même pour la synchronisation cognitive, basée sur des connaissances partagées entre acteurs. Si celle-ci n’a pu se construire en amont, par exemple lors de réunions de coordination, elle doit dès lors se constituer en cours d’action, lors d’expériences vécues ensemble, ou relever d’éléments de métier historiquement et culturellement constitués, plus ou moins objets d’échange lors du travail collectif.

84Ainsi, des éléments issus des propos des acteurs montrent non pas tant des frictions entre artistes intervenants, mais probablement des différences en termes d’objectifs et d’enjeux liés à l’EAC, dont on comprend parfois qu’ils restent peu discutés : tel le fait de passer un bon moment partagé au-delà de réaliser une œuvre parfaite musicalement, si l’on se réfère au chef d’orchestre par exemple, en dehors des moments d’autoconfrontation que cette étude a pu susciter. Différentes attentes à l’égard des enfants, ou et appréhensions vis-à-vis d’une certaine intimidation par rapport aux compétences de l’autre, ont pu être mises au jour.

85Ce qui en appellerait à des formes d’autoconfrontation croisées pour la suite, afin que les acteurs à la fois intra- et inter-métiers puissent mieux conceptualiser les buts des autres, voire leurs manières de faire et leurs principes tenus pour vrais. Ces autoconfrontations pourraient aussi leur permettre d’identifier leurs conceptualisations dans l’action, autour d’une même classe et de situations partagées, et d’échanger à ce propos.

86Concernant le collectif de travail, nous n’en avons esquissé qu’un aspect, celui lié à la mise en place des renforts pour faire face aux problématiques rencontrées. Lors des répétitions et du concert final, nous notons un sens de l’entraide entre les professionnels, pour faciliter le bon déroulement de l’événement, en renforçant spontanément un pupitre ou en étoffant « au pied levé » la partie orchestrale.

Situation potentielle de développement et perspective de formation

87Qu’en est-il du potentiel d’apprentissage d’une telle situation (Mayen et Gagneur, 2017) ? Permet-elle des conceptualisations (Vergnaud, 1996) au-delà des ressentis ?

88Il s’agit d’une situation inter-relationnelle complexe qui se joue autour de la synchronisation (musicale, ici) des acteurs et des composantes de l’œuvre. Des problèmes se posent, non seulement du fait du manque de concertation en amont, mais aussi du fait même de la complexité d’une telle coopération. Or, ce sont ces problèmes, répétons-le, qui sont à même de déclencher des apprentissages, comme le montre Pastré (2011), car ils appellent à des adaptations. Selon Pastré (2011, p. 302), « les situations-problèmes sont des appuis essentiels au développement », car elles confrontent le sujet dans ses conceptualisations, et « les résistances du réel sont essentielles pour l’apprentissage » (Pastré, 2011, p. 285). Des apprentissages de différentes natures, précisons-le : des compétences professionnelles et même inter-professionnelles, recensées ci-dessus, des savoirs interdisciplinaires, mais aussi ces conceptualisations de la part de différents acteurs. Les élèves, en particulier, prennent conscience, dans l’action, du « tempo », du rythme, de la synchronisation, dans le travail musical, même si cela génère de l’anxiété chez certains. Il aurait peut-être été intéressant de se pencher aussi sur le travail interdisciplinaire, les conceptualisations des élèves autour de la notion d’exil. L’organisation de la scène semble aussi être l’objet de conceptualisations de la part des acteurs, qui portent sur les dimensions communicatives et spatiales, outre la temporalité déjà évoquée.

89Ces constatations nous permettent d’avancer que ce PEAC est porteur de situations (au pluriel) potentielles de développement qui, pour l’être, doivent réunir un ensemble de conditions afin de susciter l’engagement et de soutenir le processus de développement de compétences et de conceptualisations des personnes et des collectifs (Mayen, 1999). On y « apprend des situations », pour reprendre le double sens inscrit par Pastré (2011) : on apprend par elles ou d’elles, d’une part, et elles-mêmes sont des objets d’apprentissage. Il faut donc à la fois mettre les acteurs en activité, condition essentielle (apprendre en situation), et à la fois qu’ils puissent y trouver les ressources d’aide au travail à réaliser (apprendre des situations). Est-on dès lors en condition pour que le passage d’un travail collectif vers un collectif de travail puisse s’esquisser ?

90La mise en lumière des éléments avancés pourrait-elle permettre de nouvelles approches pour la formation, notamment la formation des formateurs, dans la mesure où ils fourniraient des pistes méthodologiques et conceptuelles allant au-delà des méthodes traditionnelles, qui négligent souvent la complexité de l’intelligence au travail ? En outre, il apparaît qu’une partie des effets de réflexivité pour les acteurs (enfants, enseignantes, intervenants EAC) est générée par le recours à la méthodologie d’autoconfrontation. En tant qu’analyse de l’activité, elle invite à une forme de conscience plus accrue de la situation. Ce qui, d’après Caroly et Barcellini (2013, p. 35), engendre une activité collective plus soutenue. Ce type d’analyse, réalisée dans le but d’un développement professionnel des acteurs, selon les perspectives d’une ergonomie constructive (Falzon, 2013), aux visées développementales, rejoint dès lors les finalités de la didactique professionnelle, en s’intéressant aux évolutions et aux genèses du sujet : genèses conceptuelles et opératives (Pastré, 2011). Ce type d’analyse, tentant d’initier des travaux en didactique de l’EAC, montre comment l’action conjointe en EAC dépasse largement l’interaction et le jeu didactique entre les seules instances d’enseignant et d’élève (Sensevy, 2008). Il questionne plus particulièrement une place pour une didactique professionnelle de l’EAC qui, à partir d’analyse de l’activité collective déployée, pourrait nourrir des formations de la part des acteurs participants, notamment à travers le partage des points de vue à propos d’une même situation vécue, telle que ce travail en pointe quelques aspects. Au sein de la Charte pour l’éducation artistique et culturelle présentée par le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle, en juillet 2016, l’article 10 stipule que « le développement de l’éducation artistique et culturelle doit faire l’objet de travaux de recherche et d’évaluation permettant de cerner l’impact des actions, d’en améliorer la qualité et d’encourager les démarches innovantes ». Qu’en serait-il d’une place pour des travaux incitant à une didactique professionnelle de l’EAC ?

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Notes

1 C’est nous qui soulignons.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Olivier Allain, Grégory Munoz, Olivier Villeret, Marine Roche et François Burban, « Documenter les dimensions « inter-RELATIONNELLES » lors d’une répétition de musique contemporaine durant un projet d’Education Artistique et Culturelle »Journal de recherche en éducation musicale [En ligne], 15 1-2 | 2024, mis en ligne le 01 décembre 2024, consulté le 21 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/jrem/494 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/134z0

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Auteurs

Olivier Allain

Universidade Federal de Santa Catarina, Instituto Federal de Educação Ciência e Tecnologia de Santa Catarina, Brésil
Identifiant ORCID : 0000-0001-6670-9037

Grégory Munoz

Université de Nantes, Centre de Recherches en Education de Nantes
Identifiant ORCID : 0000-0003-3227-9790

Olivier Villeret

Université de Nantes, INSPE, Site d’Angers, Centre de Recherches en Education de Nantes
Identifiant ORCID : 0009-0005-9896-4776

Marine Roche

Université de Nantes, Centre de Recherches en Education de Nantes
Identifiant ORCID : 0009-0001-0462-3518

François Burban

Université de Nantes, Centre de Recherches en Education de Nantes
Identifiant ORCID : 0000-0002-5178-1818

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