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Dossier

Devant Courbet et quelques autres… Ce qui se met au travail avec les images

In front of Courbet and some others... what goes into work with images
Noël Barbe

Résumés

Entre 2000 et 2022, nous avons organisé des situations de face-à-face entre des peintures de Courbet, des chasseur·euse·s et des habitant·e·s de lieux qu’il a représentés ; mais aussi, élargissant le champ, entre des œuvres du XIXe siècle rassemblées au motif de leur sujet – les mondes paysans qui leur étaient contemporains – et des agriculteur·rice·s. Ce geste entendait mettre au travail une façon d’hériter du peintre, empruntant ou réitérant certains des siens : le transport d’êtres dans des cadres qui ne seraient pas les leurs, et la construction d’une présence de ceux qui sont représentés dans les instances de leur représentation. La situation, construite et éphémère, inscrite dans un contraste avec la distribution habituelle de la légitimité à dire ce qu’est un tableau, est un moment de critique politique. Ce texte entend produire une analytique de celui-ci, entre inscription de savoirs à la surface des images et percolations des expériences de vie, entre paradigme de la représentation et agencement des expériences.

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Texte intégral

« Les livres d’histoire de l’art néanmoins savent nous donner l’impression d’un objet véritablement saisi et reconnu sous toutes ses faces, comme d’un passé élucidé́ sans reste. Tout y semble visible, discerné. Exit le principe d’incertitude. Tout le visible y semble lu, déchiffré́ selon la sémiologie assurée – apodictique – d’un diagnostic médical. » (Didi-Huberman, 1990, 11)

  • 1 Empruntant à Jacques Cheyronnaud 2005.

1En 1854-1855 Gustave Courbet peint L’Atelier du peintre, allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale. Le genre de la peinture d’atelier est un grand classique comme ses commentaires, analytiques ou problématisations. Nombreuses ont été les lectures de celle-là, de l’œuvre franc-maçonne (Toussaint 1977) à l’affirmation d’idées égalitaires et socialistes (Nochlin 1995), de l’allégorie de la peinture réaliste (Haddad 2007) à la peinture d’enseigne, pour ne citer que celles-ci, alors que le peintre lui-même, dans une lettre à Champfleury, délibérément laisse son intention dans l’indécision, ou plutôt dans l’indétermination de son sens, et par conséquent L’Atelier dans une grande disponibilité1. « Les gens qui veulent juger auront de l’ouvrage. » (Chu, 1993, 121-123) Comme par anticipation un coin enfoncé dans la « fermeture du visible sur le lisible » (Didi-Huberman, 1990, 11).

2A prendre au sérieux le titre que l’auteur donne à son tableau et à le considérer par conséquent comme la figuration sur la toile d’un agencement relationnel qui fait tenir son acte de peindre (Barbe 2005), aussi à suivre la thèse de Michael Fried pour qui les personnages peints de dos par Courbet excèdent le cadre et représentent le peintre au travail (Fried, 1993), une attention particulière peut être portée à l’une de ses composantes : l’enfant qui, retourné, regarde Courbet. Dans le temps de l’exécution de la toile, en général, mais aussi chez des amis proches de Courbet – comme Champfleury ou surtout Max Buchon – l’image de l’enfant et les caractéristiques supposées de l’enfance viennent participer de la qualification de la catégorie de l’art populaire alors engagée dans un processus de construction (Beuvier, 2009, Fabre, 2009). Champfleury parle de celui-ci comme d’« un pauvre petit art tout nu, souvent crotté mais gai et souriant, naïf et ne craignant pas plus de montrer ses nudités que l’enfant qui vient de naître » (Champfleury, 1860, I). Ou encore sur l’imagerie populaire :

« La naïve exécution des bois de la Bible des pauvres n’a d’équivalent que dans certaines gravures de la Bibliothèque bleue de Troyes. C’est que le bégayement des enfants est le même en tous pays, que, malgré son arrêt de développement, il offre cependant le charme de l’innocence, et que ce qui fait le charme des imagiers modernes vient de ce qu’ils sont restés enfants, c'est-à-dire qu’ils ont échappé aux progrès de l’art des villes » (Champfleury, 1869, XXIII).

  • 2 C’est ainsi que Courbet le considère dans un courrier qu’il lui adresse en août 1863 (Chu, 1993, 20 (...)

3Alors là il faudrait lire la revendication de la pratique par Courbet de son art comme un geste populaire. Max Buchon, l’ami et théoricien du réalisme2, portraituré et présent dans L’Atelier, note de l’art populaire qu’il est « une pierre de touche infaillible » (Buchon, 1863, 7), il écrira lui-même des poésies qu’il nommera populaires, sans les distinguer d’autres qui ne sont pas de sa main mais ‘recueillies’ en situation de coprésence avec leurs émetteurs. (Barbe, 2013). Toujours à suivre les analyses de Michael Fried (1993), cette fois des Cribleuses de blé, la cribleuse, personnage de dos, serait tout à la fois une figure du peintre et de sa main droite qui met en mouvement le couteau ou le pinceau. La femme endormie serait la gauche, celle qui tient la palette. La cribleuse a un geste qui a à voir avec la peinture : elle jette sur une toile des grains, ce à quoi on peut assimiler le transport de la peinture sur la toile, d’autant que chacun des grains projetés devient une tache de couleur. Si la cribleuse jetant de la couleur sur une toile est bien le peintre dans la peinture, alors Courbet jetant du grain sur une toile, effectue analogiquement un geste populaire. Et l’un des modes de présence de certains de ceux que Courbet entend représenter n’est pas seulement de les porter sur la toile mais également de les faire entrer, selon différentes modalités, dans le mode de production de celle-ci comme acteurs de leur propre figuration par l’intermédiation de gestes du peintre qui viendrait endosser les leurs.

4Il sera question ici de décrire et d’analyser ce qui se passe dans des situations organisées de face-à-face entre des œuvres de Courbet, des chasseur·euse·s et des habitant·e·s de lieux qu’il a représentés ; mais aussi, élargissant le champ, entre des œuvres du XIXe siècle rassemblées au motif de leur sujet – les mondes paysans qui leur étaient contemporains – et des agriculteur·rice·s. L’intention de cette confrontation ne s’inscrit pas dans une opération de patrimonialisation de Gustave Courbet, pas plus que ces situations ne relèvent d’une pédagogie des œuvres – venant expliciter sens et/ou contexte – au motif d’une histoire de l’art. Plutôt il s’agit là de mettre au travail une façon d’hériter du peintre, empruntant ou réitérant certains de ses gestes : le transport d’êtres dans des cadres qui ne seraient pas les leurs, et la construction d’une présence de ceux qui sont représentés dans les instances de leur représentation.

5L’organisation et la mise en œuvre, à intervalles irréguliers, entre 2000 et 2022, de telles situations dont les modalités ont pu différer – de l’enquête de terrain à des rendez-vous collectifs organisés autour d’un corpus d’œuvres – se caractérise d’abord par la réalisation d’une quadruple, parfois quintuple opération de soustraction :

    • 3 Par œuvre, J.-P. Cometti entend une « notion étroitement liée à un ensemble de conceptions et de co (...)

    La soustraction du dispositif muséographique, le face-à-face ne prenant pas la forme, en première instance, de la visite au musée, tendant donc d’échapper à une relation binaire entre un objet clos ou déjà constitué face à un spectateur inscrit dans une relation de réception. Ce sont des images des œuvres qui ont été employées3, hors de l’arène muséographique.

  • La soustraction d’une réception appréciative des œuvres qui conduirait à réagir à ce qui pourrait être considéré comme un mauvais traitement interprétatif qui leur serait infligé (Cheyronnaud, 1999), et de façon consécutive aurait pu obliger à une intervention rectificatrice et prescriptrice. Soit l’ouverture à des opérations de diagonalisations qui excèdent l’image et ce registre. « [L]es diagonales joueront alors le rôle de liaisons pour des points de niveau et de moment différents » écrivent Deleuze et Guattari (1980, 362).

    • 4 Dans le lexique des politiques publiques, y compris culturelles et patrimoniales, ces deux termes c (...)

    La soustraction du modèle ‘participatif’ ou ‘délibératif’4– qui a envahi le répertoire muséologique – s’agissant de l’organisation et du réglage des rapports entre les personnes mises collectivement face aux images soit l’absence de la recherche d’un commun de lecture établi sur le modèle comptable de l’assemblée parlementaire. L’installation de ces situations se place plutôt du côté du paradigme de la politique entendue au sens de Jacques Rancière (1995) comme l’activité qui a pour principe l’égalité, et de la mésentente soit le conflit entre ceux qui n’entendent pas la même chose autour d’un même objet, ou qui n’entendent pas que l’autre parle de la même chose. Aussi il faut considérer ces face-à-face non comme des lieux de mise en conformité d’un sens des œuvres et de leur réception, mais comme des instances de véridiction où, ce faisant se réalisent, dans un intervalle critique, des communautés d’audibilité culturelle (Cheyronnaud, 2002, 13) face à une interpellation : « qu’est-ce que vous avez à dire ? ».

  • Enfin, parfois, les images ont pu voir leurs titres soustraits, entravant ainsi l’actualisation d’une relation d’embrayage entre ce qui serait saisi comme l’écriture d’une désignation et ce qu’elle viendrait dénommer.

6À se trouver là, entre des images d’artefacts légitimées comme objets d’art et ceux qui les regardent c’est à des opérations de redistribution des rapports entre le visible, le dicible et le pensable que nous assistons, opérations dont ce texte entend produire une analytique de deux de leurs modalités.

1. Graphies

  • 5 Tiré·e·s au sort sur la liste des adhérent·e·s de le Fédération des chasseurs du Doubs.

7A l’occasion d’une exposition monographique dont l’objet projeté était Courbet et la chasse, organisée au musée éponyme d’Ornans dans le Doubs en 2012-2013, trois groupes d’une dizaine de chasseur·euse·s5 ont été réunis dans l’ancienne ferme du père du peintre, à Flagey, réaménagée en lieu culturel (Barbe et Sevin, 2019), face à des images de six tableaux de Courbet, et équipés de la simple question « qu’est-ce qu’on y voit ? ».

  • 6 Sur la question des communautés interprétatives, voir S. Fish, 2007.

8La situation, construite et éphémère, s’inscrit dans un contraste avec la distribution habituelle de la légitimité à dire ce qu’est un tableau. En ce sens elle est un moment de critique politique. Aussi elle considère les chasseur·euse·s présent·e·s comme une communauté d’interprétation où se mettent en œuvre des types d’attention qui leur sont communs, et se construisent des prises dans les peintures6. Enfin elle est un temps d’enquête commune, moins travail sur qu’avec les chasseur·euse·s (Dewey, 2003).

9Un tableau sera ici particulièrement mobilisé parce que la lecture qui en a été faite, au final, rassemble quasiment l’ensemble des rapports mis en œuvre, au cours des réunions, entre le visible et le dicible. Il s’agit de Les braconniers dans la neige, peint en 1864.

Figure 1 : Gustave Courbet, Les braconniers dans la neige.

Figure 1 : Gustave Courbet, Les braconniers dans la neige.

Source : https://commons.wikimedia.org, 1864, h/t, 65 x 81 cm, Besançon, musée des Beaux-arts et d’archéologie.

1.1. Décrire 1

  • 7 Sauf mention contraire, les citations de cette partie sont celle de chasseur·euse·s participant à c (...)

10Les braconniers, comme dans une moindre mesure une autre toile Le renard pris au piège, sont l’objet de lectures qui en font la peinture d’une scène de travail et d’allocation de ressources, d’une organisation économique. De la gibecière du second chasseur excède un renard. « Ils ont déjà un renard dans la gibecière… je vois deux pattes qui sortent »7. Il faut y ajouter la queue. On sait donc ce que ces deux « bracos » sinon chassent, du moins recherchent.

« Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, de tête hein, quelqu’un qui vendait trois peaux de martre, il s’achetait une génisse. Quelques peaux de renards, ça valait extrêmement cher. Les gens l’hiver, c’est peut-être pour cela qu’ils chassent dans la neige, l’activité parallèle à l’activité agricole c’était soit l’horlogerie côté Morteau, soit le renard et la martre et la fouine dans les campagnes. » « Les vieux, il y a cinquante ans, nous disaient encore qu’avec quelques renards, la fourrure, çà rapportait un mois de salaire. »

  • 8 Jusqu’en 1993.
  • 9 Cette foire est décrite par Richard Gascon : « La bigarrure des costumes et la diversité des visage (...)

11La scène identifiée est rapportée à un autre moment – en synchronicité avec le tableau – qui lui donne sens à la raison qu’elle est le lieu où s’effectue un devenir-marchand de l’animal, la foire des Sauvagines qui se tient alors à Chalon-sur-Saône tous les ans, le 27 février8, et à défaut un marché bisontin spécialisé. Là des ramasseurs provenant de Suisse, de Franche-Comté, de Savoie et des Pyrénées viennent proposer leur marchandise c’est à dire des peaux de fouine, de martre, de putois, de blaireaux, de chèvres, de lapins, d’écureuils, de belettes, de taupes… et de renards « dont on ne voit que l’extrémité décharnée du museau et le panache dérisoire de la queue » 9.

Figure 2. Gustave Courbet, Le renard pris au piège.

Figure 2. Gustave Courbet, Le renard pris au piège.

Source : https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons, h/t, vers 1860, 80,8 x 100,3 cm, Ornans, musée Courbet.

12Une autre toile, le Renard pris au piège se voit convoquée, comme en un appui argumentaire, de la lecture de la première. L’accent est mis sur le caractère particulier de l’animal – c’est un « charbonnier » – avec un poil plus foncé et plus dense, avec pour conséquence qu’il fera une belle peau, rappelant au passage que le piégeage, contrairement au tir, n’abîme pas la fourrure. « C’est une belle prise, çà doit être un charbonnier comme ils appelaient cela, un renard noir, un feu de bois quoi. Ils étaient plus recherchés. »

13Face donc aux Braconniers dans la neige, les chasseur·euse·s sont équipés du titre de l’œuvre et vont poursuivre une reconnaissance en identification (Ricoeur, 2004), la situer à l’aide de deux détails représentatifs qui s’inscrivent en continuité avec le titre donné – le premier ici étant la queue du renard et autres parties de son corps qui dépassent du sac – pour situer la scène du braconnage dans un espace social où une partie de l’animal devient une marchandise, par la connexion avec d’autres monde sociaux, constituant parfois une ressource nécessaire.

14On y reconnaît la scène telle qu’elle est étiquetée par le titre, étiquetage qui introduit ou autorise une relation d’interprétation, qui vient désigner ce qui la précède (Bosredon, 1997). Là les chasseur·euse·s se placent dans une continuité d’usages avec l’auteur du tableau. Face à cette demande inhabituelle qui leur est faite, il leur faut cadrer l’expérience et la participation qu’on leur propose soit organiser des perceptions et des formes d'engagement. Ces formes se font dans l’expression d’une ressemblance, et ils s’expriment en régime de familiarité (Thévenot, 2006). Dominent des valeurs de proximité entre soi et le peintre, via les pratiques et parcours de chasse. Aussi, par un renversement, les tableaux de Courbet, peuvent servir de descripteurs de situations personnelles : c’est « comme sur L’hallali » » ou « comme Le chasseur allemand ». Mais aussi L’après-dinée à Ornans : « D’ailleurs Courbet a fait un très bon tableau sur le repas de chasse. Nous, nous pratiquons ce genre de scène… Je pense que Courbet l’a pratiquée et ce tableau est très beau ». Le peintre est agrégé à un même groupe d’appartenance ou de pratiques.

Figure 3- Gustave Courbet, Une après-dinée à Ornans.

Figure 3- Gustave Courbet, Une après-dinée à Ornans.

Source : https://www.wikiart.org, 1848-1849, h/t, 195 x 257 cm, Lille, Palais des Beaux-arts

1.2. Décrire 2

15« C’est un tableau qui me dérange ». L’absorption du visible dans le lisible qui a conduit à historiciser la scène et à se construire comme le même, se voit déborder par un autre rapport au tableau qui va s’instaurer sous un régime différent, l’opérateur du basculement étant le chien, ou plus exactement le rapport contemporain de chasseur·euse·s à leurs propres chiens. À propos des Braconniers dans la neige, c’est encore d’eux dont il s’agit, un autre détail représentatif est inscrit dans un réseau de sens. Plusieurs viennent pointer le bâton levé par le second des personnages sur son chien  :

« pauvre bête », « le chien est tout pour la chasse et là on voit le chasseur taper sur son chien », « on voit le maître qui frappe assez violemment le chien », « je ne sais pas si on avait bien le droit », « pourquoi tant de violence sur le chien ? », « l’attitude bizarre du bonhomme », « c’est assez violent, c’est dur ».

16La scène dérange, tout d’abord a minima, parce qu’il y a une sorte de paradoxe à frapper l’outil considéré comme premier du chasseur. Mais plus que cela, le chien est qualifié comme un vivant sensible et regardé comme tel, capable de ressentir des émotions et de communiquer avec l’homme. Par extension les animaux peuvent être compris, il est possible en quelque sorte les « entendre », de déchiffrer leur posture et ce qu’ils veulent nous dire, d’entretenir des relations affectives avec eux. Ce sont ces conceptions de l’animal qui sont transportées dans les commentaires sur ce tableau. Plus encore, le chien du second braconnier pourrait avoir raison contre son maître et l’accent est mis sur son intention communicative à l’égard de celui qui le menace et ne l’entend pas. Double incongruité. C’est le point de vue du chien qui est adopté (Baratay, 2012, 280).

« Le chien il a des raisons pour ne pas accepter ce que lui demanderait… il n’est pas d’accord. Le chien il regarde vraiment, il regarde son maître le fouetter, vous voyez il a un regard, et c’est un bâton qu’il a, il a le bâton à la main. Donc c’est un chasseur qui a l’habitude de dire à son chien vas-y, vas-y, si tu n’y vas pas je te cogne. »

  • 10 Pour reprendre l’expression de H.-S. Afeissa et J.-B. Jeangène Vilmer (2010, 8).

17Attention est donc portée au « vécu des bêtes » (Baratay, 2012, 279) et à la production avec elles d’un commun. Contrairement à Merleau-Ponty (1976 : 414) que le regard d’un chien ne gêne guère, pour ce chasseur du tableau ce que le chien voit nous regarde10.

18Le scandale que constitue l’attitude du second chasseur envers son chien peut être minimisé au regard des qualités morales ou de la situation des deux hommes. Cette fois c’est une différence qui est dite. Puisque braconniers ils sont, il est normal que leurs comportements diffèrent de ceux de chasseurs, et qu’ils soient en rupture avec ce qui peut être considéré comme des manières vertueuses de faire avec ses chiens. À côté de ce jugement éthique – depuis le contemporain – se développe une mise en perspective économique, passant par une lecture technique de la scène. « Le premier chien ne dit rien et c’est ce qu’on attend de lui, le deuxième doit être un peu chaud, japper, il le corrige. » Braconner exige la discrétion et le braconnage est fruit d’une nécessité économique. « Il faut qu’ils cassent la croûte. » Pour la seconde fois ce tableau est vu comme la peinture d’une situation sociale dont on pourrait finalement dire qu’elle vient brouiller les relations que l’on se doit d’avoir avec les animaux, et peut-être excuser celles que l’on entretient réellement.

19« La trique menaçant le chien témoigne bien des rapports aux animaux de l’époque. » La mise en perspective de la scène se fait par une mise à distance, recourant à la contextualisation, du point de vue en particulier des changements intervenus dans les relations à l’animal, que l’on pense alors, au XIXe siècle, considéré du simple point de vue de son utilité technique, comme une chose. « C’était un peu la violence avec les chiens, les chiens c’est des outils ». Ou encore : « on a tous vu quand on était jeunes chasseurs, des anciens prendre une trique pour calmer un chien ». Les braconniers ne sont pas le seul tableau où la question de l’attitude par rapport au chien soit posée. Elle l’est pour L’hallali – « tu crois qu’il va frapper le chien » avec le rapport de force émotionnel lu entre les personnages du tableau « on voit la peur des chiens… le maitre maitrise mais avec la peur, avec l’argument du fouet ».

Figure 4. Gustave Courbet, L’Hallali du cerf.

Figure 4. Gustave Courbet, L’Hallali du cerf.

Source : https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons. 1867, h/t, 355 x 505 cm, Besançon, musée des Beaux-arts et d’archéologie.

20C’est un pas de plus dans le tableau, la projection d’une lecture de la peur de l’animal au regard de l’expérience contemporaine des relations entretenues avec lui. Le cadrage des tableaux, par le moyen des chiens et la distance prise avec l’un des personnages de la scène, vient amplifier le processus d’identification par l’adjonction d’une émotion et de pratiques contemporaines, particulièrement celles qui s’élaborent avec et autour des chiens.

1.3. Décrire la description

21À suivre les chasseur·euse·s sur la piste de Gustave Courbet, ce sont des principes de lectures qui apparaissent, implicites ou explicites, et viennent ordonner les sens donnés à ses œuvres. Si Courbet peut être qualifié de « réaliste complet » parce chacune des composantes d’un tableau peut être rapportée à du connu, déchiffrée et trouver sa vérité dans réel, – par exemple la maigreur des chiens de L’hallali mise en rapport avec l’avancée de la saison de chasse – pour autant, le réalisme de Courbet n’apparaît pas comme un processus reproductif.

Figure 5. Gustave Courbet, La Curée, chasse au chevreuil dans les forêts du Grand Jura.

Figure 5. Gustave Courbet, La Curée, chasse au chevreuil dans les forêts du Grand Jura.

Source : https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons, 1867, h/t, 210 x 180 cm, Boston, Museum of Fine Arts.

22Certains tableaux, du moins certains de leurs personnages, peuvent poser question dans ce rapport au réel. Parce que leur identification est rendue difficile par la peinture, il en va ainsi du chevreuil de La curée qui est « entre le chevreuil et le chamois », ou d’autres cervidés dont les bois sont pensés disproportionnés ou le sexe indécidable. Parce que la scène dans laquelle ils se trouvent est invraisemblable ou déficitaire. Les groupements des animaux de La remise est inimaginable en été, le cheval est trop près du cerf dans L’hallali et, l’animal remuant pour tenter de se dégager, la neige du Renard pris au piège trop blanche.

23Tout à la fois dans la lecture des tableaux et au-delà, ce sont trois principes de lectures qui sont mis en œuvre et qui viennent définir autant de fondements cette fois de la production du réel par Courbet, pouvant apparaître contradictoires, mais dont la combinaison fait sens, la présence de celui-ci étant postulé.

24D’abord, par sa technique, une capacité du peintre à reproduire une réalité d’une façon quasi-photographique – ainsi la finesse du trait est soulignée pour les animaux de La remise – mais aussi par sa connaissance des animaux et de la chasse. Le dispositif de la peinture en atelier et à partir d’animaux empaillés vient réhausser la performance que constitue la peinture d’une scène de vie vraisemblable et jugée bien rendue, à partir de la mort. « C’est vraiment l’expression là, transposée sur une bestiole morte. »

25C’est son travail sur les rapports de grandeur qui est ensuite souligné, en particulier les phénomènes de disproportions et de distorsions. Ces phénomènes sont dits s’agissant des relations entre la peinture et la réalité d’une ressource cynégétique, entre donc le tableau et un extérieur.

« Ce qui m’étonne le chevreuil il en met partout, encore une fois à l’époque c’était très rare. Est-ce que c’est cela qui explique qu’il était un peu fasciné par l’animal. Mais il en met dans beaucoup de scènes. S’il avait voulu uniquement peindre des scènes de chasse, il aurait peint des scènes avec du lièvre et du renard… je me demande quelle en est la raison. »

26Mais aussi dans la composition même de certains tableaux. « Vous voyez la taille des chiens par rapport au sonneur de trompe ».

27Enfin la mise en œuvre d’un principe de collage. « On dirait que le gars qui sonne est rajouté ». « Il y a de sérieux mélanges, c’est une composition. »

28Ce sont ces trois principes combinés qui produisent, par exemple, la lecture de La curée : le collage du sonneur, la taille disproportionnée des chiens, la peinture d’un chevreuil pas nécessairement très présent, le chasseur en retrait… Tout cela conduit à identifier le tableau comme une scène d’hommage au gibier chassé puis tué. Scène irréelle mais décrivant – ou étant investie comme – un rapport « réel » entretenu à l’animal chassé. Les invités de Flagey tout à la fois fabriquent leurs cadres de lecture et décryptent les modalités par lesquelles, et selon eux – « je ne suis pas à sa place et je me trompe peut-être complètement » –, Courbet produit le réel, et actualise une grammaire qui joue de la classification et de la hiérarchisation.

29Mais c’est aussi une sorte de dédoublement qui est décrit. Si la scène est d’hommage, le geste de la peindre est pensé comme l’étant tout autant. Dans le monde de significations qui s’actualise ici, Courbet est peintre et chasseur et c’est l’une des conditions d’une véridiction de la chasse.

2. Diagonalisations

30D’une certaine matière les groupes de chasseur·euse·s assemblés dans les soirées de Flagey rabattent le visible sur le dicible, se lançant en réalité dans un programme à la manière d’Erwin Panofsky, à la fois parce qu’ils entendent réaliser une « graphie » dans le sens où l’entend celui-ci soit « quelque démarche d’ordre descriptif » (Panoksy, 967, 22), travaillant pour cela dans une modalité de la recherche de correspondances et d’ajustements entre image et prototype, aussi parce qu’ils le font dans un rapport au sujet ou à la signification, position on le sait critiquée par Hubert Damisch (1976) lorsqu’il avance l’illusion que serait une intelligibilité de l’œuvre d’art au moyen d’un rabattement sur des énoncés verbaux. À propos des Ménines de Diego Velasquez, Michel Foucault dans un texte devenu célèbre notait que

« […] le rapport du langage à la peinture est un rapport infini. Non pas que la parole soit imparfaite, et en face du visible dans un déficit qu’elle s’efforcerait en vain de rattraper. Ils sont irréductibles l’un à l’autre : on a beau dire ce qu’on voit, ce qu’on voit ne loge jamais dans ce qu’on dit, et on a beau faire voir, par des images, des métaphores, des comparaisons, ce qu’on est en train de dire, le lieu où elles resplendissent n’est pas celui que déploient les yeux, mais celui que définissent les successions de la syntaxe » (Foucault, 1966, 25).

31Dans la théorie de la graphie qui in fine émerge chez les chasseur·euse·s réuni·e·s à Flagey, cette fois dans l’intention qu’ils attribuent au peintre – une théorie du réalisme de Courbet, comme une grammaire – l’œuvre reste toujours saisie comme à déchiffrer, dans un rapport entre un prototype et sa représentation. Dans l’établissement de ce rapport le titre joue un rôle premier venant se combiner avec une histoire des circuits économiques ou des rapports aux animaux, et des expériences cynégétiques propres.

  • 11 Les remarques faites précédemment sur la situation créée avec les chasseur·euse·s valent ici.
  • 12 Dont Benjamin Foudral a été le commissaire.

32Quelques années plus tard, toujours à Flagey, c’est autrement que se joue la rencontre11 entre des agriculteur·rice·s et des images de certaines des œuvres rassemblées au musée Courbet d’Ornans pour une exposition sur la représentation des paysans par les mondes de l’art au XIXe siècle, en 202212. Autrement parce que les œuvres n’étaient pas principalement celles de Courbet et que leurs titres n’ont pas été dits d’entrée et ainsi rien de ce qui compose les tableaux, donné. Rien de ce qui s’offre à l’observation, ni l’organisation des éléments qui le composent, ni les classes d’objets qui s’y côtoieraient, pas plus que des indices qui diraient ce qui est visible. Bref ni légende, ni étiquette ne viennent indiquer ce qu’on y voit. Alors il faut faire exister autrement la peinture, s’en rapprocher et s’y frayer un chemin pour construire une attention à d’éventuelles prises offertes et comprendre ce qui s’y passe. C’est alors que, chacune et chacun se prononçant, une constellation de sens se construit dans une circulation des paroles autour des images.

2.1. Autonomie et hétéronomie. À partir de La gardeuse de moutons

  • 13 En 1925, le fils d’Eugène Burnand publia une biographie (Burnand, 1925). On se reportera aussi à Ph (...)

33Rendue présente par le regard, la tristesse contraste avec la beauté et la pureté du visage de la jeune bergère, terme préféré à celui de gardienne13. Figure absorbée par le paysage, par la forêt et la vigueur de la végétation, on pourrait, passant sur le chemin, ne pas la voir. L’absence du ciel participe à la lourdeur de l’atmosphère, comme au caractère sourd de l’ambiance. Les sabots semblent de plomb et les mains, malgré leur âge, marquées par le travail.

Figure 6. Eugène Burnand, La gardeuse de moutons.

Figure 6. Eugène Burnand, La gardeuse de moutons.

© Cliché N. Barbe. XIXe siècle, h/t, 46 x 57 cm, Grenoble, musée de Grenoble, https://www.museedegrenoble.fr/​oeuvre/​7291/​1922-la-gardeuse-de-moutons.htm

  • 14 Sauf mention contraire, les citations de cette partie sont celle des agriculteur·rice·s réuni·e·s à (...)

34Le personnage de La gardeuse de moutons, s’il est représenté, est ailleurs. « Elle n’est pas là »14. Les animaux n’échappent pas non plus à ce jeu de la présence et de l’absence. L’agneau tourne le dos, il fait évoquer une fuite tandis que sa mère n’a pas un regard pour lui. La bergère aussi s’en désintéresse, à moins que son regard ne se dirige sur le reste du troupeau qui serait hors du cadre. Ou peut-être porte-t-il, ce regard, vers le rêve d’une autre existence, une forme de vie qui ne lui serait pas imposée, un destin qu’elle aurait choisi ou une ressource qui lui permettrait d’échapper à la situation. Bref vers la possibilité d’une émancipation. « Qu’est-ce que je fais là » pourrait-elle se dire.

35Moins que l’examen d’une situation de gardiennage d’un troupeau ou la recherche par exemple de la race des moutons, il y a là un diagnostic de dessaisissement de soi, de disjonction entre la vie menée et une vie rêvée ou choisie. « On voit que ce n’est pas un choix ». Pour ce faire, la surface de l’image, percutée par les expériences de vies des invités de la ferme de Flagey, est la figuration de l’inscription dans une condition sociale ou plutôt l’enfermement dans celle-ci et dans un destin imposé tandis que, de leurs côtés, elles/ils disent avoir choisi, parfois après d’autres, ce métier dont la difficulté ajoute au tragique de la scène. Alors cela fait « mal au cœur » de penser à ces impositions et situations auxquelles on a pu échapper mais que d’autres ont vécues. Le face-à-face avec l’image se déplace pour devenir un ballet de conditions qui, parmi ses participants, compte la sienne, celle de ses parents et grands-parents, de voisines et voisins, de connaissances et… de la jeune gardienne de moutons.

36La place que l’on fait occuper à cette jeune fille fait discuter celle des femmes qui, aujourd’hui, sont agricultrices et doivent s’en construire une, alors que souvent elles se trouvent rangées dans l’ombre de leur mari. « Tandis que l’on dit que la place de la femme évolue dans le monde agricole, il y a des choses qui sont profondément ancrées ». Comme une critique politique à l’œuvre et à l’épreuve de l’expérience. La question de genre cette fois s’invite, le nom du GAEC (groupement agricole d'exploitation en commun) familial qui se résume à celui du mari, le fameux « il est où le patron ? » entendu dans les cours de ferme et rendu célèbre par la bande dessinée éponyme de Maud Bénézit et des Paysannes en polaire (2021). Là-aussi comme dans les destins imposés, une affaire de domination et des essais d’échappée.

Figure 7. Louis-Oscar Roty, La semeuse.

Figure 7. Louis-Oscar Roty, La semeuse.

Source : Laura Anne Kalba, « Looking at La Semeuse in Fin-de-Siècle France », Art Bulletin, 2020, p. 63. 1887, Médaillon en cire sur ardoise, 50 x 49,8 x 7,5 cm (diamètre : 26 cm), Paris, musée d’Orsay.

37La gardeuse de moutons va revenir régulièrement dans ce qui se dit avec les autres images, et percoler avec elles s’agissant des questions de domination. S’agissant d’échappée, c’est comme si la sculpture de Roty, La semeuse, venait inverser les forces au travail dans certaines des œuvres précédemment regardées, comme si elle incarnait cette possibilité de défection, ne serait-ce que partiellement, quant à des conditions de vie imposée, au poids des conditions sociales ou à la fatalité d’éléments naturels. À l’enfermement du sujet de La gardeuse de moutons par les arbres est opposée la couleur du ciel ; à son immobilité, le mouvement et la vie de la femme qui sème, l’action que l’on sent. « Elle ne traîne pas son sabot ». L’œuvre emporte et le regard que la semeuse porte au loin lui fait attribuer une qualité de visionnaire. Fière et conquérante, elle serait à sa place et le saurait. Cette place, elle l’a prise et elle est posée comme maîtresse et consciente de son destin.

Figure 8. Étienne Mondineu, Incendie à la campagne.

Figure 8. Étienne Mondineu, Incendie à la campagne.

© Cliché N. Barbe. 1901, Lavis et gouache sur papier, 26 x 41 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle, https://www.centrepompidou.fr/​fr/​ressources/​oeuvre/​cXbke6q

38« …il est très difficile à regarder ». L’émotion s’installe à la surface de tableau, peint en 1901, d’Étienne Mondineu (1872-1940) Incendie à la campagne. D’une certaine façon la toile fait mal, elle affecte profondément et parvient parfois à toucher les corps et raviver les expériences personnelles. « Je ne suis pas bien devant ce truc. » Le tableau oppresse parce que l’incendie est quelque chose contre lequel on ne peut justement pas grand-chose. L’impuissance face au feu, et par extension aux éléments naturels, se lit dans l’importance de la place occupée par les flammes et la petitesse des êtres humains. Leur action est difficilement lisible, et les moyens de celle-ci durement identifiables. On peut même les juger trop passifs. « Tu as l’impression qu’ils sont statiques. » De dos, peut-être creusent-ils un fossé pour arrêter la progression du feu ou bien tapent-ils dessus, à moins que les taches bleues que l’on aperçoit devant eux n’indiquent l’usage de l’eau. Toutes choses qui peuvent ajouter à la faiblesse humaine devant le feu. « Tu ne peux rien faire… ». Les forces sont inégales, « çà nous dépasse ». C’est se battre « contre Goliath » et « un moment donné il faut se barrer quoi ». L’arbre dans le ciel alors paraît immense, on est comme engloutis. « Ça nous met dans la panique. »

39L’évènement de l’incendie dépasse le moment des flammes. C’est la récolte qui semble menacée et vouée à la destruction, alors c’est la ressource nourricière des mois à venir qui se voit affectée. Et tout cela contraste avec La méridienne de Van Gogh où certains lisent la manifestation d’une tranquillité assurée par une récolte qui est acquise. Mais celles et ceux du tableau de Mondineu, « ils vont manger quoi cet hiver ? ». Michel de Certeau écrivait qu’« [u]n évènement n'est pas ce qu'on peut voir ou savoir de lui, mais ce qu'il devient (et d'abord pour nous) » (Certeau, 1994, 51). Une toute-puissance de la nature peut se voir dans le tableau, qui toujours aurait le « dernier mot », mais également la possibilité et l’existence d’une mobilisation contemporaine de voisins ou de collègues qui viennent aider « un paysan à qui il arrive quelque chose… ». La chaîne des liens qui s’organise…

40Dans cette image sont convoquées les deux précédentes, La gardeuse et La semeuse, pour au final dessiner, dans le déploiement d’un destin social, quelque chose de l’ordre de la question d’une conquête de l’autonomie. Pour autant elle n’est pas pensée comme une distinction ou une différence absolue par rapport à d’autres femmes et d’autres hommes, pas plus comme la capacité ou la volonté de soumettre les conditions extérieures à celle de sa personne (Brossat, 2013). Moins donc que l’affirmation d’une puissance singulière et personnelle c’est d’une hétéronomie choisie ou aménageable dont il est question, de la nécessité d’attachements élus.

2.2. Des vies et des relations

41Aussi La semeuse supporte des interrogations sur les modalités de l’articulation entre l’acte humain et la terre. Le premier vient façonner la seconde. « On a dit qu’on était lié à l’animal mais on est lié à la terre ».  Et les paysages se voient emplis de l’empreinte de gestes cultivateurs, « il y a des gens qui se sont baissés, qui ont travaillé, ce n’est pas venu tout seul […] derrière un paysage il y a un paysan ». L’idée, là-aussi transporteuse de temps, ou plutôt d’une historicité, que l’époque se fait avec ce qui s’est pensé et réalisé avant. Ce qui a été travaillé. Et le paysage est comme expérience d’une subjectivité engagée dans le monde (Dupuis, 2021).

42Face au médaillon de Roty, les motifs de la préservation de la terre, de la lutte contre l’artificialisation des sols qui grignote les surfaces agricoles et à laquelle pas grand-chose n’est opposé – c’est le constat fait à propos de l’agglomération bisontine –, ou du respect des terres exploitées ouvrent à une discussion sur ce qu’est notre monde, les façons de s’y tenir ou les formes de vie souhaitables. Parfois soulevant des questions auxquelles il est difficile de répondre et pour lesquelles les réponses peuvent diverger, des contradictions voire des apories adviennent, des registres de valeur que l’on sent inconciliables peut-être. La discussion s’enroule autour de tentatives de mise en équivalence, comme des poids sur une balance à plateaux. L’agriculture a pu être destructrice et utiliser des produits qui tuent, mais la France ne connaît plus de famine. L’activité ici peut produire des morts ailleurs dans le monde ce qui est jugé injuste, mais sommes-nous prêts à supporter, ici, la mortalité infantile ? L’agriculture, activité visible par tout le monde, se voit soumise à des jugements mais ceux qui les portent, les « donneurs de leçon », sont-ils exemplaires dans leur rapport à la terre ? Les agriculteurs sont-ils les seuls responsables de la pollution dans ses causes à court et moyen termes ? Le débat pose aussi la question du statut de la terre au regard de la succession des générations. En sommes-nous propriétaires ou plutôt chargés de la transmettre ? Ce serait alors elle qui serait opératrice de pérennité. Comme un rebouclage avec la question du paysage.

Figure 9. Gustave Courbet, Le Retour de la foire ou Les Paysans de Flagey.

Figure 9. Gustave Courbet, Le Retour de la foire ou Les Paysans de Flagey.

© N. Barbe, 1850-1855, h/t 208,5 x 275 cm, Paris, musée d'Orsay – Dépôt au musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, Besançon, https://www.musee-orsay.fr/​fr/​oeuvres/​les-paysans-de-flagey-10505

43Avec Le Retour de la foire ou Les Paysans de Flagey, le tableau se remplit de signes de domination. Les disparités entre les modes de déplacement deviennent des différences de « classe », il y a ceux qui sont à pied et ceux qui sont à cheval, il y a ceux qui ne déplacent rien et ceux qui portent. Sur la tête de l’une des femmes, à l’arrière du groupe, un panier. « À l’époque ce n’est pas le manant qui allait avoir un beau cheval comme cela. » Comme la beauté du cheval, la hauteur du chapeau de l’un des personnages font signes de richesse, et par conséquent pointent l’inégalité. Au-delà de cette expérience de 2022, il faut souligner la prégnance dans différents terrains d’enquête (Barbe et Sevin, 2015) de cette lecture politique de ce tableau-ci. D’autres, à son propos et en 2022, parlent de déménagement ou d’expropriation, en les inscrivant dans des rapports de domination ou d’exclusion.

44Toutes questions qui tournent autour de l’égalité des vies et de leurs rapports, de la relation éthique et politique à soi et aux autres, de ce que serait une bonne configuration de la vie. Un rebouclage cette fois avec la question des destins sociaux. De ses vies, tant de matières que d’expériences (Fassin, 2018), les vies animales ne sont pas absentes. Ici, le fouet renvoie à une relation de soumission et c’est la question du rapport aux animaux qui est posée. Dans une lecture rapide et informée par la laisse, le cochon a d’abord pu être confondu avec un chien. Alors, la lecture se voit éclairée par les relations entretenues par les invités de Flagey avec leurs propres chiens. Le canidé s’il avait été là serait devenu le signe que les personnages du tableau faisaient groupe à la manière dont les agriculteur·rice·s là présents se sentent proches de leurs animaux. Comme un connecteur entre humains, humains et non-humains. « Encore aujourd’hui si on n’a pas nos animaux… ». La ficelle qui tient ce qui est bien un porc devient figure de ce lien et alors que les animaux auraient pu, sur le tableau, être a priori tous placés devant ce groupe hybride, il y a une proximité, voire une promiscuité, entre eux et les hommes. Animaux que les agriculteur·rice·s revendiquent de ne pas considérer comme des objets. « On est lié à nos animaux ». Pourtant dans la peinture certains pointent l’absence de contacts physiques, pas de main posée sur la croupe d’un cheval, pas plus sur celle d’une vache. Humains et animaux sont proches mais leurs relations ne sont pas marquées par la complicité. Il y a là comme une absence ou un défaut. Poussant plus loin, depuis le tableau, devant nous, l’une des vaches nous regarde et c’est alors la construction du spectateur (Fried, 1993) qui s’opère depuis l’animal qui semble s’échapper du sombre du tableau.

45Tenu en laisse, le cochon devient l’indice, discuté, de ce qui se joue sur la toile. Un départ à la foire, le matin, si l’on considère qu’il est bon à vendre. Un retour si l’on juge qu’il a été acheté pour être engraissé et mangé. Dans tous les cas le porc est le connecteur à un extérieur du tableau, extérieur qu’il rend présent : le marché. « Tu vends, t’achètes, c’est le principe du marché. » Mais c’est la couleur ou plutôt ce sombre du tableau qui vient informer la scène et lui conférer, parfois en première lecture, une certaine tristesse. « C’est le sombre qui m’a… », la phrase n’est pas terminée. Alors ce n’est plus le marché qui serait le référent du tableau mais la dureté du travail agricole, le déménagement ou l’expropriation, soit le rapport à un propriétaire ou d’autres puissances qui dépossèdent de son destin.

Pour conclure

  • 15 L’histoire de la foire, l’allocation des ressources au XIXe, les traitements antérieurs et contempo (...)
  • 16 La question de la représentation sera grandie d’un point de vue politique lorsque la Fédération des (...)

46Si chasseur·euse·s et agriculteur·rice·s pratiquent des lectures indiciaires des images, pour autant la conversion des motifs, des personnages ou des agencements de relations, en signes chargés de sens diffère selon les situations créées. Dans la première, elle est toute entière dirigée vers la recherche de ce que peut être le prototype représenté. L’opération est d’organisation – voire de recouvrement – du visible par un dicible qui viendrait épuiser le sens d’une forme expressive par des opérations tout à la fois d’historicisation de la scène et d’incorporation de pratiques techniques. Le savoir est déjà là15 et vient s’inscrire à la surface de l’image dont la vérité s’épuise dans les paradigmes de la représentation et de la reconnaissance comme vérification16.

47Dans la seconde des situations, celle dans laquelle ont été/se sont plongés les agricultrices et agriculteurs, ce qui se passe est de l’ordre de la percolation des expériences, ou des désirs de vie, par les images rendues poreuses dans d’autres modalités de transitivité choisies. Les formes décelées sont diagonalisées, par le flux d’une discussion de choses communes à ceux qui sont là, pour entrer dans un autre plan de coordonnées, celui des existences. Si sans aucun doute, dans le face à face avec les images, celles-ci sont objets de discours, pour autant elles sont appelées sur d’autres niveaux d’appréhension que celui du signe descriptif ou traducteur, et en d’autres temps que les leurs. Un jeu avec le cadre qui produit un autre lieu de la vérité des œuvres, qui aurait la puissance des personnages de dos dans la peinture de Courbet.

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Notes

1 Empruntant à Jacques Cheyronnaud 2005.

2 C’est ainsi que Courbet le considère dans un courrier qu’il lui adresse en août 1863 (Chu, 1993, 208-209).

3 Par œuvre, J.-P. Cometti entend une « notion étroitement liée à un ensemble de conceptions et de conditions à la faveur desquelles les activités artistiques ont acquis une autonomie qui les a détachées des activités communes et ont été pensées à la lumière de ce qui en constitue le parachèvement : le chef-d’œuvre, comme accomplissement exemplaire d’un processus qui y puise tout son sens » (2012, 25-26).

4 Dans le lexique des politiques publiques, y compris culturelles et patrimoniales, ces deux termes connaissent un usage inflationniste. Le premier, dans un large gradient des situations qu’il désigne, met l’accent sur une ‘implication des citoyens’. Parfois la participation se réduit à un simple dispositif communicationnel. Le second, dans des accents habermassiens, sur la discussion et la prise de décision en rapport avec un commun.

5 Tiré·e·s au sort sur la liste des adhérent·e·s de le Fédération des chasseurs du Doubs.

6 Sur la question des communautés interprétatives, voir S. Fish, 2007.

7 Sauf mention contraire, les citations de cette partie sont celle de chasseur·euse·s participant à ces réunions.

8 Jusqu’en 1993.

9 Cette foire est décrite par Richard Gascon : « La bigarrure des costumes et la diversité des visages expriment la variété des lieux de provenance de ces “ramasseurs” ; Franc-Comtois, Suisses, Savoyards, Pyrénéens, montagnards à la démarche lente et assurée, aux yeux vifs, qui, lorsqu’ils n’ont pas revêtu le banal complet noir, ont endossé des sayons de peaux de chèvres et coiffé le bonnet de loutre » (1936, 26).

10 Pour reprendre l’expression de H.-S. Afeissa et J.-B. Jeangène Vilmer (2010, 8).

11 Les remarques faites précédemment sur la situation créée avec les chasseur·euse·s valent ici.

12 Dont Benjamin Foudral a été le commissaire.

13 En 1925, le fils d’Eugène Burnand publia une biographie (Burnand, 1925). On se reportera aussi à Philippe Kaenel (2006 et 2017).

14 Sauf mention contraire, les citations de cette partie sont celle des agriculteur·rice·s réuni·e·s à Flagey.

15 L’histoire de la foire, l’allocation des ressources au XIXe, les traitements antérieurs et contemporains des chiens, les pratiques cynégétiques, d’autres entités préexistantes…

16 La question de la représentation sera grandie d’un point de vue politique lorsque la Fédération des chasseurs du Doubs, quelques années plus tard, fera une exposition Portrait de chiens où il s’est agi de porter attention à la « représentation des chiens » dans les œuvres de Courbet. Vingt d’entre elles ont été reproduites, parfois recadrées sur l’animal.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Gustave Courbet, Les braconniers dans la neige.
Crédits Source : https://commons.wikimedia.org, 1864, h/t, 65 x 81 cm, Besançon, musée des Beaux-arts et d’archéologie.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Figure 2. Gustave Courbet, Le renard pris au piège.
Crédits Source : https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons, h/t, vers 1860, 80,8 x 100,3 cm, Ornans, musée Courbet.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 504k
Titre Figure 3- Gustave Courbet, Une après-dinée à Ornans.
Crédits Source : https://www.wikiart.org, 1848-1849, h/t, 195 x 257 cm, Lille, Palais des Beaux-arts
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 364k
Titre Figure 4. Gustave Courbet, L’Hallali du cerf.
Crédits Source : https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons. 1867, h/t, 355 x 505 cm, Besançon, musée des Beaux-arts et d’archéologie.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 628k
Titre Figure 5. Gustave Courbet, La Curée, chasse au chevreuil dans les forêts du Grand Jura.
Crédits Source : https://upload.wikimedia.org/​wikipedia/​commons, 1867, h/t, 210 x 180 cm, Boston, Museum of Fine Arts.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 160k
Titre Figure 6. Eugène Burnand, La gardeuse de moutons.
Crédits © Cliché N. Barbe. XIXe siècle, h/t, 46 x 57 cm, Grenoble, musée de Grenoble, https://www.museedegrenoble.fr/​oeuvre/​7291/​1922-la-gardeuse-de-moutons.htm
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 620k
Titre Figure 7. Louis-Oscar Roty, La semeuse.
Crédits Source : Laura Anne Kalba, « Looking at La Semeuse in Fin-de-Siècle France », Art Bulletin, 2020, p. 63. 1887, Médaillon en cire sur ardoise, 50 x 49,8 x 7,5 cm (diamètre : 26 cm), Paris, musée d’Orsay.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 224k
Titre Figure 8. Étienne Mondineu, Incendie à la campagne.
Crédits © Cliché N. Barbe. 1901, Lavis et gouache sur papier, 26 x 41 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle, https://www.centrepompidou.fr/​fr/​ressources/​oeuvre/​cXbke6q
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 384k
Titre Figure 9. Gustave Courbet, Le Retour de la foire ou Les Paysans de Flagey.
Crédits © N. Barbe, 1850-1855, h/t 208,5 x 275 cm, Paris, musée d'Orsay – Dépôt au musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, Besançon, https://www.musee-orsay.fr/​fr/​oeuvres/​les-paysans-de-flagey-10505
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4116/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 327k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Noël Barbe, « Devant Courbet et quelques autres… Ce qui se met au travail avec les images »Images du travail, travail des images [En ligne], 15 | 2023, mis en ligne le 20 juillet 2023, consulté le 19 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/4116 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itti.4116

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Auteur

Noël Barbe

Noël Barbe est anthropologue, chercheur au Laboratoire d’anthropologie politique (CNRS-EHESS). Il assure la direction scientifique de l’ethnopôle Courbet (Flagey/Ornans). Ses travaux portent sur la politisation des formes de présence du passé, une épistémologie politique des savoirs, une anthropologie politique de l’art, une approche critique des écritures des sciences sociales et de la muséologie. Ils se veulent attentifs aux dispositifs de pouvoir dans lesquels ils prennent place.

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