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Dossier

Les métiers du fromage dans la peinture alpine à la fin du Moyen Âge : production et réception d’images du travail paysan

Cheese trades in late medieval alpine paintings: Production and reception of peasant labour images
Marianne Cailloux

Résumés

De nombreuses peintures murales de l’Ancien Régime occidental montrent le travail suivant des modalités représentatives complexes. Dans les Alpes, des images sacrées comme profanes, utilisent le monde professionnel agricole comme « toile de fond », en paysage de la vie des personnages illustres, ancrant l’extraordinaire dans une réalité du quotidien.À travers différents exemples (Piémont), il s’agit d’analyser comment les peintres du XVe siècle représentent le travail, principalement de la production fromagère caractéristique de la région. Ces images montrent une spécialisation des artistes, une connaissance précise du geste professionnel, participant d’une culture alpine commune avec les commanditaires. La peinture montre enfin une valorisation, par la légende ou la sanctification, du professionnel et de ses tâches, qui rejoint une dimension socio-politique définissant une idée du travail particulière à la période.

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Texte intégral

1« Les images du travail ne sont pas réalistes » affirmait Jacques Le Goff (1990, 19) dans le colloque jalon des recherches sur le travail à la période médiévale en 1987. Pourtant, toutes les peintures ne représentent pas de la même manière les concepts et les valeurs d’une société et il faut distinguer dans « la peinture » les techniques, les supports et donc l’économie artistique qui en détermine la diffusion et donc les modalités d’expression. Perrine Mane (1990, 254) nuance la capacité des images peintes du travail qui n’ont pas selon elle vocation à être véristes, mais dont le didactisme s’articule en fonction de la réception des publics visés. Les peintures des manuscrits, objets coûteux et à destination nobiliaire, ne jouent pas forcément des sémantiques des images peintes sur les murs des édifices publics.

  • 1 Le corpus a été élaboré par sondage compréhensif dans les bases de données iconographiques des pein (...)

2Vectrices de phénomènes culturels et de faits de croyance, les peintures murales anciennes permettent une compréhension des représentations identitaires culturelles, des valeurs sociales, tel le travail des groupes qui les produisent, où elles s’insèrent, qui les regardent. La réflexion proposée ici utilise un corpus peint autour d’un motif iconographique du travail, pour analyser la construction des images mentales des activités agricoles alpines1. Il s’agit de mettre en évidence la complexité de la notion « travail » comme elle se conceptualise sous l’Ancien Régime. Ce sont des images peintes représentant les activités professionnelles de la fabrication du fromage, un produit alimentaire caractéristique de la zone de montagne, spécifique dans ses formes laborieuses et qui apparaît avec une récurrence relative dans la peinture ancienne.

3Le labeur de la production alimentaire de ces régions rurales de montagne touche en premier lieu une économie de survie, pour les populations (Rousselot-Pailley, 2012). Les représentations participent de la monstration d’une richesse agricole relative (Viallet, 1993, 193), de la manifestation de croyances et d’une mise en rapport du sacré avec l’idée de travail. En altitude, le mode de vie d’économie alimentaire est autant que possible autarcique, et les achats de nourriture sont réalisables par la vente de surplus de production laitière, la vente des fromages dits gras, le commerce de la laine, des agneaux et parfois de production céréalière en surplus, comme le seigle. Jusqu’au début du XXe siècle, les paysans de montagne développent deux stratégies économiques liées à leurs pratiques alimentaires : ils se privent dans leur consommation alimentaire familiale, pour augmenter le nombre de fromages à la vente ; et évitent le plus possible les achats de nourriture, jusqu’au sel et aux légumes frais, risquant les maladies à déficience (scorbut, « crétinisme ») (Orland, 2003). Le fromage et son trafic ont une telle importance dans les Alpes qu’il sert de monnaie d’échanges, pour le paiement des rentes de structures ecclésiastiques ou des taxes féodales, voire de support transactionnel lors des mariages ou des inventaires après décès.

  • 2 Le corpus se compose des peintures de la cascina dei frati, une dépendance agricole du couvent de R (...)
  • 3 Images Re-vues prépare un numéro sur les méthodes d’analyse des images anciennes, renouvelées entre (...)

4Les peintures (15) que nous proposons à l’étude s’articulent en édifices laïcs et religieux, en extérieur et en intérieur, entre le XVe et le XVIIe siècle, dans les Alpes et Préalpes italiennes du Piémont du nord (Aoste) et du sud (Cuneo), la Lombardie et le Trentin-Haut-Adige2. L’approche méthodologique consiste à analyser les images en croisant l’anthropologie visuelle, l’histoire culturelle des images et les sciences de l’Information et de la Communication3. Il s’agit donc d’étudier l’image pré-industrielle en tant que média, susceptible de médiations, support d’information et vecteur de communication, en la replaçant dans son processus dynamique info-communicationnel, c’est-à-dire en analysant les contextes des sphères de production, de transmission et de réception. Cette approche articule l’observation des capacités de l’image, à savoir ses usages, ses fonctions et ses performances au prisme de l’agentivité, avec son potentiel expressif des phénomènes sociaux et culturels dans la lignée d’Hans Belting (Cailloux, 2018).

5La question du peintre et de ses commanditaires, en tant que professionnels face à la représentation du travail, est traitée avec Giovanni Mazzucco et les ateliers Serra et Seregnesi, afin de souligner une éventuelle spécialisation dans les motifs d’activité alpine. Puis, la notion de sanctification du travailleur permet d’observer l’activation des imaginaires littéraires, hagiographiques et folkloriques, avec la figure du saint patron des fromagers. Enfin, la réflexion développe ce que la peinture ancienne dit du travail dans le cadre alpin, entre une promotion bucolique suggérant à la fois des dynamiques sociopolitiques prégnantes et une culture visuelle partagée du travail spécifique du produit laitier. Dès lors, la caractérisation des détails dans les peintures, dénote l’importance vitale du produit et une connaissance répandue des indices techniques.

1. Le peintre en tant que professionnel

  • 4 Suivant le climat (enneigement) et l’éclairage (soir), les temps de travail domestique, sous l’Anci (...)

6Parmi les peintures murales montrant de manière narrative des activités professionnelles, les cycles d’occupations des mois sont les plus fréquents (Henish, 1999, VII). Découpées en douze cadres ou médaillons, ces images décrivent une tâche spécifique à un mois de l’année, allant de janvier à décembre avec les travaux manuels domestiques à la cheminée ou l’abattage du cochon4. Le terme même d’occupation est révélateur, dans la mesure où certaines périodes de l’année ne sont pas propices à ce qui est considéré comme du « vrai » travail, les mois rigoureux cantonnant à la sphère privée et donc à des travaux d’intérieur. Cela semble indiquer la nécessité d’une expression dans la sphère publique pour légitimer le travail, un certain se montrer-faire (Voirol, 2005, 11). Si certaines de ces images peuvent être très précises dans la description des métiers et très spécifiques dans le localisme des activités de production alimentaire, elles ne représentent que rarement un secteur pourtant crucial pour la survie économique des Alpes : celui des produits laitiers. Les peintures qui les décrivent sont presque toutes des récits tirés des histoires sacrées des personnages chrétiens et, comme nous allons le voir, souvent réalisées par des artistes d’itinérance alpine.

1.1. L’exemple de Giovanni Mazzucco

7Les Alpes occidentales sont caractérisées par des ateliers de peintres qui se spécialisent dans certains motifs iconographiques et qui travaillent de manière migratoire entre différentes régions de la chaîne alpine. Le peintre Giovanni Mazzucco, actif dans la région de Cuneo entre les années 1452 et 1491, travaille régulièrement pour des commanditaires religieux, notamment les ordres mineurs (Bertone, 2002, 292). Dans les 15 occurrences connues de son corpus, cinq comportent des scènes agricoles et/ou fromagères, dès lors qu’il ne s’agit pas des histoires du Christ (3), de saints contemplatifs (3) ou de Vierge à l’Enfant (2). A Peveragno, il travaille deux fois pour le couvent dominicain et les fragments peints conservés montrent les activités de la traite et du labour. Il sait représenter avec minutie et variété le monde animal et agricole, comme on le voit dans les peintures qu’il réalise à Rocca Mondovì (1488) et à Morozzo (1491). Le premier site est une dépendance de couvent gérée par les frères de la chartreuse de Casotto ; le second est une chapelle sanctuaire mariale. Si celle-ci est décorée de manière assez traditionnelle (saints, histoires mariales), le premier voit s’ajouter aux saints (Christophe, Antoine, Bernard, Sébastien), des images autonomes dédiées au travail du fromage.

Figure 1 : Giovanni Mazzucco, Les fromagers.

Figure 1 : Giovanni Mazzucco, Les fromagers.

©Marianne Cailloux, 1488, peinture murale, Rocca Mondovì, maison chartreuse.

8A Rocca Mondovì, la peinture murale, située sur une loggia extérieure de la maison conventuelle, montre sur un fond montagneux gris parsemé de sapins, les différentes bêtes productrices de lait (vache, brebis, chèvre) et au, premier plan, un homme brassant dans un cuveau en bois, à côté d’une pile de larges tommes. Le vêtement est intéressant en ce qu’il décrit l’habillement typique de l’ouvrier médiéval : un bonnet de tissu blanc, un pourpoint sur chemise, ouvert, avec les manches remontées pour faciliter l’amplitude gestuelle ; un long tablier, alors que les chausses collantes et les souliers en cuir à poulaine indiquent plutôt un statut d’artisan. Le geste est décrit avec vraisemblance : l’homme tient son bâton à deux mains, les yeux baissés sur l’intérieur de la cuve qu’on ne voit pas. Les jambes sont écartées de sorte à donner le sentiment du mouvement latéral de brassage, qui part des hanches.

Figure 2 : Giovanni Mazzucco, Annonce à Joachim (détail des fromagers).

Figure 2 : Giovanni Mazzucco, Annonce à Joachim (détail des fromagers).

©Marianne Cailloux, 1491, peinture murale, sanctuaire de la Madone du Bricchetto à Morozzo.

9A Morozzo, dans la scène de l’annonciation à saint Joachim de la future naissance de la Vierge, c’est tout un processus de production qui a été peint aux pieds du personnage principal. Quatre minuscules ouvriers – en chausses, tabliers et bonnets – s’activent avec, à droite, le premier qui trait les chèvres, le deuxième qui souffle sur le foyer ouvert où est suspendu le chaudron de lait, le troisième qui recueille le caillé à la louche et le verse dans des moules en écorce tenus par le dernier. La peinture montre une activité à l’air libre, temporaire, un mobilier amovible (planches sans tréteaux), des outils spécifiques et une gestuelle précise et concentrée mais mobile et temporaire. Les personnages travaillent tous debout. Cela n’est pas sans rappeler le dynamisme extrême du travail en alpage estival, quand le produit est recueilli, transformé et conditionné toujours immédiatement, chaque jour d’estive pendant trois mois. Comme le signale Perrine Mane, la présence à la fois de brebis et de chèvres dans le paysage souligne la fabrication spécifique de fromages mixtes, avec un lait riche, très caséiné, et un lait plus maigre mais qui produit plus en quantité. On voit donc là une optimisation documentée par l’image et indiquée dans les textes pour les régions moins favorisées en élevage bovin.

10Outre la capacité mimétique de ces peintures, on voit dans ces images d’autres moments-clés de la chaîne de travail du fromage. La capacité d’adaptation et de transformation des espaces comme des mobiliers en fonction des usages est sans doute une caractéristique du travail et des modes de vie médiévaux, où une pièce peut être transformée en espace de travail, d’alimentation ou de repos dans la même journée, ce qui est plus le cas en milieu rural qu’urbain et tend à diminuer en avançant dans la période, suivant l’enrichissement (Ariès et Duby, 1988, 181-187).

Figure 3 : Maîtres Colin et Étienne, Négoce de fromages et charcuteries.

Figure 3 : Maîtres Colin et Étienne, Négoce de fromages et charcuteries.

©Marianne Cailloux, 1489-1502, peinture murale, Issogne, Château Allemant.

11La capacité de précision est visible dans les peintures murales du château d’Issogne (vallée d’Aoste), réalisées dans la cour intérieure, par Maître Colin et Maître Étienne dans les années 1489-1502 (Luksenburg, 2012, 55-80). Ce décor rappelle les différents types de commerce artisanal telle la vente de produits alimentaires comme la charcuterie et le fromage. Dans la même boutique, dite il pizzicàgnolo, un marchand et sa femme pèsent les différents types de fromage : un saladier de caillé, des bannettes (fromages allongés de chèvre), des vachelins (grands fromages circulaires de lait gras), des tommes (moyens fromages circulaires de lait maigre). Evelyn Welch (2005, 67-70) montre bien, au prisme du rapport au commerce (acheteur comme vendeur), la dimension socio-politique des images peintes représentant les travailleurs des produits alimentaires. La capacité à acheter ou à vendre certains produits dénote une aisance économique relative. Pour autant, le fait de travailler de ses mains, de toucher des produits directement, odoriférants et salissants, en lien avec les animaux, ramène même des personnes riches à des catégories sociales non nobles. Les peintures d’Issogne montrent avec acuité le rôle à la fois de propagande territoriale, de vitrine sociale au sein de communautés à la fois rigides et interactives dans les rapports de classes, et enfin le message politique et moral que les images du travail accumulent.

12La précision des gestes professionnels observée détonne avec les préconçus de la société contemporaine sur la peinture médiévale, perçue comme symbolique et stylisée plutôt que vériste. Pourtant, il s’agit là d’un débat à décaler, dans la mesure où ce qui fait le vérisme de la peinture tient non pas à la capacité technique picturale de l’artiste, mais bien plutôt à son insertion dans un monde du labeur omniprésent. La conception médiévale du travail diffère de la nôtre, en ce que le labeur est un mode de vie et non seulement une valeur et que la frontière légitimante – ou non – entre travail domestique et travail public – donc reconnu socialement – est inexistante sous l’Ancien Régime, comme les deux sphères sont productrices de revenus (Le Goff, 1990, 424).

1.2. Une spécialisation dans les motifs d’activité alpine

13D’autres ateliers de peintres itinérants alpins corroborent cette compétence d’observation et cette visibilité omniprésente des tâches laborieuses en milieu rural et de montagne, et c’est le cas en milieu urbain. En effet, suivant les conditions climatiques, saisonnières ou les ressources disponibles et l’éclairage, les individus et les groupes travaillent autant que possible en extérieur.

Figure 4 : Bartolomeo Serra et atelier, Nativité des Bergers.

Figure 4 : Bartolomeo Serra et atelier, Nativité des Bergers.

©Marianne Cailloux, 1466ca, peinture murale, Avigliana, église paroissiale San Pietro in Folonia.

14Une même peinture se trouve dans l’atelier familial des Serra (Piémont et Hautes-Alpes, entre les années 1440 et 1530) et dans l’atelier aussi pluri-générationnel des frères Seregnesi (Tessin et Grisons, entre les années 1450 et 1500) (Cajani, 1986 ; Fiorio, 2019). On voit chez les Serra une véritable spécialisation dans la représentation des caractéristiques de la montagne, que cela concerne ses paysages (minéralogie, faune, flore), la technicité des gestes professionnels des métiers qui s’y exercent, ou la spécificité vestimentaire inhérente à ceux-ci. Les peintures de l’église paroissiale San Pietro in Folonia à Avigliana (Piémont), réalisées par l’atelier dans les années 1460, utilisent des motifs pastoraux comme fonds des histoires de la Vierge qui la décorent. Il y a chez ces peintres des choix iconographiques visibles et spécifiques indiquant une expérience réelle de la montagne, corroborée par les connaissances historiques documentées en archives sur l’atelier (Fratini, 2019, 90-91). Ses membres sont résidents, propriétaires terriens et immobiliers dans le piémont de Pignerol et se déplacent pour des commandes en altitudes diverses, dans des villages de la haute vallée de Suse, du val Sangone, de l’Embrunais et du Briançonnais. L’utilisation de paysages montagneux est courante dans la peinture alpine : les Serra poussent le principe jusqu’à proposer des éléments locaux identifiables, comme des pas de montagne (Chiomonte, Chiusa San Michele) et les villes qui les défendent (Avigliana, Suse). Ces fonds sont peuplés de personnages ruraux au travail, surtout des bergers, vêtus d’habits typiques comme le bonnet en poils de chèvre. Au lieu d’être représentés dans le geste laborieux, ils sont dépeints dans des activités de repos et d’esprit, ils prient ou jouent de la musique. Bien sûr cela sert la scène – ici la Nativité des Bergers – et il y a une dimension bucolique idéalisant le rapport à la nature des travailleurs de la terre, quand le commanditaire de la peinture est noble, comme c’est le cas ici, dans l’église San Pietro à Avigliana.

15A Issogne, les activités professionnelles manuelles ne sont pas non plus représentées. Le commerce et le revenu du produit fini prévalent, ce qui correspond à l’environnement noble du château et aux enjeux économiques prégnants de la vallée d’Aoste. En effet, la famille princière régnante des Challant, tenants de ce château, ont tout intérêt à maintenir l’attractivité d’une vallée alpine plus enclavée que ses voisines, par les foires et péages commerciaux. Cela pose déjà la question d’une représentation sociale complexe du travail, idéalisée et donc idéologique, dans la peinture médiévale, valorisant certains aspects du travail et en invisibilisant d’autres.

16On peut ensuite s’interroger sur l’immersion des professionnels : les peintres, dont le statut et la représentation comme travailleur évoluent beaucoup sous l’Ancien régime. Aujourd’hui, les artistes sont considérés comme en marge de la société travaillante. La notion actuelle d’artiste, avec toute la fantasmagorie de l’auteur, du génie et de l’unique créatif qui l’accompagne, ne recouvre aucun sens à la période médiévale et moderne, où l’artiste est un artisan, un travailleur – manuel et intellectuel certes – qui répète des œuvres, s’en fait une spécialité, et est obligé par la survie économique à une diversification fréquente de ses activités (Cailloux, 2021, 91-117). Il y a donc un côtoiement observant et la pratique d’activités de subsistance qui sont un travail de la terre, du bétail, du produit alimentaire. Les images peintes montrent cette connaissance, cette compétence, l’assimilation de la technicité du geste et de l’engagement du corps, tel que l’exige la spécificité des tâches comme la transformation alimentaire.

1.3. Les enjeux de la commande

17Cette forme d’expertise bien particulière peut être partagée par les personnes qui achètent la peinture, c’est-à-dire qui les commandent par contrat. Ce document régule les relations transactionnelles avec l’artiste-artisan et la communauté dans laquelle il s’insère le temps du chantier. Il détermine également, à l’avance, les modalités techniques et iconographiques du sujet demandé.

18En milieu alpin comme ailleurs, la commande peut être le fait d’individus – laïcs, nobles, religieux – ou de groupes, le plus souvent une communauté paroissiale (village, bourg, quartier de ville) ou d’un ensemble conventuel, rural comme urbain. Nous avons déjà mentionné la commande noble, celle des Challant à Issogne, celle des Savoie à Avigliana, où les métiers du fromage sont montrés aux deux extrêmes de la chaîne de fabrication : la pastoralité et la commercialisation. Il reste à questionner la commande de personnes qui ont requis la représentation des opérations significatives (traite, cuisson, brassage, moulage) à côté, toujours, d’images religieuses : à savoir les peintures réalisées à Rocca Mondovì et Morozzo par Giovanni Mazzucco.

19Dans le premier cas, il s’agit d’une maison de frères chartreux, d’aides monastiques gérant les tâches agricoles que les pères ne peuvent réaliser, cantonnés comme ils le sont dans leurs cellules (Duparc, 1987, 28). Ces images décorent un lieu de vie et de passage d’individus qui eux-mêmes réalisent ces opérations. En effet, cette maison est à la fois lieu de production pour la chartreuse et lieu d’étapes et de refuge pour les professionnels de la transhumance qui déplacent les troupeaux de l’ordre. La production laitière est d’autant plus importante pour cet ordre – au-delà de considérations économiques – que les pères se livrent à l’abstinence carnée. Voués à l’isolement et au silence, il leur est nécessaire d’employer des frères convers et des clercs rendus (XIIIe-XVe siècles), des laïcs de profession monastique assujettis aux mêmes jeûnes mais se chargeant des activités physiques extérieures aux limites spatiales de la maison. De sorte que la subsistance naturelle des chartreux est pastorale et forestière, ne pouvant exploiter de grands domaines agricoles (Lauwers, 2021).

  • 5 Ces enjeux participent de la notion de culture alimentaire (Furney, Jackson, Raffard, 2016).

20La chartreuse de Casotto (1170-1802) qui possède cette maison de Rocca Mondovì, étend ses propriétés sur les pâturages de montagne et la plaine d’Asti dès la fin du XIIe siècle, jalonnant l’itinéraire entre les deux de granges tenues par ses frères (Guglielmotti, 1998, 142-144). Dès sa fondation, elle manifeste une volonté de se dédier à l’élevage laitier. On voit dans la peinture les vêtements laïcs des fromagers qui les identifient comme les aides des chartreux et non des membres de l’ordre. Ces derniers peuvent être représentés en peinture murale, comme à la chartreuse de Montebenedetto (Cailloux, 2021, 306). Pour en revenir au peintre, Mazzucco, il peut faire l’objet d’une relation entre les deux sites où il peint le même sujet des fromagers, puisque la chartreuse de Casotto possède une filiale dans le territoire de Morozzo (Guglielmotti, 1998, 148). Il est probable que le choix iconographique, ou même le transfert du peintre à trois ans de distance (1488-1491), soit à l’initiative des chartreux commanditaires. Ceux-ci placent donc leur identité visuelle, dans la représentation de leur travail, qui devient alors tout un symbole des valeurs et pratiques de l’ordre. Le fait que les images de Rocca Mondovì soient à l’extérieur tend en outre à indiquer une volonté de publicité visuelle de la part des frères. En montrant une identité similaire construite sur les mêmes activités professionnelles, cela peut faciliter une interaction avec les communautés locales qui est documentée comme houleuse (Guglielmotti, 1998, 153)5.

2. La sanctification du professionnel

21On voit donc à travers ces peintures et leurs enjeux contextuels, une monstration d’une conception du travail spécifique à la société occidentale d’Ancien Régime. Est mise au jour également, une conception différente de la société contemporaine, marquée par une ambivalence entre malléabilité et rigidité du cloisonnement social.

2.1. La floraison de légendes traitant d’activités professionnelles fromagères

  • 6 Ces récits sont récollés par les ethnologues surtout au XXe siècle, la question de la datation de m (...)

22Les activités professionnelles de montagne, et celles autour des produits laitiers, investissent l’imaginaire culturel, et cela dès les périodes médiévales (Lecouteux, 1982, 43-54)6. À travers les légendes fromagères documentées (Joisten, 1993, 93-103 ; Röhrich, 1982, 25-41), on voit combien le produit, et donc le travail qui permet de l’obtenir, sont synonymes symboliques d’une survie : en témoignent des récits autour d’une manne divine – ou du moins surnaturelle, récompensant le laborieux, l’abstinent et le croyant sous forme de lait ou de fromage (Le Don du chamois).

23En parallèle, nombreux sont les contes de mise en garde liés au « mauvais travail », ou au travail interdit des périodes chômées (Tiens, prends ma graisse). Les produits alimentaires tirés du travail rural et montagnard sont l’objet de tabous confinant au religieux : profaner le fromage, le lait, le pain, est puni dans ces légendes avec autant de violence que le vandalisme des produits eucharistiques (La Poupée des bergers ; Le Lait gâté ou volé ; L’oubli du tabouret). La détérioration, accidentelle ou volontaire, de certains aliments-clés comme ceux-là, marque la capacité à pécher et peut entraîner le décès des personnages ou encore la destruction de leurs biens, le plus précieux : les alpages (Röhrich, 1982, 25). L’oubli du tabouret est intéressant (texte n° 12 chez Röhrich) : des bergers-fantômes, punis pour avoir renversé du lait, apprennent à un garçon à choisir le « bon » lait et en récompense, celui-ci reçoit le don de chanter (iodler) pour tenir les vaches à la traite. On voit là d’une part l’importance de l’économie laitière et celle, cruciale, de bien faire les tâches techniques de son métier.

24Ce que disent aussi ces légendes, ce sont les dangers de la spécificité des métiers du fromage : l’isolement géographique à l’estive, l’ostracisation groupale (célibat, noyau familial désolidarisé) et donc l’ensauvagement (Le refus d’hospitalité/de charité). Dans La Poupée des bergers ou Le Berger écorché, des bergers-fromagers montés à l’alpage, trouvant le temps long, se fabriquent une compagne en fromage et pain, qui s’anime. Les travailleurs commettent alors le sacrilège sacramentel de lui donner le baptême ; ils la font travailler (traite, moulage) à leur place (Müller, 1945, III, 249-257). Elle finit par tuer le chef de la compagnie pour venger son outrage, puisque celui-ci refuse de redescendre à la fin de l’été avec les autres travailleurs, se coupant du monde des hommes. Il y a là dans les images, mentales comme peintes, les modalités séparant la bonne façon de travailler et la mauvaise : il n’est pas bon (chrétien) de travailler seul en ce milieu hostile qu’est la montagne (Castanho, 2016). Pour cela, les travailleurs ne sont pas représentés seuls, toujours en action, ou bien engagés dans une activité musicale ou orante à la fois élevante spirituellement et socialement interactive.

2.2. La mise en culte du travailleur

  • 7 La mise à l’écrit de ce conte est datée en 1839 ; la circulation orale reste impossible à retracer (...)

25Cette réflexion trouve une acmé dans le développement d’une figure de culte du fromager : le saint Lucio (ou Uguzzo, Luguzzone) qui, à partir d’un fait réel, construit une véritable reconnaissance socio-culturelle de l’importance économique des métiers du fromage. Il se met en place dans une région mitoyenne de celle où circulent les récits légendaires oraux, dont nous venons de traiter. L’histoire de La Poupée des bergers circule – avec une centaine de variantes – dans la vallée de la Levantine, entre les cantons d’Uri et du Tessin, une vallée qui descend jusqu’à Biasca, où le culte de saint Lucio est bien déployé dès le XVe siècle7. On voit des mises en symboles du travail de la production fromagère et de ses acteurs qui reflètent la régulation sociale manichéenne autour de l’activité physique.

26La légende raconte l’histoire d’un berger de Cavargna (Lugano) qui partage la moitié du fruit de son travail (soin du bétail, traite, fabrique du fromage) avec le propriétaire du bétail (Bianchi et al. 2000, 13-19). Lucius fait la charité de ses fromages et est assassiné par son employeur qui croit être volé. Le corps du jeune homme déposé dans l’église locale devient aussitôt miraculeux et l’objet de pèlerinages régionaux (Stueckelberg, 1912, 80-85).

27Une première église est documentée à son nom en 1359 mais le culte se répand dans les Grisons dès le XIIIe siècle, puis jusqu’au XVIe siècle dans toutes les vallées au-dessus de Bergame par la propagation d’images peintes et sculptées et le trafic alpin d’alpages des pâtres (Bianchi et al. 2000, 145). La vie imprimée et la multiplication d’ex-voto peints achèvent, aux XVIIe-XVIIIe siècles, la diffusion du saint à Lodi, Pavie, Crémone. Le culte s’étend de la montagne à la plaine par les habitants de Cavargna qui migrent de manière saisonnière professionnelle dans la plaine du Po. Il touche les corporations des marchands de fromage et de fromagers comme l'indiquent les fondations à son nom dans des édifices religieux à Brescia, Pavie et Milan, soit dans les grands centres de production fromagère en plaine. À Brescia, le Paraticum Formagiariorum est la corporation professionnelle la plus ancienne de la région et développe dès le milieu du XVe siècle une régulation détaillée pour les activités touchant la profession, jusqu’au protectionnisme de l’iconographie de leur saint patron, assurant un contrôle assez serré sur leur propre identité visuelle (Bianchi et al. 2000, 208).

2.3. Les images sacrées du saint fromager

28Le plus souvent, le saint est représenté de manière statique, sans être dans le geste professionnel, mais portant son produit fini. Il y a peut-être un certain embarras à représenter un personnage perçu dorénavant comme sacré, auteur de miracles, en train de réaliser des tâches manuelles déconsidérées car salissantes et sentant fort l’animal. Cette préoccupation disparaît au fur et à mesure de la période moderne dans la dilution libérale de la notion de travail. Dès la première image documentée en 1279 à la cathédrale de Lugano, la tome de montagne est représentée, quand les textes de la légende hagiographique mentionnent le caccio, le fromage maigre par opposition au fromage gras réservé au commerce et à l’exceptionnel repas de famille ou de confrérie (Viallet, 193).

Figure 5. Atelier Seregnesi, Saint Lucius.

Figure 5. Atelier Seregnesi, Saint Lucius.

©Marianne Cailloux, 1450ca, peinture murale, Biasca, église Santi Pietro e Paolo.

  • 8 Tout le corpus est fiché dans ce livre (p. 149-243).

29A Biasca dans la région de Lugano (vallée Riviera), la peinture de saint Lucius montre – comme dans le calendrier des mois réalisé par le même atelier des Seregnesi à Mesocco – une capacité réelle de mimétisme vériste des outils et des gestes du travail de production alimentaire de montagne. Le saint est dépeint en tenue de berger avec dans une main une tomme et dans l’autre un spino, une branchette écorcée utilisée par les fromagers pour brasser le caillé lors de la fabrication du fromage. Cet atelier familial se fait une spécialité de représenter le saint patron des fromagers dans le diocèse de Lugano, à Biasca, Carona ou encore Giornico, dans un corpus qui compte encore aujourd’hui plus de soixante peintures de Lucius (Bianchi et al., 2000, 1468).

  • 9 La peinture de Medeglia date de 1687 et a été réalisée par Giovanni Finale.

30Dans des peintures plus tardives, on voit le saint, accompagné de paysannes et de jeunes garçons, en train de fabriquer le fromage. C’est le cas des tableaux sur toiles du XVIIe siècle dans les églises de la région (Cavargna, Medeglia9) ou des piliers votifs peints (Cavargna, Peccia). Le lait chauffe dans une marmite de forme spécifique (conique) alors que le saint recueille le caillé dans un tamis avec une louche percée. Le foyer ouvert est pourvu d’une crémaillère amovible pour déplacer le chaudron de lait en fonction de la chaleur pour éviter que le produit ne bouille ; et le saint se protège des vapeurs brûlantes derrière un muret. Les mêmes outils (chaudron conique, louche, crémaillère) sont visibles dans une peinture murale de 1689, avec le saint faisant la charité du fromage à Medeglia en vallée d’Isone (toujours à Lugano), dans l’église paroissiale de San Bartolomeo.

Figure 6. Giovannino De’Grassi, La fabrication du fromage.

Figure 6. Giovannino De’Grassi, La fabrication du fromage.

©CC Wikicommons, Ibn Bûtlan, Theatrum Sanitatis, Rome, Bibliothèque Casatenense, manuscrit 4182, fol. 62, 1301.

31Cette précision descriptive est présente dans les représentations de la fabrication du fromage dès le Moyen Âge tardif, comme le montre le folio 62 dans une copie du XIVe siècle du Tacuinum Sanitatis (manuel de santé écrit par Ibn Bûtlan). La vignette enluminée montre une femme en train de brasser le caillé dans un chaudron conique, toujours avec ce même système de crémaillère. Sur la table, la louche percée, le moule perforé et le foncet montrent la mise en forme de la tome qu’un autre personnage est déjà en train de goûter. D’autres folios du manuscrit montrent différentes activités professionnelles fromagères : la vente, avec de grands fromages gras, ronds et plats (fol. 60v) ; l’utilisation du sérac, pour nourrir les animaux domestiques (fol. 60), ainsi que la fabrication du beurre et des fromages frais (fol. 59v et 61).

3. Ce que la peinture tardo-médiévale dit du travail alpin

3.1. Une promotion bucolique du labeur manuel

32Les images produites en milieu alpin suivent avec vérisme les réalités alimentaires de la montagne. Les élevages pour la vente – ou la production laitière – place en tête les bovins, les caprins et les ovins ; ce que corroborent les fouilles archéologiques de sites alpins. Pour les historiens économistes, le bétail occupe une place prépondérante dans l’économie alpine, de sorte que même s’il peut s’agir d’une activité d’appoint, elle reste vitale à la survie des foyers (Chanaud, 1984, 105-120). Ceux-ci sont très représentés dans les images montrant des activités agricoles. La pâture et la bergerie sont les plus fréquentes dans les arrière-plans même de scènes religieuses ou nobiliaires. Dans le contexte de commandes décoratives par les classes sociales supérieures, cela démontre une vision bucolique et fantasmée, du même ordre que dans les pièces littéraires et musicales (le Roman de Marion et Robin).

Figure 7. Wenceslas de Bohême, Mois de juin.

Figure 7. Wenceslas de Bohême, Mois de juin.

©CC Wikicommons, 1397ca, peinture murale, Trente, palais du Buonconsiglio (Torre Aquila).

33Dans les représentations des métiers du fromage à destination des classes sociales supérieures, les activités sont dépeintes autrement que ce que nous avons vu jusqu’à présent. On le voit dans les maisons nobles comme les palais de Trente et de Ferrare (Occupations des mois) ou les manuscrits enluminés (Très Riches Heures du duc de Berry). À Trente, le mois de juin montre le séquençage des activités du lait (traite, barattage et moulage) mais les outils sont si génériques qu’on ne peut identifier si c’est la chaîne opératoire du beurre ou du fromage qui est représentée, le produit fini n’étant même pas visible. Les tâches sont réalisées par des personnages bien habillés – plus richement même qu’à Rocca Mondovì – dans un paysage précieux et ordonné, au bétail gras et inoffensif, à la flore agricole abondante. Les gestes sont doux, les corps alanguis, comme si le travail était un répit, voire un jeu, cela non sans une certaine satire, un peu cruelle et sans beaucoup d’empathie pour les réels travailleurs manuels.

3.2. La dimension socio-politique de la peinture du travail

34Toute une dimension socio-politique transparaît dans la peinture tardo-médiévale et moderne du travail, relevant des facteurs identitaires et culturels marqués. Le travail est connoté comme légitime ou ostracisant. Il peut être montré comme positif – en lien avec la nature, la réalisation de la tâche du divin – ou bien négatif – sale, animalisant, symbole de pauvreté car obligatoire pour la survie individuelle et groupale. La capacité à représenter avec acuité une posture, un geste bien précis, et jusqu’au type de fromage, montre une connaissance pointue de la stratification sociale et un partage de préoccupations similaires.

35Un changement de perception de ce qu’est le travail et des valeurs qu’il soutient s’opère à la fin du Moyen Âge (Le Goff, 2013, 199 et 210). Sa conception se charge de sens nouveaux et multiples, tout en achevant de complexifier un rapport au divin qui colore toutes les représentations identitaires de l’Ancien Régime occidental. C’est le cas avec l’essor de nouvelles classes laborieuses (artisanat, commerce, proto-industrie alimentaire), au service d’un bien commun qui n’est plus cantonné à un seul groupe social (Martin, 2001, 106-119). Il n’en reste pas moins vrai que les classes inférieures travaillent pour les supérieures et que, si la reconnaissance de leur travail participe de la pacification sociale, la diffusion d’une idéologie bucolique et romancée des réalités de la terre contribue au maintien de l’aliénation du labeur manuel (Freedman et Marin, 1992, 553-4).

  • 10 On peut citer toutes les images autour des pratiques professionnelles des Antonins : à Clans la fab (...)

36Pour autant, avec la constitution des corporations professionnelles et la capitalisation possible dans les filières du fromage, une émancipation sociale par le fromage est envisageable et se documente au cours de la période moderne. La matérialité reste attachée à des symboles et on voit une perpétuation jusqu’à après la chute de l’Ancien Régime, de rites, de pratiques et de croyances autour des métiers de la production alimentaire. Ceci est sans doute une des raisons de l’acuité de leur représentation peinte dans les milieux ruraux (ex-votos alimentaires peints, images de saints producteurs)10.

3.3. Entre vérisme et symbolisme, une familiarité visuelle

37Dans l’image médiévale, tout acquiert valeur à la fois d’exemplarité et de symbole. Cela n’exclut pas, au contraire, que les producteurs et commanditaires d’images soient capables de vérisme, en fonction de leur connaissance du travail et des manières de les représenter

38Les outils représentés dans le corpus étudié montrent à la fois la compétence technique de peindre des détails (écorce, clous des seaux) et la volonté d’ancrer l’image du sacré dans une réalité du geste (manipulation des chaudrons, louches percées, moules). Cela passe par la mise en séquence dans la représentation des différentes étapes de la fabrication du fromage (Boëtsch, 1990, 200). Les temps les plus emblématiques de ce travail du fromage – que sont la pâture et le brassage du caillé – sont les plus souvent choisis et représentés. Cela participe de la capacité picturale médiévale à la synthèse visuelle syncrétique où tous les enjeux sont lisibles dans un seul motif. Dans le brassage, il y a l’évocation du cloisonnement économique (qui peut payer quel fromage) dans la séparation de la crème et du sérac. On retrouve ici les oppositions structurantes du social évoquées par les métiers, aussi physiques et en lien avec l’organique et le naturel, dans l’analyse de Gilles Boëtsch (1990, 220). Il y a également toutes les connotations spirituelles – sacralisantes comme diabolisantes – évocatrices du système de croyances de cette société, qu’il s’agisse de légendes laïques ou de récits hagiographiques (comme le culte du lait rappelant la Vierge). Elles montrent une conception du travail investie de tout un substrat symbolique très complexe et construisant des valeurs comme ossature du tissu social.

39Un dernier enjeu dont il n’a pas été question ici porte sur le genre des travailleurs représentés dans ces peintures. Si dans l’exemplaire du Theatrum Sanitatis mentionné, il s’agit d’une femme, force est de constater une surreprésentation des hommes lorsqu’il s’agit de travaux extérieurs urbains : les bergers, les fromagers et les vendeurs sont des hommes. Lorsqu’il y a des femmes dans la peinture du château d’Issogne, celle-ci s’occupe de l’aspect domestique : elle sert le produit. L’homme, vraisemblablement son mari dans cette culture médiévale de la structure professionnelle familiale, s'occupe de l’interface sociale et de la comptabilité pécuniaire. Dans les images du XVIIe siècle de la fabrication du fromage de saint Lucio, les femmes moulent et l’homme gère le danger du feu. Pour autant, trois siècles plus tôt dans le Theatrum Sanitatis, la femme s’occupe du chaudron, alors que l’homme se sert et mange.

  • 11 Peintures murales des églises de Bunkerflo, Knislinge, Lohja, Österlövsta, Övergran, Vermmerlöv et (...)

40Dans la lignée de ce constat, on peut faire un détour par une autre image : celle de la femme-sorcière à la baratte, représentée dans la peinture murale du nord de l’Europe et en Europe de l’Est. Elle est peinte au travail du produit laitier aidée par un démon11. Cela dit quelque chose de la richesse des femmes dans la communauté, et de la crainte de l’exclusivité des espaces féminins de travail qui échappent à une régulation sociale (Shahar, 2004, 180). En fonction des espaces et des gestes techniques et des partenaires de travail, se dégage alors un discours sur la répartition genrée de l’activité professionnelle. Certaines sont attribuées aux femmes dans la sphère domestique (le beurre, la bière). Ce sont ces tâches réalisées par les femmes qui sont représentées de manière négative, avec des diables et des pouvoirs surnaturels condamnables, dans la peinture tardo-médiévale. Ces tâches permettent aux femmes d’augmenter la survie économique du foyer et leur donne une place qui rend visible leur capacité professionnelle. L’effet produit est de questionner leur enfermement domestique dès lors qu’il faut sortir de l’espace privé pour vendre la production (Shahar, 2004, 208-218 et 259-261). Une étude récente démontre comment l’entreprise de la brasserie a été aux mains des femmes pendant tout l'Ancien Régime, puis progressivement retirée. Il s’agit en effet d’une activité faisable à la maison, qui complète le revenu d'un foyer avec peu de contraintes, mais elle devient problématique dès lors qu’elle nécessite de sortir dans l’espace public pour la commercialisation des produits (Fält, 2017). On note une accumulation d’images mentales d’avertissement – dans les exempla de prédication et dans la peinture médiévale occidentale – où la question du genre n’a encore que peu été traitée par la recherche. Dès lors, cette mise en images répartissant suivant le genre, les occupations professionnelles, documente une certaine inquiétude d’un renversement social sexué et donc une volonté, non forcément conscientisée de maintenir une hiérarchie pas seulement verticale mais horizontale.

41On le voit, qu’elle corresponde à une commande populaire et rurale ou à une commande bourgeoise ou noble d’ordre privée et auto-promotionnelle, la peinture murale reflète toute la complexité du rapport au travail et de sa conception culturelle sous l’Ancien Régime. Le lieu, la montagne et la période, la fin du Moyen Âge, mettent en avant une économie locale basée sur la production, la commercialisation et la consommation de biens alimentaires. Dans les peintures du travail, ceux-ci transmettent des marqueurs idéologiques culturels spécifiques au socioreligieux.

42Le principe de cette étude était de mobiliser les iconographies de professionnels du fromage pour mettre en perspective la prescription sociale qu’elles sous-tendent, les documents d’usages et la mise en mémoire que les images peuvent prétendre être. Ces peintures murales permettent de saisir une réalité matérielle à travers ce qu’elles représentent Elles transmettent des informations inédites par l’acuité de leur description technique des gestes, des outils, de l’engagement du corps, qui rendent le travail dans une familiarité culturelle du quotidien.

43En 1990, le regard anthropologique de Gilles Boëtsch interroge la pertinence de l’iconographie sur la « réalité du travail d’hier », en opposant objectivité et subjectivité. Or, ici, il se trouve que c’est de la subjectivité de ces peintres, qui partagent un même quotidien de montagne, que le regard averti du spectateur montagnard lui-même fait surgir une objectivité des réalités du travail du produit alimentaire.

44La peinture au XVe siècle donne à voir une glorification du travail qui n’exclut pas un jugement de valeurs, à tout le moins une hiérarchisation des types de travail qui produisent des biens, plus ou moins nobles (Martin 2001, 116). Se construit à la fin de la période, la croyance que le salut de la pauvreté réside dans l’activité et sa professionnalisation dans un but de survie économique et de stabilisation sociale. Tous ces enjeux transparaissent dans les images peintes du travail qu’elles mettent en scène dans un storytelling documentant tant la mentalité que les pratiques professionnelles.

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Notes

1 Le corpus a été élaboré par sondage compréhensif dans les bases de données iconographiques des peintures murales alpines (informatiques comme Patrimages et Préalp ; et monographies imprimées) à partir de l’identification du motif fromager dans le travail de Mazzuco. Il s’insère dans un corpus plus vaste sur la nourriture alpine peinte. Le corpus littéraire a été réuni de la même façon par la consultation de toutes publications relatives au légendaire alpin. Par image mentale, on entendra représentation culturelle traduite par des formes, soit littéraire et théâtrale (image mentale), soit picturale (image matérielle), laquelle peut susciter des images supplémentaires par analogie cognitive.

2 Le corpus se compose des peintures de la cascina dei frati, une dépendance agricole du couvent de Roccaforte Mondovì (Cuneese), de la cour du château d’Issogne (vallée d’Aoste), de la chapelle du sanctuaire du Brichetto à Morozzo (Cuneese), de l’église San Pietro in Folonia à Avigliana (Turinois), de la grande salle du château du Buonconsiglio à Torre dell’Aquila (Trentin) et des chapelles de Biasca, Carona, Giornico, Medeglia, Mesocco (Lugano), du manuscrit Lat 9333 de la Bibliothèque Nationale de France et de tableaux du musée du Parmesan (Parme).

3 Images Re-vues prépare un numéro sur les méthodes d’analyse des images anciennes, renouvelées entre l’histoire de l’art et d’autres disciplines SHS en bilan de ces réflexions récentes.

4 Suivant le climat (enneigement) et l’éclairage (soir), les temps de travail domestique, sous l’Ancien Régime, peuvent être collectifs autour de la cheminée : travaux textiles (couture, tricot) et réparations (cuir, outils agricoles, ustensiles).

5 Ces enjeux participent de la notion de culture alimentaire (Furney, Jackson, Raffard, 2016).

6 Ces récits sont récollés par les ethnologues surtout au XXe siècle, la question de la datation de mise en circulation orale, des histoires, reste problématique : peu de détails indicateurs, souvent vagues (introduction des aliments, mentions d’argent, de jeux). Les témoins de Josef Müller sont nés au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

7 La mise à l’écrit de ce conte est datée en 1839 ; la circulation orale reste impossible à retracer plus tôt (Gilardi, 1999, 155-156).

8 Tout le corpus est fiché dans ce livre (p. 149-243).

9 La peinture de Medeglia date de 1687 et a été réalisée par Giovanni Finale.

10 On peut citer toutes les images autour des pratiques professionnelles des Antonins : à Clans la fabrication vériste des onguents porcins qui font l’économie de l’ordre, est représentée en détails dans le cycle peint dédié à saint Antoine ; à Baceno et à Ranverso, les dons en nature sont peints aux murs des églises et montrent tout le trafic économique développé par les moines autour des produits alimentaires, entre subsistance, réseau et symbolique sacrée (Cailloux, 2021, 85-86).

11 Peintures murales des églises de Bunkerflo, Knislinge, Lohja, Österlövsta, Övergran, Vermmerlöv et Söderby-Karl (XIVe-XVIe siècles) ; retable du Jugement dernier de Slovenz (XVIIe siècle).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Giovanni Mazzucco, Les fromagers.
Crédits ©Marianne Cailloux, 1488, peinture murale, Rocca Mondovì, maison chartreuse.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4052/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 868k
Titre Figure 2 : Giovanni Mazzucco, Annonce à Joachim (détail des fromagers).
Crédits ©Marianne Cailloux, 1491, peinture murale, sanctuaire de la Madone du Bricchetto à Morozzo.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4052/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
Titre Figure 3 : Maîtres Colin et Étienne, Négoce de fromages et charcuteries.
Crédits ©Marianne Cailloux, 1489-1502, peinture murale, Issogne, Château Allemant.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4052/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
Titre Figure 4 : Bartolomeo Serra et atelier, Nativité des Bergers.
Crédits ©Marianne Cailloux, 1466ca, peinture murale, Avigliana, église paroissiale San Pietro in Folonia.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4052/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 48k
Titre Figure 5. Atelier Seregnesi, Saint Lucius.
Crédits ©Marianne Cailloux, 1450ca, peinture murale, Biasca, église Santi Pietro e Paolo.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4052/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Titre Figure 6. Giovannino De’Grassi, La fabrication du fromage.
Crédits ©CC Wikicommons, Ibn Bûtlan, Theatrum Sanitatis, Rome, Bibliothèque Casatenense, manuscrit 4182, fol. 62, 1301.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4052/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 88k
Titre Figure 7. Wenceslas de Bohême, Mois de juin.
Crédits ©CC Wikicommons, 1397ca, peinture murale, Trente, palais du Buonconsiglio (Torre Aquila).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4052/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 66k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Marianne Cailloux, « Les métiers du fromage dans la peinture alpine à la fin du Moyen Âge : production et réception d’images du travail paysan »Images du travail, travail des images [En ligne], 15 | 2023, mis en ligne le 20 juillet 2023, consulté le 20 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/4052 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itti.4052

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Auteur

Marianne Cailloux

Marianne Cailloux est historienne, maîtresse de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication depuis 2015, à l’université de Lille (laboratoire GERIICO). En 2021, elle publie sa thèse, « Peindre, voir et croire dans les Alpes ». Ses travaux portent sur les cultures visuelles et le rapport aux images, en tant que dispositif littératique ; ses derniers articles sur la narrativité, l’intentionnalité et les transferts médiatiques : « L'essor et la diffusion des images religieuses industrielles : médiatisation(s) des gravures saintes dans les foyers savoyards aux XVIIe-XVIIIe siècles » (Image(ries) religieuses à l'ère industrielle en Europe dir. C. Borello et A. Mariotte); “Theorizing medieval visual art from the Information & Communication Sciences” (Actual Problems of Theory and History of Art, éds. A. V. Zakharova, S. V. Maltseva, E. Iu. Staniukovich-Denisova).

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