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Corps et sexualités

Solange te parle féministe. Sexe, genre et sexualité dans les capsules de Solange te parle

Solange Is Talking Feminist to You. Sex, Gender and Sexuality in the Solange te parle Vignettes
Isabelle Boisclair

Résumés

Née à Montréal en 1985 d’un père roumain et d’une mère québécoise, Ina Mihalache s’installe en France en 2004, où elle crée le weblog Solange te parle en 2011. Cinq capsules de la série sont analysées en regard du discours et de la représentation du sexe, du genre et de la sexualité. En offrant des textes qui questionnent les normes sociales du féminin, du masculin et des rencontres sexuelles et en se mettant en scène sans apparat, Mihalache décape les modèles dominants, promouvant des subjectivités et des sexualités plus brutes – plus authentiques – recadrant ainsi de nouveaux possibles identitaires.

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Texte intégral

Je remercie Charlotte Comtois, assistante de recherche, pour l’aide apportée à la préparation de cet article.

  • 1 https://solangeteparle.com/.
  • 2 Une capsule est une brève chronique diffusée dans les médias, ici sur le Web.
  • 3 L’animatrice Catherine Pogonat qualifie le personnage de Solange de « légèrement autiste », suggéra (...)
  • 4 Désormais PP (5 min. 19 sec., mise en ligne le 5 mai 2014) ; VCM (6 min. 21 sec., mise en ligne le (...)

1Née à Montréal en 1985 d’un père roumain et d’une mère québécoise, Ina Mihalache s’installe en France en 2004, où elle crée le weblog Solange te parle1 en 2011. Ses courtes capsules web2 connaissent un grand succès, notamment pour leur humour absurde3, trait qui leur est généralement reconnu. Le ton adopté est unique, loin des humoristes mainstream, également loin des blogueuses féministes, plus directement politisées. Je me pencherai ici sur quelques capsules dont les thèmes sont reliés de près aux questions de genre pour analyser le discours tenu par l’auteure et actrice. En prenant en compte le support de diffusion web, qui l’inscrit résolument dans cette quatrième génération, en considérant les dimensions formelles du format vidéo, de l’écriture ainsi que les objets du discours, je tenterai de voir quelle posture est mise de l’avant par Mihalache. Que dit-elle sur le sexe et le genre ? Quel rapport au corps et à la sexualité est promu ? Quelle éthique est proposée ? Cinq capsules, « Poils pubiens : indignez-vous ! », « Voulez-vous coucher avec moi ? », « Ceci est mon corps », « Pénis, inclinez-vous » et « Pas féminine (en 5 leçons) » retiendront mon attention4. Pour chacune d’entre elles, je soulèverai les dérogations aux normes du genre soulevées par la vidéaste à travers notamment le discours sur le féminin, sur le masculin ainsi que sur le corps et la sexualité. En plus du texte, je me pencherai sur les lieux, les jeux de caméra et la mise en scène du corps.

2Précisons d’emblée que les capsules sont autoproduites. Elles s’inscrivent dans un régime alternatif marqué par l’artisanat, à des lieues des objets produits par les industries médiatiques télévisuelles où la féminité fabriquée, produite, reproduite et largement diffusée impose les normes d’un féminin séducteur. Notons enfin que les vidéos n’empruntent pas aux formes dramatiques ; elles adoptent plutôt la forme libre, oscillant entre les tonalités philosophique et lyrique et, ainsi que l’annonce le titre de la série, Solange s’adresse à la caméra et, par-delà, aux auditeurs et aux auditrices en les interpellant familièrement à la deuxième personne du singulier C’est donc sur le plan du discours, et non pas sur celui du récit que se situent les énoncés. Les capsules sont montées sauvagement pourrait-on dire, les sauts de coupe étant apparents, les raccords n’étant pas appuyés par de savants effets de transition – ce qui résulte bien sûr d’une intention esthétique. Les capsules analysées ici sont tournées dans son propre appartement, qui paraît dépouillé.

  • 5 Même si l’usage de la notion de « capital érotique » semble superfétatoire à certains (voir Neveu 2 (...)

3M’appuyant sur les critiques queer de la féminité, je discuterai des valeurs éthiques qui se dégagent de la série Solange te parle et qui sont le propre, peut-être, de cette quatrième génération, à l’image de ces jeunes féministes italiennes qui, selon Frédéric Joignot, semblent dire, en détournant l’énoncé célèbre de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme, on ne le deviendra pas non plus ! » (2007). Il faut lire dans cette boutade le refus de devenir la femme référentielle, définie par son « capital érotique5 » (Hakim 2010).

Capital érotique

  • 6 Ce que trahit la floraison, au début des années 2000, de l’acronyme MILF, signifiant « Mother I’d L (...)

4La féminité normative est largement construite et véhiculée par les médias (Kunert 2013, Pinte 2003). Fabriquée par l’industrie capitaliste, cette féminité présentée comme naturelle est pourtant traversée par le néolibéralisme, qui impose ses normes sur toutes les plateformes. À l’image de la figure iconique de Barbie, cette féminité normative transforme les femmes organiques en femmes plastifiées. Même décomposé en diverses tranches d’âge, le féminin reste toujours défini en fonction de son capital érotique, que celui-ci soit une promesse, qu’il soit actualisé ou « encore valable6 ».

  • 7 Neveu rappelle aussi que « tout capital est […] doté d’une convertibilité (inégale) en d’autres typ (...)
  • 8 Ainsi que les dispositions économiques mobilisées pour augmenter, par exemple à travers le recours (...)
  • 9 Ce dont Solange discute, indirectement, dans son commentaire sur le rapport qu’elle entretient à l’ (...)

5Les capitaux peuvent être vus comme « une palette de biens et de compétences, de connaissances et de reconnaissances détenues par un individu ou un groupe et dont il peut jouer pour exercer une influence, un pouvoir, acquérir d’autres éléments de cette palette » (Neveu 2013 : 340)7. Mise en rapport avec les identités sexuelles et de genre, la notion de capital érotique invite à considérer la typologie des corps, en regard desquels le capital propre d’un individu est évalué, selon des critères qui changent au fil du temps. De même, il faut bien voir que ce capital croise plusieurs facteurs aux intersections desquelles il varie, telles le genre, la classe sociale, l’appartenance à un groupe ethnique, etc. Ces deux aspects sont cependant des taches aveugles des propositions de Catherine Hakim, auteure du concept. Or le capital érotique relève pour une bonne part de la correspondance des dispositions individuelles8 de chacun·e avec les modèles promus à un moment précis dans une société donnée9. C’est dire qu’il relève du culturel. Il faut également souligner, découlant de ce qui précède, la part de reconnaissance intersubjective intervenant dans la détermination du capital, ce qui impose de prendre en compte le travail des normes tel qu’il est produit par les discours et les représentations circulant dans l’espace social, notamment ceux dont la diffusion est assurée par les médias les plus puissants. Il convient donc de questionner qui détient le pouvoir de prescription des normes, et au prisme de quelles normes ces instances de pouvoir attestent de la valeur du capital.

  • 10 Traduction libre de : « combination of aesthetic, visual, physical, social, and sexual attractivene (...)

6Selon Hakim, le capital érotique est composé de plusieurs éléments : la beauté physique (« beauty »), l’attractivité (« attractiveness »), le charme (« grace, charm, social skills in interaction »), la positivité (« liveliness, a mixture of physical fitness, social energy, and good humor »), la présentation de soi (« social presentation: style of dress, face-painting, perfume, jewellery or other adornments, hairstyles, and the various accessories that people carry or wear to announce their social status and style to the world »), et le rapport à la sexualité (« sexual competence, energy, erotic imagination, playfulness, and everything else that makes for a sexually satisfying partner ») (Hakim 2010 : 3). Le capital érotique dépend ainsi d’une « combinaison des attraits esthétique, visuel, physique, social et sexuel aux yeux des autres membres de la société, particulièrement les membres du sexe opposé10 » (Ibid.), dans la mesure où les normes de l’attractivité sexuelle sont largement codifiées par l’hétérosexisme. Hakim reconnaît par ailleurs que ce capital ne repose pas que sur l’être et le corps, il est également tributaire des performances – « Beauty and sex appeal, and female beauty in particular, are a creation, a work of art, which can be achieved through training » (Hakim 2010 : 10) –, lesquelles peuvent soit consolider les normes, soit participer à leur ravalement. Selon cette perspective théorique, le corps est réduit au signe de la désirabilité.

7Ina Mihalache étant actrice, on conviendra que le capital érotique est une ressource importante dans sa pratique professionnelle. Le fait qu’elle soit productrice et réalisatrice de ses capsules lui permet cependant d’échapper aux valeurs dictées par le marché. On a ici affaire à une artiste qui, plutôt que de mettre son capital au service des normes culturelles dominantes et d’ainsi tenter de gagner des points en regard de celles-ci, travaille à les déconstruire.

Le féminin : un appel à la résistance

8Assez tôt dans « Poils pubiens, indignez-vous », un message apparaît à l’écran, accompagné de bruits d’alarme et de flashs rouges : « Chacun fait ce qu’il veut avec son corps » (PP, 0:22). Sous l’égide de ce rappel à l’autonomie, Solange se demande pourquoi nombre de filles célibataires s’épilent « en vue d’un possible rapport sexuel » (PP). Elle invite à s’interroger sur la pratique de l’épilation pubienne modélisant des femmes-plastiques, tout en militant pour une réhabilitation des poils, rappelant que ceux-ci ont une fonction protectrice et qu’ils font partie de nous-mêmes (PP, 2:09). En terminant sa vidéo par un appel : « S’il te plaît, arrête de penser à ton épilation quand tu veux faire l’amour. Quand tu fais l’amour, pense à l’amour » (PP, 4:51 à 4:58), elle ramène les femmes à leur désir et non à celui de leur partenaire – puisque l’injonction à l’épilation vient parfois de ces derniers –, ou à celui dicté par les normes sociales, ce que le bashing envers le poil trahit. Elle finit par pointer l’absurde de nos comportements : « Si vous ne pouvez pas vivre une vie sans rencontrer un pubis au naturel ça n’a pas de sens » (PP, 3:21).

  • 11 La politique du sourire obligé est également évoquée (PF, 2:44, 3:29, 3:37).

9Dans le même ordre d’idée, Solange soutient, dans « Pas féminine (en 5 leçons) », que nulle n’a à « souffrir pour inspirer le désir » (PF, 0:19), à l’encontre du fameux adage : « Il faut souffrir pour être belle. » Cette capsule comprend elle aussi un avertissement : « Il va y avoir beaucoup d’impératifs dans cette vidéo. Je m’en excuse d’avance. C’est simplement que j’aimerais pouvoir t’envoyer des messages contraires à tout ce conditionnement qui existe autour de nous qui nous aliène, qui nous asservit » (PF, 0:01). Le fait même d’aviser avant de commander relativise déjà le caractère dictatorial des impératifs. En l’occurrence, est éclairée la dimension impérative des diktats sociaux. Suit effectivement une série d’impératifs : « Tu n’as pas à être féminine » (PF, 0:17) ; « Arrête de porter des talons » (PF, 0:23) ; « Te fais plus les ongles » (PF, 1:04) ; « Ne sois pas arrangeante » (PF, 3:25)11 ; « Te mets pas au régime » (PF, 1:30, 1:39, 2:12) – cette dernière injonction étant répétée à trois reprises. Cette série d’injonctions, dont plusieurs sont négatives, est suivie d’une autre, fondée sur la positivité : « Regarde Patti Smith, regarde, regarde les bottines de Patti Smith » (PF, 0:48) ; « Regarde les mains de Louise Bourgeois » (PF, 1:11) ; « Regarde Virginie Despentes. Elle disait elle-même qu’elle sentait que pour devenir Virginie Despentes, elle devait renoncer au désir des hommes » (PI, 3:30), et enfin « Résiste » (PF, 2:59, 3:26) à deux reprises. Ces invitations à regarder d’autres femmes que celles incarnant les canons de beauté tendent à surimposer les premières comme modèles. Les femmes citées étant toutes des artistes, cela signale également qu’il est plus valeureux de se réaliser par le faire plutôt que par l’être : « Interroge-toi » (PF, 2:36), « Fais des choix qui te rendent libres » (PF, 2:40). L’ultime réplique, « Tu peux choisir de ne pas être désirable » (PI, 3:44), sur laquelle l’emphase est mise – l’actrice étire la réplique, la sépare en y insérant des pauses –, achève de recadrer les normes de la désirabilité en redonnant toute la place à l’agentivité. Certes, le recours à l’impératif peut sembler aller à l’encontre d’un féminisme qui prône la diversité et le libre choix. Mais peut-être faut-il voir l’emploi de l’impératif moins comme procédé illocutoire que comme pastiche, destiné à souligner le fait que les injonctions sociales, même si elles ne sont pas toujours formulées à l’impératif, n’en revêtent pas moins la visée. Ici, il s’agit bien davantage de permissions données. D’autant que les prescriptions formulées par Solange visent à émanciper le féminin des entraves qu’il subit d’ordinaire : « Fais les choix qui te rendent libres » (PF : 2:40). Ici, injonctions et liberté, bien que ce puisse être étonnant, ne s’opposent pas tout à fait.

10Les normes ordonnent aux femmes de taire leur(s) désir(s), ce qui façonne des sujets féminins pudiques. Solange attaque ce poncif en discréditant les « scripts sexuels » (Gagnon 2008) dictant les conduites que chacun·e doit observer dans le cadre des jeux de séduction. Ce faisant, elle dédramatise le scénario, en extrait ce qui permet d’en échafauder l’intrigue. « Je suis attirée par quelqu’un, je lui dis et il voit » (VCM, 3:10). C’est ainsi l’occasion de rappeler la mise en scène convenue, où la femme doit attendre que l’homme lui démontre son intérêt, cantonnant le féminin à la passivité, consacrant le masculin dans le rôle du conquérant :

Parce que si je lui dis pas, je fais quoi ? Je fais genre je me désintéresse de toi ostensiblement de manière à ce que tu remarques que je me désintéresse de toi pour provoquer ton orgueil qui sera piqué et se dira : « Oh ! Je désintéresse tellement cette fille que elle n’a pas compris qui je suis parce que je suis très intéressant donc il faut que j’essaye de l’intéresser pour qu’elle comprenne que je suis intéressant. » (VCM, 3:13)

  • 12 On notera l’ouverture au posthumanisme.

11Du même coup, elle délie amour et sexualité – déliaison qui est censée être l’apanage du masculin, qui serait le seul apte à bien dissocier sentiments amoureux de la stricte attirance physique et ainsi être le seul à profiter des délices offerts par les deux mondes. Les femmes sont censées être dédiées à l’amour, consentir au sexe pour accéder à cette valeur suprême. Devant ce qui apparaît comme une usurpation des plaisirs du corps, Solange autorise les femmes à verbaliser leurs désirs, ce qu’elle fait elle-même à la fin de sa vidéo : elle nomme des hommes, des femmes (ainsi que des animaux12 et des personnages d’émission de télévision) avec lesquels elle aimerait partager son lit.

Le masculin : revoir le modèle

  • 13 Dans « Voulez-vous coucher avec moi », Solange affirme être attirée par Michael Pitt, parce qu’il « (...)

12Le discours sur le masculin se fait davantage entendre – on ne sera pas surpris – dans « Pénis, inclinez-vous ». Mais Solange ne s’adresse pas aux hommes eux-mêmes : la destinataire est une jeune fille, un des points d’ancrage du monologue étant la question que l’actrice se pose à elle-même : « Qu’est-ce que j’aurais aimé qu’on me dise avant que je rencontre un pénis ? » (PI, 6: 52). Le masculin y est donc dessiné en creux, comme dans les autres capsules. Selon cette perspective, celui-ci apparaît lui aussi en décalage avec la masculinité hégémonique13, que Connell définit comme fondé sur la virilité (Connell [1995] 2005).

  • 14 La vidéo est séparée en deux parties distinctes qui n’ont pas le même cadrage, le même lieu, la mêm (...)

13Et cette virilité repose sur le phallus. Aussi, dans la vidéo dédiée aux pénis, ce postulat est-il déplié. La première partie14 fait résonner les lieux communs les plus éculés : « La réponse favorable du pénis valide votre potentiel de séduction et/ou de féminité, et, de là, votre valeur intrinsèque » (PI, 0:17) ; « On ne le répètera jamais assez : le coït est au cœur de la sexualité » (PI, 1:41), suivis de proclamations grandiloquentes : « Gloire au pénis », répétées quatre fois (PI, 0:15, 0:35, 0:47, 1:39). La tonalité nettement parodique (le ton est grandiloquent, la musique pompeuse) ironise chacun des énoncés. Et même si la destinataire semble être une fille, les hommes n’en sont pas moins concernés. Dans la deuxième partie, les « J’aurais aimé » que formule Solange leur est indirectement adressé : « J’aurais aimé que plus de gens laissent entendre vraiment objectivement que le vagin n’est peut-être pas l’organe du plaisir chez la femme – enfin, pas forcément, pas exclusivement, pas le passage obligé » (PI, 3:07). Est ainsi déconstruite la conception de l’impératif du désir masculin auquel il faille se soumettre : « J’aurais aimé rencontrer plus d’hommes qui me disent : “T’en fais pas, je bande, mais on est obligé de rien” » (PI, 3:53) – car le pénis n’est pas « une bête de pénétration » (PI, 2:13). Cette croyance est aussi bien constitutive d’une culture du viol (« Ce n’est pas parce qu’il y a érection qu’il doit y avoir pénétration ou éjaculation ou orgasme de l’un ou de l’autre, ou rapport » – PI, 7:45) que de la glorification même du phallus (« Ce serait dommage que les gens croient que quand on est devant une érection on doit se prosterner, ou s’agenouiller, ou s’allonger, ou s’ouvrir et se placer à disposition d’elle. Non » – PI, 7:52). Et c’est l’occasion de rappeler qu’en tout temps, le consentement prime : « Si vous avez envie, si c’est votre truc et si vous êtes disposée » (PI, 8:04). En clair : le désir des hommes n’est pas « une fin en soi », pas plus que leur plaisir ne prime sur celui des femmes.

  • 15 Voir Isabelle Boisclair, « Aimez-vous ! C’est un ordre ! » (2015).

14C’est d’ailleurs l’occasion pour Solange de valoriser la masturbation. Car le pénis n’est pas « nécessaire » (« On peut se passer des pénis » – PI, 5:44 à 5:45). « Ça prend un sacré méga-paquet de temps », soutient-elle, « avant que la rencontre avec un corps extérieur produise ce plaisir intime et personnel très très à soi qu’on s’est construit pendant plusieurs années » (PI, 6:01). C’est donc qu’il est possible de s’« adonner » à la masturbation, qui n’est pas ici réduite à un simple instrument de connaissance de soi ou une technique pour se détendre, comme le suggèrent souvent les revues féminines15, mais bien un moyen légitime de se faire plaisir.

15Toujours en sous-main, la capsule « Poils pubiens » rappelle aux hommes qu’ils n’ont pas à dire à leur partenaire comment s’occuper de leur corps. Lorsqu’elle invite les femmes à conserver les poils pubiens, et qu’elle suggère que « le plus érotique […] serait […] qu’un homme […] dise […] “S’il te plaît, ne touche plus tes poils. J’ai envie de voir, j’ai envie de te voir avec tes poils” » (PP, 2:25 à 2:31), Solange s’adresse encore indirectement aux hommes. Lorsqu’elle affirme : « L’homme qui tient ce discours est l’homme du futur » (PP, 2:57), elle promeut et valorise un autre modèle, tout en formulant implicitement un appel à une remodélisation du masculin par les hommes eux-mêmes.

Corps et sexualité, entre désenchantement et réenchantement

  • 16 La caméra est « active » : elle bouge de bas en haut, puis de haut en bas, elle zoome, etc. Ces mou (...)
  • 17 Voir Laura Mulvey, Visual and Other Pleasures : « [w]oman […] stands in patriarchal culture as a si (...)

16Une capsule entière est dédiée au corps. Dans « Ceci est mon corps », Solange énumère diverses parties du corps, associant à chacune une particularité : « Indomptable, la crinière » (CMC, 0:13) ; « Canine dissonante » (CMC, 0:27) ; « Mon oreille percée asymétrique » (CMC, 0:48). Il faut souligner la rébellion et l’irrégularité convoquées par les qualificatifs – indomptable, dissonante, asymétrique –, résumant l’entièreté de la figure de Solange par métonymie. À propos du ventre, habituellement honni, l’actrice a ce mot d’affection : « Mon ventre, je l’aime bien, mon ventre » (CMC, 1:00). S’ensuit une célébration paradoxale, où même les « défauts » paraissent appréciés, ce que suggère le ton, jamais empreint de dépit : « Mes hanches d’homme. Je n’ai pas la taille très mince » (CMC, 1:02) ; « Mes jambes, la peau de poulet sur les pattes, ces jambes que je n’hydrate pas, que je n’exfolie pas » (CMC, 1:08) ; « Mes genoux. Bleh » (CMC, 1:14) ; « Mes cuisses volumineuses, musclées. Je ne suis pas une baguette. Je les aime, enfin » (CMC, 1:15). Chacune des parties du corps ainsi nommées est filmée en très gros plan16. Si les seins sont cachés par ses mains, les mamelons sont montrés, mais entourés de ses doigts, les isolant, et désérotisant ainsi l’objet consacré. Le sexe, lui, est masqué par un gribouillage blanc en surimpression. Il ressort de cet inventaire brut un corps aussi bien désérotisé que désenchanté, celui normalement dessiné par le regard fantasmatique du masculin (male gaze17), mais réenchanté par une acceptation totale. D’autant que sont également filmées les éruptions cutanées et le visage en très gros plans (les joues, la langue), sans qu’on se soucie que ces plans soient flatteurs ou non. Dans certaines autres capsules, Solange bâille, se gratte le nez : l’entreprise, ici, n’est pas d’esthétiser le féminin ni d’érotiser le corps.

  • 18 Dont elle fait état explicitement : « Oui j’encouragerai toujours à la nudité hors de la sexualité (...)

17Cette entreprise de mise à plat des parties du corps18 trouve écho dans « Pénis, inclinez-vous », où Solange invite à mettre toutes les parties du corps sur le même plan, et par là à ne pas accorder de primauté aux organes sexuels : « Un pénis vaut un coude, un cheveu, un ongle du gros orteil. C’est pareil, c’est juste que justement, en nous obligeant à le cacher sans arrêt, on s’en fait tout un plat » (PI, 5:31 à 5:41). Dans le même esprit, en entrevue, Mihalache dévoile sa philosophie : « Le corps nu c’est l’unité de base de l’être humain détaché de toute connotation sexuelle » (C’est juste du web). Ce qui n’est pas sans donner un dur coup au phallocentrisme : « Tu n’es pas obligée de faire les choses avec les pénis, ça ne fait pas de toi une sous-femme ou une demi-femme, ou une lesbienne, ou une mal-baisée, ou une frustrée, ou une frigide » (PI, 7:25), puisqu’« on peut faire l’amour sans les pénis » (PI, 3:48).

  • 19 Dans une de ses premières capsules, Solange est nue, repliée sur elle-même dans une position alambi (...)

18Nous intéressant au corps représenté, on note déjà que Solange apparaît dans toutes les vidéos, s’y montrant parfois nue19, ainsi qu’on l’a vu. Mais alors soit par sa position, soit par le cadrage ou le masquage, elle dérobe les parties traditionnellement sexualisées du corps. Dans « Poils pubiens : indignez-vous », lorsqu’elle indique sur son corps sa zone pubienne (1:05), puis celle de Sandrine Bonnaire dans le film Police (1:38), Solange est en leggings et entoure de ses doigts la zone recouverte par ses poils. Cela peut certes sembler paradoxal, en contradiction avec son discours qui insiste sur le caractère non fondamentalement érotique du corps – en même temps qu’elle soutient que le corps entier est sexuel, non pas seulement les parties convenues. Ce refus peut être attribuable au fait qu’elle soit consciente qu’une fois la vidéo diffusée, elle n’est plus responsable de sa circulation – ni de ses usages – ou, qui sait, que l’exposition d’un pubis nu pourrait être censurée du moment qu’un spectateur ou une spectatrice le rapporterait à YouTube.

19Compte tenu des injonctions à la beauté que subissent les femmes, montrer son corps sans l’esthétiser signale déjà une posture marginale et résolument agentive. Il est question ici de résister aux pressions sociales, de s’approprier le discours sur son corps et de faire de son corps son premier matériau artistique. Alors que dans l’histoire de l’art, le corps féminin est l’objet d’un drame, objet à conquérir, drame qui trouve sa résolution – son dénouement – dans la conquête, l’abandon ou l’abdication de la femme – drame dont le strip-tease résume la trame en la synthétisant –, Mihalache participe à sa dédramatisation. Fraisse rappelle qu’« [a]vec ou sans stéréotypes, le corps et son image peuvent tenir un langage politique » (Fraisse 2014 : 67). Et capter le corps féminin sans l’érotiser, c’est bien un geste politique. Par ailleurs, les corps promus dans l’espace public étant majoritairement filiformes, Solange rappelle une vérité toute simple : « La vie est longue il va falloir manger » (PF, 1:35). Il faut « prendre possession de [son corps], faut [s’en servir] » (PF, 1:42). Après tout, ce qu’on ingère fait que l’on « pens[e] mieux » (PF, 2:12) et c’est bien ça qui importe. Aux poncifs esthétiques, elle oppose un pragmatisme radical. « C’est ton animalité elle est belle comme ça » (PF, 2:42).

  • 20 Aussi dans « J’aime regarder les filles » : « Je suis évidemment consciente que je ne parle que de (...)

20Et si elle n’échappe pas à l’hétéronormativité, évoquant à plusieurs reprises les rencontres entre un homme et une femme lorsqu’il est question de sexualité, Solange fait amende honorable et, introduit après coup, au montage, des inserts visuels où elle promet de « faire attention », comme ici, dans « Poils pubiens : indignez-vous ! » : « Pour l’instant je ne parle que des couples hétérosexuels parce que c’est ma réalité je m’en excuse je parlerai des autres sexualités une autre fois. Pardon » (2:31)20.

Éloge de la singularité

21Les vidéos de Solange te parle invitent à une remise en question de l’attendu sur les questions de sexe et de genre. Elles repensent ce que devrait être notre relation à la sexualité, au corps des femmes, à la séduction entre les hommes et les femmes ainsi qu’à la féminité. Et qu’elle interroge la féminité, le rapport aux poils, l’incorporation des filles à taire leur désir, qu’elle rende une ode au corps entier ou au pénis, Solange fait entendre l’envers du discours hégémonique. Elle refuse de se soumettre aux injonctions de la féminité normative, appelle à renoncer à l’épilation, enjoint les femmes à ne pas taire leur désir, les incitant du même coup à envisager la possibilité d’une sexualité sans affect amoureux – aussi bien qu’une relation amoureuse sans sexualité – enfin à célébrer toutes les parties du corps, tout en se soustrayant à l’adoration du phallus. Elle conduit les filles à recouvrer une pleine et entière agentivité, tant sur ce qu’elles font de leur corps qu’en rapport avec la sexualité (Lang 2011) ; à faire fi, donc, des valeurs liées au capital érotique.

22Le rapport au corps et à la sexualité qui s’en trouve promu est centré sur l’individu, et tient compte de ses envies autant que de ses peurs et limites ; il est fondé sur les désirs subjectifs plutôt que sur les scripts convenus et stéréotypés. Au-delà, c’est une sexualité hors des injonctions, moins axée sur la performance que sur la rencontre ou l’expérience qui est valorisée. L’éthique qui en ressort repose sur l’authentique, serait-on tentée de dire si on ne craignait de trop simplifier.

  • 21 Je fais référence aux travaux du sociologue canadien Erving Goffman (1973).
  • 22 Les étonnements fusent lorsqu’une femme se montre sans maquillage sur la scène publique. Voir les r (...)

23Usant de sa singularité, Mihalache dessine un féminin outsider. Voire, le corps même de Solange devient le signe d’un féminin outsider. À l’heure où les représentations médiatiques ont réussi à imposer l’idée qu’une femme est nécessairement « quelque chose » de maquillé, parfaitement coiffé et vêtu à la dernière mode – au point où même la façon qu’ont les femmes de se mettre en scène dans leur vie quotidienne21 s’en trouve affectée22 –, le fait de se présenter on cam sans maquillage, en vêtements « ordinaires », dans un environnement qui ne ressemble en rien aux décorations intérieures qui finissent par imposer la norme tient de la transgression. Mihalache déconstruit ainsi les fictions du genre et du sexe, les déplie pour aménager un espace ouvert. Et si le corps est un signe, elle rappelle qu’il faut faire avec – éventuellement le vider des sens convenus, normés, pour le charger de ce qu’on souhaite lui faire signifier, le re-signifier, donc.

  • 23 Le gender bender renvoie à la transgression du genre qui repose sur « une discontinuité radicale en (...)
  • 24 L’inscription des œuvres dans un régime de production artisanal et autoproduit n’empêche certes pas (...)
  • 25 Voir Madeline Berg, « The World’s Top-Earning YouTube Stars 2015 », Forbes, [En ligne], http://www3 (...)

24L’affirmation de cette singularité suffit en elle-même à porter un discours hors-norme. Ici, le corps ne se fait pas le siège d’une rébellion violente – kamikaze, à la Femen – ni queer – pas de gender bender à la Halberstam23. Il se fait plutôt le signe d’une dissidence, incarnant le refus assumé de ne pas participer à l’économie de la féminité normative promue par le capitalisme. Engageant son corps brut dans les scènes qu’elle écrit et produit elle-même, Mihalache valorise ni plus ni moins qu’un refus de se conformer aux normes dominantes du genre. Tant par le discours qu’elle tient, par les décors dans lesquels elle joue, que par le caractère artisanal de la production, Mihalache promeut une autre économie du féminin24, à l’opposé du capitalisme industriel qui fabrique des « filles en série » (Delvaux 2014), tout en dévaluant le sexe capitalisé fondé sur la « potentia gaudendi ou “force orgasmique” », soit « la puissance […] d’excitation […] d’un corps » (Preciado 2008 : 39), puissance le plus souvent définie en fonction d’un capital érotique – ou capital sexuel – normé et conventionné. Et si le capital érotique réside dans les attributs détenus par un individu dont il peut jouer pour faire valoir sa désirabilité, il se pourrait bien aussi qu’un individu ne possédant pas le capital reconnu comme érotique retire ses capitaux du marché pour les placer ailleurs. Car le discours de Mihalache s’accompagne d’une mise en scène de soi qui déroge à toutes les pratiques de l’industrie de l’image fabriquant un féminin fétiche. En définitive, ce sont les modèles de genre promus par le capitalisme qui sont révoqués – l’inscription des capsules dans un régime de production et de diffusion indépendant (Frow [1995] 2008) confirme cela. Le contraste est d’autant plus patent que les capsules sont diffusées sur YouTube, canal qui fabrique habituellement du consensuel – et des millionnaires du consensuel25.

  • 26 Dans la vidéo où elle revient sur sa performance d’écoute des films de Léa Seydoux, Solange conclut (...)

25Bref, Mihalache déplace le féminin, le dédramatise, l’arrache aux fictions qui le figent et en font un objet à prendre, un dispositif à créer des fantasmes. Elle figure ainsi un nouveau modèle, fondé sur la singularité et l’intégrité26. Dans sa discussion sur les images stéréotypées qui nous submergent et la réponse à leur donner, Fraisse écarte le contre-stéréotype au profit d’une « image singulière » (Fraisse 2014 : 62) :

Un modèle […], un personnage ou une personne qui sert de modèle ; une figure exemplaire. […] ce serait une héroïne, celle qui incarne l’émancipation, ou tout simplement une singularité, celle qui montre la subversion, de la transgression. Une image affirmative par conséquent […]. Le modèle ne se reproduit pas dans un multiple de copies, car le modèle fait nouveauté, il surgit de l’inattendu. (Fraisse 2014 : 62-63)

26Un modèle singulier, pourrait-on poursuivre, n’inspire pas la copie, mais la singularité. C’est bien ce que fait Solange. Cela s’étend jusqu’au mode de production, où Mihalache revendique son indépendance et sa liberté (C’est juste du web, 2016). Qu’on y pense : nul·le producteur·rice n’intervient ici, pas même de direction de casting, de mise en scène, de maquillage, coiffeur, costume, designer, qui finissent par formater – et uniformiser – les représentations du féminin sur les écrans, petits et grands.

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Bibliographie

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Corpus

Capsules analysées

« Pas féminine (en 5 leçons) », (PF), https://www.youtube.com/watch?v=U_cHKUTfybg&feature=youtu.be, 15 décembre 2015, 3 min. 50 sec.

« Pénis : inclinez-vous » (PI), https://www.youtube.com/watch?v=plFav82v2J0, 12 mai 2015, 9 min. 37 sec.

« J’aime regarder les filles », https://www.youtube.com/watch?v=bR3s2dbKgc4, 9 mars 2015.

« Ceci est mon corps » (CMC), https://www.youtube.com/watch?v=76oRRKpmmEs, 1er décembre 2014, 1 min. 58 sec.

« Voulez-vous coucher avec moi ? » (VCM), https://www.youtube.com/watch?v=61ww9SbnfsU, 14 juillet 2014, 6 min. 21 sec.

« Poils pubiens, indignez-vous » (PP), https://www.youtube.com/watch?v=7hWXU9VBeXY, 5 mai 2014, 5 min. 19 sec.

« #léaCdur : le bilan », https://www.youtube.com/watch?v=2FL7DvR1gzQ, 2 janvier 2016.

Interviews de Solange te parle

« Ina Mihalache veut votre amour 2016 », https://www.youtube.com/watch?v=2mGS99_IQJU.

« Entrevue avec Solange te parle », C’est juste du web, Artv, 5 avril 2016, [En ligne], http://cestjustedelatv.artv.ca/cest-juste-du-web/24-solange-te-parle-avec-ina-mihalache.

« La sphère : 30 minutes avec Solange te parle », ICI Radio-Canada Première, [En ligne], https://soundcloud.com/iciradiocanadapremiere/la-sphere-30-minutes-avec-solange-te-parle.

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Notes

1 https://solangeteparle.com/.

2 Une capsule est une brève chronique diffusée dans les médias, ici sur le Web.

3 L’animatrice Catherine Pogonat qualifie le personnage de Solange de « légèrement autiste », suggérant par là son caractère décalé (C’est juste du web, 2016).

4 Désormais PP (5 min. 19 sec., mise en ligne le 5 mai 2014) ; VCM (6 min. 21 sec., mise en ligne le 14 juillet 2014) ; CMC (1 min. 58 sec., mise en ligne le 1er décembre 2014) ; PI (9 min. 37 sec., mise en ligne le 12 mai 2015) ; PF (3 min. 50 sec., mise en ligne le 15 décembre 2015).

5 Même si l’usage de la notion de « capital érotique » semble superfétatoire à certains (voir Neveu 2013), elle n’en demeure pas moins utile, sur le plan heuristique, pour penser les performances de chacun·e exécutées à partir de leurs dispositions propres, ainsi que pour saisir la valeur des sujets en regard des différentes économies du « marché au sexe » (Butler et Rubin 2001). Pour ma part, je considère ce concept pertinent, nonobstant l’usage qu’en fait Catherine Hakim elle-même, qui promeut un féminisme libéral en invitant les femmes à rentabiliser leur capital érotique. Car si le capital est posé comme « objectivement lié à la matérialité corporelle de tout être humain » (Neveu 2013 : 338), les propositions d’Hakim reposent sur des assises essentialistes (selon lesquelles l’usage du capital serait plus naturel aux femmes et que les hommes auraient des besoins sexuels plus grands et une sexualité irrépressible). Pour ma part, j’utilise le concept pour objectiver les traits qui, sur le « marché au sexe », déterminent la valeur sexuelle des femmes (et des hommes).

6 Ce que trahit la floraison, au début des années 2000, de l’acronyme MILF, signifiant « Mother I’d Like to Fuck » et suggérant qu’une fois passé un certain âge, les femmes ne sont plus censées être désirées, ni désirables.

7 Neveu rappelle aussi que « tout capital est […] doté d’une convertibilité (inégale) en d’autres types de capitaux ; tout capital requiert enfin que soit pensé le (très variable) travail d’appropriation et d’incorporation qu’il requiert de ses détenteurs » (Neveu 2013 : 340).

8 Ainsi que les dispositions économiques mobilisées pour augmenter, par exemple à travers le recours à la chirurgie, cette correspondance.

9 Ce dont Solange discute, indirectement, dans son commentaire sur le rapport qu’elle entretient à l’endroit de Léa Seydoux. Voir « #léaCdur : le bilan », le 2 janvier 2016, https://www.youtube.com/watch?v=2FL7DvR1gzQ.

10 Traduction libre de : « combination of aesthetic, visual, physical, social, and sexual attractiveness to other members of your society, and especially to members of the opposite sex ».

11 La politique du sourire obligé est également évoquée (PF, 2:44, 3:29, 3:37).

12 On notera l’ouverture au posthumanisme.

13 Dans « Voulez-vous coucher avec moi », Solange affirme être attirée par Michael Pitt, parce qu’il « porte des robes » (VCM, 5:05).

14 La vidéo est séparée en deux parties distinctes qui n’ont pas le même cadrage, le même lieu, la même musique. Solange n’y emploie pas non plus le même ton. Dans la première partie, sa grandiloquence sert un effet comique ; dans la deuxième, il n’est plus question d’ironie. La teneur du discours diffère également beaucoup et laisse entendre que les deux portions de la vidéo s’opposent. La coupure entre les deux est par ailleurs très apparente.

15 Voir Isabelle Boisclair, « Aimez-vous ! C’est un ordre ! » (2015).

16 La caméra est « active » : elle bouge de bas en haut, puis de haut en bas, elle zoome, etc. Ces mouvements participent aussi à la déconstruction du spectacle du corps féminin, souvent saisi dans de longs glissements langoureux depuis ses extrémités jusqu’aux destinations finales : le sexe, les seins.

17 Voir Laura Mulvey, Visual and Other Pleasures : « [w]oman […] stands in patriarchal culture as a signifier for the male other, bound by a symbolic order in which man can live out his fantasies and obsessions through linguistic command by imposing them on the silent image of woman still tied to her place as bearer, not maker, of meaning » (1989 : 15).

18 Dont elle fait état explicitement : « Oui j’encouragerai toujours à la nudité hors de la sexualité pour dédramatiser tout ça et mettre à plat les organes » (PI, 5:25).

19 Dans une de ses premières capsules, Solange est nue, repliée sur elle-même dans une position alambiquée et apparemment inconfortable, tout en assumant la dérogation du corps ainsi mis en représentation. Ici, nul voile vaporeux qui cache le sein, le corps n’est pas étendu dans une pose lascive ; il est recroquevillé, nu, dans une baignoire. C’est pour mieux détourner l’attention de l’objet vers le sujet : « […] le corps féminin, si formalisé dans l’histoire, peut désormais énoncer des vérités » (Fraisse 2014 : 83).

20 Aussi dans « J’aime regarder les filles » : « Je suis évidemment consciente que je ne parle que de mon point de vue de femme cisgenre hétérosexuelle et que c’est réducteur » (3:42).

21 Je fais référence aux travaux du sociologue canadien Erving Goffman (1973).

22 Les étonnements fusent lorsqu’une femme se montre sans maquillage sur la scène publique. Voir les réactions médiatiques envers Hillary Clinton qui, après la campagne présidentielle, se présente fréquemment sans maquillage. Un échantillon parmi une multitude d’articles : S. A., « Hillary Clinton ne porte plus de maquillage », Libération, 2 décembre 2016, [En ligne], http://www.liberation.fr/direct/element/hillary-clinton-ne-porte-plus-de-maquillage_53218/ ; Camille Moreau, « Que signifie l’absence de maquillage d’Hillary Clinton ? », L’Express, 2 décembre 2016, [En ligne], http://www.lexpress.fr/styles/maquillage/que-signifie-l-absence-de-maquillage-d-hillary-clinton_1856285.html ; Émeline Amétis, « C’est un symbole très fort : Hillary Clinton ne se maquille presque plus », Slate, 1er décembre 2016, [En ligne], http://www.slate.fr/story/130094/hillary-clinton-maquillage.

23 Le gender bender renvoie à la transgression du genre qui repose sur « une discontinuité radicale entre les corps sexués et les genres socialement et culturellement construits » (Bourcier 2001) ; plus précisément au fait pour une personne d’adopter les vêtements et les comportements assignés à l’autre sexe. Voir Halberstam (1998).

24 L’inscription des œuvres dans un régime de production artisanal et autoproduit n’empêche certes pas qu’il soit possible d’en tirer des bénéfices, tant symboliques que monétaires.

25 Voir Madeline Berg, « The World’s Top-Earning YouTube Stars 2015 », Forbes, [En ligne], http://www3.forbes.com/business/the-worlds-top-earning-youtube-stars-2015/?kwp_0=64971&utm_campaign=the-worlds-top-earning-youtube-stars-2015-CA&utm_source=FacebookTest1&utm_medium=referral&utm_content=3&kwp_4=368381&kwp_1=221838.

26 Dans la vidéo où elle revient sur sa performance d’écoute des films de Léa Seydoux, Solange conclut : « Je préfère être très singulière et plaire à moins de gens et disons être moins polyvalente ou moins facile à embaucher mais de rêver d’un ou deux grands rôles sur mesure et très pertinents quant à ma nature où je réussirais à m’épanouir » (#léaCdur, 6:22).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Isabelle Boisclair, « Solange te parle féministe. Sexe, genre et sexualité dans les capsules de Solange te parle »Itinéraires [En ligne], 2017-2 | 2018, mis en ligne le 10 mars 2018, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/3840 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.3840

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Auteur

Isabelle Boisclair

Université de Sherbrooke

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Droits d’auteur

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