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AccueilNuméros2013-2Sade et ses femmes : ébauche d’un...Un Pygmalion des Lumières ?

Sade et ses femmes : ébauche d’un roman familial

Un Pygmalion des Lumières ?

Inceste et émancipation féminine dans « Eugénie de Franval »
Chiara Gambacorti
p. 113-124

Résumés

« Eugénie de Franval » est généralement interprété comme une exaltation de l’inceste et son dénouement tragique comme une simple concession aux lois du genre. La lecture croisée de cette nouvelle avec les réécritures du mythe de Pygmalion qui ont jalonné le xviiie siècle permet au contraire de mettre en évidence que Franval, en se rêvant nouveau Pygmalion, fantasme une emprise absolue sur la femme aimée que la nouvelle en réalité condamne, comme la mise en parallèle avec La Philosophie dans le boudoir le confirme.

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Texte intégral

  • 1Pygmalions des Lumières, anthologie établie et présentée par Henri Coulet, Paris, Desjonquères, 19 (...)
  • 2  Christophe Martin, « Éducations négatives ». Fictions d’expérimentation pédagogique au dix-huitièm (...)

1Il y a quinze ans, Henri Coulet proposait, sous le titre de Pygmalions des Lumières, une anthologie réunissant quelques-unes des réinterprétations du mythe ovidien parues au xviiie siècle1. « Eugénie de Franval » n’y figure pas, quoique cette nouvelle soit bien une réécriture implicite du mythe de Pygmalion, dont Sade porte au grand jour la composante incestueuse. Christophe Martin, qui intègre « Eugénie de Franval » à son étude des « fictions d’expérimentation pédagogique au dix-huitième siècle2 », a bien vu cette ascendance, insérant à juste titre la nouvelle sadienne dans cette tradition de textes qui, en autant de variations sur ce thème, racontent la formation d’une jeune fille par son futur amant ou époux. Tout en situant « Eugénie de Franval » à l’intérieur de cette tradition, mon approche diffère cependant et se propose, pour comprendre le sens du projet éducatif que Sade attribue à Franval, de ne pas le dissocier de la structuration narrative et de le mettre aussi en parallèle avec celui dont fait l’objet une autre Eugénie sadienne : la protagoniste de La Philosophie dans le boudoir. Nous verrons que la charge subversive de la nouvelle ne tient pas tant à la relation incestueuse entre Eugénie et son père, qu’à la manière dont la question de l’inceste y croise celle de l’émancipation féminine, et qu’elle est étroitement liée à la réflexion philosophique et aux débats politiques de l’époque.

  • 3  Sade, Les Crimes de l’amour [1800], éd. établie et annotée par Éric Le Grandic et présentée par Mi (...)
  • 4  Rousseau, Pygmalion. Scène lyrique [1772], dans Pygmalions des Lumières, op. cit., p. 107-108. Cf. (...)

2Les Pygmalions de la tradition, à partir de celui d’Ovide, source du mythe pour les auteurs du xviiie siècle, sont tous saisis malgré eux par l’amour que la perfection de leur œuvre leur inspire, au point d’en arriver à souhaiter qu’elle s’anime – ce qui arrive grâce à l’intervention de Vénus. Franval, lui, arrive seul, sans l’intervention de l’amour, sinon dans son aspect le plus profane, à réaliser le rêve de Pygmalion, puisqu’il anime son idéal féminin en engendrant sa fille, « encore plus belle que sa mère, et que le père nomma dès l’instant Eugénie, à la fois l’horreur et le miracle de la nature3 ». La « bien née » devient donc, précisément à cause de sa perfection, une sorte de monstre de la nature, comme la statue de Pygmalion, création tout humaine, qui cependant par sa beauté idéale dépasse la nature même : « Céleste Vénus ! Donne-lui la moitié de [ma vie], épargne cet affront à la nature, qu’un si parfait modèle soit l’image de ce qui n’est pas », prie ainsi le Pygmalion de Rousseau4.

3Contrairement à ses devanciers, Franval n’éprouve aucun trouble en se découvrant amoureux de sa créature ; l’inceste, chez lui, est en effet programmé dès la naissance de sa fille, dont il veut faire sa maîtresse consentante et enthousiaste. Franval la sépare donc immédiatement de sa mère, afin d’éviter d’une part tout développement d’un attachement filial qui nuirait à son projet incestueux, d’autre part toute « contamination » avec les principes religieux de sa femme. Comme il l’explique à la pieuse et « très scandalisée » Mme de Franval, ces principes ne sont que des « chimères uniquement propres à effrayer les hommes, sans jamais leur devenir utiles » et nuiraient également à son projet, qui est de « rendre sa fille heureuse » (p. 427).

4Or, le lecteur des Crimes de l’amour arrive à la fin du recueil, qu’« Eugénie de Franval » termine, déjà instruit de la manière dont ces principes viendraient, comme le dit Franval, « troubl[er] le repos de [l]a vie » de sa fille (ibid.). Dans « Florville et Courval », en effet, les principes moraux et religieux de l’héroïne l’empêchent de vivre sans scrupules, comme le fera Eugénie, la relation incestueuse avec son père. Lorsqu’elle découvre l’avoir épousé à son insu, Florville, nouvel Œdipe, ne peut pas soutenir la vue de son crime et se suicide. Pourtant, elle avait eu l’occasion de se défaire de ses principes sous la conduite de Mme de Verquin, l’une de ses deux protectrices. Figure exemplaire d’athée matérialiste, celle-ci incarne l’heureuse tranquillité d’une libertine indifférence amoureuse qu’elle cherche vainement à prêcher à sa pupille : « Imite-moi, ma chère, et tu seras heureuse » (p. 217). Mais Florville ne l’imite pas, prisonnière de ce que Mme de Verquin appelle ses « erreurs » (p. 239), et suit plutôt, pour son malheur, l’exemple de son autre protectrice, la pieuse Mme de Lérince. En l’élevant dans la plus complète ignorance des principes religieux qui empêchent Florville d’être heureuse, Franval évite à sa fille de devoir, pour son bonheur, se défaire de ces « chimères » (p. 427) – comme le fait, heureusement, l’Eugénie de La Philosophie dans le boudoir. À Mme de Mistival, qui allègue les soins et l’éducation qu’elle a donnés à sa fille Eugénie pour justifier les droits qu’elle prétend avoir sur elle, Dolmancé, l’un des « instituteurs immoraux » d’Eugénie, répond :

  • 5  Sade, La Philosophie dans le boudoir, ou les Instituteurs immoraux [1795], dans Œuvres, éd. Michel (...)

Quant à l’éducation, il faut qu’elle ait été bien mauvaise, car nous sommes obligés de refondre ici tous les principes que vous lui avez inculqués ; il n’y en a pas un seul qui tienne à son bonheur, pas un qui ne soit absurde ou chimérique5.

  • 6  Dans la Lettre à Christophe de Beaumont, Rousseau écrit : « Si l’homme est bon par sa nature […], (...)
  • 7  Voir Christophe Martin, op. cit., p. 209-291.

5Par l’« éducation négative » que Franval dispense à sa fille6, la nouvelle sadienne rejoint une autre tradition de textes, qui narrent le projet, éducatif et amoureux à la fois, dont fait l’objet une jeune pupille et qui se trouvent liés – au moins implicitement – au mythe de Pygmalion. Galathée, en effet, appelée à la vie, a tout à apprendre, si bien que son créateur se retrouve dans la position du formateur en même temps que dans celle de l’amant. Dans ces textes, dont le plus connu est sans doute L’École des femmes de Molière, les précepteurs-amants usent d’une « pédagogie de l’ignorance », leur pupille étant tenue dans l’ignorance de ce que leur tuteur considère comme potentiellement défavorable à son projet7.

  • 8  Ovide, Metamorphoseon, liv. X, v. 247-248, cité supra, note 4 (je traduis).

6Il est à ce propos intéressant de remarquer que la plupart du temps ces deux séries de textes ont un point de départ commun : une certaine « anomalie affective » qui frappe le futur créateur-formateur-amant et qui s’accompagne souvent, plus ou moins subrepticement, d’une tenace libido dominandi à l’égard de la femme. Déjà le Pygmalion d’Ovide, dégoûté de la dépravation des femmes, refusait tout commerce avec elles pour donner lui-même forme, sinon vie, à son idéal – non seulement de beauté, mais aussi de pureté, que symbolise l’ivoire dans lequel il sculpte un corps de femme « blanc comme la neige8 ». À l’origine du mythe, on peut donc déceler le fantasme masculin de pureté virginale de la femme, idéal qui ne peut prendre corps que dans la candeur figée du marbre.

  • 9Pygmalions des Lumières, op. cit., p. 55.
  • 10Ibid., p. 61.

7L’indifférence à l’égard des femmes qu’affiche pour sa part le Pygmalion de Boureau-Deslandes (1742) est due à une cuisante déception amoureuse. Voulant se marier, il découvre que sa fiancée n’a pas de mœurs. Or, Pygmalion cherche vainement des femmes vertueuses et rêve du « véritable amour », de « cet amour qui commence par l’estime, qui se nourrit des sentiments du cœur, qui s’intéresse à la gloire de la personne aimée9 » – définition où l’on voit percer timidement le rêve masculin de subordination féminine qui s’exprime sans ambiguïté lorsque, au questionnement existentiel de Galathée sur son identité, son but et son créateur, Pygmalion répond : « Vous vivez par moi, et vous devez vivre pour moi10 ».

  • 11Ibid., p. 121-122.
  • 12Ibid., p. 124 et 126.
  • 13Ibid., p. 128.

8Avatar de Pygmalion et en même temps version sensible d’Arnolphe, le Liebman de Baculard d’Arnaud (1775), étymologiquement « l’homme de l’amour », s’aperçoit vite « que la société ne [lui] offrirait que des simulacres ». Ce qu’il cherche, ce n’est pas seulement une beauté parfaite, mais un cœur – raconte-t-il – « qui n’eût respiré que par le mien, qui n’eût formé de vœux que pour moi seul, qui n’eût pas un sentiment que je ne l’eusse inspiré et qui ne m’appartînt » ; bref, avoue-t-il, « j’aurais souhaité être un autre Pygmalion, et animer une statue qui m’eût consacré son entière existence11 ». La statue rêvée par Liebman va s’incarner dans Amélie, la fille de son jardinier qu’il élève dans le plus complet isolement, dans le but de s’en faire aimer exclusivement : « Mon nom sera la première parole qui lui échappera ; ses premiers pas seront pour venir à moi ; ses premiers sentiments seront pour m’aimer […]. Il y aura donc dans l’univers, une créature qui ne sera remplie que du seul désir de me plaire […]12 ». Le caractère incestueux du rapport amoureux fantasmé par Liebman, ainsi que la complète sujétion féminine qu’il implique sont évidents. Pour que son rêve devienne réalité, Liebman met en œuvre une pédagogie de l’ignorance radicale, faisant croire à sa pupille qu’il n’y a pas d’autres hommes que lui, que le monde est limité au parc de son domaine et que lui-même en est le créateur, et il se promet de ne lui dévoiler la vérité que lorsque « sa tendresse fût assurée, et ne pût se démentir13 ».

  • 14  Éric Le Grandic, « Notice » à « Eugénie de Franval », dans Les Crimes de l’amour, op. cit., p. 538
  • 15  Béatrice Didier, « Inceste et écriture chez Sade », dans Les Crimes de l’amour, Paris, Librairie G (...)

9Qu’en est-il donc de Franval ? La lecture la plus courante en fait le chantre de l’inceste, que la nouvelle viendrait célébrer « comme le plus bel acte d’amour et de liberté14 ». Dans cette optique, le dénouement tragique d’« Eugénie de Franval » ne serait qu’un exercice de style – jugé d’ailleurs peu crédible – respectueux des conventions du genre. Ce dénouement, écrit Béatrice Didier, « est visiblement superflu et parodique : le ton général de cette nouvelle, c’est le bonheur des amants15 ». Et Michel Delon :

  • 16  Michel Delon, « Préface » à Sade, Les Crimes de l’amour, Paris, Zulma, 1995, p. 13-14.

La dernière nouvelle est savamment placée à la fin du recueil pour chanter la passion. Incestueuse sans doute, mais d’abord passion d’un homme pour une femme. La réciprocité du sentiment qui unit le père et la fille semble l’emporter sur la volonté de transgression et l’acharnement contre la mère16.

10Soit. Cette réciprocité a pourtant un prix, car l’Eugénie amoureuse de son père est bel et bien – tout comme l’Amélie de Baculard d’Arnaud – le résultat artificiel d’une expérimentation in vitro.

11Franval isole Eugénie de sa mère et s’en fait l’« instituteur » (p. 428), afin de devenir, par les soins exclusifs qu’il lui prodigue, le seul objet de son amour. L’expérience réussit :

Cet homme horrible avait si bien trouvé le moyen de plaire à sa fille, il la subornait avec un tel art, il se rendait si bien utile à son instruction et à ses plaisirs, […] qu’avant même qu[’il] ne s’expliquât, l’innocente et faible créature avait réuni pour lui, dans son jeune cœur, tous les sentiments d’amitié, de reconnaissance et de tendresse qui doivent nécessairement conduire au plus ardent amour. (p. 430)

12Franval réalise ainsi le fantasme d’une emprise absolue sur l’objet de son désir. La pédagogie qu’il met en œuvre à cette fin, cependant, n’est que partiellement une pédagogie de l’ignorance. Car s’il évite dans un premier moment d’instruire la petite Eugénie dans la religion chrétienne, elle jouit dès l’âge de sept ans d’une éducation des plus achevées.

  • 17  Cf. Rousseau, Émile ou De l’éducation [1762], dans Œuvres complètes, op. cit., t. IV, p. 704-705 e (...)
  • 18  Molière, L’École des femmes [1662], acte I, sc. i, v. 101-102 et acte III, sc. iii, v. 810-811. Su (...)

13Franval prend soin du développement sain et harmonieux du corps de sa fille, en suivant en partie les recommandations de Rousseau concernant l’éducation de Sophie. Eugénie est soumise à un régime alimentaire rigoureux – elle ne mange jamais de viande, ni ne boit de vin ou des liqueurs – et fait beaucoup d’exercice, son corps n’étant pas enfermé dans « ces ridicules baleines, également dangereuses à l’estomac et à la poitrine17 » (p. 429). Son père lui donne aussi des maîtres : « d’écriture, de dessin, de poésie, d’histoire naturelle, de déclamation, de géographie, d’astronomie, de grec, d’anglais, d’allemand, d’italien, d’armes, de danse, de cheval et de musique » (ibid.) – où l’on remarquera l’absence du latin, langue traditionnellement réservée, dans l’éducation féminine de l’époque, à la lecture des ouvrages pieux et à l’apprentissage des prières. De plus, trois fois par semaine, Eugénie va au spectacle avec son père et fait normalement, le temps venu, son entrée en société. La formation intellectuelle d’Eugénie s’écarte bien, cette fois, de celle imaginée par Rousseau pour la Sophie d’Émile, et fait figure d’éducation idéale confrontée à celle dont les filles jouissaient normalement, et qui souvent ne prévoyait pas beaucoup plus que ce que souhaitait Arnolphe pour sa nouvelle Galathée : « Savoir prier Dieu, [l]’aimer, coudre et filer ». Car c’est bien en Pygmalion qu’Arnolphe se rêvait : « Ainsi que je voudrai je tournerai cette âme. / Comme un morceau de cire entre mes mains elle est, / Et je lui puis donner la forme qui me plaît18 ».

  • 19  Béatrice Durand écrit justement, à propos de la manipulation pédagogique dont fait l’objet Eugénie (...)
  • 20  C’est dans ce sens que doivent à mon avis être interprétées les allusions à l’éducation de Sophie (...)

14L’éducation dispensée par Franval à sa fille semble donc promettre l’émancipation d’Eugénie : mais la vise-t-elle vraiment ? S’il y a émancipation pour Eugénie, c’est bien de ces principes moraux et religieux qui pourraient entraver le projet incestueux de son père. Dans ce qu’il appelle « ses conférences », trois fois par semaine, Franval « inculquait à sa fille ses maximes sur la morale et sur la religion ; il lui offrait, d’un côté, ce que certains hommes pensaient sur ces matières, il établissait de l’autre ce qu’il admettait lui-même » (p. 429). Cette éducation relativiste a pour but de préparer Eugénie à l’inceste, comme elle-même le confirme : ­demandée en mariage, Eugénie rassure son père lui rappelant qu’elle a choisi consciemment des « nœuds » qui « choqu[ent] nos mœurs […] peu effrayée de franchir des usages qui, variant à chaque climat, ne peuvent avoir rien de sacré » (p. 436-437)19. Bien qu’il s’y prenne de manière différente, Franval aussi ne vise donc que l’assujettissement de la femme qu’il a formée20. À son ami Valmont, Franval avoue : « Ah ! mon ami, la folie de Pygmalion ne m’étonne plus… » (p. 439). Si Sade fait de Franval un nouveau Pygmalion et inscrit sa nouvelle dans cette tradition de textes qui, en réinterprètant le mythe ovidien, mettent si bien en lumière le fantasme masculin de sujétion de la femme aimée, c’est donc pour souligner – et condamner – la déviation toute égoïste de l’éducation libertine d’Eugénie. Cette perversion de l’éducation d’Eugénie doit en effet être considérée comme contraire non seulement au but éducatif socialement admis, mais aussi à l’idéologie libertine que prônent, de manière explicite ou implicite, les ouvrages sadiens. Le parallèle avec La Philosophie dans le boudoir est à ce sujet éclairant. L’héroïne homonyme de cet ouvrage, auquel la nouvelle renvoie sans doute délibérément, fait également l’objet d’un projet éducatif, visant pourtant cette fois à en faire une libertine accomplie.

  • 21  Sade, La Philosophie dans le boudoir, op. cit., p. 164.
  • 22  Voir ibid., p. 52-53 et 138-139.
  • 23Ibid., p. 36.

15Bien que, dans La Philosophie dans le boudoir, la figure du père reste toujours en coulisse, son rôle n’y est pas moins fondamental. C’est en effet M. de Mistival qui envoie sa fille chez Mme de Saint-Ange afin qu’elle s’y instruise et que, de cette instruction, il puisse profiter à son tour, comme il l’écrit à son amie : « Ne me renvoyez Eugénie qu’instruite, je vous en conjure ; je veux bien vous laisser faire les premières récoltes, mais soyez assurée cependant que vous aurez un peu travaillé pour moi21 ». L’inceste fait, entre autres, l’objet de dissertation de la part des « instituteurs immoraux » d’Eugénie, qui le lui présentent comme l’amour le plus naturel et le plus parfait22. Mme de Saint-Ange invite donc sa pupille à céder à son père, au cas où celui-ci la désirerait. Mais, si le père est autorisé à jouir de sa fille, il ne l’est pas pour autant à l’assujettir ; si bien qu’Eugénie, au nom de sa liberté, est incitée alors à se rebeller : « Si ton père qui est un libertin te désire, à la bonne heure, qu’il jouisse de toi, mais sans t’enchaîner ; brise le joug s’il veut t’asservir […] ; aucunes bornes à tes plaisirs, que celles de tes forces ou de tes volontés23 ».

  • 24Ibid., p. 102-103.

16Enchaîner sa fille est précisément le crime que commet Franval, son véritable crime de l’amour. C’est d’ailleurs l’amour jaloux et possessif qu’il porte à sa fille qui cause sa perte. Non pas qu’Eugénie, complètement subjuguée par son père, se rebelle au nom d’une liberté sexuelle qu’elle n’envisage que dans l’inceste ; mais parce que la jalousie, qui pourtant – comme le lui rappelle Valmont – ne devrait « entrer pour rien dans [les] arrangements de deux libertins » (p. 459), empêche Franval de céder les faveurs de sa fille à son ami, qui décide alors de l’enlever. Franval, en proie à « l’amour, [au] désespoir et [à] la vengeance » (p. 465), dans un état donc qui ne pourrait davantage s’éloigner de cette apathie, seule garantie d’impunité pour les libertins sadiens, n’hésite pas à tuer Valmont sans lui donner le temps de se défendre. Ce meurtre entraîne la condamnation de Franval, lequel s’écarte ainsi, pour son malheur, de la leçon que Dolmancé donne, entre autres, à sa pupille : « l’homme sage » et plein de mépris pour les lois s’en libère « par des précautions, des mystères, toutes choses faciles à la richesse et à la prudence24 ». La fin tragique de Franval constitue donc un châtiment, et d’après les valeurs morales qu’adopte le narrateur des Crimes de l’amour, et d’après celles, libertines, qui seules – dans tout ouvrage sadien – apportent ou peuvent apporter le bonheur. Sade le suggère d’ailleurs, lorsqu’il fait dire à Franval, qui se suicide tourmenté par le remords, que « c’est ainsi que doit mourir le triste esclave de ses passions » (p. 483).

  • 25Ibid., p. 55.
  • 26  Sur le supplice qu’Eugénie de Mistival inflige à sa mère, je renvoie à la percutante analyse qu’en (...)

17Pour ce qui est d’Eugénie, au spectacle de l’atroce agonie qu’elle a infligée à sa mère en l’empoisonnant, elle se jette dans ses bras et « meurt en même temps qu’elle » (p. 480). Sade – par la bouche du prêtre Clervil – présente cette mort comme l’effet du remords, mais on peut la lire aussi, métaphoriquement, comme l’ultime volupté que la souffrance de la mère procure à la fille incestueuse. Il ne faut en effet pas oublier que le meurtre de la mère constitue dans La Philosophie dans le boudoir l’aboutissement de l’éducation libertine de l’héroïne, l’étape de non-retour que ses instituteurs l’incitent à franchir afin de briser « tous les freins de l’ignorance et de la stupidité25 ». La mère, aussi bien dans La Philosophie dans le boudoir que dans « Eugénie de Franval », représente en effet tous les interdits qui font obstacle à la liberté de sa fille26.

  • 27  Voir Jean Deprun, « Sade et la philosophie biologique de son temps », Le Marquis de Sade, Paris, A (...)

18La mise à mort de la mère vient en même temps combler le rêve de paternité ex nihilo de Franval ; rêve de Pygmalion qui s’exprime bien dans la théorie animalculiste de la génération27. Dans la version manuscrite de la nouvelle, c’est Eugénie qui expose à Franval cette théorie pour justifier la haine qu’elle porte à sa mère, prouvant ainsi qu’elle a bien appris ses leçons :

  • 28  Si, comme le rappelle Thomas Laqueur (La Fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occid (...)

Si l’obligation de la vie est un des motifs qui doivent fonder l’amour filial, ce n’est qu’au père que nous devons de la reconnaissance ; lui seul a désiré de donner le jour à l’enfant. Ne sais-je pas assez de physique et d’anatomie pour être bien certaine que l’embryon n’est formé que de la semence du père ; celle de la mère n’y coopère en rien. Elle ne crée rien. Je ne suis donc formée que de toi, cher ami. (p. 437, note 30)28

  • 29  Rousseau, Lettre à D’Alembert sur les spectacles [1757], dans Œuvres complètes, op. cit., t. V, 19 (...)
  • 30  Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie [1770], art. « Femme », dans Œuvres complètes, éd. Nicholas (...)
  • 31Ibid., p. 343. Voltaire en conclut à la soumission historique (et naturelle) de la femme : « Il n’ (...)
  • 32  Montesquieu, Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, dans Œuvres (...)

19Le discours biologique rejoint ici le discours dominant de l’époque sur l’absence de facultés créatrices chez la femme, discours que fait sien, par exemple, Rousseau, dans une note à la Lettre à d’Alembert : « Les femmes en général n’aiment aucun art, ne se connaissent à aucun et n’ont aucun génie29 ». Et Voltaire : « On a vu des femmes très savantes comme il en fut de guerrières, mais il n’y en a jamais eu d’inventrices30 ». C’est donc à l’homme que revient l’apanage de la création, la femme s’assimilant plutôt à la matière à laquelle l’homme donnerait forme. Cette plasticité de la femme semble d’ailleurs inscrite dans sa propre chair. Ainsi Voltaire encore : « En général [la femme] est bien moins forte que l’homme […], son sang est aqueux, sa chair moins compacte31 » ; et Montesquieu : « les femmes ont les fibres plus molles, plus flexibles, plus délicates que les hommes32 ».

  • 33  Christophe Martin, « Éducations négatives », op. cit., p. 289.

20Comme l’écrit justement Christophe Martin, la réussite des amants-pédagogues est la conséquence logique d’un principe fondamental de la pensée empirique qui postule une malléabilité – au moins relative – de l’être humain ; la femme, en raison de la mollesse et de la flexibilité de ses fibres, est particulièrement appropriée à ce modelage33 – tabula rasa par excellence sur laquelle l’homme, depuis la Genèse biblique, ne cesse de tracer pour sa compagne un destin de Galathée et un statut de mineure.

  • 34  Montesquieu, De l’esprit des lois [1748], liv. XXVI, chap. viii, dans Œuvres complètes, op. cit., (...)

21Montesquieu le dit sans ambiguïté : il est dans « la nature des choses » que la femme soit soumise à son mari, et tout aussi « naturel » qu’elle ne puisse pas revendiquer la même liberté sexuelle que l’homme, car « la violation de la pudeur suppose dans les femmes un renoncement à toutes les vertus ; parce que la femme, en violant les lois du mariage, sort de l’état de sa dépendance naturelle34 ». Rousseau, pour lequel « toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes », va encore plus loin :

  • 35  Rousseau, Émile, op. cit., p. 475 et 482-483.

La première et la plus importante qualité d’une femme est la douceur : faite pour obéir à un être aussi imparfait que l’homme, souvent si plein de vices, et toujours si plein de défauts, elle doit apprendre de bonne heure à souffrir même l’injustice et à supporter les torts d’un mari sans se plaindre35.

22Dans La Philosophie dans le boudoir, Eugénie demande l’opinion de ses instituteurs sur le libertinage des filles et l’adultère des femmes. Mme de Saint-Ange s’élève alors contre leur esclavage :

  • 36  Sade, La Philosophie dans le boudoir, op. cit., p. 35-36.

Ce n’est pas dans un siècle où l’étendue et les droits de l’homme viennent d’être approfondis avec tant de soins, que de jeunes filles doivent continuer à se croire les esclaves de leurs familles […]. Espérons qu’on ouvrira les yeux, et qu’en assurant la liberté de tous les individus, on n’oubliera pas le sort des malheureuses filles ; mais si elles sont assez à plaindre pour qu’on les oublie, que, se plaçant d’elles-mêmes au-dessus de l’usage et du préjugé, elles foulent hardiment aux pieds les fers honteux dont on prétend les asservir, elles triompheront bientôt alors de la coutume et de l’opinion36.

  • 37  Sur les revendications féminines pendant la Révolution et les débats qu’elles soulevèrent, voir no (...)
  • 38  Condorcet, Premier mémoire sur l’instruction publique [1791], introduction et notes par Bernard Jo (...)

23En 1795, date de parution de La Philosophie dans le boudoir, il ne restait plus que ce droit à l’insurrection pour les femmes : car les jeux étaient faits pour celles qui, avec l’imaginaire Mme de Saint-Ange, avaient espéré que les droits de l’homme deviendraient aussi les droits de la femme37. Condorcet était mort l’année précédente, lui qui, dans le cadre du débat sur l’instruction publique, avait défendu pour les femmes « les mêmes droits que les hommes », dont celui d’« acquérir les lumières qui seules peuvent leur donner les moyens d’exercer réellement ces droits avec une même indépendance et une égale étendue38 ». Le 19 novembre 1793, la Feuille du salut public tirait, de trois cas aussi différents que les exécutions de Marie-Antoinette, d’Olympe de Gouges et de Mme Roland, une leçon à l’attention des républicaines : « En peu de temps le Tribunal révolutionnaire vient de donner aux femmes un grand exemple qui ne sera sans doute pas perdu pour elles ; car la justice, toujours impartiale, place sans cesse la leçon à côté de la sévérité » ; et concluait, avec une formule qui ne peut que sauter aux yeux d’un lecteur de Sade :

  • 39  « Leçons à tirer de l’exécution de trois femmes », dans La Feuille du salut public, republié dans (...)

Femmes ! voulez-vous être républicaines ? Aimez, suivez et enseignez les lois qui rappellent vos époux et vos enfants à l’exercice de leurs droits ; soyez glorieuses des actions éclatantes qu’ils pourront compter en faveur de la patrie, parce qu’elles témoignent en votre faveur ; soyez simples dans votre mise, laborieuses dans votre ménage ; ne suivez jamais les assemblées populaires avec le désir d’y parler ; mais que votre présence y encourage quelquefois vos enfants ; alors la patrie vous bénira, parce que vous aurez réellement fait pour elle ce qu’elle a droit d’attendre de vous39.

24En 1801, un an après la publication des Crimes de l’amour, Sade était à nouveau enfermé, par les soins, cette fois, du naissant régime napoléonien, et expressément pour le caractère dérangeant de son œuvre ; alors que Sylvain Maréchal, le rédacteur du célèbre Manifeste des Égaux, présentait son Projet d’une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes (publié chez Massé, l’éditeur des Crimes de l’amour, qui se trouvait, ironie de l’histoire, rue Helvétius…). Considérant, argumentait-il entre autres,

que l’amour honnête, le chaste hymen, la tendresse maternelle, la piété filiale, la reconnaissance des bienfaits, etc., sont antérieurs à l’invention de l’alphabet et de l’écriture et à l’étude des langues, ont subsisté et peuvent encore subsister sans elles ; […] que cette fleur d’innocence qui caractérise une vierge commence à perdre de son velouté, de sa fraîcheur, du moment que l’art et la science y touchent, du moment qu’un maître en approche […]

  • 40  Sylvain Maréchal, Projet d’une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes, texte présenté p (...)

en conséquence : « La Raison veut […] que les femmes (filles, mariées ou veuves) ne mettent jamais le nez dans un livre, jamais la main à la plume40 ». Les Français, Sade l’avait bien dit, avaient encore un effort à faire pour être républicains.

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Notes

1Pygmalions des Lumières, anthologie établie et présentée par Henri Coulet, Paris, Desjonquères, 1998.

2  Christophe Martin, « Éducations négatives ». Fictions d’expérimentation pédagogique au dix-huitième siècle, Paris, Classiques Garnier, 2010.

3  Sade, Les Crimes de l’amour [1800], éd. établie et annotée par Éric Le Grandic et présentée par Michel Delon, Paris, Zulma, 1995, p. 426. Les passages des Crimes de l’amour que je cite étant tous tirés de cette édition, j’indiquerai dorénavant les pages de référence dans le corps du texte.

4  Rousseau, Pygmalion. Scène lyrique [1772], dans Pygmalions des Lumières, op. cit., p. 107-108. Cf. Ovide, Metmorphoseon, liv. X, v. 247-249 : « Niveum mira feliciter arte / Sculpsit ebur formamque dedit, qua femina nasci / Nulla potest ».

5  Sade, La Philosophie dans le boudoir, ou les Instituteurs immoraux [1795], dans Œuvres, éd. Michel Delon, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. III, 1998, p. 167.

6  Dans la Lettre à Christophe de Beaumont, Rousseau écrit : « Si l’homme est bon par sa nature […], il s’ensuit qu’il demeure tel tant que rien d’étranger à lui ne l’altère […] : fermez donc l’entrée au vice, et le cœur humain sera toujours bon. Sur ce principe, j’établis l’éducation négative comme la meilleure ou plutôt la seule bonne » (Rousseau, Œuvres complètes, éd. Bernard Gagnebin et Marcel Raymond, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. IV, 1969, p. 945). Pour Franval, comme pour les autres libertins pédagogues sadiens, la question se pose tout à fait autrement : il ne s’agit pas de rendre leurs pupilles bonnes, mais heureuses ; ce qui, chez Sade, est loin d’aller de pair.

7  Voir Christophe Martin, op. cit., p. 209-291.

8  Ovide, Metamorphoseon, liv. X, v. 247-248, cité supra, note 4 (je traduis).

9Pygmalions des Lumières, op. cit., p. 55.

10Ibid., p. 61.

11Ibid., p. 121-122.

12Ibid., p. 124 et 126.

13Ibid., p. 128.

14  Éric Le Grandic, « Notice » à « Eugénie de Franval », dans Les Crimes de l’amour, op. cit., p. 538.

15  Béatrice Didier, « Inceste et écriture chez Sade », dans Les Crimes de l’amour, Paris, Librairie Générale Française, 1972, p. viii.

16  Michel Delon, « Préface » à Sade, Les Crimes de l’amour, Paris, Zulma, 1995, p. 13-14.

17  Cf. Rousseau, Émile ou De l’éducation [1762], dans Œuvres complètes, op. cit., t. IV, p. 704-705 et 749.

18  Molière, L’École des femmes [1662], acte I, sc. i, v. 101-102 et acte III, sc. iii, v. 810-811. Sur l’éducation féminine au xviiie siècle, voir Martine Sonnet, L’Éducation des filles au temps des Lumières, préface de Daniel Roche, Paris, Les Éditions du Cerf, 1987, p. 233-261.

19  Béatrice Durand écrit justement, à propos de la manipulation pédagogique dont fait l’objet Eugénie, qu’elle « se soumet (au père) en ayant l’impression d’accomplir un geste hautement transgressif (aux yeux de la société). Elle a subjectivement l’impression d’être libre (et manifeste cette liberté par la transgression), alors qu’à son insu, elle ne fait qu’obéir » (Le Paradoxe du bon maître. Essai sur l’autorité dans la fiction pédagogique des Lumières, Paris – Montréal, L’Harmattan, 1999, p. 151).

20  C’est dans ce sens que doivent à mon avis être interprétées les allusions à l’éducation de Sophie dans la nouvelle sadienne.

21  Sade, La Philosophie dans le boudoir, op. cit., p. 164.

22  Voir ibid., p. 52-53 et 138-139.

23Ibid., p. 36.

24Ibid., p. 102-103.

25Ibid., p. 55.

26  Sur le supplice qu’Eugénie de Mistival inflige à sa mère, je renvoie à la percutante analyse qu’en donne Angela Carter (« The School of Love: The Education of a Female Oedipus », dans The Sadeian Woman. An Exercice in Cultural History, Londres, Virago Press, 1979, p. 116-136). Ma lecture de La Philosophie dans le boudoir diffère en revanche radicalement de celle qu’en donne Lynn Hunt (Le Roman familial de la Révolution française, préface de Jacques Revel, traduit de l’américain par Jean-François Sené, Paris, Albin Michel, 1995, p. 143-167).

27  Voir Jean Deprun, « Sade et la philosophie biologique de son temps », Le Marquis de Sade, Paris, Armand Colin, 1968, p. 189-205.

28  Si, comme le rappelle Thomas Laqueur (La Fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident, traduit de l’anglais par Michel Gautier, Paris, Gallimard, 1992, p. 193-199), « le genre ne jou[a] guère de rôle » dans le débat scientifique qui opposa les animalculistes aux ovistes – d’après lesquels l’embryon était contenu dans l’œuf –, Franval exemplifie parfaitement l’usage manipulateur qui pouvait être fait de l’animalculisme à des fins de prévarication sexiste. Les « instituteurs immoraux » d’Eugénie de Mistival soutiennent aussi cette théorie de la génération, qui légitime également – mais seulement en partie – la haine que leur pupille éprouve contre sa mère : « Uniquement formés du sang de nos pères, nous ne devons absolument rien à nos mères », affirme Dolmancé (Sade, La Philosophie dans le boudoir, op. cit., p. 24). Ce sont en effet avant tout les principes moraux de Mme de Mistival qui sont mis en cause dans l’ouvrage, comme Mme de Saint-Ange le précise aussitôt après : « Mille raisons de plus sont en ta faveur, Eugénie ; s’il est une mère au monde qui doive être détestée, c’est assurément la tienne, acariâtre, superstitieuse, dévote, grondeuse… et d’une pruderie révoltante » (ibid. ; cf. aussi ibid., p. 167-168).

29  Rousseau, Lettre à D’Alembert sur les spectacles [1757], dans Œuvres complètes, op. cit., t. V, 1995, p. 94.

30  Voltaire, Questions sur l’Encyclopédie [1770], art. « Femme », dans Œuvres complètes, éd. Nicholas Cronk et Christiane Mervaud, Oxford, Voltaire Foundation, t. XLI, 2010, p. 348. À ce sujet, voir Huguette Krief, « Le génie féminin. Propos et contre-propos au xviiie siècle », dans d’Éliane Viennot (dir.), avec la coll. de Nicole Pellegrin, Revisiter la « querelle des femmes ». Discours sur l’égalité/inégalité des sexes, de 1750 aux lendemains de la Révolution, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012, p. 61-76.

31Ibid., p. 343. Voltaire en conclut à la soumission historique (et naturelle) de la femme : « Il n’est pas étonnant qu’en tout pays l’homme se soit rendu maître de la femme, tout étant fondé sur la force. Il a d’ordinaire beaucoup de supériorité par celle du corps et même de l’esprit » (ibid., p. 348).

32  Montesquieu, Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères, dans Œuvres complètes, texte présenté et annoté par Roger Caillois, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1951, p. 46.

33  Christophe Martin, « Éducations négatives », op. cit., p. 289.

34  Montesquieu, De l’esprit des lois [1748], liv. XXVI, chap. viii, dans Œuvres complètes, op. cit., t. II, p. 759.

35  Rousseau, Émile, op. cit., p. 475 et 482-483.

36  Sade, La Philosophie dans le boudoir, op. cit., p. 35-36.

37  Sur les revendications féminines pendant la Révolution et les débats qu’elles soulevèrent, voir notamment : Les Femmes dans la Révolution française, Paris, Edhis, 1982, 2 vol. ; Paroles d’hommes (1790-1793), Condorcet, Prudhomme, Guyomar…, éd. Élisabeth Badinter, Paris, P.O.L., 1989 ; Jean-Clément Martin, La Révolte brisée. Femmes dans la Révolution française et l’Empire, Paris, Armand Colin, 2008.

38  Condorcet, Premier mémoire sur l’instruction publique [1791], introduction et notes par Bernard Jolibert, Paris, Klincksieck, 1989, p. 66.

39  « Leçons à tirer de l’exécution de trois femmes », dans La Feuille du salut public, republié dans la Gazette nationale, ou Le Moniteur universel, no 59, 29 brumaire an II, p. 237.

40  Sylvain Maréchal, Projet d’une loi portant défense d’apprendre à lire aux femmes, texte présenté par Bernard Jolibert, suivi des réponses de Marie-Armande Gacon-Dufour et Albertine Clément-Hémery, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 77, 78, 97. Dans deux poèmes joints à son Projet, Maréchal écrit : « La beauté souvent n’est savante, / Hélas ! qu’aux dépens de son cœur : / Qu’une Agnès est intéressante ! / On préfère à tout sa candeur » (À une femme bel esprit, ibid., p. 117) ; et encore : « Infidèle point ne seras, / De fait ni volontairement. / Père et mari honoreras / Afin de vivre plaisamment. / Trop exigeante ne seras / De corps, d’esprit ni autrement » (Le Décalogue ou les Dix Commandements aux femmes, ibid., p. 118).

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Pour citer cet article

Référence papier

Chiara Gambacorti, « Un Pygmalion des Lumières ? »Itinéraires, 2013-2 | 2014, 113-124.

Référence électronique

Chiara Gambacorti, « Un Pygmalion des Lumières ? »Itinéraires [En ligne], 2013-2 | 2014, mis en ligne le 01 novembre 2013, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/716 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.716

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Auteur

Chiara Gambacorti

Université de Genève

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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