Navigation – Plan du site

AccueilNuméros14Grand entretien« Tout mon travail, depuis quaran...

Grand entretien

« Tout mon travail, depuis quarante ans, c’est de construire un portrait de groupe, un portrait de classe, celui de la classe ouvrière »

Grand entretien de Hervé Barulea, dit Baru. Le 27 mai 2022, café Le Foy, Place Stanislas, Nancy
Hervé Barulea, Jean-Paul Géhin et Jean-Marc Leveratto

Texte intégral

1Baru nous avait donné rendez-vous à Nancy le 27 mai 2022 au café Le Foy sur la place Stanislas qui était ce matin-là déjà pleine de soleil et de touristes. La salle du café était trop bruyante. Nous avons dû nous replier sur la terrasse couverte, un peu plus calme, pas beaucoup en fait.

2Jean Marc Leveratto et Baru se connaissent un peu car ils se sont côtoyés dans le cadre du festival de Villerupt consacré au cinéma italien et organisé par les fils des migrants de l’après seconde guerre mondiale. Ils ont entretenu des relations quasi professionnelles, Hervé ayant quelque temps assuré des enseignements à l’école des beaux-arts de Metz alors que Jean-Marc montait dans la même ville un cursus d’arts du spectacle, qu’il a dirigé de 1993 à 1997. L’un et l’autre présentent des parcours d’intégration et de promotion sociale réussies de la seconde génération de la migration italienne.

3Baru s’est avéré souriant et amical durant l’entretien bien que préoccupé par le bouclage du troisième tome de son œuvre actuelle, Bella Ciao, qui est une ambitieuse histoire populaire de l’immigration en Lorraine, sans doute influencée par les travaux historiques de Gérard Noiriel. La conversation s’engage directement sur ses préoccupations actuelles.

  • 1 À Marcinelle, en Wallonie, le 8 août 1956, 262 mineurs ont perdu la vie. La majorité d'entre eux, 1 (...)

Baru : Dans chacun des trois tomes de Bella ciao, je fais le portrait d’un migrant italien, et là je m’intéresse à Francesco Nardi, père de Sylvie, une amie de longue date. Il a 91 ans. J’aimerais connaître le trajet qu’il a emprunté pour passer la frontière. Cela fait trois jours que je tourne autour de cela : par où est-il passé ? Car, comme vous le savez après la guerre de 1940, à la Libération comme on dit en France, l’immigration italienne a repris. Elle a même été organisée par les deux États. Il y avait deux filières, une officielle, l’autre clandestine. C’est ce que montre un chercheur qui s’est surtout intéressé à la partie des immigrés qui entraient irrégulièrement en France, et qui ne passaient donc pas par les réseaux de recrutement officiels. La situation était compliquée : l’Italie freinait des quatre fers pour laisser partir ses ouvriers qualifiés et privilégiait la migration de non-qualifiés. La France a toléré cette situation, enfin, plus que toléré, car elle fermait carrément les yeux sur la migration clandestine qui lui procurait une main d’œuvre pas chère. En même temps les États français et belges négociaient avec l’Italie des contrats appelés « Des hommes contre du charbon » pour faire venir des hommes qui acceptaient de travailler à la mine, qui demandait beaucoup de bras durant cette période de reconstruction et de reprise économique. En plus il y avait de moins en moins de Français qui acceptaient de descendre à la mine : la dureté du travail, les maladies et en plus, de grandes catastrophes comme celle de Marcinelle1.

Bref, le père de ma copine, qui est arrivé en 1947, était un gars du sud, un Calabrais, et il se définit lui-même comme un clandestin. Les gens du sud ne passaient que rarement par des agences officielles. L’ONI — l’office national de la migration italienne — était à Milan, donc très loin du sud. Les méridionaux payaient des passeurs. J’essaye actuellement de reconstituer le voyage de Francesco Nardi. Mais il perd un peu la mémoire et a tendance à réinventer son histoire et son voyage. Il venait de Simbario, une petite ville à une centaine de bornes de Reggio de Calabre. Il me dit : « on a pris le train jusqu’à Turin et on a passé les Alpes à pied, pour se retrouver à Chambéry ». Sauf qu’entre Turin et la frontière il y a près de 200 km, qu’il n’a pas pu faire à pied, bien sûr. Là, à ce stade de nos échanges, par le truchement de sa fille, je n’ai toujours pas compris si le passeur l’attendait aux pieds des Alpes, ou s’il était avec lui depuis la Calabre. Mais je pense qu’ils ont sûrement pris cette voie qui est récemment redevenue d’actualité pour les migrants d’aujourd’hui, celle du col de Montgenèvre. Le pauvre vient de perdre sa femme et il a les idées encore moins claires que d’habitude, mais je vais quand même lui téléphoner, pour en parler directement avec lui. Ce n’est pas que ça m’obsède, mais j’aimerais reconstituer sa vérité à lui. Je ne vais quand même pas lui mettre de la neige jusqu’au ventre, alors qu’il a passé les Alpes au mois d’août.

Jean-Paul Géhin : Une des questions qu’on se pose dans le N° qu’on prépare c’est comment on devient dessinateur de BD ?

Baru : Bonne question, mais la réponse risque d’être un peu longue… En fait, je crois que le champ des bandes dessinées est un des rares endroits où il y a encore beaucoup d’autodidactes. C’est à dire, des gens qui se sont mis à raconter des histoires en images, parce qu’ils les « fréquentaient » depuis leur plus tendre enfance… Et aujourd’hui, je reste convaincu que c’est la meilleure école. Tu veux faire des bandes dessinées, alors déjà, commence par en bouffer. Après, le style, le dessin, tout ça, ce n’est pas un problème… La seule question qu’il faut se poser quand on envisage de s’y mettre, est de savoir si cela va passer auprès de ceux à qui tu les destines. Si tu arrives à faire passer les choses que tu souhaites dire, malgré les défauts de ton dessin, c’est bien, c’est que tu ne t’es pas planté.

Si je suis devenu auteur de BD, c’est parce qu’un jour j’ai décidé de marcher dans les pas de Jean-Marc Reiser. Mais très vite, je me suis rendu compte que ce n’était pas la peine d’insister et j’ai laissé tomber, car Reiser était un génie, l’équivalent de ce qu’était Jimmy Hendrix pour la Stratocaster… Mais j’avais mordu au truc. Alors, j’ai commencé à dessiner, il y a quarante ans déjà, en suant sang et eau pour contourner mes difficultés à représenter les choses. J’aurais aimé me réveiller un matin et dessiner comme Moebius, l’autre génie des bandes dessinées, mais bon, faut pas rêver… Surtout qu’étaient apparus dans le Landerneau BD, des auteurs autrement plus excitants pour moi : Jacques Tardi et surtout José Munoz.

Donc pas d’école. Pour moi, les écoles sont des lieux mortifères, c’est en tous cas des endroits académiques et même quand elles font mine d’être ouvertes à l’innovation, elles restent fondamentalement des lieux académiques. Aussi bien en Belgique qu’en France… À Angoulême par exemple, les jeunes qui y entrent ont déjà un tel savoir-faire, que l’école ne leur apporte rien. La seule chose qu’elle leur permet, c’est d’être avec des filles et des gars de leur âge, tous fondus de bandes dessinées. Pour moi, c’est cela une école, un lieu où des jeunes se regroupent, se stimulent et inventent une dynamique créative. Et ça, c’est formidable.

Jean-Paul Géhin : Un peu comme la Maison des auteurs à Angoulême. Tu dis qu’il faut manger de la bande dessinée. Toi tu en as lu beaucoup ?

  • 2 Fascicules, souvent de petit format, très populaires durant les trente glorieuses mais dévalorisés (...)

Baru : Oui, beaucoup. J’ai commencé par L’Intrépide, puis Hurrah !, dont je garde un souvenir fantomatique, à l’inverse de Vaillant, l’ancêtre de Pif. Ado, je me suis goinfré de ce qu’on a appelé plus tard les BD de gare2. Par contre, je suis complètement passé, à l’instar de mes camarades de classe (ouvrière), à côté de Tintin et de Spirou. Faut dire que mon père avait une certaine coloration politique, pour ne pas dire communiste. En gros, pour lui, ces deux-là étaient d’infâmes suppôts du Capital… Vaillant, lui, était plus en odeur de sainteté. Il ne m’avait pas abonné au magazine, mais tous les ans, au Noël des enfants des ouvriers de l’usine, on recevait d’énormes compilations des numéros de l’année. Le paradis, quoi. Je précise aux incultes que Vaillant était le magazine du Parti Communiste Français pour la jeunesse.

Image 1 : Manger de la BD.

Image 1 : Manger de la BD.

© Baru, Les Années Spoutnik, Casterman, page 78, case 1 & 2

Il y a quelques années, à la demande des Editions Dupuis, j’avais commis une page qui s’inspirait de ça. Plus tard, vers 14 ou 15 ans, comme tout le monde, j’ai mis tout ça à la poubelle, pour me consacrer exclusivement à l’autre moitié de l’humanité, celle qui portait une robe, robe qui était la norme à cette époque…

Image 2 : Les années drague.

Image 2 : Les années drague.

© Baru, Quéquette blues, Les rêveurs, page 133

Jean-Marc Leveratto : Et le cinéma ?

Baru : Je ne suis pas cinéphile. Il y a très longtemps que je ne suis pas entré dans une salle de cinéma. Quand j’étais jeune, à Villerupt, je n’aurais pas craché dessus. Il y avait trois salles, mais elles ne projetaient que des trucs de vieux. En fait, j’ai piqué au cinoche plus tard, et encore, par intermittence, vu que j’étais plus souvent fauché qu’à mon tour, quand j’ai quitté Villerupt pour aller à la fac de Sciences à Nancy, en 1967, pour une première tentative d’études que j’ai arrêtées. J’étais plutôt bon élève, sans forfanterie... Mais je me suis rendu compte que je ne voulais pas être prof de math ou de physique … Je voulais faire autre chose. Et surtout, je voulais avoir du temps. Un jour, je me suis souvenu qu’au bahut à Longwy, j’avais un prof de gym qu’on appelait « Boudiou » car il disait toujours « boudiou d’boudiou », je n’ai jamais su comment il s’appelait… Il avait toujours dans une main le journal L’Équipe et dans l’autre un ballon de foot. Je le vois encore s’asseoir, shooter dans le ballon et déplier son journal. Nous, on demandait que ça, tu penses ! Accessoirement, plus tard, je me suis dit que c’était le métier que je voulais faire : prof de gym.

Il ne m’a pas fallu trois mois dans le métier pour savoir que j’avais fait le bon choix. A la différence de mon père à l’usine, je n’allais pas passer ma vie à la gagner, vu que ce boulot me laissait pas mal de temps libre pour tenter les mille choses que j’avais envie de tenter. J’ai eu du bol : j’ai eu le bon âge pour profiter à fond, mais à fond, hein, de tout ce qui se présentait dans les vingt années de dingue qui ont démarré avec les années soixante. De la musique, d’abord. Et quand je dis musique, je ne parle pas de LA musique, hein, celle qu’on écoute la tête renversée, en fermant les yeux, je parle de rock’n’roll. Ce truc a électrisé ma vie. Et continue à le faire : chaque fois que je me mets à ma table à dessin, je le fais après avoir mis un disque. Et quand je commence un bouquin, je passe au moins la première semaine avec l’intégrale de « Dr Feelgood », en boucle, et à fond.

Image 3 : Une passion pour le rock.

Image 3 : Une passion pour le rock.

© Baru, Les Johnny’s

En fait, je suis tombé dedans quand j’étais petit, comme Obélix, mais pas dans la même marmite, en 1961 avec les premiers disques de Johny Halliday, des Chaussettes Noires, des Chats Sauvages, des Pirates, etc. Aujourd’hui, il est encore de bon ton de se pincer le nez en parlant de Hallyday. Mais en 1961, ce type m’a ouvert la porte, il m’a poussé dans la marmite. Alors, merci Johnny. Quand tout ça a tourné en boudin yé-yé, j’ai mis les voiles, et je suis remonté aux sources américaines : Elvis, Chuck Berry, Gene Vincent, Eddie Cochrane, Little Richard. Les disques étaient rares dans mon coin, mais, comme il y avait encore des bases américaines à Toul, au Luxembourg et en Allemagne, ça circulait quand même. Et puis, un jour de 63, dans le poste, I Saw Her Standing There, les Beatles. Putain, la claque ! Et après, les Stones, les Who, les Kings, les Yarbirds, etc.

Mais mon acmé perso, elle date d’octobre 1966. J’étais encore à Villerupt et le Comité des fêtes nous offrait, quasi gratuitement, un concert de Johnny Hallyday dans la salle des fêtes Maurice Thorez. Avec les copains, on y était allés en traînant les pieds (ça faisait longtemps qu’on s’en foutait, de Hallyday). Sauf qu’en première partie, ni prévue, ni annoncée, deux Anglais et un Américain, avec sa Fender à l’envers, se sont pointés sur la scène. Ils se sont mis à jouer et le ciel m’est tombé sur la tête. C’était Jimi Hendrix, Mitch Mitchell et Noël Redding. Ils ont fait quatre dates en France : Evreux, Nancy, L’Olympia… et Villerupt. Du bol, je vous dis…

Mais bon, je reviens à mes moutons. Nicole et moi, on s’est mariés en 1971, et au mois de septembre je démarrais ma carrière de professeur d’EPS au collège de Villerupt, où j’avais été élève. En août de l’année suivante, on partait en Algérie où j’allais effectuer mon service militaire au titre de la coopération. J’avais été nommé au Centre Régional d’Education Physique et Sportive (CREPS). C’est là que j’ai commencé à dessiner. Je suis rapidement sorti de ma phase « reiserienne », écœuré par son génie, mais pas découragé. Et je me suis mis à bosser comme un dingue, juste pour voir jusqu’où ce truc pouvait m’emmener.

Je ne partais pas de rien, remarquez. Parce que j’étais prof de gym, et que j’avais une connaissance assez pointue de l’anatomie et de la mécanique humaines. Même dans mes premiers balbutiements, je n’ai jamais commis des erreurs grossières dans ce registre-là. Jamais, je n’ai fait marcher mes personnages à l’amble, comme les nazis, les oies et les chameaux, par exemple. Et je savais que la marche est une chute en avant contrariée. Mes personnages, quand ils marchent, ont toujours un peu l’air de tomber. Ça crée une dynamique. Ce qui fait que, même mal dessinés, ils ont l’air vivants.

Quand on a refermé la parenthèse algérienne, deux ans plus tard, on est rentrés à Nancy avec quelques projets et une certaine idée de ce qu’on allait faire de notre vie. Pour moi c’était une radio pirate, comme on disait à ce moment-là, pour commencer, puis un journal, décalque de « Charlie Hebdo », ex « Hara-kiri Hebdo ». La radio a tourné court, mais le journal a existé. On l’avait baptisé, un peu rapidement, Le Téméraire, parce qu’on ne savait pas que c’était le nom d’un journal collabo pendant la guerre. « On », c’était Daniel Ledran, Jacques Pierre, qui venait d’ouvrir, avec Luce Vincent, une des toutes premières librairie de bandes dessinées, Daniel Benoit et moi. D’autres ont contribué au contenu : Patrick Lefko, Serge Bonnet, André Cicolella (un chimiste chercheur à l’INRS qui venait d’entamer sa bataille contre les éthers de glycol). Et c’est moi qui tapais tous les textes, avec un doigt, sur une méchante Olivetti mécanique. Malgré les emmerdements, judiciaires surtout, on a tenu quatre, cinq ans, et réalisé trente numéros. Pas mal, non ?

Images 4 & 5 : Le Téméraire.

Images 4 & 5 : Le Téméraire.

© Baru, Le Téméraire.

Pour moi, notre canard a eu une importance énorme : il m’a permis d’oser présenter mes dessins publiquement et de me rendre compte qu’il y avait des gens qui s’intéressaient à ma manière de dire les choses et cela m’a vraiment mis en confiance. Quand on a arrêté Le Téméraire, cela faisait un moment que je n’y dessinais pratiquement plus. Pour quelles raisons, je ne me les rappelle pas. Cela avait sans doute à voir avec la rubrique que j’y tenais à chaque parution. Je l’avais appelée « Anatomie Populaire de la Lorraine ». Deux pleines pages à chaque numéro. Ça m’avait passionné. Quand on a mis la clef sous la porte, je me suis remis à ma table à dessin, et j’ai poursuivi mon « Anat’ Pop’ Lor’ ». En dessin, ça a donné Quéquette blues.

C’était la fin des années 70. Le magazine (A SUIVRE) venait de paraître. Et comme je ne savais strictement rien des modes opératoires qui avaient cours dans le monde des bandes dessinées, j’ai mesuré une page de (A SUIVRE) et j’ai construit mes planches à ce format-là : 20,5 cm par 28. Sur du Canson Technique A3 de 120 g. Autant dire du PQ. Vous auriez vu la tête que j’ai fait en découvrant la taille des planches de ceux dont c’était le métier ! Mais bon, tant pis, que je me suis dit, et encore aujourd’hui, je travaille dans mon 20,5 par 28…

Image 6 : Des couleurs originales.

Image 6 : Des couleurs originales.

© Baru, L’Enragé, Dupuis, planche12

C’est Daniel Ledran, mon copain du Téméraire, mon alter ego, mon presque frère qui s’est chargé des mises en couleur. Il n’était pas plus coloriste que moi, mais il avait un culot monstre, et un énorme talent. Il bossait à l’aquarelle. Je lui dois beaucoup, ne serait-ce que pour ce que j’ai appris en le regardant faire. Qu’on pouvait faire du vert en mélangeant du bleu et du jaune, par exemple. C’est vous dire mon ignorance crasse en la matière. C’est rebelle et romantique d’être un autodidacte, mais aussi, parfois, laborieux et chiant.

J’ai terminé Quéquette blues en 1981 ou 1982. 140 pages ! Oui, 140 pages en couleur sans même savoir si cela allait intéresser quelqu’un ! Alors j’ai pris mon bâton de pèlerin, le train, et je suis allé tirer les sonnettes de tout ce qui comptait en matière de bandes dessinées dans la capitale. Á commencer par le saint des saints : Hara-Kiri et son extension dessinée Charlie mensuel, décalque strict du Linus italien. J’aurais fait des pieds et des mains pour y être publié, à côté de José Munoz, vous vous rendez compte !

Ledran connaissait bien Cabu, qui parcourait la France pour ses reportages à l’époque, et c’est Cabu qui nous a ouvert la porte, et je me suis retrouvé assis à côté de Cavanna en train de lire MON Quéquette blues (je vous rappelle que je suis de Villerupt). Il n’est pas allé au bout, bien sûr, mais il a rassemblé les planches et fait glisser le paquet vers Wolinski en lui disant : « Tiens, Wolin, regarde c’que tu peux faire avec ça, ça m’a l’air plutôt bien ». J’ai failli tomber dans les pommes. Wolinski était rédac chef du mensuel à l’époque. Un mois après, il avait laissé la place à Willem, et deux mois plus tard, Willem m’écrivait que Charlie mensuel cessait de paraître, et qu’il était racheté par les éditions Dargaud. Merde, fallait tout recommencer.

Quand j’ai poussé la porte des éditions Dargaud, je faisais un peu moins le malin, à peu près certain de me faire jeter. Bien sûr, il me restait toujours la carte de Jean-Paul Mougin (A SUIVRE) à jouer. J’étais passé lui proposer mon boulot, sur les conseils de Florence Cestac et Etienne Robial (Éditions Futuropolis, canal historique), rencontrés à la librairie La Parenthèse à Nancy. Je me souviens encore de ce que Jean-Paul Mougin m’avait dit : « Bon Dieu, personne te connaît, tu viens dans une revue exclusivement en noir et blanc avec 140 pages en couleur, mais tu sors d’où, toi ? ! Mais bon, écoute, ça me plaît bien ce que tu fais, alors laisse-moi un peu de temps. Dans six mois on passe à la couleur et j’essaie de te publier ».

Image 7 : La piscine de Micheville.

Image 7 : La piscine de Micheville.

© Baru, La Piscine de Micheville, Les Rêveurs, planche 4

Six mois après, malgré le forcing d’Etienne Robial, c’était toujours silence radio. Je le regrettais, mais je m’en foutais un peu, parce que chez Dargaud, l’enthousiasme de Jean-Marc Thévenet, rédac chef de Pilote, et de son patron Guy Vidal (qui allaient devenir des amis) m’avait convaincu que c’était là que je pouvais me poser. Mais ils avaient les pieds sur terre et m’ont dit qu’avant de publier Quéquette blues, il fallait que je fasse mes preuves avec des histoires courtes… Quatre mois après, mes cinq premières pages de ce qui, plus tard, deviendra La Piscine de Micheville, paraissaient dans Pilote.

Quéquette blues, part ouane, démarrait sa publication dans Pilote en 1983. Il a paru en 1984 en album dans la Collection Pilote, avec une couverture souple. Il m’a valu le Prix du meilleur premier album au festival d’Angoulême en 1985. Et franchement après cela, tout a été très facile.

Jean-Paul Géhin : Tu as beaucoup parlé de dessin jusqu’à présent mais tes BD c’est d’abord des histoires.

Baru : Je fais des bandes dessinées pour donner le beau rôle aux miens. Tout mon travail, depuis quarante ans, c’est de construire un portrait de groupe, un portrait de classe, celui de la classe ouvrière. C’est l’aboutissement d’un long processus qui a commencé au bahut à Longwy, quand j’ai réalisé que j’avais eu honte de ce que j’étais. Ça m’a mis dans une rage folle. Et cette colère-là, même si elle s’est apaisée, laisse encore des traces aujourd’hui. C’est avec elle que je travaille.

Images 8, 9 & 10 : Dessiner le travail manuel.

Images 8, 9 & 10 : Dessiner le travail manuel.

© Baru, Fais Péter les basses, Bruno !, Futuropolis, page 8, case 1 ; page 34, case 4 ; page 38, case 1

Mais, bien sûr que je raconte des histoires. Je construis des fictions, qui sont des mensonges, par définition. Et ça fait de moi une sorte de menteur professionnel. Mais chez moi, les histoires sont toujours adossées au réel. Et j’y mets tout mon savoir-faire pour qu’elles produisent, à la fin, un effet de réalité qui, peut-être, emportera l’adhésion des lecteurs. En fait, je mens pour essayer de dire le vrai. Un peu à la manière d’Aragon et son mentir-vrai, la poésie en moins.

J’ai une certaine facilité à construire des échafaudages narratifs. Sans doute qu’elle vient de mes fréquentations : les films, les romans noirs, parce qu’ils sont la littérature du monde comme il va, certaines bandes dessinées et aussi, certainement, les romans photos de mon enfance, que je lisais chez nos voisines du dessous, une petite tribu de femmes dont les hommes étaient morts, qui en avaient des piles qui touchaient le plafond. Ce qui fait que l’exposition, l’intrigue, le développement/tension, les éventuels rebondissements et la chute, tout ça me vient sans trop de problèmes. Mais à une condition : que je sache comment ça finit.

Jean-Paul Géhin : Tu commences toujours par les scénarios.

Baru : Oui, toujours. J’écris toute l’histoire, puis je la découpe minutieusement. En fait, j’ai un mode opératoire que j’ai adopté définitivement il y a une vingtaine d’années, qui consiste à miniaturiser mon découpage (deux planches sur une feuille A4) pour y ébaucher mon dessin, trouver mes personnages, placer mon texte dans les bulles, choisir mes cadres, mon point de vue, gros plan, plan moyen, plan large, etc.

Image 11 : Les petits crayonnés…

Image 11 : Les petits crayonnés…

© Baru, Bella ciao (tre), Futuropolis, BERSAGLIERI double planche 08-09

Image 12 : … Et la double planche définitive

Image 12 : … Et la double planche définitive

© Baru, Bella ciao (tre), Futuropolis, BERSAGLIERI double planche 08-09

J’appelle ça « mes petits crayonnés ». C’est un peu comme au cinéma, ce qu’ils appellent un story-board. En général je fais comme ça la totalité du bouquin. Je ne le cache pas, c’est, pour moi, la partie la plus excitante, celle de la création pure, avec Dr Feelgood à fond dans les enceintes devant moi, pour choper l’énergie et l’investir dans les personnages… Pour faire les petits crayonnés d’un bouquin comme Pauvres Zhéros (2012) ou Canicule (2013), il me faut quinze jours à tout casser. Parfois, il y a même des dessins que je trouve tellement aboutis que je les reprends tels quels quand je passe « au propre ». Sauf que là, hélas, la magie est partie.

Après, c’est moins fun, comme dirait Iggy Pop. C’est la cuisine qui commence. Papier Canson Montval, 300 g grain fin. Vérifier l’état du stock des tubes d’aquarelle (comme Ledran, mais pas avec la même marque. Lui c’était Windsor en godets, moi, c’est Schmincke en tubes, ils ont un vermillon et un jaune de Naples à tomber).

Une petite hésitation à l’entrée du tunnel, et c’est parti, pour sept, huit mois, un an, trois ans (L’Autoroute du soleil)… Sur la même feuille, je réalise toujours les deux planches qui seront en vis à vis dans le bouquin. C’est mieux pour maîtriser la dynamique des cadrages.

Image 13 : La chute de la sidérurgie.

Image 13 : La chute de la sidérurgie.

© Baru, Bella ciao (tre), Futuropolis, EPILOGUE double planche 04-05

4Les jours passent, avec parfois des états de grâce qui me donnent l’impression que ce n’est pas moi qui ai fait ça ; des jours sans, où rien ne marche, reprendre des pans de scénar parce que non, là, ça ne va pas, remplacer une case, voire une planche vraiment pourrie, réaliser le fichier de sauvegarde de la planche terminée, on ne sait jamais, remettre à plus tard (au retour des fichiers du graveur de l’éditeur) les petites corrections rendues possibles depuis l’irruption de l’informatique. Le train-train, quoi. Heureusement, il y a les Rolling Stones. Mais comment ils font, les autres, sans le rock’n’roll ? !

Jean-Paul Géhin : Dans tes histoires, il y a pas mal d’éléments autobiographiques.

Baru : Non, non, c’est ce que je te disais tout à l’heure, je suis un menteur professionnel.

Jean-Paul Géhin : Je ne te crois guère quand tu dis que tu es un menteur.

Baru : Tu as raison, je ne suis pas vraiment un menteur…

Déjà, parce que j’emprunte au réel des morceaux de vrai : l’air du temps, des fragments de ma petite histoire personnelle, des bouts de celles des autres, des miettes de l’Histoire avec un grand H. J’empile tout ça, mais comme le mur est plein de trous et qu’il va se casser la gueule, je bouche avec de la fiction. Et à la fin, si je ne suis pas planté, je me suis un peu plus rapproché de mon but : faire un portrait de classe, celui de la classe ouvrière de la Lorraine du fer. Pardon pour la prétention.

Jean-Paul Géhin : Une autobiographie de groupe ?

  • 3 Baru a vécu son enfance dans le quartier Sainte-Claire — auquel il fait souvent référence dans cet (...)

Baru : Si tu veux. A condition que je sois considéré comme un élément de ce groupe, celui qui parle de nous. Et je le fais depuis le muret du café des cités ouvrières de Sainte-Claire3, sur lequel on posait nos fesses, tout au long de nos après-midi d’ennui. Et ça, depuis mon premier bouquin, depuis Quéquette blues, encore et toujours.

Image 14 : Un portrait de classe sur fond d’industrie sidérurgique.

Image 14 : Un portrait de classe sur fond d’industrie sidérurgique.

© Baru, Quéquette Blues, Les Rêveurs, Planche 52

Pour ce qui est de l’autobiographie, je me méfie de ce que ce mot recouvre. Au mieux, il est trompeur et donne à croire qu’il contient la vérité vraie ; ce qui est, évidemment, une imposture. Au pire, il est péjoratif et minorant, presque méprisant, signifiant que son auteur est tellement médiocre qu’il ne peut parler que de lui parce qu’il n’a aucune imagination. J’ai été trop souvent confronté à cette seconde appréciation. Mais bon, je reconnais que j’ai tendu les bâtons pour me faire battre, quand j’ai commencé Quéquette blues par : « Je m’appelle Hervé Barulea, mon père est Italien, ma mère, Bretonne… ».
L’erreur.

Depuis, l’essentiel du commentaire sur mon travail se résume à ça, à l’autobiographie. Ça fait quarante ans qu’elle me colle aux basques comme le sparadrap du capitaine Haddock.

Et l’acmé, bien sûr, c’est avec Bella ciao. Pourtant, j’ai tout fait pour éviter cela. J’ai mis en place un code graphique explicite : la couleur pour tout ce qui est fiction, le lavis de gris pour la « réalité arrangée », à savoir des faits réels légèrement modifiés pour qu’ils se fondent dans l’océan de fiction colorée qu’est Bella ciao.

Et pour bien enfoncer le clou, je me suis mis moi-même en scène, dessiné au trait simple, pour bien signifier que je, Baru, n’avais rien à voir avec ces Martini de fiction. Rien n’y a fait.

Bella ciao est quand même devenu « l’histoire de la famille de l’auteur ». Pfff, c’est fatiguant, à force…

Image 15 : Un code graphique explicite.

Image 15 : Un code graphique explicite.

© Baru. Bella Ciao (due), Futuropolis, page 29

Jean-Paul Géhin : Et que penses-tu du dernier album de Guy Delisle, Chroniques de jeunesse ?

Baru : J’en ai entendu parler, mais je ne l’ai pas lu. Mais je connais ce qu’il fait. J’aime beaucoup les sujets qu’il aborde, son rapport au réel et la qualité de son verbe. J’ai un peu de mal avec son dessin. Guy Delisle représente assez bien l’état actuel du champ des bandes dessinées, qui privilégie le verbe au détriment de l’image. Longtemps, la bande dessinée a valu pour ses images et les expériences émotionnelles qu’elle procure. Sans même parler des enfants qui « lisent » des BD avant de savoir lire, pensez au Arzach de Mœbius, au Salammbô de Druillet ou au Rank Xerox de Tanino Liberatore. J’appartiens à cette génération-là.

La tendance s’est inversée, le texte a pris le dessus, c’est la revanche du verbe. Vous savez, la France est un pays désormais largement déchristianisé. Mais l’empreinte du christianisme est toujours présente, même si les églises sont vides, comme une toile de fond qui détermine nos pensées, nos choix, notre culture. Emmanuel Todd appelle ça le fond anthropologique.

Ce qui fait que le rapport que nous entretenons avec les images est largement dicté par cela. Toutes les religions monothéistes sont iconoclastes. Elles n’aiment pas les images. Sauf une : le catholicisme. Il a fallu pour ça un concile, je ne sais plus trop où, avant l’an mille, qui autorisa les images pour l’éducation dans la foi du peuple analphabète. Ça fait de nous, les catholiques, un des plus gros pourvoyeurs d’images de la planète. Mais aussi le champ où s’affronte, depuis deux mille ans, le verbe et l’image pour la suprématie. Combien de lecteurs de littérature ? Combien de lecteurs de bandes dessinées, de cinéphiles ? La revanche du verbe, je vous dis.

Jean-Marc Leveratto : Puisque tu en parles, je me permets de te demander si tu es croyant ?

Baru : Non. La religion est peu présente dans ma famille. Côté italien, surtout. Du côté de ma mère, qui n’est pas italienne mais bretonne, c’est plus mitigé, elle avait deux tantes bonnes sœurs. Elle m’a baptisé et j’ai fait ma communion, pour avoir la montre et la gourmette en or avec mon prénom, comme chez tous les Italiens qui se respectent.

Image 16 : La communion solennelle.

Image 16 : La communion solennelle.

© Baru, Bella Ciao (due), Futuropolis, page 25, case 1

Jean-Paul Géhin : Pour en revenir à la fabrication de tes ouvrages, il y a tout un travail documentaire. Tu te documentes comment ?

Baru : Oui, surtout pour Bella Ciao, pour lequel j’ai fait pas mal de recherches historiques, pour éviter de raconter des conneries, et documentaires pour la justesse des choses que je représente. J’ai beau connaître ce dont je parle, je suis incapable de dessiner, par exemple, un haut fourneau, comme cela, de mémoire… Je plonge dans la documentation pour voir comment cela était vraiment, comment ça marchait… Il y a un tube comme cela, un autre ainsi, le capteur en haut… Pareil pour les bagnoles, je suis incapable de les dessiner de tête. Alors plutôt que de faire une patate avec quatre roues, je préfère me casser un peu le tronc et pêcher la bonne doc. Je suis très sensible à l’esthétique des bagnoles. Saloper la ligne d’une aile de Facel-Vega, c’est faire injure à celui qui l’a dessinée. Alors, je tire la langue, mais j’aime ça. Et puis, vous savez, comme je cours toujours après mon effet de réalité, j’ai besoin d’une sorte d’hyperréalisme des choses et des lieux. Ça me rassure.

Image 17 : Une ambiance de déclin industriel et de luttes sociales.

Image 17 : Une ambiance de déclin industriel et de luttes sociales.

© Baru, Les années Spoutnik, Casterman, page 41, case 4

Jean-Marc Leveratto : Tu fais donc des photographies.

Baru : Oui, énormément. Quand j’ai fini les petits crayonnés dont je parlais tout à l’heure, je pars en repérage pour essayer de faire coïncider mes images mentales et la réalité. Pour L’autoroute du soleil, par exemple, j’ai pris ma voiture et j’ai fait le chemin de mes deux protagonistes de Nancy jusqu’au port de la Joliette, à Marseille, pendant trois, quatre jours. J’ai ramené un paquet de photos.

Et c’est pareil pour des endroits que je connais pourtant très bien, comme les cités de Sainte-Claire, qui reviennent dans mes récits comme un leitmotiv, mais que je suis incapable de dessiner de tête. Parce que je n’ai pas une très bonne mémoire, d’abord, et ensuite parce que les perspectives sont un vrai casse-tête. Alors, pareil, bagnole, 120 bornes, photos de l’état actuel des cités, et après je plaque mes souvenirs dessus.

Jean-Paul Géhin : J’ai une question de curiosité. Tes copains que tu dessinais, tu l’as dit, comme des patates, ils se reconnaissent.

Baru : Je suis un très mauvais portraitiste, infoutu de faire ressemblant. Malgré cela, oui, il y en a quelques-uns qui se reconnaissent, à la façon dont leurs personnages parlent ou se tiennent, probablement. Mais aussi, sans doute, par les souvenirs que nous avons en commun et les anecdotes que je mets en scène. Pour moi, le plus important dans mon travail, et sans doute aussi le plus difficile, c’est de les convaincre qu’ils peuvent être et qu’ils sont des personnages de roman.

Image 18 : Le lynchage des italiens aux salines d’Aigues-mortes. 17 aout 1893.

Image 18 : Le lynchage des italiens aux salines d’Aigues-mortes. 17 aout 1893.

© Baru, Bella ciao (uno), Futuropolis, page22, case 3

  • 4 Il s’agit du lynchage, les 17 et 18 août 1893, d’ouvriers italiens travaillant pour la Compagnie de (...)

Mais, pour en revenir aux recherches documentaires, le pompon, pour ce qui est de ces préalables au dessin proprement dit, ce fut quand même Bella ciao… Ce fut long, très long. Pour le massacre d’Aigues-Mortes4 dans le tome 1, par exemple, là aussi j’ai sauté dans mon auto et je suis descendu là-bas arpenter les chemins des Salines en essayant de me mettre à la place des pauvres gars qui se faisaient massacrer. J’ai même cherché leur trace dans les registres de l’état civil d’Aigues-Mortes (c’est facile, internet, archives du Gard) et j’y ai trouvé sept actes de décès « d’inconnus », numérotés de 1 à 7, dont « … le cadavre paraissait d’origine italienne… », sans qu’il y soit fait mention des causes de leur décès. Plus tard, des jugements du Tribunal Civil de Nîmes rendant leur identité aux victimes, ont été inscrits dans la marge des actes de décès. Deux d’entre eux sont restés les inconnus n° 4 et 7. Je ne me suis pas servi explicitement de ça, mais c’est typiquement le genre de choses qui attestent de la brutalité d’un événement, et qui me donnent la tonalité émotionnelle du récit. Elles m’obligent, en quelque sorte…

Autre exemple de préalables à rallonge, toujours dans le tome 1 : la chanson Bella ciao. J’avais raconté à mon copain Jean-Claude Faedo ce que j’en savais : chant de partisans, hymne planétaire des résistances, et comment je comptais m’en servir. C’est un puits de sciences, toujours à l’affut de ce « qui peut le rendre un peu moins con ». Un jour, j’étais déjà bien avancé dans le dessin, il m’envoie un SMS avec juste ceci : « Tu sais, Bella ciao, ça n’a pas l’air aussi simple que tu crois ». Patatras ! Tout s’écroule… Après une semaine de recherches, de recoupements et d’hésitations, j’arrive à quelque chose d’effectivement plus complexe sur l’histoire de cette chanson. Puis, le plus dur est arrivé : comment intégrer cette nouveauté dans mon récit sans mettre à la poubelle tout ce que j’avais déjà fait. Mais bon, j’y suis arrivé. Sans rien jeter.

Enfin, et je m’arrêterai là, un dernier exemple de préalable documentaire : l’usine. Les lecteurs qui connaissent bien mon travail savent que mes personnages ne mettent jamais les pieds DANS l’usine. Elle est omniprésente, mais lointaine, toujours perçue de l’extérieur. C’est tout simplement parce que moi-même, je n’y suis jamais allé, à quelques exceptions près, qui m’ont servi à construire La Gamelle de mon père, le premier chapitre du tome 3.

Image 19 : Les rares incursions à l’intérieur de l’usine.

Image 19 : Les rares incursions à l’intérieur de l’usine.

© Baru, Bella ciao (tre), Futuropolis, GAMELLE, Page 6

J’ai eu un mal de chien à trouver quelques pauvres images du ventre de l’usine, des images au ras des ouvriers, et pas seulement celles de l’immensité et de la démesure des cathédrales de ferraille dans le paysage. Mais j’ai fini par trouver un peu de ce que je cherchais au Musée de l’histoire du fer de Jarville-la-Malgrange, grâce à la conservatrice, qui m’a donné accès au fond photographique sidérurgique. J’ai donc quelques photos que j’ai pu utiliser, mais cela reste encore souvent des vues monumentales.

Jean-Paul Géhin : Tu parles surtout de photographies. Est ce que tu t’alimentes aussi en écrits, bouquins, articles, archives….

Baru : Je suis d’abord un homme d’images. Mais, bien sûr, quand il y a des faits historiques comme ceux d’Aigues-Mortes en 1893, je lis beaucoup et recoupe les sources pour ne pas dire de conneries. J’ai lu le bouquin de Gérard Noiriel (Le massacre des italiens, 2010, Fayard) avec beaucoup d’attention, mais aussi celui d’Enzo Barnabà, que je n’ai trouvé qu’en italien (Aigues-Mortes, il massacro degli italiani, Infinito edizioni, 2015). D’ailleurs, je ne suis pas tout à fait d’accord avec Noiriel quand il dit que cela n’avait rien à voir avec le racisme et la xénophobie. Moi, je trouve que si. Lui dit que c’est un conflit du travail. Sans doute, mais alimenté par la xénophobie, qui tapisse notre fond anthropologique…

Jean-Paul Géhin : Bella ciao occupe-t-elle une place particulière dans ton œuvre ?

Baru : Oui sans doute, et depuis très longtemps, depuis Quéquette blues. J’étais en train d’en finir avec ça, quand j’ai su que ce portrait de groupe, dont on parlait tout à l’heure et que j’avais entamé là, allait devenir la colonne vertébrale de mon travail. Et j’ai entrevu Les Années Spoutnik, qui n’est rien d’autre que Quéquette blues dix ans avant, et ce qui ne s’appelait pas encore Bella ciao. À partir de là, j’ai accumulé tout ce qui me tombait sous la main : anecdotes, actualité, films, récits de copains, sans jamais prendre de notes, parce que je savais, d’expérience, qu’au moment de passer à l’acte, ce qui surnagerait serait le plus intéressant.

Image 20 : Villerupt 1966. Le recto et le verso du coffret rouge.

Image 20 : Villerupt 1966. Le recto et le verso du coffret rouge.

© Baru, Villerupt 1966, Les Rêveurs

Et le déclic, pour moi, ça a été quand, en 2015, Les Rêveurs, un « petit » éditeur formidable, a réuni en intégrale Quéquette blues, La Piscine de Micheville et Vive la classe ! pour donner naissance à Villerupt 1966, dans un emboîtement. Rouge. Bien sûr. J’ai su que c’était le moment d’y aller. Et allez savoir, peut-être qu’un jour, je pourrais poser mon triptyque italien sur mon étagère. Villerupt 1966, Les Années Spoutnik, Bella ciao.

Jean-Marc Leveratto : J’aimerais que tu reviennes sur la question du cinéma et notamment le Festival du cinéma italien de Villerupt. Tu y as participé grâce à tes affiches.

Baru : J’aime le cinéma italien et surtout j’adore la comédie dite italienne. Pour moi c’est la quintessence de la narration. J’aime ce rapport-là, à la fois au réel qui peut devenir tragique, et à la distance qu’amène le rire, l’humour. Pour moi l’étalon de cette veine du cinéma italien, c’est Pain et chocolat, qui a d’ailleurs été la surprise du premier festival. Quant à la grosse douzaine d’affiches que j’ai pu commettre pour le Festival affiches, franchement, ce ne sont pas des affiches de cinéma, juste des affiches qui mettaient en scène Villerupt et surtout, les gens de Villerupt.

Images 21 & 22 : Les affiches de Baru pour le festival de Villerupt.

Images 21 & 22 : Les affiches de Baru pour le festival de Villerupt.

Jean-Marc Leveratto : Au démarrage, le festival avait comme objectif de financer le film L’anniversaire de Thomas, qui visait en fait à rendre hommage aux pères, à ces migrants italiens qui avaient participé au développement de la sidérurgie lorraine. Un peu le même projet que toi. Le festival a connu un grand succès et le film moins. Quel est ton rapport au festival ?

Baru : Oh, moi, j’y suis arrivé tardivement. J’ai dû faire ma première affiche en 1992, pour la 15e édition, je crois. Tu sais, les Villeruptiens entretiennent un drôle de rapport avec moi. Quatre sur cinq d’entre eux n’ont jamais entendu parler de Quéquette blues et ne savent pas qui je suis. Et franchement, ça m’arrange un peu. J’ai une anecdote qui illustre bien cette relation. Il n’y a pas très longtemps, cinq ou six ans, je buvais un café au bar de la salle des fêtes toujours Maurice Thorez, en attendant le début de la séance, et un mec m’aborde, visiblement avec un coup dans le nez. « Hé, qu’il me dit, paye-moi un coup ! ». Je lui dis : « D’abord, tu me dis qui t’es et après, peut-être que je te payerai un demi ». Et alors, il me jette : « Tu peux bien payer un coup, avec tout le fric que tu te fais sur notre dos ». Ça m’a laissé sans voix. J’ai quitté définitivement Villerupt en 1972. J’habitais Nancy en 1977, et vu naître le Festival de loin, par sa première affiche, qui était parvenue dans mes parages de l’époque.

Jean-Marc Leveratto : La première affiche était de Cabu, un fils qui regardait un film sur le dos de son père conduisant sa mobylette. Très belle image.

  • 5 Vérification faite, c’est l’affiche du quatrième festival.

Baru : T’es sûr, Marco ? Je dirais plutôt la deuxième ou la troisième5. Mais c’est vrai qu’elle est très belle. Personne n’a jamais fait mieux depuis.

Jean-Paul Géhin : Tu as été prof de gym. Comment cela s’est passé entre les deux carrières ?

Baru : Oh, de manière toute simple. Pendant presque vingt ans, j’ai été d’abord un prof de gym, et un peu auteur de bandes dessinées, comme un luxe que je m’octroyais parce qu’il était compatible avec mon métier (pas de copies à corriger, un certain dilettantisme côté préparations de cours, souvenez-vous de « Boudiou »). Mais j’ai dû changer de braquet en 1990.

Au Festival d’Angoulême, j’avais été approché par un éditeur japonais qui, pour des raisons qui m’échappent encore, souhaitait que je collabore à un obscur magazine, Morning, dont je n’avais jamais entendu parler. L’idée me plaisait et j’ai dit oui sans vraiment trop réfléchir. Quand je me suis rendu compte dans quoi je m’étais fourré, le ciel m’est tombé sur la tête. Morning était un magazine de 300 pages tiré à presque 2 000 000 d’exemplaires PAR SEMAINE ! Les paginations des albums qui en découlaient étaient vertigineuses. Bref, je me suis pris le monde des mangas dans la tronche. Et j’en ai encore des sueurs froides aujourd’hui. Bon Dieu, je n’étais pas préparé à ça. On était en 1990, et les futurs lecteurs de manga en étaient encore à préparer leur future addiction en regardant le Club Dorothée à la télé, et le seul manga à tenter de s’imposer sur le marché français s’appelait Akira.

Mais bon, j’en fais des tonnes, mais au fond, j’étais vraiment excité par l’aventure. Du coup, j’ai dû choisir, L’Autoroute du soleil ou la gym ? Je me suis mis en congé sans solde de l’Education Nationale. Pendant un an, puis, deux, trois… Pour finir, je n’y suis jamais retourné. L’Autoroute du soleil est sorti en 1994 au Japon, et l’année suivante en France, quand les Editions Casterman en ont racheté les droits.

Jean-Marc Leveratto : Tu as été aussi prof aux beaux-arts de Metz.

Baru : Oui. Ça faisait un moment que Daniel Ledran, qui se faisait chier à porter seul l’option Communication sur ses maigres épaules, me tannait pour que je le rejoigne. J’ai d’abord été vacataire, et j’enseignais (un bien grand mot pour ce que je faisais), non la bande dessinée comme on pourrait le croire, mais la narration, ou, plutôt, la scénarisation. Cela arrangeait tout le monde, et surtout les étudiants qui, hégémonie de l’Art conceptuel oblige, étaient infichus de dessiner quoi que ce soit.

J’ai fini par trouver ma place. Et à tirer un profit personnel de cette situation : à force d’expliquer à d’autres comment ficeler un scénario, cela m’a permis de réfléchir à ma propre pratique de la chose. Et surtout, passer deux jours par semaine avec mon vieux copain Ledran m’enchantait, et quand Julien Chaves, puis Yann Lindingre nous ont rejoints à leur tour, ça a été parfait, tout simplement parfait.

Si vous le permettez, j’aimerais revenir un peu sur mes trois années japonisantes, pour dire qu’il n’y a aucune influence manga dans L’Autoroute du soleil. Tout simplement parce que je ne savais absolument pas ce que c’était, je n’en avais jamais ouvert un seul durant les quarante premières années de ma vie. L’Autoroute du soleil, n’est pas un manga. Aujourd’hui, on appellerait ça un roman graphique. Ne me demandez pas ce que j’en pense… Pour moi, il a été l’opportunité d’échapper au carcan des 40 pages couleur qui prévalait en France à l’époque et qui m’étouffait. J’avais besoin d’espace, et je l’ai trouvé là, en même temps que ma manière de parler, ma voix, ma syntaxe.

Francesco Nardi ne verra pas le chapitre du tome 3 de Bella Ciao qui lui est consacré, il est mort le 27 juillet 2022 à Thionville, en Moselle.

Haut de page

Bibliographie

Barnabà E. (2015) Aigues-Mortes, il massacro degli italiani, Infinito edizioni

Bonnet S. L’ homme de fer, 4 tomes, Nancy, PUN

Noiriel G. (2010) Le massacre des italiens, Paris, Fayard

Filmographie

Pain et chocolat, Comédie de Franco Brusati, 1974

L’anniversaire de Thomas, Documentaire de Jean-Paul Menichetti. 1 h 20, 2000

Albums de Baru. Repères bibliographiques (d’après Wikipédia)

Quéquette Blues, Dargaud, 1984

Quéquette Blues, Tome 2 et 3, 1986.

La Piscine de Micheville, Dargaud, 1985

La Communion du Mino, Futuropolis, 1985

Vive la classe !, Futuropolis, 1987

Cours, camarade !, Albin Michel, 1988

Le Chemin de l’Amérique, Albin Michel, 1990

L’Autoroute du soleil, Casterman, 1995

Sur la route encore, Casterman, 1997

Bonne année, Casterman, 1998

Les Années Spoutnik, Casterman, 1999 à 2003.

LEnragé, Dupuis, 2 tomes, 2004 et 2006.

Pauvres Zhéros, Casterman, 2009

Noir, Éditions Casterman, 2009.

Fais péter les basses, Bruno !, Futuropolis, 2010

Le silence de Lounès, 2013

Canicule, Casterman, 2013

The Four Roses, Futuropolis, 2015

Bella Ciao (Uno), Futuropolis, 2020

Bella Ciao (Due), Futuropolis, 2021

Bella Ciao (Tre), Futuropolis, 2022

Haut de page

Notes

1 À Marcinelle, en Wallonie, le 8 août 1956, 262 mineurs ont perdu la vie. La majorité d'entre eux, 136 personnes, était des ressortissants italiens.

2 Fascicules, souvent de petit format, très populaires durant les trente glorieuses mais dévalorisés intellectuellement.

3 Baru a vécu son enfance dans le quartier Sainte-Claire — auquel il fait souvent référence dans cet entretien — de Thil, une petite commune de Meurthe et Moselle, limitrophe de celle de Villerupt, et tout près du site sidérurgique de Micheville, aujourd’hui disparu. L’engagement politique de son père était une caractéristique partagée par la majeure partie de la population : Thil a été un fief électoral du Parti Communiste Français jusqu’en 1977.

4 Il s’agit du lynchage, les 17 et 18 août 1893, d’ouvriers italiens travaillant pour la Compagnie des Salins du Midi.

5 Vérification faite, c’est l’affiche du quatrième festival.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Image 1 : Manger de la BD.
Crédits © Baru, Les Années Spoutnik, Casterman, page 78, case 1 & 2
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 732k
Titre Image 2 : Les années drague.
Crédits © Baru, Quéquette blues, Les rêveurs, page 133
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Image 3 : Une passion pour le rock.
Crédits © Baru, Les Johnny’s
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 908k
Titre Images 4 & 5 : Le Téméraire.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Crédits © Baru, Le Téméraire.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 704k
Titre Image 6 : Des couleurs originales.
Crédits © Baru, L’Enragé, Dupuis, planche12
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Image 7 : La piscine de Micheville.
Crédits © Baru, La Piscine de Micheville, Les Rêveurs, planche 4
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Images 8, 9 & 10 : Dessiner le travail manuel.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 648k
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 460k
Crédits © Baru, Fais Péter les basses, Bruno !, Futuropolis, page 8, case 1 ; page 34, case 4 ; page 38, case 1
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 892k
Titre Image 11 : Les petits crayonnés…
Crédits © Baru, Bella ciao (tre), Futuropolis, BERSAGLIERI double planche 08-09
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 356k
Titre Image 12 : … Et la double planche définitive
Crédits © Baru, Bella ciao (tre), Futuropolis, BERSAGLIERI double planche 08-09
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 664k
Titre Image 13 : La chute de la sidérurgie.
Crédits © Baru, Bella ciao (tre), Futuropolis, EPILOGUE double planche 04-05
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 516k
Titre Image 14 : Un portrait de classe sur fond d’industrie sidérurgique.
Crédits © Baru, Quéquette Blues, Les Rêveurs, Planche 52
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Image 15 : Un code graphique explicite.
Crédits © Baru. Bella Ciao (due), Futuropolis, page 29
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 840k
Titre Image 16 : La communion solennelle.
Crédits © Baru, Bella Ciao (due), Futuropolis, page 25, case 1
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 344k
Titre Image 17 : Une ambiance de déclin industriel et de luttes sociales.
Crédits © Baru, Les années Spoutnik, Casterman, page 41, case 4
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Image 18 : Le lynchage des italiens aux salines d’Aigues-mortes. 17 aout 1893.
Crédits © Baru, Bella ciao (uno), Futuropolis, page22, case 3
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 576k
Titre Image 19 : Les rares incursions à l’intérieur de l’usine.
Crédits © Baru, Bella ciao (tre), Futuropolis, GAMELLE, Page 6
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Image 20 : Villerupt 1966. Le recto et le verso du coffret rouge.
Crédits © Baru, Villerupt 1966, Les Rêveurs
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-20.png
Fichier image/png, 88k
Titre Images 21 & 22 : Les affiches de Baru pour le festival de Villerupt.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 188k
Crédits © Baru
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/docannexe/image/3805/img-22.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Hervé Barulea, Jean-Paul Géhin et Jean-Marc Leveratto, « « Tout mon travail, depuis quarante ans, c’est de construire un portrait de groupe, un portrait de classe, celui de la classe ouvrière » »Images du travail, travail des images [En ligne], 14 | 2023, mis en ligne le 21 décembre 2022, consulté le 21 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/3805 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itti.3805

Haut de page

Auteurs

Hervé Barulea

Hervé Barulea, dit Baru, est né en 1947 à Thil, une commune de l’agglomération de Villerupt. Un ancien haut-lieu de la sidérurgie lorraine, Villerupt a connu, depuis la fin du XIXème siècle, une forte immigration ouvrière italienne (dont témoigne la réussite de son Festival du Film Italien créé en 1976). Après des études universitaires à Nancy, Baru devient professeur de gymnastique en lycée, toujours en Lorraine, tout en publiant dans une petite revue contestataire locale ses premiers dessins et articles. En 1982, Il commence à réaliser des petits récits complets pour Pilote. La publication chez Dargaud en 1984 d’un album dont l’histoire est inspirée de son adolescence à Thil, Quéquette Blues, lui apporte une première reconnaissance professionnelle. Il publiera régulièrement dès lors des albums jusqu’en 1996, où un roman graphique issu d’un travail de commande pour un éditeur japonais de mangas, signe sa consécration professionnelle définitive (il obtient cette année-là l’Alph-Art du meilleur album français et le Prix des libraires de la Bande Dessinée). Ce succès lui vaudra de devenir professeur à l’École Supérieure d’Art de Lorraine, à Metz. Il a continué depuis à accumuler prix littéraires et récompenses professionnelles, et multiplié les albums — près d’une trentaine dont beaucoup réédités régulièrement — basés ou non sur l’histoire locale. Celle-ci reprend ses droits dans Bella Ciao (Uno, 2020 ; Due, 2021 ; Tre, 2022) un hommage à la classe ouvrière immigrée lorraine, la trilogie qu’il a menée à bien et dont le dernier tome vient de sortir en librairie.

Jean-Paul Géhin

Jean-Paul Géhin est sociologue du travail, enseignant chercheur émérite à l'Université de Poitiers et membre du laboratoire GRESCO. Ses travaux de recherche portent principalement sur les formes d'articulation entre éducation et travail : formation en entreprise, éducation permanente, entrée dans la vie des jeunes, validation des acquis de l'expérience...
Il a par ailleurs participé à la conception, la mise en place et la direction de formations universitaires de documentaristes : master écriture et documentaire de création ; master documentaire animalier, nature et environnement.
De longue date intéressé par l'usage des images fixes et animées dans la recherche en sciences sociales comme par la médiation scientifique, il a fondé et longtemps présidé le festival Filmer le travail. Il a également participé à la création de la revue scientifique pluridisciplinaire Images du Travail, Travail des Images, qu’il codirige.

Articles du même auteur

Jean-Marc Leveratto

Jean-Marc Leveratto est professeur émérite de sociologie. Ses recherches portent sur les techniques du corps, la culture artistique et la sociologie de l’expérience esthétique. Sur l’évaluation des artistes et des œuvres d’art, il a publié notamment La mesure de l’art. Sociologie de la qualité artistique, Paris, La dispute, 2000 et Introduction à l’anthropologie du spectacle, ibid., 2006. Il a également réalisé de nombreuses enquêtes sur la culture contemporaine, dont Internet et la sociabilité littéraire (avec Mary Leontsini), 2008 et Cinéphiles et cinéphilies. Une histoire de la qualité cinématographique (avec Laurent Jullier), 2010. Il travaille actuellement sur l’histoire de la consommation culturelle et le développement du star system, du XIXème au XXème siècle.

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search