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Dossier

La représentation des nourrices dans l’espace public : figures du travail dans la peinture de la deuxième moitié du XIXe siècle

Representations of wetnurses in public spaces: worker figures in later 19th century painting
Hélène Zanin

Résumés

La représentation des nourrices parisiennes est un motif récurrent de la peinture de la deuxième moitié du XIXe siècle. Les nourrices sur lieu sont le plus souvent mise en scène dans des espaces caractéristiques du décor urbain transformés par Haussmann, comme les espaces verts et les boulevards. Ces figures anonymes de la maternité et de la domesticité redoublent le pittoresque des lieux et participent à leur idéalisation. Or, ces images peintes déforment la réalité de leur activité laborieuse. Elles occultent la violence et le contrôle qui s’exercent sur les nourrices et donnent au lieu commun un pouvoir normatif.

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Texte intégral

  • 1 Ce texte fait partie du recueil Les Français peints par eux-mêmes. Encyclopédie morale du XIXe sièc (...)

« Fraîche, pimpante, accorte, la nourrice, dans tout l’éclat de ses atours, se prélasse aux Tuileries en compagnie de ses collègues, tandis que les enfants s’amusent […] Aux Tuileries la nourrice tient sa cour plénière ; elle a pour boudoir les quinconces de marronniers, les longues allées pour galeries. » (Achard, 2003, 416)1

1Cette citation aux accents primesautiers est représentative de l’image de la nourrice parisienne, telle qu’on la conçoit et telle qu’on la peint dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Cependant, derrière l’apparente légèreté de la scène et la quiétude des jardins, il est un fait passé sous silence. On ne voit pas ou peu l’objet même de leur travail : l’allaitement des enfants. Si ce n’est la fonction nourricière, que nous donnent alors à voir les représentations de nourrices, ces figures singulières de la domesticité et de la maternité ?

  • 2 Pour un approche iconographique générale : Lett et Morel 2006 ; Luis 2009 ; Sperling 2016 ; Ventura (...)
  • 3 Au sujet de ces représentations : Rosenblum 1972, Duncan 1973, Sheriff 1991, Jacobus 1992, Rand et (...)

2Les historiennes et les historiens de l’art se sont intéressés dans leur acception la plus large aux scènes de nourrices et d’allaitement non maternel, que ce soient les lactations miraculeuses et les lactations animales, les charités romaines et les charités indiennes, les nourrices aristocratiques ou encore les représentations allégoriques et politiques2. Pour la période contemporaine, les travaux se sont surtout concentrés sur les années formant la charnière des XVIIIe et XIXe siècles. Les représentations d’allaitements et de nourrices s’y multiplient et s’inscrivent de façon complexe dans les débats publics3. Elles sont marquées à la fois par la réception de l’ouvrage de Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation, publié en 1762, où le philosophe condamne le recours aux nourrices et reformule la question de l’allaitement en termes de devoir social et moral des mères, mais aussi par les avancées et reculs rapides concernant les droits civils et patrimoniaux des femmes pendant la Révolution française et l’Empire.

  • 4 Berthe Morisot, La nourrice et Julie, 1879, huile sur toile, 50 x 61 cm, collection particulière, É (...)

3Rares sont les travaux s’intéressant aux images nombreuses produites plus tard dans le siècle. George D. Sussman a publié en 2018 un article où il propose de voir dans le tableau de Daumier daté de 1862, La voiture de troisième classe, des nourrices emportant un nouveau-né plutôt qu’une famille de pauvres paysans (Sussman, 2018). L’essai de Linda Nochlin, « La Nourrice de Berthe Morisot, part respective du travail et du loisir dans la peinture impressionniste » s’attache à commenter principalement des toiles peintes par Berthe Morisot dans les années 1880, notamment le tableau intitulé La Nourrice et Julie (Nochlin 1993)4. À partir du cas particulier du travail des nourrices, l’historienne de l’art américaine discute les ouvrages d’Eunice Lipton et de Robert Herbert (Lipton, 1986, et Herbert, 1988.). Elle souligne la nature laborieuse des activités féminines – qu’elles soient serveuses, danseuses ou prostituées – montrées dans les tableaux de la période impressionniste, nature qui a souvent été niée au profit d’un point de vue masculin et consommateur de loisirs urbains. Cependant, le corpus convoqué par Linda Nochlin, quoique très convaincant, est relativement réduit. Or, nous l’avons dit, la peinture de la deuxième moitié du XIXe siècle, allant des années 1870 jusqu’à la première guerre mondiale et qui correspond mutatis mutandis aux esthétiques de l’impressionnisme et du postimpressionnisme, comporte de nombreuses scènes où apparaissent ces travailleuses appartenant à la domesticité. Le corpus gagne donc à être élargi dans une direction inédite, celle des nourrices dans l’espace public.

4Les scènes où prennent place les nourrices sont au premier regard anodines et positives. Elles montrent des images idéalisées en lien avec la représentation de la maternité, de l’enfance ou de la promenade. Linda Nochlin a convoqué l’image de la nourrice dans l’espace privé du foyer, dans un rapport frontal avec son employeuse, la mère et peintre Berthe Morisot. À la suite de son travail, nous voulons analyser la place des nourrices dans l’espace public urbain, celui des squares, des parcs, des boulevards et des hippodromes. À travers ces environnements variés, il s’agit de ressaisir les dimensions sociales et politiques de cette activité nécessairement genrée qui implique la corporéité intime des travailleuses. Ces représentations ne parlent pas tant des nourrices qu’elles parlent à travers elles. Nous verrons que ces figures singulières de la maternité et de la domesticité endossent des fonctions esthétiques et décoratives, prescriptives dans un contexte de nationalisme et de politique nataliste, et enfin, symboliques et normatives dans la perception de l’identité au féminin de cette époque. Finalement, les conditions réelles d’exercice du travail de la nourrice, avec ses contraintes et ses difficultés, ne font l’objet que de quelques rares tableaux.

1. La nourrice parisienne : des réalités sociales et des représentations visuelles distinctes

1.1 Nourrice à la campagne et nourrice sur lieu

  • 5 Pour les nourrices de la ville de Lyon, voir Romanet, 2013. Voir aussi les données issues de différ (...)
  • 6 Rollet, 1978, cité par Simon, 2011, 95. Sussman indique des chiffres un peu inférieurs pour l’année (...)
  • 7 L’industrie nourricière a fait l’objet d’études historiques auxquelles nous renvoyons : Perrot, 197 (...)

5Le terrain d’enquête de cet article est celui des représentations des nourrices dans l’espace parisien. Sans être le seul centre urbain concerné, les femmes de la capitale française ont de longue date eu recours aux seins mercenaires pour nourrir leurs nouveau-nés5. Les travaux de Catherine Rollet ont démontré que, sous le Second Empire, ce sont près de la moitié des enfants nés à Paris qui sont confiées à une nourrice6. À cette époque, l’industrie nourricière comporte deux modalités distinctes, la nourrice à la campagne et la nourrice sur lieu7.

  • 8 Ces régions accueillent aussi le contingent des enfants abandonnés envoyés en nourrice par l’Assist (...)

6Le recours aux nourrices à la campagne est le plus ancien et le plus répandu. Il désigne l’envoi, dans des familles rurales et pauvres, des nourrissons nés en villes. Ceux-ci sont issus de familles de la petite bourgeoisie mais aussi de familles de prolétaires dont les femmes ne peuvent arrêter de travailler pour subvenir aux besoins de l’enfant. Des départements limitrophes de la capitale parisienne ainsi que certaines régions comme le Nivernais ou le Morvan se spécialisent dans l’accueil de ceux que l’on surnomme les « Petits Paris »8. Les nourrissons survivent peu à ce traitement : ils sont amenés par des « meneurs » à la campagne, souvent dans des conditions effroyables. Ils peuvent pâtir d’un allaitement insuffisant complété par des bouillies inadaptées. Ils subissent le manque de soins prodigués par des femmes ayant souvent la charge d’un autre enfant – malgré l’interdiction de cette pratique – et l’obligation de participer aux travaux agricoles (Faÿ-Sallois, 1980, 82.). Par ailleurs, lorsque les nourrices sont contraintes d’abandonner trop tôt leur propre enfant ou d’arrêter leur allaitement avant le sevrage, elles menacent leur survie (Faÿ-Sallois, 1980, 111-116).

  • 9 Voir les critiques du marché nourricier par Charles Monot et le Dr. Brochard dans Faÿ-Sallois, 1980 (...)

7Cette surmortalité infantile est connue des pouvoirs publics : ceux-ci restent impuissants malgré des tentatives de législation comme la loi Roussel de 18749. Seule la popularisation des découvertes scientifiques de Pasteur en matière d’asepsie des biberons et de stérilisation du lait animal permettront réellement de faire baisser la mortalité infantile à la fin du siècle (Rollet, 1990, 155-222). Ces découvertes ainsi que la mise au point de tétines en caoutchouc et de substituts de lait maternel inventés par Justus von Liebig et Henri Nestlé entraînent une baisse importante du recours aux nourrices après la Première Guerre mondiale. Bien avant cette date et pour pallier les risques mortels qui pèsent sur les nourrissons non sevrés, les familles bourgeoises et aristocrates ont massivement recours aux nourrices sur lieu qui sont employées directement dans la famille de l’enfant à nourrir. Malgré la différenciation et le cloisonnement du marché nourricier, les nourrices à emporter comme les nourrices sur lieu coexistent jusqu’aux changements définitifs de pratiques en matière de puériculture et de soins apportés aux nouveau-nés au XXe siècle.

  • 10 À quelques exceptions près, comme la figure iconique de la jeune nourrice paysanne en sabot peinte (...)
  • 11 Des exemples : Auguste Renoir, Un jardin à Montmartre, vers 1890-1899, huile sur toile, 46 x 55 cm, (...)

8Pourtant, il est essentiel de noter que cette coexistence des pratiques est peu visible dans les représentations picturales. Dans le domaine des arts visuels, et particulièrement dans celui de la peinture, les nourrices à emporter dominent jusqu’au milieu du XIXe siècle chez des artistes comme Greuze, Aubry, Gérard, Boilly ou Daumier. Mais à partir des années 1870, non seulement les nourrices sur lieu font leur apparition, mais en outre elles s’imposent rapidement et de façon hégémonique dans la peinture de cette période10. Les nourrices sur lieu, mêlées aux bonnes d’enfants, aux travailleuses et aux passantes, deviennent les figures discrètes et néanmoins omniprésentes des vues peintes de Paris de cette deuxième moitié du XIXe siècle. Mais les images posent presque systématiquement la question de leur identification. En effet, les nourrices sur lieu sont rarement désignées et les titres des œuvres peintes se composent le plus souvent de désignations topographiques, comme le jardin de Montmartre, le Parc Monceau, la place de la Concorde, ou la place des Pyramides11 . Elles nous interrogent si ce n’est sur l’invisibilisation, du moins, sur la dilution de ces figures singulières du travail domestique et de la maternité dans un certain nombre de lieux communs.

Figure 1 : Stanislas Lépine, La place de la Concorde, vue de la terrasse des Tuileries

Figure 1 : Stanislas Lépine, La place de la Concorde, vue de la terrasse des Tuileries

Vers 1880, huile sur bois, 26 x 33 cm, Paris, musée Carnavalet, P1936, domaine public/CCØ

1.2 La nourrice sur lieu : une figure caractéristique dans la culture visuelle

  • 12 Comme l’écrit Alphonse Daudet : « Cela, c’est la nourrice de promenade et de parade costumée métamo (...)

9Si les nourrices sont rarement nommées dans les titres, elles sont facilement identifiables en raison de leur tenue vestimentaire. Lorsqu’elles arrivent à Paris, les nourrices arborent généralement la coiffe et le costume traditionnels de leur région d’origine. Ces particularités sont valorisées, parfois même exigées par les employeurs qui y lisent des signes d’authenticité, garantie de l’origine rurale de la nourrice et donc, de son immanquable santé robuste et pourvoyeuse de lait (Faÿ-Sallois, 1980, 210-211). Pour le reste, les éléments du vestiaire de la nourrice leur sont fournis. Les employeurs participent ainsi directement à l’uniformisation de la demande auprès des grands magasins et des industries textiles. Cette standardisation du costume répond à un double objectif : non seulement il marque nettement la profession de ces femmes, mais en outre, il exprime un besoin d’ostentation de la part des employeurs soucieux d’afficher leur statut12.

  • 13 Fanny Faÿ-Sallois précise que si le magasin du Louvre propose seulement trois sortes de tablier en (...)
  • 14 « Quand donc les femmes du monde cesseront-elles de considérer leurs nourrices comme un ornement, p (...)

10De cet uniforme, on retiendra tout d’abord, les éléments pratiques permettant d’abriter le nourrisson : courte cape ou long manteau, ombrelle, et à la fin du siècle, les premières voitures d’enfant. Ensuite, le tablier, blanc ou noir, qui est l’attribut indispensable de la femme domestique (Faÿ-Sallois, 1980, 208)13. Enfin, les signes distinctifs et ostensibles de la profession se concentrent, particulièrement autour de 1880, dans le haut du corps : un corsage s’agrafant à l’avant permettant l’allaitement, un large col blanc empesé d’où émerge le visage de la nourrice et surtout, la coiffe qui se compose d’un bonnet blanc ceint d’une couronne chiffonnée et vivement colorée de laquelle s’échappent deux larges rubans qui retombent dans le dos, presque jusqu’à terre14. L’équipage de la nourrice est généralement complété par celui du nourrisson, luxueusement vêtu de dentelles. Cet ensemble est décrit précisément et en grande pompe dans le tableau d’Edelfeldt.

Figure 2 : Albert Edelfelt, Le Jardin du Luxembourg

Figure 2 : Albert Edelfelt, Le Jardin du Luxembourg

1887, huile sur toile, 141 x 186 cm, Helsinki, Ateneum Art Museum, photo : Finnish National Gallery / Hannu Aaltonen, domaine public/CCØ

  • 15 Félix Vallotton, La manifestation, 1893, gravure sur bois, Paris, Bibliothèque nationale de France (...)

11La nourrice est un type visuel reconnaissable qui alimentent le goût des typologies sociales et illustrent les physiologies et études de mœurs (Le Men et al. 1993). Le plus souvent, il est fait référence à son costume de façon allusive. À la manière d’une synecdoque visuelle, on entr’aperçoit seulement une partie de ces éléments qui émerge dans le décor urbain de la rue ou du square, partie qui nous permet de reconstituer le tout de l’identité, de la fonction et des accessoires de la nourrice. Finalement, des artistes comme Vallotton, dans La Manifestation, ou Bonnard dans sa célèbre Promenade des nourrices, frise de fiacres, confèrent aux longs rubans de la coiffe l’efficacité d’un signe visuel reconnaissable par tous15.

  • 16 Fanny Faÿ-Sallois a repéré sept thèses publiées entre 1822 et 1866 portant exclusivement sur le cho (...)
  • 17 Le Dictionnaire des Sciences médicales précise qu’il faut choisir « une nourrice dont la santé, la (...)
  • 18 Voir par exemple les caricatures d’Abel Faivre reproduites dans Faÿ-Sallois, 1980. Ces idées sont a (...)
  • 19 Voir par exemple la statuette de la chanteuse de cabaret Thérèsa qui a interprété la romance humori (...)

12Si les nourrices sont autant présentes dans la peinture, c’est qu’elles le sont plus généralement dans la culture visuelle, littéraire et scientifique de l’époque. Nombreux sont les traités qui évoquent la manière de bien choisir une nourrice16 : celle-ci se doit donc d’être jeune et d’une santé éclatante17. La peinture respecte généralement ces exigences d’une nourrice aux caractéristiques physiques idéales, mais il en va autrement des autres medium artistiques. Certes, certaines gravures s’inscrivent parfaitement dans cette figure de la nourrice parisienne en grande tenue. Mais d’autres dessins de presse font une caricature féroce de paysannes décrites comme ignorantes, âpres au gain, gloutonnes, montrant peu de pudeur et peu de vertu18. Par ailleurs, la profession des nourrices est non seulement la cible de portraits littéraires à charge – comme dans Les Français peints par eux-mêmes (Achard 2003) –, mais elles sont aussi les héroïnes le plus souvent comiques et moquées de pièces de théâtre et de romances chantées19.

13L’image peinte des nourrices et de leur costume caractéristique prend donc place dans une production culturelle et visuelle bien plus vaste, au sein de laquelle elle se singularise. Son association aux décors et environnements de jardins publics confine, nous l’avons dit, au lieu commun. Par conséquent, il s’agit de comprendre comment travaillent ces lieux communs et dans quelles constructions idéologiques ils s’inscrivent.

2. La nourrice au jardin public

2.1 Les jardins et squares parisiens : l’esthétisation picturale de la figure laborieuse

  • 20 Au sujet de la création de ces espaces et de leurs acteurs : Choay 1975 ; Limido 2002 ; Audouy et a (...)
  • 21 Publié sous forme de fascicules entre 1867 et 1872, l’ouvrage connaît une refonte éditoriale en 187 (...)
  • 22 Dans L’Œuvre de Zola publié en 1886, le héros Claude Lantier est peintre et espère voir son tableau (...)

14La création des deux bois de Paris, Vincennes et Boulogne, ainsi que de vingt-quatre squares et jardins formant un « réseau des espaces verdoyants » (Santini, 2021, 215) sous le Second Empire puis la Troisième République est un phénomène majeur de la transformation urbaine de la capitale. Ces espaces verts sont réalisés sous la férule du baron Haussmann, préfet de la Seine, d’Adolphe Alphand, chef du service nouvellement créé des Promenades et Plantations, et de Pierre Barillet-Deschamp, chef jardinier20. Pensés à l’aune des théories saint-simoniennes et inspirés des parcs londoniens, ces espaces sont conçus pour être des lieux d’harmonie sociale capables de répondre aux besoins de santé, d’hygiène et de beauté des citadins. Ils sont popularisés par la publication entre 1867 et 1873 des deux célèbres albums dirigés par Adolphe Alphand et intitulés Les Promenades de Paris21. Les vignettes qui illustrent cet ouvrage donnent à voir de façon officielle des espaces pittoresques et harmonieux où les nourrices et les enfants incarnent les principaux destinataires des lieux. Les paysages urbains (Gache-Patin 1984) et notamment les vues des squares et jardins publics, de la peinture impressionniste et post-impressionniste véhiculent une part de cet héritage visuel. Repris par de nombreux artistes, ils deviennent un véritable poncif de la culture visuelle de l’époque22.

  • 23 « Pollock identifies parks and theater halls as liminal spaces of modernity […] » Thomas, 2006, 34.
  • 24 Thomas, 2006, 46. L’auteur s’appuie par exemple sur l’analyse du tableau de Mary Cassatt, Femme et (...)

15L’étude de ces paysages s’est enrichie, depuis la fin des années 1980, d’une réflexion sur la partition genrée des espaces et de leur appropriation visuelle par les artistes. Janet Wolff a analysé la séparation des sphères féminines et masculines en fonction des espaces privés et publics au prisme de la littérature du XIXe siècle (Wolff, 1985 et Wolff, 1988). Griselda Pollock, examinant dans un article célèbre ces notions pour la peinture impressionniste, a souligné la coïncidence des espaces appartenant à la sphère masculine bourgeoise et des espaces de la modernité picturale (Pollock, 1988). Greg Thomas reprend cette lecture à son compte et s’intéresse aux parcs et jardins publics comme étant des espaces mixtes, partagés et représentés tant par les hommes que les femmes de l’impressionnisme (Thomas 2006). Il les désigne comme des « espaces liminaires de la modernité »23 où d’autres modalités de perception et d’appropriation de l’espace par les femmes sont possibles. Ce sont, selon l’auteur, des espaces hybrides promoteur d’un nouvel imaginaire social auquel les femmes participent24. Cependant, l’auteur n’examine ni le positionnement social spécifique des domestiques, ni le statut des mères ou de leurs auxiliaires. Les nourrices, situées à l’intersection de l’identité de classe et de l’identité genrée, sont absentes de ces réflexions. Pourtant, de même que les classes bourgeoises, elles habitent et contribuent à définir ces espaces. Leurs activités y sont dépeintes de manière particulièrement ambivalente, rendant floues les limites du loisir et du labeur, de la liberté et des contraintes.

  • 25 Joanne, 1876, 196 cité par Thomas, 2006, 39 et 47.
  • 26 Charles Courtney Curran, In the Luxembourg Garden, 1889, huile sur toile, 23 × 31 cm, Chicago, Terr (...)
  • 27 Ce dernier détail est visible dans la toile de Federico Zandomeneghi, Place d’Anvers à Paris, 1880, (...)

16Dans les images peintes de jardins publics, les mères et les nourrices sont montrées le plus souvent ensemble, formant un groupe harmonieux qui occultent le rapport de classe. En effet, les recommandations adressées aux jeunes mères les engagent à garder les nourrices sous leur étroite surveillance (Faÿ-Sallois, 1980, 224). Par ailleurs, ces femmes sont représentées de façon récurrente dans des lieux de rassemblement spécifiques, des « coins à nourrices », comme la célèbre Petite-Provence au nord du jardin des Tuileries documentée jusque dans les guides touristiques de Paris25. Les peintres font de ces lieux une description topographique. Edelfelt, par exemple, montre avec minutie la terrasse est du jardin du Luxembourg près des statues des Reines et Femmes Illustres de France. Charles Curran Courtney s’attache pour sa part à décrire les allées entourant le Lion de Nubie au sud de ce même jardin26. Un regard rapide pourrait faire croire à l’oisiveté et à l’indolence des nourrices. Pourtant, une observation attentive des gestes et des détails permet de livrer un constat différent : elles se consacrent chacune à l’enfant dont elles ont la charge. Elles portent, cajolent, accompagnent, coiffent et aident à uriner27. Lorsqu’elles surveillent des enfants en train de jouer, elles n’en occupent pas moins convenablement leur temps par des travaux de couture. Enfin, un élément essentiel est absent de ces images : les nourrices ne sont pas ou alors très discrètement représentées en train d’allaiter. Cette activité constitue pourtant la nature même de leur métier. Les nourrices en peinture ne sont donc pas seulement montrées comme des figures paisibles et idylliques, à l’image des parcs et jardins qui les abritent, elles sont aussi désignées comme des travailleuses exemplaires. Elles se consacrent pleinement et avec probité à leur devoir de soins à l’enfant.

2.2 Construction politique et crainte de la « dépopulation »

  • 28 Texier-Rideau, 2001, 71 cité par Bourdelle, 2021, 8. Voir aussi Pernoud, 2013, 30-55.
  • 29 « Pour Jules Vallès, le jardin public n’est pas une clairière, un havre de paix ; c’est une soupape (...)
  • 30 Emmanuel Pernoud revient à plusieurs reprises sur ce sujet, par exemple, dans « Le square débordant (...)

17Plusieurs historiens et historiens de l’art soulignent la logique prescriptive et normative des espaces verts parisiens et de leurs représentations au XIXe siècle : des déplacements, des usages et des attitudes à adopter y sont clairement définis28. Emmanuel Pernoud rappelle que Jules Vallès critiquait ces jardins car, au contraire d’incarner un lieu de paix et de concorde, ils étaient le symbole de la perte, ou de l’absence, d’une conscience politique permettant de se penser soi-même comme victime ou perdant d’un ordre économique et social29. Ces représentations peintes ne donnent par ailleurs jamais à voir l’envers du jardin, le « square vil » (Pernoud, 2013, 68), celui des déchets, des fréquentations douteuses et de la prostitution. Celui-ci est définitivement absent des images et sa mémoire ne se dévoile que dans les archives des rapports administratifs (Pernoud, 2013, 68). Ces images ne montrent pas non plus le public bigarré qui fréquente les jardins publics les dimanches mais une société uniforme d’usagers, les hommes et plus encore les femmes ainsi que leurs enfants, appartenant tous à une même classe sociale aisée30. En somme, ces représentations participent à la diffusion d’un imaginaire de l’espace public fondé sur les normes bourgeoises (Bourdelle, 2021, 17.).

  • 31 Jean Geffroy dit Géo, En classe, le travail des petits, 1889, huile sur toile, Paris, ministère de (...)

18Ces peintures de nourrices aux jardins sont par ailleurs contemporaines de celles consacrées à l’enfance qui deviennent un thème majeur du XIXe siècle. Plus que de l’enfance, les dernières années du siècle sont celles de la petite enfance et de son invention, selon l’expression de l’historien Jean-Noël Luc (1997). Différentes institutions consacrées à l’éducation et la protection des jeunes enfants sont créées, telles que l’école maternelle, la crèche, l’asile et les premiers services hospitaliers de puériculture. Des peintres comme Jean Geoffroy, dit Géo, se spécialise dans la production d’images qui dépeignent des enfants aussi disciplinés qu’en bonne santé, démontrant ainsi les bénéfices de ces institutions. C’est par exemple le cas dans son grand polyptique de La Goutte de Lait de 1903 qui participe à la diffusion des méthodes du docteur Variot et de son dispensaire de Belleville, ou encore, dans la toile exposée en 1889 célébrant l’instruction maternelle, En classe, le travail des petits (Aleksandrowski et al., 2012)31.

Figure 3 : Jean Geffroy dit Géo, La Goutte de lait de Belleville

Figure 3 : Jean Geffroy dit Géo, La Goutte de lait de Belleville

Triptyque : la pesée, la consultation, la distribution du lait, 1903, peinture à l’huile, 254 x 548 cm, Petit-Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, CC0 Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

  • 32 L’expression est employée par le démographe Jacques Bertillon, frère d’Alphonse Bertillon, inventeu (...)
  • 33 Voir aussi les pages d’Emmanuel Pernoud au sujet de la représentation du « loisir socialement utile (...)

19Par des achats officiels, la Troisième République promeut ces images qui accordent une importance nouvelle à l’enfance. Elles doivent s’interpréter à l’aune de l’inquiétude nationaliste et démographique de la dégénérescence et de la « dépopulation » de la France (Bertillon 1897)32. Après les traumatismes de la défaite de 1870 et de la perte de l’Alsace-Lorraine, le constat de la supériorité de la natalité allemande est perçu en France comme une menace tangible (Thomson, 2008, 313-414). Dans ce contexte, l’image triomphante de l’enfant, de la maternité, et de tout son appareil éducatif et médical doit se comprendre comme investi socialement et politiquement dans la perspective de la revanche33. La nourrice, en concourant à la bonne santé des nourrissons et futurs citoyens français, participe de cette mission. Finalement, le jardin public, construit comme une nature purement décorative, en rupture avec les usages paysans et agricoles, devient un espace productif en lien avec les préoccupations natalistes.

3. La nourrice sur le boulevard : sexualité et maternité

20Peindre les rues parisiennes implique de donner à voir d’autres usages de l’espace urbain et d’autres perceptions de la figure de la nourrice. Dans le jardin, elle est montrée assise sur un banc ou déambulant dans les allées accompagnée d’enfants. Elle est cantonnée à un territoire qu’elle occupe et où elle stationne de longues heures. En revanche, sur le boulevard, les avenues et les places, la nourrice est une passante qui traverse l’espace marchant vers une destination qui nous est inconnue. Si dans plusieurs de ces tableaux de boulevard, la nourrice est une silhouette mineure qui participe à rendre la circulation et l’animation quotidienne, dans d’autres, elle est une figure notable qui joue le rôle de contrepoint : sa présence informe l’identité des femmes présentes dans le tableau, et réciproquement.

Figure 4 : Jean Béraud Sur le boulevard

Figure 4 : Jean Béraud Sur le boulevard

1885, huile sur toile, 33 x 25 cm, Paris, musée Carnavalet, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris

  • 34 Giovanni Boldini, En traversant la rue, 1873-1875, huile sur panneau, 46 x 57 cm, Williamstown, Ste (...)

21C’est ce que nous voyons par exemple dans le tableau de 1885 de Jean Béraud, Sur le boulevard. La nourrice portant un enfant, quoique floue, occupe le centre exact de la toile. Habillée d’un manteau rouge, elle est visible dans l’espace vide laissé entre un homme au costume élégant et une femme vêtue de noir qui semble suivre ce dernier. Quels liens peut-il y avoir entre ces deux personnages d’allure bourgeoise ? La présence de la colonne Morris évoquant la consommation de loisirs et de spectacle, la devanture d’un café sur la droite d’où semblent sortir les protagonistes, tous ces éléments renvoient au théâtre des opérations des « insoumises », ces femmes pratiquant la prostitution de façon plus ou moins évidente, hors des maisons closes et sans être déclarée auprès de la préfecture (Thomson, 2008, 313-414 et Clayson, 1991). Cette interprétation nous semble renforcée par la présence de la nourrice. Travailleuse indifférente à la scène qui se joue, tache de couleur servant de liaison visuelle, elle incarne des valeurs inverses, liées à la maternité, au foyer, à la domesticité. Giovanni Boldini avait déjà joué de ce schéma triangulaire à l’articulation narrative ambiguë, où une figure féminine d’allure bourgeoise est manifestement sexualisée à côté d’une femme d’allure prolétaire qui ne l’est pas, dans la toile intitulée En traversant la rue34.

22Ce jeu de juxtaposition de figures féminines antagonistes est récurrent. Cependant, il ne fait pas toujours allusion au monde interlope de la prostitution. Temma Balducci a examiné la question des déplacements urbains des femmes à Paris et de la popularité de la marche à pied (Balducci, 2014, 151‑166). S’appuyant entre autres sur les nombreux traités de savoir-vivre du XIXe siècle qui décrivent le meilleur comportement à adopter lorsque on est une femme et que l’on se déplace à pied à Paris, elle critique l’idée selon laquelle une femme représentée sans chaperon dans l’espace public serait forcément liée à la prostitution. Dans les images qui nous occupent plus loin, différents types de femmes sont dépeints sans qu’aucun homme ne polarise la scène.

23C’est le cas de plusieurs toiles du peintre Giuseppe De Nittis. Celui-ci avait acquis en 1870, sur les conseils de son ami Tissot, une maison sur l’avenue de l’Impératrice – renommée en 1875 avenue du Bois de Boulogne (Chazal et Angiuli, 2010, 212). Il se situe ainsi aux premières loges pour observer le va-et-vient des spectateurs des courses de Longchamp ou des promeneurs et cavaliers se rendant au Bois. Dans L’Amazone de 1874, il dispose au premier plan de l’avenue conduisant à l’Arc de Triomphe, une cavalière à l’arrêt qui discute avec deux femmes allant à pied et vêtues à la dernière mode. Au second plan, sur la route pavée réservée aux piétons, un groupe composé d’une femme, d’une nourrice et d’un enfant s’éloigne.

Figure 5 : Giuseppe De Nittis, L’Amazone

Figure 5 : Giuseppe De Nittis, L’Amazone

1874, huile sur toile, 30 x 42 cm, Gênes, Civiche Raccolte Frugone, © Museo delle Raccolte Frugone - Genova. 

24Quelques années plus tard, le peintre semble systématiser le procédé qui consiste à confronter deux types de femme sur deux plans différents. Dans Femme avec un chien, retour des courses, il montre une femme élégante, au visage couvert d’une voilette, tenant d’une main ferme un grand dogue et de l’autre une petite cravache. À l’arrière, sur une ligne d’horizon placée en hauteur, trois nourrices s’avancent en ligne, chacune portant un bébé habillé en grand apparat tandis que des enfants courent devant elles. L’allure déterminée et indépendante de la femme du premier plan contraste avec les silhouettes des nourrices chargées de leur fardeau maternel.

Figure 6 : Giuseppe De Nittis, La Femme au chien (le retour des courses)

Figure 6 : Giuseppe De Nittis, La Femme au chien (le retour des courses)

1878, huile sur toile, 156 x 99 cm, Trieste, Civico Museo Revoltella Galleria d’Arte Moderna, inv. n°375 © Archivio fotografico del Museo Revoltella - Galleria d'Arte Moderna, Trieste

  • 35 Comme le décrit ce traité d’Hygiène de la première enfance du Docteur Bouchut et daté de 1866 « […] (...)
  • 36 Silverman 1991. Au sujet des discours et représentations mettant l’accent sur l’aspect pathologique (...)
  • 37 Le type de « la parisienne » alimente toute une production visuelle au XIXe siècle, voir par exempl (...)

25Dans tous ces exemples, la confrontation des genres féminins n’est pas seulement un jeu de parallélisme et de comparaison. La nourrice est plus qu’un symbole de la maternité et de l’enfance puisqu’elle en endosse les contraintes matérielles, physiques et temporelles en se consacrant entièrement à l’allaitement et aux soins nécessaires aux enfants. Mais plus encore, il est exigé de la nourrice l’abstinence sexuelle qui pèse généralement sur les mères, plus particulièrement sur les mères nourricières au XIXe siècle35. En effet, l’idée de la corruption du lait causée par l’activité sexuelle est une croyance largement répandue. Plus encore, il est craint une nouvelle grossesse ou pire, la syphilis qui se transmet au nourrisson (Faÿ-Sallois, 1980, 229). En outre, le recrutement d’une nourrice qui allaite en respectant l’abstinence concourt également à rendre sexuellement disponible son employeuse dans le cadre de son mariage. L’image de la nourrice dans la peinture est foncièrement désexualisée. Elle est aux antipodes des représentations lascives des femmes fin-de-siècle36. Que ce soit dans les toiles de Béraud ou celles de De Nittis, la présence de la nourrice permet donc d’alimenter, en creux, un certain mythe de « la parisienne » libérée de la contrainte de la maternité37. Comme l’écrit Fanny Faÿ-Sallois (1980, 245) : « [t]out ce que la mère acquiert, la nourrice le perd […] Les épouses qui en ont les moyens “s’offrent une nourrice” pour les remplacer dans les obligations maternelles comme les maris “s’achètent un homme” pour les remplacer dans les devoirs militaires. »

  • 38 Voir l’iconographie rassemblée par Fanny Faÿ-Sallois, notamment les dessins de presse au traitement (...)

26Cependant, comme nous l’avons dit plus tôt, le corpus des images peintes des nourrices dans l’espace public se distingue nettement de celui des images produites pour la presse et l’illustration. Dans ces dernières, les nourrices sont le plus souvent des sujets érotisés. Par exemple, lorsqu’elles allaitent dans l’espace public, elles provoquent la concupiscence d’un importun lubrique38. Le ressort comique repose alors sur la transgression de l’interdit sexuel pesant sur les nourrices. Dans la peinture, non seulement les nourrices incarnent des figures de décence et de chasteté, mais en outre, l’allaitement est plus suggéré que représenté. Cette activité est essentiellement mise en scène dans le contexte privé et intime, où nourrices et mères se confondent dans une figure maternelle indifférenciée. Ce type d’images mériterait une autre étude. Ainsi, c’est toute une partie de la réalité du travail des nourrices qui est absente de leur représentation dans l’espace public. Les deux études de cas qui suivent permettent de mieux saisir leurs conditions de travail.

4. Le sein de la nourrice : le double régime du contrôle et de l’exhibition

27Haut placée dans la hiérarchie de la domesticité, la nourrice bénéficie d’un traitement à part parmi les employés de maison : elle est relativement bien payée et nourrie, gratifiée de présents divers et elle loge dans la chambre du nouveau-né, c’est-à-dire directement dans la maison des maîtres (Faÿ-Sallois, 1980, 197-208). Mais ce traitement privilégié se paye d’une privation de liberté presque totale. Un contrôle s’exerce sur elle de façon incessante et sur tous les aspects de sa vie : ses déplacements, son hygiène, sa façon de s’alimenter, ses activités et jusqu’aux relations avec sa propre famille. La nourrice doit endurer « […] une absence d’intimité, voire [une] réclusion pouvant confiner au servage : nuit et jour, corps et mœurs sont surveillés. » (Simon, 2011, 95)

  • 39 Comme le décrivent Bibia Pavard et Juliette Rennes en introduction d’un numéro spécial de Clio. Fem (...)

28Ce contrôle va de pair avec l’obligation pour la nourrice d’exhiber et de s’exhiber. Dans les lieux publics, elle participe à la parade familiale. Signe ostentatoire de richesse, sa présence démontre le statut social de ses employeurs. Portant l’enfant dans ses bras, elle participe à l’orgueil des parents et à la continuité dynastique qui s’accomplit. Dans l’obligation d’allaiter chaque fois que c’est nécessaire, elle s’exécute et renonce à toute pudeur. Par un jeu de substitution, elle prend sur elle le stigmate de dévoiler son anatomie en public tout en assurant la convenance et la moralité de son employeuse39. Dans les lieux privés, ce sont les médecins et les employeurs qui ont un droit tout puissant de regard sur son outil de travail, c’est-à-dire son corps et ses seins. Deux tableaux rares font la démonstration de ce double régime du contrôle et de l’exhibition qui s’exerce sur les nourrices. L’un évoque celui du corps médical, l’autre celui de ses employeurs. Dans les deux cas, il s’agit bien d’images d’une réalité physique et sociale qui n’est pas embellie par les traditions picturales et iconographiques de la Maria Lactans.

4.1 Frappa et les médecins du bureau des nourrices

  • 40 Pour Frappa, voir la notice qui lui est consacrée dans le Benezit Dictionary of Artists [en ligne] (...)
  • 41 La consultation de la base Salons du musée d’Orsay recense par exemple en 1896, Les trieuses de cha (...)
  • 42 Un Bureau de Nourrices apparait sous le n° 366 du Catalogue des ouvrages de Peinture, Sculpture et (...)

29Le premier est dû à José Frappa (1854-1904). Cet artiste s’illustre dans ses premiers envois au Salon à partir de 1876 par des peintures de genre, réalisées dans un style académique et historiciste, qui ont pour sujet des moines facétieux qui ne sont pas sans évoquer l’utopie rabelaisienne de l’abbaye de Thélème40. Une quinzaine d’années après ses débuts, à partir de la décennie 1890, les titres de ses toiles envoyées au Salon évoquent des thématiques sociales nouvelles41. C’est dans ce contexte qu’il expose en 1890 au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts sa toile Un Bureau de nourrices42.

Figure 7 : José Frappa, Un bureau de nourrices

Figure 7 : José Frappa, Un bureau de nourrices

Huile sur toile, 158 x 129 cm, musée de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, inv. AP 210, © AP-HP/musée – F. Marin

  • 43 Au sujet de ces certificats de moralité : Faÿ-Sallois, 1980, 111.
  • 44 Le médecin avait la charge de s’assurer que la nourrice était apte à allaiter mais les examens médi (...)
  • 45 L’examen du lait s’attache à déterminer la qualité et la quantité de celui-ci. Il est chose courant (...)

30Aux mains des « recommanderesses » (Faÿ-Sallois, 1980, 25 et Plumauzille, 2020, 40), ces bureaux existent depuis le XIIIe siècle : ils correspondent aux bureaux privés de placement qui, comme pour les gens de maison, se chargent de recruter des nourrices moyennant des commissions prélevées tant sur les employeurs que sur les travailleuses. Dans le tableau de Frappa, on voit un de ces bureaux où les nourrices dites « à louer », arrivées de leur campagne, s’entassent en attendant d’être examinées. Une « recommanderesse » ou directrice du bureau est debout sur la gauche, près d’une chaise vide. Elle tend de sa main gauche des documents : ce sont probablement les certificats de moralité que les nourrices devaient produire43. Elle fait rentrer les jeunes femmes, encore vêtues de leur coiffe régionale et tenant leur enfant dans les bras. Le médecin, maître de cérémonie vêtu de noir, officie au centre de la pièce et procède à l’examen des seins d’une jeune femme debout, face à lui, dos au spectateur. Bien que la position des personnages dissimule les mains du médecin, l’image suggère que l’examen n’est pas seulement optique mais aussi tactile44. De façon récurrente, les caricatures et dessins de presse ajoutent à cet examen l’épreuve durant laquelle le médecin goûte le lait de la nourrice45. Dans le tableau, la jeune femme du centre exprime un sentiment d’humiliation : elle est rougissante et se tient tête baissée, tandis qu’une autre femme, assise derrière elle, les yeux écarquillés, manifeste sa stupeur tout en dégrafant ou ragrafant son corsage.

Figure 8 : Edgar Degas, L’intime

Figure 8 : Edgar Degas, L’intime

Vers 1877, monotype, 11,8 x 16,1 cm, inv. KKS9159, Copenhague, Statens Museum for Kunst, domaine public/CCØ

  • 46 Charles Monot, fervent critique de l’industrie nourricière, indique dans son rapport de 1867 que le (...)
  • 47 Edgar Degas, Répétition d’un ballet sur la scène, 1874, huile sur toile, 65 x 81 cm, Paris, musée d (...)

31Un deuxième homme habillé en bourgeois, tenant une canne à pommeau argenté, est assis sur la gauche et regarde attentivement la scène. Son rôle n’est pas identifié : il est habillé un peu trop élégamment pour être un meneur du bureau. Est-ce un père et futur employeur ou bien est-ce un souteneur prêt à faire basculer dans la prostitution une part de ces jeunes provinciales ?46 Assis en observateur, pommeau au niveau de la bouche, il rappelle des personnages ambigus dépeints par Degas : même manière de tenir la canne pour le probable client dévisageant sa maîtresse qui se réarrange devant un miroir, ou encore, même façon d’être assis que cet homme au bout de la scène durant une répétition de danse, sans qu’il soit clairement défini si celui-ci est le maître de ballet ou un abonné et membre du Jockey-Club venu choisir à sa guise parmi les danseuses47. Dans le tableau de Frappa, l’homme est, quelle que soit son identité, un admoniteur qui renforce la dichotomie genrée du tableau. Les femmes, multiples et interchangeables, sont représentées le regard vide et se soumettant à l’examen. Les deux hommes, en revanche, sont omnipotents et omniscients : ils disposent de la liberté et de l’autorité du regard qui juge et analyse.

32À cette violation de leur intimité, s’ajoute pour ces femmes le traumatisme de l’abandon de leur propre enfant : amenés comme preuve de leur maternité réussie, de leur bonne santé et de « l’âge de leur lait », les nourrissons doivent être confiés à des meneurs qui les reconduisent et les confient à un membre de la famille ou à un tiers. José Frappa livre donc une vision pleine d’empathie pour ces femmes, sans toutefois que nous puissions en déduire une dénonciation claire de l’industrie nourricière.

4.2 Degas et les parents du nourrisson

  • 48 Le tableau avait aussi retenu l’attention de Linda Nochlin qui en fait un court commentaire (1993, (...)
  • 49 « Le galop volant » désigne la représentation erronée du cheval les quatre pattes étirées sans qu’e (...)

33Le deuxième tableau est également une représentation rare dans le sens où elle décrit de façon littérale la manière dont s’applique la surveillance des parents sur la nourrice. Il s’agit du tableau de Degas daté de 1869 et intitulé Aux courses en province48. La scène prend place sur le champ de courses hippiques d’Argentan en Normandie, région où Degas se rend régulièrement dans les années 1860 pour séjourner chez ses amis Valpinçon au Ménil-Hubert. Ce sont eux que l’on identifie le plus souvent comme les personnages occupant le premier plan (Boggs, 1998, 79). Ils sont montrés en train de tourner le dos aux courses qui se déroulent au dernier plan où on voit des chevaux dans la fameuse position du « galop volant »49. La famille est assise dans une victoria, une voiture à cheval décapotable anglaise à la mode. La voiture est à l’arrêt, et pour cause, Paul Valpinçon, qui conduit l’attelage depuis la place du cocher située à l’avant, s’est retourné pour observer la banquette arrière où se trouvent son épouse, la nourrice et sur les genoux de cette dernière, son fils Henri Valpinçon âgé de quelques mois. Dans ce noyau familial, tous les regards, y compris celui du dogue placé de manière inquiétante en surplomb de la nourrice, convergent dans une même direction, celle du visage de l’enfant endormi tout près du sein de sa nourrice.

  • 50 Giuseppe Boldini, Dans le jardin ou Le Perroquet, 1875, huile sur bois, 18 x 24 cm, collection part (...)

34Tout comme chez Frappa, la nourrice fait l’objet d’une surveillance et d’un contrôle qui sont ici appliqués par chaque membre de la famille. À l’attitude presque humanisée du chien qui imite les maîtres dans leur autorité répondent les discours d’animalisation de la nourrice comparée aux vaches laitières. Hommes et bêtes, employeurs et employés forment un noyau familial cohérent aux rôles déterminés. Au même titre que les autres biens possédés par la famille – chiens, chevaux, voitures – la nourrice joue son rôle de faire-valoir social dans le monde des apparences bourgeoises. Cette association surprenante sur un même plan pictural d’animaux, de voiture, de mère et de nourrice se retrouve chez Boldini qui dépeint sa propre famille50. Ainsi, la nourrice se trouve doublement exhibée : devant les parents qui surveillent l’allaitement de leur enfant, ainsi que devant les passants et les relations mondaines qui assistent à la scène.

Conclusion

35Les nourrices font l’objet d’une production picturale, abondante et répétitive, qui assure leur promotion à travers leur esthétisation. Distinctes des formules dépréciatives et grivoises issues de la culture populaire, les images peintes n’en déforment pas moins la réalité de l’activité laborieuse. Elles occultent la violence et le contrôle qui s’exercent sur elles et donnent au poncif un pouvoir normatif. Profondément liée à l’invention du décor urbain parisien au XIXe siècle, dont les espaces verts et les boulevards sont des éléments significatifs, la nourrice redouble le pittoresque des lieux et s’y dissout. Elle est la figure secondaire et anonyme, le contrepoint discret qui, en sourdine, construit et confirme les imaginaires sociaux.

Figure 9 : Edgar Degas, Une nourrice au jardin du Luxembourg

Figure 9 : Edgar Degas, Une nourrice au jardin du Luxembourg

Vers 1872, huile sur toile, 65 x 92 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 58.3.1, © Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes - Reproduction interdite sans autorisation.

36Edgar Degas est celui qui a peut-être le mieux exprimé tant la duplicité de ces représentations que leur immense succès. Quelques années après Aux courses en province, il reprend la figure de la nourrice allaitante avec l’enfant endormi sur ses genoux pour un tableau de petites dimensions. Le spectateur familier du sujet reconnait aisément une scène de nourrice au jardin public. Cependant, l’historienne de l’art Jean Sutherland Boggs fait remarquer que les protagonistes sont assis devant un décor peint sur un rideau dont on voit le bord inférieur cerné de noir (Boggs, 1989, 38). Elle suppose qu’ils prennent la pose dans un studio de photographie. Par ce dispositif en trompe l’œil, Degas choisit de montrer la monstration. En redoublant l’illusion, le peintre souligne la mise en scène dont les nourrices font l’objet tout au long de la deuxième moitié de XIXe siècle.

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Thomson R. (2008), La république troublée : culture visuelle et débat social, 1889-1900, trad. Françoise Jaouën, Dijon, Presses du réel (1ère éd. 2004)

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Wolff J. (1985), « The invisible flâneuse; women and the literature of modernity » dans Theory, Culture and Society, 1985, 2, (3), 37-48

Wolff J. (1988), « The culture of separate spheres: the role of culture in nineteenth-century public and private life » dans The culture of capital: art, power and the nineteenth-century middle class, Manchester, Manchester University Press, 1988.

Zola E. (1983), L’œuvre, Paris, Gallimard, « Folio Classique ».

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Notes

1 Ce texte fait partie du recueil Les Français peints par eux-mêmes. Encyclopédie morale du XIXe siècle paru sous forme de livraisons de mai 1839 jusqu’en août 1842. Un recueil est publié en 1842.

2 Pour un approche iconographique générale : Lett et Morel 2006 ; Luis 2009 ; Sperling 2016 ; Ventura 2018.

3 Au sujet de ces représentations : Rosenblum 1972, Duncan 1973, Sheriff 1991, Jacobus 1992, Rand et al. 1997, Calley Gallitz 1998, Ivinski 1998, Belnap 2012, Belnap 2014. Voir aussi le chapitre 7 « Des origines de l’art » dans Martin 2018.

4 Berthe Morisot, La nourrice et Julie, 1879, huile sur toile, 50 x 61 cm, collection particulière, États-Unis. Publié pour la première fois en 1988 sous le titre « Morisot’s Wet Nurse. The construction of Work and Leisure in Impressionist Painting » dans Women, Art, and Power end Other Essays, l’article de Linda Nochlin est ensuite intégré à plusieurs anthologies comme The Expanding Discourse : Feminism & Art History, ou encore, Impressionists Women. Voir Broude et Garrard, 1992 et Pfeiffer et Hollein, 2008.

5 Pour les nourrices de la ville de Lyon, voir Romanet, 2013. Voir aussi les données issues de différentes régions et villes françaises rassemblées par Sussman, 1982.

6 Rollet, 1978, cité par Simon, 2011, 95. Sussman indique des chiffres un peu inférieurs pour l’année 1869 soit 22 529 enfants en nourrices pour 54 937 naissances, dans Sussman, 1982, 111, table n°3.

7 L’industrie nourricière a fait l’objet d’études historiques auxquelles nous renvoyons : Perrot, 1978 ; Rollet, 1978 ; Rollet, 1983 ; Rollet, 1990 ; Faÿ-Sallois, 1980 ; Sussman, 1982 ; Fildes, 1988 ; Plumauzille, 2020. Dans la littérature du XIXe siècle comme dans les écrits scientifiques, ces expressions connaissent des variations. On trouve par exemple les locutions « nourrices à emporter » et « nourrice sur place ».

8 Ces régions accueillent aussi le contingent des enfants abandonnés envoyés en nourrice par l’Assistance Publique créée en 1811, voir Cesbron et Knibiehler 2004 p. 86. Un musée est dédié à la conservation et à la documentation de cette mémoire, le musée des nourrices et des enfants de l’Assistance Publique à Alligny-en-Morvan.

9 Voir les critiques du marché nourricier par Charles Monot et le Dr. Brochard dans Faÿ-Sallois, 1980, 80-93. La loi Roussel stipule : « [t]out enfant âgé de moins de deux ans, qui est placé moyennant salaire en nourrice, en sevrage ou en garde, hors du domicile de ses parents, devient par ce fait l’objet d’une surveillance de l’autorité publique, ayant pour but de protéger sa vie et sa santé. » (Rollet, 1990, 123-135)

10 À quelques exceptions près, comme la figure iconique de la jeune nourrice paysanne en sabot peinte par Alfred Roll, Louise Cattel, nourrice, 1894, huile sur toile, 157 x 74 cm, Lille, palais des Beaux-Arts.

11 Des exemples : Auguste Renoir, Un jardin à Montmartre, vers 1890-1899, huile sur toile, 46 x 55 cm, Oxford, Ashmolean Museum ; Claude Monet, Le Parc Monceau, 1878, huile sur toile, 72 x 54 cm, New York Metropolitan Museum New York ; Giuseppe De Nittis, La Place des Pyramides, 1875, huile sur toile, 92 x 75 cm, Paris, musée d’Orsay. Ou encore : Édouard Vuillard, Jardins publics, 1894, peinture à la colle sur toile, Paris, musée d'Orsay.

12 Comme l’écrit Alphonse Daudet : « Cela, c’est la nourrice de promenade et de parade costumée métamorphosée par l’orgueil des parents et six mois de séjour à Paris » (Daudet, 1889, 130)

13 Fanny Faÿ-Sallois précise que si le magasin du Louvre propose seulement trois sortes de tablier en 1870. Cinq ans plus tard, ce sont quatorze variétés proposées par le magasin et dont le prix varie de 1 F 75 à 25 F. Cet exemple démontre l’investissement fait par la classe bourgeoise dans l’uniforme de leurs domestiques.

14 « Quand donc les femmes du monde cesseront-elles de considérer leurs nourrices comme un ornement, pour ne les considérer que comme de simples paysannes qui doivent nourrir leurs enfants, et qui doivent pour cela avoir du lait avant d’avoir une belle toilette ? Ce n’était pas assez, pour les nourrices, d’exiger des rubans de bonnet traînant jusqu’à terre, il faut maintenant que ces rubans soient aussi ridicules par leur largeur qu’ils sont ridicules par leur longueur. » extrait du périodique La Jeune Mère, 1880, 119 et 86, cité par Faÿ-Sallois, 1980, 210-211.

15 Félix Vallotton, La manifestation, 1893, gravure sur bois, Paris, Bibliothèque nationale de France ; Pierre Bonnard, Promenade des nourrices, frise des fiacres, 1897, paravent constitué d'une suite de quatre feuilles lithographiées en cinq couleurs, Paris, musée d'Orsay. Linda Nochlin cite aussi l’exemple de Vallotton qui utilise les rubans de la nourrice pour composer la lettre « N » de son abécédaire (Nochlin, 1993, fig. n° 6, 72).

16 Fanny Faÿ-Sallois a repéré sept thèses publiées entre 1822 et 1866 portant exclusivement sur le choix de la nourrice. À cela, il faut ajouter les ouvrages du type Conseils aux mères ou Hygiène de la première enfance ainsi que les dictionnaires médicaux qui traitent également du sujet (Faÿ-Sallois, 1980, 173-174).

17 Le Dictionnaire des Sciences médicales précise qu’il faut choisir « une nourrice dont la santé, la brillante jeunesse, les qualités physiques et morales peuvent se rapprocher de celles de la mère ». Article « Enfant » dans le Dictionnaire des Sciences médicales, 1812-1822, t. XII, 224 cité par Faÿ-Sallois, 1980, 171.

18 Voir par exemple les caricatures d’Abel Faivre reproduites dans Faÿ-Sallois, 1980. Ces idées sont aussi véhiculées par les récits de mauvaises nourrices ainsi que par les discours médicaux. Le Dr Bouchut écrit : « Qui ne sait qu[e] [les nourrices] sont parfois plus sottes encore que dénaturées. » Bouchut, 1866, 262 cité par Faÿ-Sallois, 85.

19 Voir par exemple la statuette de la chanteuse de cabaret Thérèsa qui a interprété la romance humoristique de La Nourrice sur lieu composée en 1866 : Charles Kotra, Portrait-charge d'Emma Thérèse Valadon ou Valladon dite Thérèsa (1837-1913), chanteuse de cabaret, chantant « La Nourrice sur les lieux », 1866, terre cuite, H. 34 cm, Paris, musée Carnavalet. Une caricature représentant « la nouvelle chanson de Thérèsa » d’André Gill est reproduite dans Faÿ-Sallois, 1980, 236.

20 Au sujet de la création de ces espaces et de leurs acteurs : Choay 1975 ; Limido 2002 ; Audouy et al. 2018 ; Ives 2018 ; Santini 2021. Concernant la représentation des squares et jardins dans la peinture : Pernoud 2013.

21 Publié sous forme de fascicules entre 1867 et 1872, l’ouvrage connaît une refonte éditoriale en 1873. Voir Bourdelle 2021, 25 et Santini 2021, 264.

22 Dans L’Œuvre de Zola publié en 1886, le héros Claude Lantier est peintre et espère voir son tableau accepté au Salon. Pour cela, il décide de peindre sur le motif à Paris. Il essaie une première fois avec un paysage enneigé à Montmartre mais échoue. Il décide l’année suivante de « cherch[er] une opposition » et de peindre femmes et enfants dans le square des Batignolles au mois de mai. Mais c’est aussi un échec. Voir Zola, 1983, 238.

23 « Pollock identifies parks and theater halls as liminal spaces of modernity […] » Thomas, 2006, 34.

24 Thomas, 2006, 46. L’auteur s’appuie par exemple sur l’analyse du tableau de Mary Cassatt, Femme et enfant conduisant, 1881, huile sur toile, 89 x 30, Philadelphie, Philadelphia Museum of art.

25 Joanne, 1876, 196 cité par Thomas, 2006, 39 et 47.

26 Charles Courtney Curran, In the Luxembourg Garden, 1889, huile sur toile, 23 × 31 cm, Chicago, Terra Foundation for American Art, Daniel J. Terra Collection. Le Lion de Nubie est une sculpture d’Auguste Cain qui a été installée après 1874.

27 Ce dernier détail est visible dans la toile de Federico Zandomeneghi, Place d’Anvers à Paris, 1880, Piacenza, Galleria d’Arte Moderna Ricci Oddi.

28 Texier-Rideau, 2001, 71 cité par Bourdelle, 2021, 8. Voir aussi Pernoud, 2013, 30-55.

29 « Pour Jules Vallès, le jardin public n’est pas une clairière, un havre de paix ; c’est une soupape ou une tombe, cela sert à maintenir l’ordre social ou à enterrer les crimes. Le silence et le vide [sont le résultat] […] d’une oppression parmi d’autres, d’un écrasement artificiellement remporté, contre la conscience d’être écrasée » Pernoud, 2013, 149.

30 Emmanuel Pernoud revient à plusieurs reprises sur ce sujet, par exemple, dans « Le square débordant », Pernoud 2013, 90-98.

31 Jean Geffroy dit Géo, En classe, le travail des petits, 1889, huile sur toile, Paris, ministère de l’Éducation nationale. À propos de l'histoire du dispensaire de Belleville et d'autres exemples de consultations médicales pour nourrissons comme La Goutte de lait de Fécamp, voir Rollet, 1990, 353-362.

32 L’expression est employée par le démographe Jacques Bertillon, frère d’Alphonse Bertillon, inventeur de l’anthropométrie judiciaire, dans Bertillon 1897. Il est cité par Offen 1984.

33 Voir aussi les pages d’Emmanuel Pernoud au sujet de la représentation du « loisir socialement utile » des enfants, cibles d’un « programme de régénération morale et physique » (Pernoud, 2013, 100).

34 Giovanni Boldini, En traversant la rue, 1873-1875, huile sur panneau, 46 x 57 cm, Williamstown, Stern and Francine Clark Art Institute.

35 Comme le décrit ce traité d’Hygiène de la première enfance du Docteur Bouchut et daté de 1866 « […] quand on a une nourrice sur lieu, il faut tâcher de la surveiller d’assez près pour qu’elle ne puisse pas faire de mauvaises connaissances, si elle est fille, et pour la tenir aussi éloignée de son mari que possible, si elle est mariée. » (Faÿ-Sallois, 1980, 229)

36 Silverman 1991. Au sujet des discours et représentations mettant l’accent sur l’aspect pathologique des femmes émancipées : Foucher Zarmanian 2011.

37 Le type de « la parisienne » alimente toute une production visuelle au XIXe siècle, voir par exemple le cycle de peintures des « femmes de Paris » commencé par James Tissot en 1884 et reproduit dans Sciama et al., 2020, 200-215.

38 Voir l’iconographie rassemblée par Fanny Faÿ-Sallois, notamment les dessins de presse au traitement très différent d’Adrien Marie et d’Abel Faivre (Faÿ-Sallois, 1980, 231-234).

39 Comme le décrivent Bibia Pavard et Juliette Rennes en introduction d’un numéro spécial de Clio. Femmes, genre et histoire intitulé « Se dénuder en public. Corps, genre et politique » : « les femmes ne peuvent montrer publiquement certains éléments de la partie haute de leur corps (bras, gorge, épaule, cou…) que dans certaines occasions ritualisées de la vie sociale (théâtre, opéra, bals…) contrairement aux actrices, modèles, “ filles publiques ” […] ». Par conséquent, la question du dénudement partiel de la nourrice reste une question en suspens. Comme le souligne Ann Carol : « [o]n sait peu de choses des libertés vestimentaires prises dans le peuple, de l’accoutumance du regard à des nudités partielles occasionnées par le labeur : dans les champs, l’été, dans les mines, dans les ateliers parfois surchauffés, ou au lavoir. Ce qu’on en sait rend difficilement applicable le modèle bourgeois et indique des seuils différents, mais en aucun cas une indifférence. » Voir Pavard et Rennes, 2021, 11 et Carol, 2008, n° 17.

40 Pour Frappa, voir la notice qui lui est consacrée dans le Benezit Dictionary of Artists [en ligne] et la documentation du musée d’Orsay.

41 La consultation de la base Salons du musée d’Orsay recense par exemple en 1896, Les trieuses de charbon, et en 1898, Le président de la République visitant l'atelier d'un ouvrier rubanier, Saint-Etienne, 30 mai 1898.

42 Un Bureau de Nourrices apparait sous le n° 366 du Catalogue des ouvrages de Peinture, Sculpture et Gravure exposés au Champ-de-Mars le 15 mai 1890, Paris, Lemercier & Cie. Voir la base des livrets du salon du musée d’Orsay : http://salons.musee-orsay.fr/ La toile ne semblait pas datée jusqu’à présent. Elle est aussi brièvement commentée chez Nochlin, 1993, 71.

43 Au sujet de ces certificats de moralité : Faÿ-Sallois, 1980, 111.

44 Le médecin avait la charge de s’assurer que la nourrice était apte à allaiter mais les examens médicaux étaient menés plus ou moins sérieusement. Comme mentionné dans un traité médical : « [i]l faut voir et toucher autant qu’on le peut et avec méthode pour ne pas omettre, s’il est possible l’examen d’un appareil important ». Pour prévenir les maladies contagieuses, il est aussi prescrit d’examiner les parties génitales, ce à quoi certaines nourrices se refusent (Faÿ-Sallois, 1980, 44 et 185-186).

45 L’examen du lait s’attache à déterminer la qualité et la quantité de celui-ci. Il est chose courante dans les bureaux de nourrice. Pour exemple de ces caricatures, voir l’illustration « Étude parisienne. Le choix d’une nourrice. Scène d’intérieur. Par B… » publiée dans La Vie parisienne : mœurs élégantes, choses du jour, fantaisies, voyages, théâtres, musique, modes, janvier-juin 1866. Une vignette au centre est légendée « La dégustation : Lait vigoureux, nourrissant, petit goût de noisette, goûtez-moi ça ! […] ». L’illustration est reproduite dans Faÿ-Sallois, 1980, 172-173. Un exemplaire est consultable sur Gallica, URL : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/bpt6k12638052/f385.image.r=le%20choix%20d.

46 Charles Monot, fervent critique de l’industrie nourricière, indique dans son rapport de 1867 que les meneurs travaillent aussi pour les maisons de prostitution : « Le meneur […] joint ordinairement à l’industrie de la meneuse, celle de recruter des bonnes pour Paris et aussi souvent des filles pour les besoins des maisons de tolérance […] » cité par Faÿ-Sallois, 1980, 88.

47 Edgar Degas, Répétition d’un ballet sur la scène, 1874, huile sur toile, 65 x 81 cm, Paris, musée d’Orsay. Concernant ces tableaux et leur rapport à la prostitution, voir Thomson, 2015, 80-117.

48 Le tableau avait aussi retenu l’attention de Linda Nochlin qui en fait un court commentaire (1993, 69). Voir la reproduction du tableau sur le site du Museum of Fine Arts de Boston : https://collections.mfa.org/objects/32250/at-the-races-in-the-countryside.

49 « Le galop volant » désigne la représentation erronée du cheval les quatre pattes étirées sans qu’elles ne touchent le sol. Ces représentations seront corrigées avec la diffusion des travaux de Étienne-Jules Marey et d’Eadweard Muybridge. Degas note dans un de ses carnets la publication des planches de Muybridge dans la revue française La Nature en 1878, (Roquebert, 2022, 8).

50 Giuseppe Boldini, Dans le jardin ou Le Perroquet, 1875, huile sur bois, 18 x 24 cm, collection particulière.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Stanislas Lépine, La place de la Concorde, vue de la terrasse des Tuileries
Crédits Vers 1880, huile sur bois, 26 x 33 cm, Paris, musée Carnavalet, P1936, domaine public/CCØ
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 756k
Titre Figure 2 : Albert Edelfelt, Le Jardin du Luxembourg
Crédits 1887, huile sur toile, 141 x 186 cm, Helsinki, Ateneum Art Museum, photo : Finnish National Gallery / Hannu Aaltonen, domaine public/CCØ
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 580k
Titre Figure 3 : Jean Geffroy dit Géo, La Goutte de lait de Belleville
Crédits Triptyque : la pesée, la consultation, la distribution du lait, 1903, peinture à l’huile, 254 x 548 cm, Petit-Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, CC0 Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 312k
Titre Figure 4 : Jean Béraud Sur le boulevard
Crédits 1885, huile sur toile, 33 x 25 cm, Paris, musée Carnavalet, CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Figure 5 : Giuseppe De Nittis, L’Amazone
Crédits 1874, huile sur toile, 30 x 42 cm, Gênes, Civiche Raccolte Frugone, © Museo delle Raccolte Frugone - Genova. 
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 976k
Titre Figure 6 : Giuseppe De Nittis, La Femme au chien (le retour des courses)
Crédits 1878, huile sur toile, 156 x 99 cm, Trieste, Civico Museo Revoltella Galleria d’Arte Moderna, inv. n°375 © Archivio fotografico del Museo Revoltella - Galleria d'Arte Moderna, Trieste
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 1,6M
Titre Figure 7 : José Frappa, Un bureau de nourrices
Crédits Huile sur toile, 158 x 129 cm, musée de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, inv. AP 210, © AP-HP/musée – F. Marin
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 500k
Titre Figure 8 : Edgar Degas, L’intime
Crédits Vers 1877, monotype, 11,8 x 16,1 cm, inv. KKS9159, Copenhague, Statens Museum for Kunst, domaine public/CCØ
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 868k
Titre Figure 9 : Edgar Degas, Une nourrice au jardin du Luxembourg
Crédits Vers 1872, huile sur toile, 65 x 92 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 58.3.1, © Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes - Reproduction interdite sans autorisation.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/4000/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 719k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Hélène Zanin, « La représentation des nourrices dans l’espace public : figures du travail dans la peinture de la deuxième moitié du XIXe siècle »Images du travail, travail des images [En ligne], 15 | 2023, mis en ligne le 20 juillet 2023, consulté le 19 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/4000 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itti.4000

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Auteur

Hélène Zanin

Hélène Zanin est actuellement chercheuse post-doctorante au Centre de Recherche de l’École du Louvre. Elle a été auparavant ATER à l’Université de Poitiers et responsable des colloques au musée Rodin. Ses recherches portent sur la culture visuelle, la sculpture de la période contemporaine et l’histoire des collections. Elle est l’auteure d’une thèse intitulée Rodin et les musées : enjeux d’une diffusion (1883-1986) à paraitre prochainement aux Presses Universitaires de Rennes.

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