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Les imaginaires dans les pratiques traductives

Traduire l’exil de la langue : Cioran et les imaginaires migrants face à la traduction

Translating the Language of Exile: Cioran and Migrant Imaginaries Facing Translation
Gloria Branca

Résumés

Dans le contexte hybride du bilinguisme littéraire, la pratique de la traduction de la littérature migrante offre un espace de réflexion privilégié pour repenser la dimension subjective de la traduction au prisme des études sur l’imaginaire. En effet, la réélaboration socio-symbolique du rapport entre langage et sujet, et des problématiques identitaires sous-jacentes à l’écriture migrante et à sa ré-énonciation traductive réclame des outils d’analyse de nature interdisciplinaire : l’anthropologie, la poétique et l’imaginaire se rencontrent pour tracer de nouvelles trajectoires dans la réflexion sur l’entre-deux langues. Et c’est notamment l’imaginaire linguistique qui se révèle un facteur fondamental de la poétique d’un auteur exilé qui décide d’abandonner sa langue maternelle ainsi que de la poétique de son traducteur. La traduction des œuvres du philosophe roumain Emil Cioran, exilé en France depuis 1937, ouvre sur le rapport complexe entre les imaginaires des langues et l’écriture littéraire. À partir de l’analyse d’un corpus d’éléments paratextuels concernant la traduction en italien de l’essai cioranien Écartèlement, cet article propose une réflexion sur la traduction de l’exil de la langue se développant autour de deux axes : l’imaginaire linguistique et les imaginaires culturels, y compris les implicites idéologiques qui sous-tendent le projet de traduction par rapport au monde éditorial, à la réception et à l’horizon d’attente du lecteur.

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Texte intégral

Bilinguisme, traduction et imaginaire : esquisses théoriques

1La pratique traductive de l’écriture migrante, dans le cadre du bilinguisme littéraire, permet d’investiguer la dimension subjective de la traduction au-delà des limites d’une perspective uniquement linguistique et de l’horizon exclusif d’une approche socio-critique. Comme le souligne Ladmiral : « la traduction recèle une dimension anthropologique fondamentale qui en appelle à la philosophie, […] la traduction est au cœur de la fonction du langage humain et du rapport langage/sujet » (2004 : 28).

2De fait, l’analyse de la traduction des œuvres des migrants de l’écriture littéraire révèle l’inefficacité des concepts traductologiques traditionnels tels qu’équivalence, fidélité et transparence à rendre compte de la complexité du rapport entre l’identité et l’altérité mis en jeu dans le bilinguisme et dans l’écriture de l’exil. En effet, dans ce contexte, la traduction doit être envisagée comme un dispositif complexe « où se croisent les logiques des catégorisations anthropologiques, l’enchevêtrement des pratiques sociales et celui des systèmes de représentation » (Lavieri 2010 : 125). Effectivement, la réélaboration socio-symbolique du rapport entre langage et sujet et des problématiques identitaires sous-jacentes à l’écriture migrante et à sa ré-énonciation traductive réclame des outils d’analyse de nature interdisciplinaire par lesquels expérimenter de nouvelles trajectoires unissant l’anthropologie, la poétique et l’imaginaire « engagé dans le jeu des langues » (Gauvin [1997] 2006 : 5).

3Si l’exil est souvent utilisé comme une métaphore de la traduction, dans le cas de la littérature migrante, le traducteur doit se confronter à une identité plurielle par rapport à laquelle le choix de la langue d’écriture implique un profond questionnement. Cette condition entraîne une double étrangeté subjective s’actualisant dans l’acte créateur et instaurant un rapport complexe entre le texte, les aires linguistiques et les régions littéraires (Casanova [1999] 2008 : 174). Le parcours exilique équivaut à la perte du lieu d’énonciation des œuvres et le moment du départ correspond à « un triple choc : identitaire, énonciatif et linguistique » (Boursier 2014 : 18). Ainsi l’écrivain exilé commence-t-il une négociation difficile entre le lieu et le non-lieu de sa création littéraire, sous le signe d’une paratopie se jouant sur des plans différents, selon la définition que donne Maingueneau (2004 : 85) du rapport simultané et paradoxal d’appartenance et de non-appartenance de l’auteur à la société d’accueil et au champ littéraire au sein duquel il écrit. Les relations que le processus créateur établit entre subjectivité, institutions littéraires et fonctionnements textuels prennent donc la forme de paratopies spatiales, identitaires et surtout linguistiques. Et c’est notamment la paratopie linguistique qui est l’une des composantes fondamentales des imaginaires migrants dans leur relation avec la traduction. En définissant la notion d’imaginaire linguistique, Houdebine écrit :

Le rapport du sujet à la langue, la sienne et celle de la communauté qui l’intègre comme sujet parlant-sujet social ou dans laquelle il désire être intégré, un rapport énonçable en termes d’images, participant des représentations sociales et subjectives, autrement dit d’une part des idéologies (versant social) et d’autre part des imaginaires (versant plus subjectif). (2002 : 10)

4Ce concept devient ainsi une notion incontournable dans la traduction de l’exil de la langue car l’imaginaire linguistique se révèle un facteur fondamental de la poétique d’un auteur exilé qui vit dans un état de « surconscience linguistique » (Gauvin 1999 : 276) ainsi que de la poétique du traducteur qui prend en charge sa traduction.

5La traduction des œuvres du philosophe roumain Emil Cioran, exilé en France depuis 1937, représente un véritable défi si l’on considère « les effets de discours dont les textes sont porteurs » (Wilhelm 2012 : 555) et le rapport entre les imaginaires de la langue et l’écriture littéraire. Le cas de Cioran, chez lequel l’adoption du français est liée à un changement d’identité (Simion 2011 : 8) et qui affirme qu’« on n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre » (Cioran 1987 : 21), est en même temps particulier et exemplaire. Comment les imaginaires linguistiques de l’écrivain roumain et de Mario Andrea Rigoni, son traducteur italien, se croisent-ils et s’actualisent-ils dans l’écriture cioranienne et dans sa ré-énonciation traductive ?

  • 1 Voir Rigoni (1993 ; 2003 ; 2004a : 145-148 ; 2010).

6Nous proposons ici des pistes de réflexion autour de la traduction de l’exil linguistique à partir de l’analyse de quelques aspects du projet de traduction en italien d’Écartèlement, un ouvrage de 1979 qui appartient à la production littéraire française de Cioran. Essai philosophique de nature fragmentaire, ce texte a été traduit en italien par Rigoni et publié en 1981 chez l’éditeur Adelphi. Rigoni est professeur de littérature italienne à l’université de Padoue ; critique littéraire, il est reconnu actuellement comme l’un des plus célèbres spécialistes et éditeurs de Giacomo Leopardi et en même temps l’un des écrivains italiens contemporains d’aphorismes les plus appréciés1. Le projet de traduction de Rigoni, devenu ami de Cioran jusqu’à sa mort en 1995, détermine la consécration définitive de l’écrivain roumain dans l’espace littéraire italien en ouvrant la voie à la traduction de quatorze autres ouvrages de Cioran, toujours chez Adelphi, dont Rigoni deviendra le directeur des traductions pour une décennie.

Cas d’étude : traduire en italien la langue exilée d’Emil Cioran

  • 2 À ce propos, voir la polémique contre Jean-Paul Sartre dans Emil Cioran ([1949] 1995a : 731).

7La production essayiste de Cioran, qui adoptera exclusivement le français comme langue d’écriture après sept œuvres parues en roumain, est centrée sur la pratique scripturale du fragment et elle s’édifie à partir d’un écartèlement linguistique, existentiel et métaphysique (Jaudeau 1990 : 27-28) où se situe cet écrivain philosophe qui vit entre deux langues et à l’écart d’une époque dominée par les entrepreneurs d’idées2. En se dissociant des systèmes conceptuels abstraits pour n’être que le « secrétaire de [ses] sensations » (Cioran 1979 : 146), Cioran développe une réflexion passionnée et sans espoir sur la condition de l’homme condamné à un exil métaphysique et à la chute dans le temps. Ainsi, chez Cioran, l’exil dans l’espace et dans la langue réanime l’exil fondamental qui fait de l’homme un apatride métaphysique :

Je suis un apatride métaphysique, un peu comme ces stoïciens de la fin de l’Empire romain qui se sentaient « citoyens du monde », ce qui est une façon de dire qu’ils n’étaient citoyens de nulle part. (Cioran 1995b : 19)

8De plus, les représentations socio-symboliques, mises en jeu par la traduction de l’œuvre d’un écrivain refusant sa langue maternelle, se combinent avec une dynamique psychologique profonde par rapport à l’écriture. En effet, d’après le penseur roumain, cette dernière est une sorte de thérapie : « J’écris pour me débarrasser d’un fardeau ou tout au moins pour l’alléger » (Cioran 1995b : 113).

  • 3 Voir le corpus en fin d’article.

9En ce qui concerne notre analyse, nous avons considéré en particulier des éléments paratextuels rassemblés dans un corpus de quatre ouvrages que Rigoni a publiés à partir de 20043. Ces ouvrages contiennent une sélection de la correspondance entre Cioran et Rigoni, des essais, des articles, des postfaces et des entretiens. En retraçant la généalogie d’une affinité intellectuelle profonde, ces volumes offrent des informations sur leur collaboration non seulement pour la traduction, mais aussi pour la réception des œuvres cioraniennes en Italie.

  • 4 Voir notamment les notions de position traductive et d’horizon de traduction qu’analyse Antoine Ber (...)

10Même si les éléments constitutifs du projet de traduction et du corpus composant l’apparat paratextuel sont empruntés aux catégories herméneutiques identifiées par Antoine Berman (1995 : 73-83)4, il ne s’agit pas ici d’esquisser une critique bermanienne de la traduction de Rigoni. Nous nous proposons plutôt d’articuler une réflexion se développant autour de deux axes : l’imaginaire linguistique comme composante fondamentale des imaginaires migrants dans leur relation avec la traduction ; les imaginaires culturels et les implicites idéologiques à l’œuvre dans le projet de traduction par rapport au monde éditorial, à la réception et à l’horizon d’attente du lecteur.

Le potentiel créatif de l’exil linguistique à l’épreuve de la traduction

  • 5 Cioran décrit cette adoption comme une sorte de révélation lors d’une tentative de traduction de Ma (...)

11Pour Cioran, l’adoption définitive de la langue française comme langue d’écriture5 est un choix radical tout à fait étranger à son milieu linguistique d’origine (Bollon 1997 : 43). En effet, Cioran appartient à la vague migratoire des intellectuels roumains de l’entre-deux-guerres parmi lesquels nous trouvons aussi Mircea Eliade, Eugène Ionesco, Benjamin Fondane et Paul Celan. Originaires de diverses localités roumaines, ces écrivains bilingues ont enrichi mais aussi synthétisé « l’imagerie roumaine et un Je national linguistique polyvalent » (Hotineau 2012 : 199) qui se reflète dans leurs œuvres et dans leurs choix linguistiques oscillant entre le français et l’allemand. À ce propos, Vanhese (2011) fait allusion à la construction d’une littérature transnationale et translingue qui traverse le méridien balkanique.

12Né en Transylvanie au moment de l’effondrement de l’Empire austro-hongrois, Cioran avait étudié en allemand, langue qu’il maîtrisait parfaitement, mais il parlait très mal le français. Comme le souligne Bollon (1997 : 44), « sa capitale de rêve demeurait et demeurera jusqu’au milieu des années Trente, Vienne et sa culture […] allemande et slave ». En 1949, avec l’ouvrage Précis de décomposition, il commence sa production littéraire exclusivement en français, adoptant « une nouvelle langue pour écrire un nouveau destin » (119).

13Quel français produit ce tournant linguistique radical du Cioran roumain maîtrisant parfaitement l’allemand et nourri de littérature russe et de philosophie allemande ? Le français de Cioran est une langue qu’on pourrait définir comme fictionnelle, nourrie des apports des classiques littéraires, forgée par un imaginaire ne tenant pas compte de l’actualité socio-linguistique de la langue (Boursier 2014 : 27), mais s’inspirant des valeurs littéraires et grammaticales françaises, notamment de la littérature du xviie et du xviiie siècle, en particulier des écrivains mineurs de correspondances et de journaux intimes. Cette représentation stéréotypée du génie de la langue française participe de l’idéalisation et des rêveries sur la rationalité de la langue qui sont le fondement imaginaire de la description linguistique du français à partir du xvie siècle (Chevalier 2010). Mais, comme le souligne Meschonnic (1997 : 45), « cette image de la langue n’a pas un fondement linguistique. C’est entièrement une attitude esthétique ».

14En effet, Cioran interprète les clichés de la clarté et de la rigueur du génie de la langue d’une façon tout à fait personnelle, comme « une camisole de force » (Cioran 1995b : 28). Après ses premiers livres en roumain, que Cioran décrit comme un idiome sauvage, véhiculant une écriture spontanée et le frénétisme d’un lyrisme violent, le philosophe affirme que le français est pour lui « un supplice fascinant » (Cioran 1995b : 144). Ce supplice lui ouvre la voie à la lucidité et à un processus complexe de renaissance dans une langue qu’il définit comme une langue morte, « cadavérique où il n’y a plus aucune trace de terre, de sang, d’âme » (Cioran 1960 : 10). Dans son combat avec le français, son imaginaire linguistique s’actualise donc par rapport à une démarche esthétique et éthique où la constante méditation sur l’écriture rencontre « le style comme aventure » (Cioran [1959] 1995a : 894).

  • 6 L’intérêt de Mario Andrea Rigoni pour les langues et les cultures classiques est attesté par sa tra (...)
  • 7 À ce propos, voir Rigoni (1984, 1990).
  • 8 À ce propos, voir Rigoni (1986, 2002).

15À l’écart des représentations et des interprétations personnelles du génie de la langue française de Cioran, « exilé dans les mots » (Jaudeau 1990 : 81), l’imaginaire linguistique de Rigoni, de langue maternelle italienne, se nourrit des langues classiques (grec et latin) et de leur pouvoir symbolique6. Mais le critique et traducteur italien partage avec l’écrivain roumain une conception du français comme symbole de prestige intellectuel international, comme le soulignent plusieurs articles que Rigoni écrit pour La Nouvelle Revue française7 sous la supervision de Cioran lui-même et la publication, d’abord en France, puis en Italie, de deux de ses ouvrages d’aphorismes8.

16Dans le français de Cioran, Rigoni reconnaît un français nouveau, un feu mystique sulfureux, un miracle qui exerce une fascination pour le vertige de la lucidité, le culte de la clarté, pour son style, qui s’impose comme pulsation organique (Rigoni 2004b : 38-43). Comme le remarque Ceronetti (1981), ce miracle linguistique réalisé par Cioran correspond à une langue nouvelle d’une communauté spirituelle séculaire d’écrivains fascinés par la physiologie et par la métaphysique, qui rappelle l’énergie stylistique de Qohélet, des écrivains bibliques, des sophistes et l’alliance de la philosophie avec la chair.

17Le défi de Rigoni consistera à faire revivre en italien les sortilèges de cette langue, le ton et la fulgurance du style, la pulsation d’un sujet toujours présente dans son écriture fragmentaire où le rythme et le mot prédominent, où le niveau intellectuel et artistique n’est jamais séparé de la vérité de l’expérience (Rigoni 2011b : 5-10). Comment ? La position traductive de Rigoni ne se retrouve pas explicitement dans des notes de traduction, ni dans des réflexions théoriques sur sa pratique traductive. Ses traces traversent obliquement ses postfaces, ses essais et ses articles. L’apparat paratextuel que nous avons pris en considération et l’analyse de ses traductions des ouvrages de Cioran, en particulier de Squartamento, confirment clairement une attitude de respect du texte source qui ne recèle pas une utopie littéraliste, ni l’illusion de la transparence traductive. En effet, en soulignant l’importance du lecteur et de la réception de l’œuvre du philosophe roumain (Rigoni 2011a : 22), la démarche traductive de Rigoni, attentive à la lettre d’un français nouveau, vise à reproduire sur le lecteur italien l’effet des mécanismes du fragment, la richesse des contrastes et des paradoxes, le rythme, le pouvoir du mot isolé (Rigoni 2004b : 21-33). Ladmiral dirait à ce propos « les sourciers n’ont jamais raison que pour des raisons ciblistes » (2006 : 133).

18L’approche de Rigoni de la traduction du discours métaphorique si caractéristique de la prose cioranienne confirme sa rigueur d’exactitude. Comme le signale Naccarato (2012 : 189), les solutions traductives qu’on peut observer face aux différents types de métaphores in praesentia et in absentia comportent souvent des formes d’entropie sémantique résultant de la tendance des traducteurs à normaliser le texte, comme dans les cas de l’atténuation, de la modulation et de l’explicitation du lien associant les pôles engagés dans le transfert métaphorique. Dans la traduction des métaphores cioraniennes, Rigoni n’utilise que rarement des modifications ; il vise, au contraire, à recréer le conflit conceptuel à la base du discours métaphorique (Prandi 1992 : 245). Le traducteur italien ne neutralise jamais l’incohérence sémantique des métaphores, en démontrant un développement interprétatif cohérent par rapport aux réseaux sémantiques sur lesquels la philosophie privée de l’auteur roumain est axée.

  • 9 Emil Cioran, 1980, « Piccola Antologia», trad. M.A. Rigoni, Nuovi Argomenti, janvier-juin, p. 5-21.

19En effet, Écartèlement présente la reprise des motifs centraux et des images de l’œuvre cioranienne précédente que Rigoni connaît en profondeur, dans la mesure où il a traduit d’autres textes cioraniens en 19809 et le Précis de décomposition, qui sera publié chez Adelphi en 1996. Essai divisé en deux parties, quatre petits chapitres philosophiques et des aphorismes rassemblés sous le titre d’« Ébauche de vertige », Écartèlement réaffirme la ligne de fracture qui traverse toute la réflexion de Cioran. Dans cet ouvrage on retrouve le conflit entre « vérités irrespirables et supercheries salutaires » (Cioran 1979 : 19), l’histoire considérée comme « paradis des somnambules, obnubilation en marche » (10), le temps défini comme l’« Abominable Clio » (144), « l’amertume de ne pouvoir croire » (33) et la condamnation des philosophes qui « écrivent pour les professeurs » (70). Son scepticisme est présenté en même temps comme un instrument de salut et comme une maladie car il est alimenté par l’agent démystificateur du doute qui « travaille en profondeur comme une maladie ou, plus efficacement encore, comme une foi » (108). Dans le sillage de ses réflexions sur l’importance de la physiologie, Cioran réaffirme la primauté de la vérité de la sensation qui l’a emmené « au mépris de toute spéculation » (73) et à la proposition d’introduire « le soupir dans l’économie de l’intellect » (73). Il confirme les paradoxes de son écriture : « Être un barbare et ne pouvoir vivre que dans une serre ! » (121), « l’écrivain sera tout sauf l’anatomiste du Verbe » (103).

20Le respect de Rigoni d’un style unique qui fait fusionner lucidité et lyrisme détermine sa manière de traduire le silence entre les mots qui caractérise l’écriture aphoristique. Comme l’affirme Cioran lui-même, « ne cultivent l’aphorisme que ceux qui ont connu la peur au milieu des mots, cette peur de crouler avec tous les mots » (Cioran [1959] 1995a : 747). En établissant un dialogue avec le texte et en collaborant avec l’auteur qui légitime son travail en termes de co-autorialité, le traducteur italien est guidé par une démarche herméneutique rigoureuse que Cioran dans ses lettres apprécie à maintes reprises. Cioran désigne ses traductions comme « nos textes » (Cioran 2007 : 37), il parle de « nos lecteurs » (59), et quand il lui propose des variations, il lui laisse la liberté de choisir la solution définitive (36) :

  • 10 « La sua traduzione esatta, scrupolosa e tuttavia viva […]. Mi sono letto con piacere e senza modes (...)

Votre traduction est exacte et rigoureuse et toutefois vive […]. Je me suis lu avec plaisir et sans modestie. […]. Votre choix est intelligent […] remarquablement enrichi de nouvelles observations. En ce qui concerne défaillir de santé, est-ce qu’on ne pourrait pas remplacer morire di salute par crepare di salute ? C’est un peu plus frivole. Mais à vous la décision10.

  • 11 « Rileggendo la sua traduzione, ne ho ammirati di nuovo la chiarezza e il rigore » (46) ; « quando (...)

Et encore : « en relisant votre traduction, j’en ai admiré à nouveau la clarté et la rigueur » (46), « quand je reçois vos traductions, je respire » (50), « Squartamento est un beau titre et il a l’avantage d’être sonore » (66)11.

  • 12 « Imitando l’inimitabile, l’identità di stile, di patos e di ritmo » (Prete 2011 : 25).
  • 13 À ce propos, voir Rigoni (1997).

21Ainsi Rigoni réalise-t-il son défi de la traduction de la langue exilée dans la prose lyrique de Cioran ; dans sa pratique traductive rigoureuse, il recrée « le souffle » (Lombez 2016 : 5) de cette écriture, et il crée même dans sa langue, « en imitant l’inimitable, l’identité de style, de pathos et de rythme » (Prete 2011 : 25)12. De surcroît, dans l’atelier du traducteur, l’exil linguistique à l’épreuve de la traduction d’une écriture fragmentaire se transforme en une école de pratique herméneutique et d’écriture, en renforçant les qualités interprétatives de Rigoni et le potentiel créatif de son écriture. La traduction devient alors un moteur pour prendre conscience des ressources expressives de sa propre langue et pour la confronter à la lucidité vertigineuse d’une pensée alliée à la puissance d’un style, ce qui inaugure une phase génétique de sa future carrière d’écrivain. Le croisement des imaginaires linguistiques de l’auteur et de son traducteur italien s’est donc avéré dans le potentiel créateur de l’exil de la langue. De fait, parallèlement à son activité critique centrée sur Giacomo Leopardi13, qui marque le début de la relation et de la correspondance avec Cioran (Rigoni 2009 : 71), Rigoni publiera les trois recueils d’aphorismes déjà cités (Rigoni 1993, 2003, 2010), deux recueils de contes et un essai : Dall’altra parte en 2009, Miraggi en janvier 2017 et Una rivelazione minacciosa en 2018.

L’horizon de la traduction entre les imaginaires culturels et les implicites idéologiques

22Dans le cas de la traduction, l’imaginaire linguistique rencontre la question de la réception de l’œuvre, du lecteur et des imaginaires culturels. Comme l’affirme Houdebine (2015 : 27), la notion d’imaginaire culturel (I.C.) lie l’imaginaire linguistique (I.L.) au substrat culturel et plus précisément à la causalité historico-socio-culturelle des représentations concernant la langue. La traduction devient donc « un lieu privilégié pour traiter de l’I.L. et l’I.C. puisque deux langues et partant deux cultures a minima sont alors en cause : celle de l’auteur, celle du traducteur, de leurs époques, de leurs lectures » (29).

23Dans les imaginaires culturels impliqués dans la pratique traductive, un rôle central est joué par les implicites idéologiques qui supposent l’intervention de plusieurs « sphères d’influence » (Guillaume 2016b : 7) représentées par l’auteur, le contexte, l’éditeur et le lecteur du texte cible. Ainsi la traduction se réaffirme-t-elle comme pratique sociale dans « un espace de production symbolique » (Sapiro 2008 : 204).

24L’analyse du projet de traduction de Rigoni met en évidence la complexité des types de contraintes idéologiques et matérielles (Guillaume 2016a) qui pèsent sur la circulation des traductions des migrants de l’écriture littéraire en tant que biens symboliques au croisement des langues et des cultures. En particulier, le rôle des sphères d’influence mises en jeu dans ce projet concerne surtout l’auteur et les éditeurs comme agents impliqués dans le processus traductif (Lavieri 2014).

  • 14 À ce propos, voir l’analyse de Bollon (1997 : 63-73) qui décrit la genèse de l’ombre du soupçon pes (...)

25En effet, l’horizon de la traduction d’Écartèlement est d’abord influencé par l’auteur lui-même à cause de la valeur qu’il donne à la traduction et du rôle accordé au lecteur dans l’œuvre. Au-delà des raisons existentielles et esthétiques illustrées auparavant, le rapport de cet écrivain exilé à l’écriture littéraire et son choix de l’exil linguistique se conjuguent aussi avec l’abandon de la marginalité originaire du roumain comme langue minoritaire et avec sa volonté de renaissance dans une langue et une culture de prestige. Mais, dans le sillage des paradoxes cioraniens, son intérêt à être reconnu ne concerne ni la société littéraire, ni les institutions académiques françaises, mais le désir d’être lu par un public le plus vaste possible. Comme le souligne Rigoni (2011b : 22), Cioran conçoit la lecture comme une forme d’empathie et c’est le lecteur au-delà de toute frontière son centre d’intérêt, un lecteur qu’il veut éveiller car il affirme : « Je crois qu’un livre doit être réellement une blessure » (Cioran 1995a : 1755). Voilà donc l’importance capitale que Cioran accorde à la traduction de ses œuvres et au rôle des éditeurs, comme en témoignent les lettres publiées dans Mon cher ami, qui tracent la genèse du projet de traduction d’Écartèlement et l’histoire de la réception de son œuvre en Italie par rapport aux implicites idéologiques connotant l’œuvre cioranienne14.

26Dans trois lettres de 1977 (Cioran 2007 : 23-24), Cioran indique à Rigoni qu’il a été traduit en Italie chez Edizioni del Borghese, un éditeur orienté politiquement à droite, avec deux ouvrages : Le Mauvais démiurge en 1969 et Histoire et utopie en 1971. Complètement insatisfait de la qualité des traductions et de l’orientation idéologique de l’éditeur, Cioran a intimé à Gallimard d’interrompre ce mandat pour des traductions successives et il écrit à son jeune ami italien : « Je sais ne pas exister en Italie. Cela fait partie de mon échec littéraire, je suis un auteur marginal » (24). Les implicites idéologiques à l’œuvre dans les choix éditoriaux des auteurs à traduire et dans la volonté des écrivains à la recherche de maisons d’édition sont encore une fois soulignés par Cioran lui-même. Face aux propositions d’un autre petit éditeur italien, cette fois de gauche, Cioran est encore sceptique et résigné à rester inconnu en Italie (25). Ce sera Rigoni qui lui présentera Roberto Calasso, le directeur de la prestigieuse maison d’édition italienne Adelphi. Ce sera seulement après de nombreuses difficultés et même des conflits personnels avec Calasso (31-33) que Rigoni sera chargé chez Adelphi de la traduction d’Écartèlement en 1981. Une fois devenu le directeur des traductions de Cioran pour Adelphi, Rigoni traduira encore Histoire et Utopie en 1982, Exercices d’admiration en 1988, en collaboration avec Luigia Zilli, et le Précis de décomposition en 1996.

27Dans l’histoire du projet de traduction, que la correspondance entre Cioran et Rigoni décrit presque en prise directe, on retrouve donc tous les enjeux de l’horizon de la traduction et de la réception dans l’espace littéraire italien. Plusieurs intellectuels italiens, parmi lesquels Guido Ceronetti, Italo Calvino, Pietro Citati, reconnaissent immédiatement, après la publication des traductions de Rigoni, d’une part, l’unicité de l’écrivain roumain et, de l’autre, son appartenance à la communauté spirituelle des penseurs et des aphoristes du passé. Avec le succès auprès du grand public, la traduction de Cioran entre comme répertoire actif dans le polysystème littéraire de la culture italienne (Toury 1980). Mais pour l’apatride Cioran, qui n’a jamais été attiré par des esprits confinés dans une seule forme de culture, les stratégies éditoriales et la qualité des traductions de ses œuvres, auxquelles il participait régulièrement, deviennent essentiellement l’instrument d’accès à un cosmopolitisme intellectuel. Comme il l’écrit dans son exercice d’admiration, c’est notamment Jorge Luis Borges qui pourrait en être le symbole :

Il incarnait le paradoxe d’un sédentaire sans patrie intellectuelle, d’un aventurier immobile à l’aise dans plusieurs civilisations et littératures. […] Mais, après tout, Borges pourrait devenir le symbole d’une humanité sans dogmes ni systèmes, et s’il y a une utopie à laquelle je souscrirais volontiers, ce serait celle où chacun se modèlerait sur lui. (Cioran 1995b : 1605-1607)

28En définitive, le corpus qui a été l’objet de notre analyse montre que la traduction en italien de l’œuvre de Cioran, cet exilé de sa langue, se joue notamment au croisement de son imaginaire linguistique et de celui de Rigoni. Le processus de traduction s’actualise par rapport à des choix qui s’inspirent d’une démarche herméneutique rigoureuse, prenant en charge la surconscience linguistique de cet écrivain exilé dans les mots. Dans le même temps, le défi de la traduction de la langue exilée se transforme pour le traducteur en une phase génétique d’activité d’écriture littéraire dans sa propre langue. Enfin, l’examen des éléments paratextuels permet de mettre en évidence les enjeux d’un projet de traduction qui se change en une pratique sociale et culturelle soumise à plusieurs sphères d’influence (Guillaume 2016b). C’est ainsi que l’horizon de la traduction se construit autour d’une négociation entre les imaginaires culturels et les implicites idéologiques à l’œuvre dans les choix liés au monde éditorial, à la réception et à l’horizon d’attente du lecteur.

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Bibliographie

Berman, Antoine, 1995, Pour une critique des traductions : John Donne, Paris, Gallimard.

Bollon, Patrice, 1997, Cioran, l’hérétique, Paris, Gallimard.

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Notes

1 Voir Rigoni (1993 ; 2003 ; 2004a : 145-148 ; 2010).

2 À ce propos, voir la polémique contre Jean-Paul Sartre dans Emil Cioran ([1949] 1995a : 731).

3 Voir le corpus en fin d’article.

4 Voir notamment les notions de position traductive et d’horizon de traduction qu’analyse Antoine Berman (1995).

5 Cioran décrit cette adoption comme une sorte de révélation lors d’une tentative de traduction de Mallarmé en roumain : « Durant l’été 1947, […] une révolution s’opéra en moi : ce fut un saisissement annonciateur d’une rupture. Je décidai sur le coup d’en finir avec ma langue maternelle. “Tu n’écriras plus désormais qu’en français” » ([1952] 1995a : 1747).

6 L’intérêt de Mario Andrea Rigoni pour les langues et les cultures classiques est attesté par sa traduction des Hieroglyphica d’Orapollo (Geroglifici, 1996) et par ses préfaces à des traductions en italien de Saffo et de Hésiode (2012).

7 À ce propos, voir Rigoni (1984, 1990).

8 À ce propos, voir Rigoni (1986, 2002).

9 Emil Cioran, 1980, « Piccola Antologia», trad. M.A. Rigoni, Nuovi Argomenti, janvier-juin, p. 5-21.

10 « La sua traduzione esatta, scrupolosa e tuttavia viva […]. Mi sono letto con piacere e senza modestia. […] La scelta è intelligente […] brillantemente arricchita di nuove osservazioni. Per ciò che riguarda défaillir de santé, non si potrebbe mettere al posto di morire di salutecrepare di salute ? Fa un po’ più frivolo. Ma a lei la decisione. »

11 « Rileggendo la sua traduzione, ne ho ammirati di nuovo la chiarezza e il rigore » (46) ; « quando ricevo una sua traduzione, respiro » (50) ; « Squartamento è un buon titolo e ha il vantaggio di essere sonoro » (66).

12 « Imitando l’inimitabile, l’identità di stile, di patos e di ritmo » (Prete 2011 : 25).

13 À ce propos, voir Rigoni (1997).

14 À ce propos, voir l’analyse de Bollon (1997 : 63-73) qui décrit la genèse de l’ombre du soupçon pesant sur l’œuvre de Cioran à cause de la fascination délirante pour l’hitlérisme que l’écrivain vécut dans sa jeunesse après un séjour en Allemagne.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Gloria Branca, « Traduire l’exil de la langue : Cioran et les imaginaires migrants face à la traduction »Itinéraires [En ligne], 2018-2 et 3 | 2019, mis en ligne le 20 février 2019, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/4767 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.4767

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Auteur

Gloria Branca

Université de Calabre, École doctorale internationale d’études humanistes

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