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« Je vous suis inaccessible » : lettres et romans policiers sous le Troisième Reich (1933-1945)

Vincent Platini

Résumés

L’article considère les significations idéologiques de la lettre dans les romans policiers du Troisième Reich. Ces écrits imposent les normes de pensée nazies, mais peuvent aussi se révéler d’efficaces moyens de subversion. Ils réutilisent tout en les renversant les termes du discours nazi et fournissent à leurs auteurs un indispensable camouflage littéraire pour échapper à la répression. On y distingue quatre types de textes (lettres d’exil, lettres du peuple allemand, lettres d’aveux, lettres anonymes) qui se répondent par-delà leurs oppositions.

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Texte intégral

Introduction : lieux communs et nouvel ordre

1De par sa polyvalence, la lettre entretient un rapport privilégié avec les romans policiers. Propice aux aveux, elle peut se retourner en preuve à charge ou devenir outil du crime dans les mains d’un maître chanteur. De manière générale, elle se prête au paradigme indiciaire au fondement du roman de détective qui, tel un chasseur, cherche à remonter d’une trace jusqu’à l’auteur de cette empreinte (Ginzburg 1989 : 149). Au-delà du genre policier, la lettre – qu’elle soit perdue comme dans La Princesse de Clèves ou qu’elle accable les libertins des Liaisons dangereuses – est un écrit à risque, intimement lié à la culpabilité. Il n’est ainsi pas étonnant qu’elle soit au centre d’un des premiers récits de détection avec La lettre volée de Poe (1841) et qu’elle compte parmi les ressorts habituels de l’intrigue policière jusqu’à constituer de véritables romans épistolaires comme The Documents in the Case de Dorothy L. Sayers (1930).

  • 1 « Machen wir uns doch endlich klar, daß unser neuer Staat ein Staat der Volksgemeinschaft ist: Daß (...)
  • 2 « Klar, kurz und bündig soll der Brief von heute sein. » (Volkland 1941 : 10).

2Quelle originalité y aurait-il alors à l’étudier pour une période qui ne constitue pas exactement l’âge d’or du Kriminalroman en Allemagne ? Lieu commun pour le genre policier, la lettre est aussi, plus largement, un lieu commun en tant que mode d’écriture qui mobilise des codes de communication, des normes hiérarchiques, des discours collectifs et des références implicites entre interlocuteurs. Elle révèle les structures sociales et mentales propres à une aire culturelle. Or, le régime nazi prétend bouleverser cet ordre discursif : « La révolution que nous avons accomplie est une révolution totale », déclare Josef Goebbels. « […] Elle a complètement changé et renouvelé les relations des hommes entre eux, leurs relations à l’État et à leurs questionnements existentiels » (Goebbels [1933] 1971 : 131). Partant, la correspondance sous le Troisième Reich ne doit plus obéir aux mêmes règles qu’auparavant. Comme l’explique un manuel d’écriture épistolaire : « […] le nouvel État est un État de communauté raciale [Volksgemeinschaft] ; le travailleur est de nos jours un membre de l’ensemble aussi important que le professeur ou le ministre1 ! » On recommande ainsi d’éviter le style fleuri, les longues formules de politesse, pour aller droit à l’essentiel : « la lettre d’aujourd’hui doit être claire, nette et concise2 ». La captatio benevolentiae comme la conclusio louangeuse sont inutiles, la narratio et la petitio réduites à leur plus stricte expression (voir Ettl 1984 : 177-183). Cette nouvelle manière d’écrire est bien plus qu’un simple changement formel. Elle procède de l’idéologie en vigueur.

  • 3 Pour des plus amples détails, je renvoie à mes travaux de ces dernières années et notamment : Vince (...)
  • 4 Lettre du 30 avril 1937 de la RSK à J. Willeke. Archives fédérales de Berlin : Barch R56-V/223.

3De même, l’arrivée au pouvoir des nazis n’a pas été sans effet sur l’évolution du roman policier (dit Krimi) en Allemagne. Sans pouvoir ici détailler notre propos3, rappelons que le Krimi, déjà populaire sous Weimar, a non seulement proliféré sous le Troisième Reich (avec près de 3 000 nouveaux titres paraissant entre 1933 et 1945), mais qu’il a été aussi le lieu d’un conflit idéologique – outil de la propagande nazie ou vecteur d’une contestation à mots couverts. Cette dissidence tient à plusieurs raisons. Premièrement : la progressive mise en place de l’appareil de contrôle culturel, débordé par la littérature de masse. La censure et la « Chambre de la littérature du Reich » (Reichschrifttumskammer – RSK) ne sont véritablement opérationnelles qu’au bout de deux ans, laissant le champ libre à une littérature de divertissement d’autant plus foisonnante que, de par son prétendu apolitisme, elle était devenue un refuge pour les auteurs en marge de la révolution nationale. Au demeurant, quand l’appareil de contrôle fonctionne à plein régime, il ne peut tout surveiller : la RSK peine à examiner les dossiers de chaque auteur, et encore plus à surveiller les 2 500 maisons d’édition, 6 000 librairies et 10 000 commerces ayant une activité annexe de librairie. À titre d’exemple, le bureau Rosenberg, sûrement l’office le plus zélé en la matière, atteint son meilleur rendement en 1939 en produisant 4 256 notes de lectures. Mais ce sont plus de 15 000 nouvelles publications qui paraissent en Allemagne cette année-là, et la tâche se complique quand les acteurs du marché du livre font preuve de mauvaise volonté. Conséquence de la polycratie si typique du Troisième Reich, les rivalités entre les instances de censure creusent quelques failles dans le système. Les éditeurs et les libraires s’y engouffrent et arguent de l’opacité des mesures d’interdiction quand ils sont pris à diffuser des ouvrages mis à l’index. Cette ignorance, feinte ou réelle, peut être le fait d’une micro-résistance quotidienne, comme l’attestent les mémoires du libraire Hans Benecke (1995), mais est aussi motivée par des préoccupations commerciales. Certains de ces livres se vendent bien : pourquoi ne pas tenter d’écouler le stock plutôt que de le remettre à perte aux autorités ? Ainsi, en 1937, soit deux ans après l’interdiction des Krimis de Michael Zwick, ses livres circulent encore : « En tant que référent à la chambre des libraires de votre district, vous devriez savoir que ces écrits sont indésirables », écrit la RSK à l’un de ses éminents membres de Coblence4.

4Deuxièmement : le relatif désintérêt du régime pour ce qui était considéré comme une production kitsch, indigne de frayer avec le national-socialisme. La littérature a certes été mise au pas mais la paralittérature a longtemps bénéficié d’une négligence censoriale. Il faut attendre la fin des années 1930 pour que les interdictions frappent plus durement le genre policier et que les nazis cherchent à l’embrigader. Et encore, la subversion est loin de disparaître. Les auteurs dissidents savent contourner la censure et écrire entre les lignes, apparentant le Krimi à ces écrits de l’« entre-deux-Reich » analysés par Heidrun et Erwin Roterrmund (1999).

  • 5 Voir Benecke (1995) et Platini (2014a : 93-140).

5Troisièmement : face à la Volksgemeinschaft rêvée par les nazis, se constitue en sous-main, de manière très disparate, une contre-communauté de lecture qui parvient à lire entre les lignes et à saisir les allusions subversives. Il serait trop long d’en détailler les modalités et d’en mentionner les traces souvent fragiles5. Disons simplement que le public, se sentant surveillé, peut aiguiser sa sagacité. Ces interprétations indociles peuvent être considérées comme des « lectures tremblées » (Platini 2014a : 116), c’est-à-dire débordant légèrement la lettre du texte, sous tension idéologique entre le sens prescrit et le sens décrypté, mais aussi résultant d’une fébrilité, d’une inquiétude qui pousse à relire, à voir double.

6Revenons désormais à l'épistolaire : que se passe-t-il lorsqu’une pratique d’écriture, censée refléter de nouvelles conventions, s’inscrit dans un genre littéraire qui interroge et parfois conteste la loi et l’ordre ? La lettre apparaît comme un outil privilégié mais particulièrement ambigu du Kriminalroman. Elle cristallise les tensions idéologiques dans la mesure où elle permet de diffuser des normes (énonciatives, mais aussi judiciaires, criminologiques) tout en donnant lieu à un certain nombre de décalages (du cadre spatio-temporel, des voix narratives, du lexique) qui sont autant d’opportunités pour la subversion. Plus encore, la forme épistolaire, parce qu’elle devient rapidement une tactique de résistance culturelle, va conférer à la lettre dans le roman policier un statut d’objet sulfureux qu’il s’agit de surveiller au plus près.

7Notre propos vise à explorer les ambiguïtés de la lettre au sein de quelques Krimis publiés sous le Troisième Reich – la lettre étant comprise aussi bien comme un mode de narration que comme un objet jouant un rôle important dans le déroulement de l’histoire. L’étude prend en considération des textes aux formes et aux orientations les plus diverses, parus chez des éditeurs bien distincts. La maison berlinoise Eden-Verlag suit une logique économique d’édition populaire, proposant dans des collections bon marché (les « 50-Pfg-Kriminal-Romane » par exemple) des textes d’auteurs classiques ou contemporains, proches ou non du régime, occasionnant certes une quinzaine d’interdictions mais constituant une production assez foisonnante et anodine pour que Michael Zwick puisse y publier une vingtaine de romans. La ligne de Hillger Verlag en revanche est beaucoup plus teintée de brun. Son fondateur Hermann Hillger (1865-1945) et Adolf Holzapfel, son successeur à la fin des années 1930, travaillent main dans la main avec les nazis, sachant conjuguer convictions idéologiques et opportunités commerciales. Avec l’entrée en guerre, la nécessité de produire une « saine » littérature de divertissement se faisant sentir, certains dirigeants – d’aucuns parlent de Goebbels – incitent la maison à se lancer dans le roman policier. Ce sont ainsi deux collections (« neuezeitlichen Kriminalromane » puis « Das Forum: Die deutsche Kriminalreihe ») qui accueillent en 1943-1944 des auteurs politiquement fiables, étroitement conseillés par les services de police et subventionnés par le régime (Platini 2014a : 271-274). Aux écrits embrigadés par les nazis et aux Krimis discrètement séditieux, s’ajoute un autre type de texte, à la fois clandestin et plus explicite : un tract de la résistance allemande reprenant les codes de la fiction épistolaire. Ces quelques feuilles volantes se situent entre dissimulation et révélation. Produit et distribué en secret, le texte n’a plus besoin de travestir son propos pour dénoncer le régime et revêt pourtant une forme fictionnelle. La visée, le registre et le statut diffèrent ici du reste du corpus, mais la sphère de références reste policière et l’auteur, Adam Kuckhoff, a lui-même publié peu de temps auparavant Strogany und die Vermißten (« Les disparus de Strogany », 1941), un Krimi à la subversion voilée et particulièrement mordante. Le tract étudié ici pourrait être considéré à la fois comme un prolongement et un cas-limite de la dissidence épistolaire. Cette extension du corpus en appellerait bien d’autres. Il faudrait par exemple étudier la fonction de la lettre dans les œuvres légales de Kuckhoff (ainsi, le père de Strogany laissant un mot avant de se suicider : « Mon fils payera mes dettes », Ibid. : 71) ou s’intéresser à d’autres médias comme les très nombreuses pièces radiophoniques de cette époque. Un tel travail dépasserait toutefois le cadre de cet article, qui ne cherche qu’à mettre en évidence les tensions idéologiques parcourant les lettres de quelques Krimis déjà suffisamment variés.

8Pour distinguer les normes et les divergences, il faut envisager d’une part les discours (sociaux, culturels, criminologiques, etc.) en vigueur sous le Troisième Reich et, d’autre part, les particularités formelles des textes étudiés, étant entendu qu’un écart esthétique peut cacher une dissension politique. Pour des raisons pratiques, le propos s’organise selon différents types – ou plutôt des aspects – de lettres. Évidemment, cette typologie n’est pas hermétique, plusieurs aspects pouvant coexister. Il s’agit surtout de voir comment chaque type peut se prêter à diverses utilisations idéologiques, voire à des renversements. Ainsi, la lettre peut être le signe d’un exil libérateur ou d’un bannissement hors du peuple allemand. Il peut également s’agir d’une lettre d’aveux qui acte la puissance policière ou qui, au contraire, accorde la parole aux criminels. Enfin, la lettre anonyme permet de dénoncer ouvertement les mensonges du régime ou, quand on la discrédite, conforter les illusions officielles.

Disparitions, exils

  • 6 Parmi les références les plus connues : Todorov (1966) et Rousset (1962).

9La lettre se situe toujours dans un entre-deux. Expression d’une absence, elle signifie et exorcise une séparation spatiale. En outre, elle place ses interlocuteurs dans une situation temporelle hétérogène. Le destinateur-narrateur à la première personne écrit à la fois ce qu’il est en train de ressentir en écrivant et ce qu’il a vécu, son histoire provoquant un décalage dans la narration – décalage qui sera renouvelé à la lecture de la lettre par son destinataire. La critique a largement exploré ces questions6. Toutefois, ces éléments prennent un relief particulier pour notre sujet. La lettre crée un pli dans le discours du Troisième Reich. Elle permet de narrer un crime qui est censé avoir disparu de la nouvelle Allemagne et assure finalement la survie du Krimi à travers un exil imaginaire.

  • 7 « Ihr paßt nicht mehr in die heutige Zeit und habt zu verschwinden! » (Daluege 1936 : 20).

10Ce bannissement est d’abord l’effet d’un bouleversement du monde interlope. En effet, l’avènement du Reich s’accompagne d’une lutte féroce contre le crime, se voulant une démonstration de force après le prétendu laxisme de la République. La police multiplie les razzias contre la pègre, en particulier entre mai et octobre 1933 puis en mars-avril 1937. Les méthodes expéditives sont encouragées par la hiérarchie et le pouvoir fourbit son arsenal juridique. Avec la loi du 24 novembre 1933 sur les « criminels par habitude », les policiers ont le droit de procéder à des détentions préventives à durée illimitée pour obtenir des aveux, tandis que les peines de prison s’alourdissent sensiblement pour les récidivistes. Au total, c’est entre 70 000 et 80 000 criminels qui auraient été placés dans des camps de concentration par la Kriminalpolizei (Wagner 1996 : 9). Les bas-fonds qui faisaient les délices du public de Weimar (qu’on se souvienne de M de Fritz Lang) tendent à se résorber. Les associations criminelles (Vereine) si typiques du Berlin des années 1920 sont dissoutes par le décret du 28 février 1933 sur « la protection du peuple et de l’État ». Le chef de la police, Kurt Daluege, résume bien la situation quand, dans un ouvrage de propagande, il déclare à la pègre : « Vous ne cadrez plus avec l’époque d’aujourd’hui ! Il ne vous reste plus qu’à disparaître7 ! »

  • 8 « […] entspringt der Abneigung der Deutschen, Kapitalverbrechen in den Grenzen des eigenen Volkstum (...)
  • 9 « so ausgedehntes und wohlorganisiertes Untermenschentum wie ganz besonders in den Vereinigten Staa (...)

11Le succès de ce « combat d’extermination » (Vernichtungskampf) n’est pas sans poser problème au roman policier. Comment écrire un Krimi là où le crime est censé avoir disparu ? La solution la plus courante consiste en un exil du criminel. Ainsi, une part très importante des romans policiers du Troisième Reich ne se déroule pas sous le Troisième Reich, mais hors de ses frontières ou dans une Allemagne d’avant 1933. Le déplacement spatial est privilégié, ne serait-ce que pour se conformer à l’horizon d’attente d’un genre perçu comme essentiellement étranger. Au demeurant, cet exil peut aller dans le sens du discours officiel. Ainsi, un auteur assez renommé comme Edmund Finke explique que l’émigration du roman policier « découle de l’aversion des Allemands à laisser commettre un crime capital au sein de [leur] peuple, même si cela n’est que pure invention et littérature8 ». Ce déplacement corrobore l’idée que le criminel est toujours étranger à l’Allemagne, pays entouré de peuplades délinquantes. Il confirme aussi la supériorité du Reich sur les autres régimes occidentaux. Un critique se réjouit que « par manque de […] “liberté démocratique” », il ne puisse exister en Allemagne une « sous-humanité aussi répandue et aussi organisée qu’aux États-Unis en particulier9 ».

  • 10 La chambre de la culture du Reich (Reichskulturkammer), dont dépend la RSK, est créée le 22 septemb (...)
  • 11 Archives fédérales de Berlin : Barch R56-V/79.

12Pour raconter un crime tout en signifiant la disparition de la pègre en Allemagne, certains auteurs vont transformer leur coupable en épistolier. Ce choix n’est pas étonnant. Au moins depuis Ovide, la lettre est l’expression privilégiée de l’exil. La tradition est d’autant plus vivace en Allemagne avec la correspondance des nombreux émigrés, partis après la révolution de 1848 et plus encore après 1933, racontant à leurs compatriotes leurs difficultés et leurs nouvelles libertés dans leur pays d’accueil. Cette pratique épistolaire est déjà évoquée dans Die Spur im Hafen (La Piste du port, 1936), le Krimi qui s’est certainement le mieux vendu sous le Troisième Reich et qui se déroule durant la Märzrevolution. Mais c’est plus certainement un auteur comme Michael Zwick qui fait des lettres d’exil l’emploi le plus frappant. Zwick n’a fait qu’une brève carrière sous le Troisième Reich. Son affiliation à la RSK10, obligatoire pour publier en Allemagne, lui est refusée le 19 juillet 193511. En effet : Zwick est juif, plus exactement letton, né à Libau en 1893 avant d’émigrer à Berlin (Menzel 1939 : 8). S’il ne publie plus rien par la suite, il reste l’auteur d’une vingtaine de Krimis dont certains figureront parmi les premiers romans policiers à paraître sur les listes d’interdiction. En effet, l’irrévérence y est sensible. Dans 8 Minuten, l’un de ses recueils de nouvelles, Zwick prête la plume à plusieurs de ses criminels. Les coupables de Die kleine Gefälligkeit (« La petite faveur ») et Eine Gewissenbeichte (« Une confession ») envoient une lettre aux policiers chargés de l’enquête pour avouer, respectivement, un cambriolage et un assassinat (Zwick 1934). Ils les affranchissent d’autant plus volontiers qu’ils se trouvent désormais à l’étranger et prennent soin de rappeler l’éloignement spatio-temporel entre destinateur et destinataire. Eine Gewissenbeichte joue particulièrement de ce poncif épistolaire, la nouvelle commençant ainsi :

  • 12 « Herr Polizeipräsident! Heute, wo ich mich in völliger Sicherheit befinde, wo Meere, Berge und Täl (...)

Cher Monsieur le Préfet de police,
Maintenant que je suis en parfaite sécurité, maintenant que mers, monts et vaux nous séparent, je puis me permettre de vous parler franchement car… je vous suis désormais inaccessible [unerreichbar]. Ne vous donnez pas la peine de me poursuivre à partir du timbre collé sur cette enveloppe. Au moment où j’écris, vous ne recevrez ces lignes que dans huit jours. Il me reste donc assez de temps pour échapper à l’acuité de votre œil policier – si puissant par ailleurs. Ne cherchez pas à me rejoindre, ce serait une regrettable perte de temps12. (Eine Gewissenbeichte : 118)

13Heute, wo… : la tournure est grammaticalement courante et toutefois remarquable. L’adverbe de temps est répété pour introduire, en parallèle, deux relatives compléments de lieu. Le « maintenant » de l’énonciation est ainsi supporté par la distance géographique. Sans elle, il ne pourrait y avoir une prise de parole au présent. L’espace creuse le décalage temporel entre l’écriture et la lecture. Les traditionnelles lamentations quant à la séparation des correspondants et les non moins habituelles exhortations à se rejoindre sont prises à contre-pied – de même que les demandes d’une prompte réponse. Ici, le destinateur ne souhaite ni dialogue ni retrouvailles avec son destinataire. Le jeu de mots sur unerreichbar signifiant aussi bien « injoignable » que « hors de portée » résume la situation d’écriture : la distance garantit l’impunité du scripteur. La puissance policière n’est absolument pas contestée, mais évitée ; elle s’impose « par ailleurs », c’est-à-dire en Allemagne, et détermine ainsi les conditions d’énonciation de cette nouvelle. Le crime ne peut se dire que de loin car la police est désormais implacable et l’ironie de ce texte est teintée d’amertume : resté à Berlin Zwick, dont on perd la trace après 1941, ne pouvait s’exiler que par l’écriture.

Lettres allemandes, lettres de l’étranger

  • 13 « der offenbar nach 1933 hatte aus dem Amt scheiden müssen ».
  • 14 « das Scheusal müssen sie kriejen und dann gleich kalt machen. Das sag ich als deutsche Frau und Mu (...)

14Inversement, les lettres adressées aux policiers et venant d’Allemagne doivent mettre en évidence le lien qui unit le régime à la communauté du peuple – motif rebattu par la propagande. C’est le principal argument des tenants du « bon » Krimi allemand, qui se déroulerait sur le territoire du Reich : il faut rapatrier la figure policière afin de glorifier son combat contre le crime et sa proximité avec le peuple. Axel Alt, de son vrai nom Wilhelm Ihde, dirigeant de la RSK, place délibérément son roman policier dans la ville de Berlin. Comme il l’explique dans sa préface, il s’agit de restituer le contexte « social » du crime, c’est-à-dire de montrer que le crime se fait toujours à l’encontre de toute la communauté (Alt 1944 : 5-6). D’un côté, le coupable, de l’autre, la police et le vrai peuple allemand. Ainsi, le commissaire Übersfeld, chargé de l’enquête sur un tueur en série en appelle à l’aide du public et reçoit de nombreuses lettres. Dans un chapitre consacré au dépouillement de son courrier, il fait rapidement le tri parmi ses interlocuteurs : ici, la lettre anonyme, pleine de reproches, d’un juriste « qui apparemment avait dû se retirer de ses fonctions en 193313 » (Ibid. : 67) ; là, les conseils abscons d’un logicien qui confond travail policier et ratiocination ; enfin, la lettre de soutien d’une femme du peuple : « Ce monstre, faut l’attraper et le zigouiller direct. Je vous le dis comme femme allemande et mère de deux enfants, et aussi pour notre Führer : parce que sinon, on va où en Allemagne14 ? » (Ibid. : 76). Le ton est exagérément populaire, détonnant dans un Krimi qui se veut d’un style soigné, mais on sait que la langue du Troisième Reich affecte de parler comme la plèbe (Klemperer [1975] 1996 : 301) et, finalement, ce changement de registre acte la légitimation populiste de la police et clôt les lectures du commissaire.

  • 15 « kein Grundrecht liberalistischer Prägung mehr » (Ohnesorge 1939 : 71).
  • 16 « Ausdruck des Vertrauens der Staatsführung zum Volk wie der Volksgenossen zum Staat. » (Fritz 1938 (...)

15L’harmonie entre l’institution policière et la communauté allemande trouve donc son symbole dans le courrier qui circule dans le Reich, à plus forte raison quand les enquêteurs s’immiscent dans la correspondance des particuliers pour rétablir une entente menacée. C’est le cas dans Anlage 27 (« L’Annexe 27 ») de Zinn, parue en 1944 chez Hillger et qui narre la zizanie causée par des lettres anonymes dans une petite ville allemande. Il pourrait ne s’agir que de canulars, mais rapidement la police intervient : « ce genre de lettre relève de l’intérêt public », explique le commissaire (Zinn 1944 : 5). En effet, dans le discours nazi, la poste est garante de l’épanouissement des liens interpersonnels qui se forment par l’écriture et la lecture, l’emploi d’une même langue par les membres d’une même nation. Selon le ministre de la Reichspost, Wilhelm Ohnesorge ([1936] 1937 : 18 et suiv.), elle a un « devoir culturel ». Que ce lien communautaire soit attaqué et la police intervient. Le secret épistolaire, déjà aboli de facto par le décret du 28 février 1933, est considéré par les juristes et Ohnesorge non plus comme un « droit fondamental empreint de libéralisme15 » mais comme une simple faveur, « l’expression de la confiance du gouvernement envers le peuple et des compatriotes allemands envers l’État16 ». Et c’est bien toute l’histoire de Anlage 27 : une confiance trahie qui empêche l’union de jeunes gens et qui perturbe toute la communauté. Le corbeau est un amoureux déçu qui cherche à nuire aux fiancés et aux notables bien établis, en falsifiant des lettres intimes, des décisions de justice ou des convocations officielles. La confidentialité n’a alors plus lieu d’être et la surveillance peut s’exercer au nom du peuple. En plus de mettre la main sur le criminel, les enquêteurs ont ici à charge de restaurer la foi dans les lettres que s’envoient les membres de la communauté – en distinguant la vraie correspondance du peuple et celle du fauteur de troubles.

  • 17 « Wie es Blutgruppen gäbe, so seien auch Schriftgruppen vorhanden, doch lasse sich aus diesem mit t (...)
  • 18 « [er vermochte] ein Gefühl des Mißbehagen in der Nähe dieses parfümierten […] Menschen nicht zu un (...)

16Au demeurant, celui-ci n’appartient pas vraiment à la communauté, on le décrit « brouillé avec tout son entourage », incapable d’une relation amoureuse. C’est un exclu. Un soupçon d’étrangeté pèse sur lui, notamment lorsque son écriture est essentialisée par les experts de la police : « De même qu’il y a différents groupes sanguins, de même il existe des groupes scripturaux, qui permettent de déterminer l’identité d’un individu avec une certitude mortelle17. » Le parallèle racial n’est toutefois qu’esquissé dans Anlage 27, contrairement à Briefe in grauen Umschlägen (« Lettres dans enveloppes grises ») de Johanna Bernitt. Publié en 1944, toujours chez Hillger, ce roman traite aussi de lettres anonymes, mais expédiées par un Juif. Les envois semblent n’être que de simples invitations à un salon de couture. Mais leur seule présence suffit à causer le trouble, à l’instar du Juif qui sous des dehors anodins corrompt la société par sa seule existence. Le parallèle antisémite est très clair quand le commissaire rencontre le gandin Pollack dont il trouve les manières « dégoûtantes » (abscheulich), et qu’il ne peut « contenir un sentiment de malaise auprès de cet homme parfumé […] ». Peu après, la femme de chambre de la disparue, une saine Allemande, a la même réaction quand elle voit les élégantes invitations que recevait sa maîtresse : « son visage eut une expression de dégoût [Abscheu]18 ». Qu’il s’agisse de la lettre ou de son auteur, la réaction face à cet élément étranger est viscérale. C’est presque une abjection devant ce qui doit être expulsé du corps du peuple. La lettre marque bel et bien le bannissement et a fortiori l’appartenance à la communauté raciale.

  • 19 « Schließlich ist es auch gut für Sie zu erfahren, was die Heimat empfindet und denkt. » (Sieg et K (...)

17Toutefois, certains auteurs parviennent à retourner aux dépens des nazis ce lien épistolaire entre le peuple et la police. Dans un tract diffusé clandestinement en 1942 par la résistance intérieure, un policier allemand fictif écrit une Lettre ouverte dénonçant les crimes de guerre nazis à l’un de ses collègues, nommé capitaine sur le front de l’Est. La perspective géographique est donc inversée. Le destinataire se trouve hors d’Allemagne et ce capitaine de police ne fait pas corps avec le peuple. Au contraire, il en est séparé et son correspondant, qui va passer à l’ennemi pour rester fidèle à son idéal de justice, finit son épître ainsi : « […] il serait bon que vous sachiez, vous aussi, ce qu’éprouve et pense la patrie. […] ce qu’elle attend de celui qui prétend être un bon Allemand19 ». La lettre ne lie plus le peuple et la police nazie, elle les distingue radicalement dans cette péroraison. Un fossé irréductible se creuse entre le « bon Allemand » et les partisans d’Hitler. Après avoir évoqué les comptes que les criminels auraient bientôt à rendre et les dangers qui les guettaient désormais, le narrateur prend soin d’adresser un Leben Sie wohl… (« Bon vent et adieu… ») aussi ironique que définitif.

Des aveux spontanés

  • 20 « [die] Aufgabe: dem Verbrecher das Geständnis abzuringen » (Bernitt 1944 : 79).

18Autre fonction récurrente des lettres dans les Krimis : se confesser. Presque consubstantiel à la forme épistolaire, l’aveu s’inscrit en outre dans une stratégie de contrôle social, et ce, d’autant plus que depuis le milieu du xixe siècle les institutions policières encouragent les criminels à se confesser par écrit (voir Foucault 1976 : 76-94 et Artières 2013). Le Troisième Reich ne fait pas exception. Il est impérieusement « avouant ». Il y a une sorte d’obligation du mea culpa dans le Krimi. Pour un pouvoir qui veut s’imposer absolument, l’aveu est une pièce maîtresse de son argumentaire, « la preuve par excellence » dit un criminologue (Schneickert 1940 : 200). On le voit avec les mesures d’internement préventif et d’interrogatoire : la police cherche l’aveu coûte que coûte. Ainsi, dans Briefe in grauen Umschlägen par exemple, le commissaire Auersperg dispose de suffisamment de preuves, mais il continue les interrogatoires car sa « mission » est d’« arracher sa confession au criminel20 ».

  • 21 « Ich wage niemand unter die Augen zu treten. » (Ibid. : 70).
  • 22 Voir Foucault (1976 : 82) : « Par la structure de pouvoir qui lui est immanente, le discours de l’a (...)
  • 23 « Ich muß zu jemand sprechen – ich muß! – Und sei es nur auf diesem stummen, fühllosen Bogen Papier (...)
  • 24 « Mein Verstand warnte, aber meine Sinne schrien nach ihm. Mein Blut hatte mich aus dumpfen Schlaf (...)
  • 25 « Raubtier » (Ibid. : 68) ; « wundes Tier » (71).
  • 26 « das fleischgewordene Prinzip des Bösen » ; « Vernichtungswillen » (Ibid. : 65).

19L’aveu épistolaire ne viendra toutefois pas du juif Pollack, mais de sa victime qui avait pris soin de rédiger une lettre avant de se suicider. Il s’agit d’une confession solitaire, spontanée. La lettre qu’elle envoie à sa cousine ne fait qu’accompagner le journal intime que Jessika s’adresse à elle-même, cette imbrication répondant à deux élans contradictoires, l’un de pudeur (« Je n’ose apparaître aux yeux de personne21 »), l’autre d’une pulsion avouante22 : « Il faut que je parle à quelqu’un – il le faut ! – quand bien même ce ne serait qu’à ces pages muettes et insensibles…23 » Sa monodie d’amoureuse bafouée rappelle que la forme épistolaire épouse les mouvements du cœur, de ses contradictions, qu’elle permet à la fois de raconter les événements de l’histoire et de « [rendre] compte soi-même de sa situation actuelle, ce qui fait plus sentir les passions que tous les récits qu’on en pourrait faire » (Montesquieu [1754] 1946 : 129). De là, une tendance au monologue intérieur dans cette confession, des ellipses logiques, des sauts de page mimant les sautes d’humeur, des passages impromptus du passé au présent de narration mais surtout une tension constante entre le corps, la raison et la volonté de l’auteure. Rendue dépendante à la drogue, elle se livre corps et âme à son bourreau : « Ma raison m’avertit, mais mes sens l’appelaient en criant. Mon sang m’a réveillé d’un lourd sommeil pour me plonger dans la fournaise du monde sensuel24. » Le lexique de la sensualité est mis au service des théories racistes – un Juif corrompt le sang d’une Allemande – et se transforme bientôt en registre de l’animalité, Pollack étant une « bête de proie » et Jessika se désignant comme « un animal blessé25 ». En effet, la volonté – prenant racine dans le corps et conçue comme un instinct biologique – constitue l’alpha et l’oméga de la pensée pénale nazie. Au fil des ans et notamment avec l’entrée en guerre, se met en place une sorte de Willensstrafrecht (« droit pénal de la volonté ») du pouvoir jugeant la mauvaise volonté du criminel (sa Böswilligkeit) plutôt que le crime. Jessika, empoisonnée, se décrit comme « sans volonté » (willenlos) tandis que son bourreau « veut, ordonne » sans cesse. Il est « l’incarnation d’un principe maléfique » mû par une « volonté de destruction26 ».

  • 27 « Geschriebene Geständnisse wirkten albern, behauptete er. » (Ibid. : 69).
  • 28 « Sehr geehrter Herr Kommissar! […] Weil ich Ihre Fähigkeit und Geschicklichkeit schätze und da Sie (...)
  • 29 « Sie zu meinem Mitwisser zu machen. » (Zwick 1944 : 127).
  • 30 LTI est un acronyme pour Lingua Tertii Imperii, la « langue du Troisième Reich » étudiée par le phi (...)
  • 31 « die der Blutrache verschiedener Völker verwandt ist » (Zwick 1944 : 120)

20La confession épistolaire est plus inattendue quand le criminel s’y livre spontanément alors que le Krimi du Reich tend à éclipser ce type de personnage. On veut soutirer des aveux, mais certainement pas éveiller la sympathie du lecteur. L’esprit du criminel doit rester étranger, opaque. Pollack refuse ainsi d’écrire la moindre lettre amoureuse à Jessika : « Les confessions écrites sonnent niaiseuses, prétendait-il27. » Inversement, les criminels de Zwick prennent spontanément la plume et renversent les relations de pouvoir. Désormais « injoignables », ils placent le policier en position de destinataire forcé au silence. Un cambrioleur commence ainsi sa lettre : « Très cher Monsieur le Commissaire, […] Comme j’apprécie votre compétence et votre adresse, et puisque vous m’avez traité tout à fait humainement lors de mes deux arrestations, j’estime qu’il est de mon devoir de m’acquitter envers vous28. » Au vu des manuels épistolaires recommandant la plus grande simplicité pour s’adresser à l’administration (Ettl 1984 : 178), ces détours polis sont ironiques. Le truand use d’un registre de langue élevé et d’une cadence majeure pour donner toute sa saveur à la chute : revanchieren signifie « s’acquitter » mais aussi « se venger ». Plus encore, la narration à la première personne entraîne le destinataire – donc le public – du côté du criminel. L’assassin d’Eine Gewissenbeichte décide « de faire de vous son complice29 » et de raconter comment je est revenu d’exil pour tuer celui qui a spolié sa famille, un certain Walter Sturm. Ce nom n’est pas anodin sous la plume de Zwick : Sturm (« tempête, assaut ») est un mot-clé de la LTI30, évoquant les Sturmabteilungen (SA) ou Der Stürmer, le quotidien antisémite de Julius Streicher. Au demeurant, le narrateur affirme mener une vengeance, « qui s’apparente à la vengeance de sang de certains peuples31 » : de manière discrète, la réappropriation du vocabulaire biologique permet à l’écrivain juif de prendre sa revanche contre l’oppresseur. En assassinant ce vocable, le narrateur se permet d’écrire l’impensable et, plus encore, révèle au préfet de police comment il a camouflé son meurtre : tout simplement en laissant une lettre trompeuse derrière lui.

Lettres anonymes et vérité

  • 32 « Ich werde dabei an ein ebenso komisches wie aufschlußreiches Erlebnis von 1932 erinnert. » (Sieg (...)
  • 33 Ibid. : 379.
  • 34 « Denken Sie an Clausewitz. Denken Sie an die preußische Praxis von 1812. An Gneisenau. » (Ibid.)

21Cette réappropriation du lexique et des motifs du discours nazi devient redoutable dans le tract intitulé « Lettre ouverte au front de l’Est » et envoyé anonymement aux troupes combattantes par le groupe de résistance « L’orchestre rouge » en 1942. Écrite par John Sieg et Adam Kuckhoff, cette lettre parce qu’elle n’est pas signée se permet de dire la vérité cachée par le régime – de manière d’autant plus crédible que le pacte de lecture et la distribution de cet écrit diffèrent de ceux du Krimi : la fiction se donne ici comme un document réel que les lecteurs reçoivent dans leur courrier, comme par erreur et comme s’ils surprenaient la correspondance de deux véritables policiers. Tout le propos de la lettre vise à révéler aux lecteurs les crimes commis par les troupes allemandes contre la population civile de l’URSS. Or, plutôt que d’adopter un registre informatif ou d’apparence objective, la lettre va narrer des histoires, des anecdotes s’imbriquant les unes aux autres, le narrateur s’imaginant même à la place des combattants russes défendant leur patrie. Ce choix de la fiction s’explique, entre autres, par l’omniprésence du mensonge dans le discours du Reich. La lettre dénonce à plusieurs reprises les affabulations de la propagande. Le destinateur narre comment les agents de Goebbels sillonnent les routes déguisés en permissionnaires pour raconter aux civils les crimes de guerre commis par les Russes – exacte antithèse de cette Lettre ouverte. « À ce propos, je vais évoquer une histoire qui m’est arrivée, aussi cocasse que révélatrice32 », enchaîne alors l’expéditeur pour démentir ces allégations : la fiction se fait donc contre la calomnie, les éléments de propagande sont retournés contre le régime. En effet, la lettre est remplie de confessions, mais ce sont celles des policiers revenus du front, torturés par le remords des crimes commis. Des hommes sont comparés à des bêtes et à des dégénérés, mais il s’agit là des soldats nazis et de ce « crétin sanguinaire d’Himmler33 ». Les francs-tireurs soviétiques, décriés comme de lâches sous-hommes par la propagande, sont vus comme des patriotes, dignes héritiers des résistants allemands des guerres napoléoniennes. « Pensez à Clausewitz. Pensez à la tactique prussienne de 1812. Pensez à Gneisenau34 », exhorte le destinateur. Ce parallèle est fréquent chez les opposants au régime : ainsi la Deutsche Rundschau, journal discrètement contestataire, a déjà publié en mars 1940 un article composé de lettres de Gneisenau dont la portée critique ne peut échapper au lecteur attentif. Mais au-delà de la référence historique, c’est une véritable tactique de guérilla littéraire, inspirée par les traités militaires des deux généraux, qui est ici à l’œuvre. On évolue en terrain discursif ennemi, on retourne ses armes et ses installations contre lui : en effet, les motifs et le lexique que mobilise la Lettre ouverte ne seraient pas aussi efficaces, aussi évocateurs pour le public allemand, si la propagande nazie ne les avait pas martelés auparavant.

  • 35  « Alle Briefe, die unfrankiert sind oder deren Absender nicht einwandfrei feststeht, bleiben gesch (...)
  • 36 Voir notamment Mannoni (1969).

22Sieg et Kuckhoff ne sont pas les seuls à envoyer des lettres anonymes contre le régime. Ces libelles ou Flugblätter deviennent un mode privilégié de résistance, qu’ils soient le fait de groupes constitués tels que la « Rose blanche » ou de simples particuliers – comme le couple Hampel dont Hans Fallada a relaté l’histoire dans Seuls dans Berlin (1947). La réplique nazie ne se fait pas attendre. Outre l’arrestation et l’exécution des membres de la weiße Rose et de la Rote Kapelle, la surveillance se renforce dans les postes et autour des boîtes à lettres. Au sein des Krimis, la lettre anonyme va offrir une prise singulière au pouvoir. Dans Anlage 27, « on ne répétera jamais assez » la consigne des policiers au public : « Toutes les lettres qui ne sont pas affranchies ou dont l’expéditeur n’est pas clairement indiqué doivent rester fermées. Vous les remettez de suite à la police. […] Et silence absolu35 ! » Face à l’ambivalence de cette littérature, mieux vaut encore couper court à toute lecture. Ces lettres sont indignes d’être lues ; au demeurant, elles se révèlent mensongères. Les histoires racontées par le corbeau s’avèrent inventées de toutes pièces et, partant, elles accréditent la réalité extra-épistolaire selon un processus bien connu : si l’on présente un récit dans le récit et que ce fragment est donné comme fictionnel, alors le récit qui l’encadre sera d’autant plus crédible36. Puisque l’histoire annexe est illusoire, la diégèse principale le semble moins. De fait, les apparences un instant remises en cause par les lettres anonymes sont finalement confortées par le roman : en vérité, il n’y a pas de secret, rien de terrible à divulguer dans cette Allemagne qui se porte pour le mieux. La révélation policière est pour ainsi dire avortée par le Krimi.

23C’est particulièrement intéressant si l’on considère la fonction lénifiante de ces romans. Parue en 1944, l’Anlage 27 ne fait jamais allusion aux destructions de la guerre. Entre l’objet du récit et sa situation historique, le contraste est frappant. Le texte ne renvoie pas à une réalité, mais à une normalité – à une Allemagne préservée du conflit. D’un bout à l’autre du Reich, les services de l’État fonctionnent à plein régime. La distribution du courrier par exemple, les mises en relation téléphoniques, les télégrammes, les pneumatiques occupent une telle place dans ce roman que l’Anlage 27 pourrait être qualifiée de Krimi postal. En vantant l’efficacité des moyens de communication, il s’agit d’affirmer le contrôle de l’espace alors que les alliés pénètrent en Allemagne le 10 septembre 1944. Plus largement, les nazis ont depuis longtemps reconnu l’importance de cette administration. De l’aveu même de son ministre, Wilhelm Ohnesorge ([1936] 1937 : 8), la poste est considérée comme un gigantesque « instrument de pouvoir » assurant la cohésion du territoire. Un détail attire encore notre attention et celle des enquêteurs : l’absence systématique de timbre sur les lettres anonymes de l’Anlage 27. Cette lacune s’explique à plusieurs égards. D’un point de vue pratique, le coupable argue de difficultés matérielles et veut empêcher que l’on remonte à lui. D’un point de vue symbolique, rappelons que les timbres sont partie intégrante de la propagande (Martens 1989), Hitler percevant même un droit sur la reproduction de son image. Le 5 avril 1937 sort ainsi la première série à l’effigie du dictateur, qui alimente le « fond culturel du Führer ». Les célébrations philatéliques iront en se multipliant après 1940. Refuser d’affranchir une lettre n’est donc pas anodin. C’est s’écarter des représentations de propagande et s’exclure de la communauté idéologique. Car les timbres adhèrent à la vision du monde nazie, quitte à nier la réalité. Dans les dernières années de guerre, leurs images montrent une force aérienne qui n’existe plus ou dépeignent de resplendissantes villes allemandes qui ont pourtant été rasées par les bombardements. Autrement dit, elles reproduisent en miniature ce que s’emploie à raconter L’Annexe 27 : un Reich où tout va bien et qui s’obstine à nier sa propre mort.

* * *

  • 37 « Würde ich Ihnen sonst schreiben, wenn ich nicht annähme, daß Sie die Fähigkeit und den Mutnocht v (...)

24À la fois dénonciation et confession, signe d’exil criminel ou victoire policière, révélant l’horreur nazie ou déformant la réalité, la lettre est une arme à double tranchant dans le Krimi du Troisième Reich. Elle participe de ce que Foucault appelait la « polyvalence tactique des discours » (1976 : 132-135). Toutefois, au-delà de la dichotomie entre le pouvoir et la résistance, il faudrait noter que ces lettres, malgré l’anonymat ou la fuite de l’expéditeur, ne cessent jamais de se répondre, d’un roman à l’autre, à travers les retournements de leurs motifs. Une correspondance s’établit sur le champ de bataille idéologique. La communication n’a jamais été rompue. Ainsi, le policier de la Lettre ouverte, avant de blâmer son destinataire, tente une dernière captatio : « Vous écrirais-je si je pensais que vous avez perdu la force et le courage d’obéir à votre conscience37 ? »

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Bibliographie

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Œuvres citées

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Zinn (pseudonyme de Wilhelm Zimmermann), 1944, Anlage 27, Berlin, Leipzig, H. Hillger.

Zwick, Michael, 1934, 8 Minuten und andere Kriminalfälle, Berlin, Eden.

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Notes

1 « Machen wir uns doch endlich klar, daß unser neuer Staat ein Staat der Volksgemeinschaft ist: Daß der Arbeiter heute als genau so wichtiges Glied des Ganzen gilt wie der Professor oder der Minister! » (Curt Elwenspoek 1936 : 33).

2 « Klar, kurz und bündig soll der Brief von heute sein. » (Volkland 1941 : 10).

3 Pour des plus amples détails, je renvoie à mes travaux de ces dernières années et notamment : Vincent Platini, Lire, s’évader, résister. Essai sur la culture de masse sous le IIIe Reich (2014a). Par ailleurs, la traduction française de nombreux textes cités dans cet article est parue dans Krimi. Une anthologie du récit policier sous le Troisième Reich (2014b). Concernant les rapports du Krimi de cette période avec la production anglo-saxonne en particulier, voir Platini (2012).

4 Lettre du 30 avril 1937 de la RSK à J. Willeke. Archives fédérales de Berlin : Barch R56-V/223.

5 Voir Benecke (1995) et Platini (2014a : 93-140).

6 Parmi les références les plus connues : Todorov (1966) et Rousset (1962).

7 « Ihr paßt nicht mehr in die heutige Zeit und habt zu verschwinden! » (Daluege 1936 : 20).

8 « […] entspringt der Abneigung der Deutschen, Kapitalverbrechen in den Grenzen des eigenen Volkstums spielen zu lassen, auch dann, wenn sie bloß erfunden und erdichtet sind » (Edmund Finke 1939 : 334).

9 « so ausgedehntes und wohlorganisiertes Untermenschentum wie ganz besonders in den Vereinigten Staaten » (Diehl 1939 : 24).

10 La chambre de la culture du Reich (Reichskulturkammer), dont dépend la RSK, est créée le 22 septembre 1933. Tout professionnel du secteur culturel désirant continuer à exercer son métier en Allemagne doit y adhérer. Les chambres se réservent bien entendu le droit de refuser la candidature de tous ceux qui ne correspondent pas aux critères raciaux et politiques du régime, excluant de fait tout « déviant » de la scène culturelle.

11 Archives fédérales de Berlin : Barch R56-V/79.

12 « Herr Polizeipräsident! Heute, wo ich mich in völliger Sicherheit befinde, wo Meere, Berge und Täler zwischen uns liegen, darf ich es mir erlauben, aufrichtig mit Ihnen zu reden, denn… ich bin für Sie unerreichbar. Bemühen Sie sich nicht etwa, mich nach dem Poststempel auf dem Briefumschlag zu suchen. Meine Zeilen erhalten Sie erst acht Tage nach ihrer Niederschrift. Es steht mir also genügend Zeit zur Verfügung um den Bannkreis Ihrer sonst so scharfen Augen zu entfliehen. Suchen Sie mich nicht, es wäre schade um die unnütz vergeudete Zeit. »

13 « der offenbar nach 1933 hatte aus dem Amt scheiden müssen ».

14 « das Scheusal müssen sie kriejen und dann gleich kalt machen. Das sag ich als deutsche Frau und Mutter von zwei Kindern und auch wejen unsern Führer, denn wo sollen wir den sonst in Deutschland hin? »

15 « kein Grundrecht liberalistischer Prägung mehr » (Ohnesorge 1939 : 71).

16 « Ausdruck des Vertrauens der Staatsführung zum Volk wie der Volksgenossen zum Staat. » (Fritz 1938 : 189, cit. dans Postler 1991 : 198).

17 « Wie es Blutgruppen gäbe, so seien auch Schriftgruppen vorhanden, doch lasse sich aus diesem mit tödlicher Sicherheit das Individuum nachweisen. » (Zinn 1944 : 64).

18 « [er vermochte] ein Gefühl des Mißbehagen in der Nähe dieses parfümierten […] Menschen nicht zu unterdrücken » ; « ihr Gesicht hatte einen Ausdruck von Abscheu » (Bernitt 1944 : 24-25).

19 « Schließlich ist es auch gut für Sie zu erfahren, was die Heimat empfindet und denkt. » (Sieg et Kuckhoff 1970 : 383).

20 « [die] Aufgabe: dem Verbrecher das Geständnis abzuringen » (Bernitt 1944 : 79).

21 « Ich wage niemand unter die Augen zu treten. » (Ibid. : 70).

22 Voir Foucault (1976 : 82) : « Par la structure de pouvoir qui lui est immanente, le discours de l’aveu ne saurait venir d’en haut, […] mais d’en bas, comme une parole requise, obligée, faisant sauter par quelque contrainte impérieuse les sceaux de la retenue et de l’oubli. »

23 « Ich muß zu jemand sprechen – ich muß! – Und sei es nur auf diesem stummen, fühllosen Bogen Papier… » (Bernitt 1944 : 67).

24 « Mein Verstand warnte, aber meine Sinne schrien nach ihm. Mein Blut hatte mich aus dumpfen Schlaf herausgerissen in die lodernde Welt der Sinne. » (Bernitt 1944 : 67).

25 « Raubtier » (Ibid. : 68) ; « wundes Tier » (71).

26 « das fleischgewordene Prinzip des Bösen » ; « Vernichtungswillen » (Ibid. : 65).

27 « Geschriebene Geständnisse wirkten albern, behauptete er. » (Ibid. : 69).

28 « Sehr geehrter Herr Kommissar! […] Weil ich Ihre Fähigkeit und Geschicklichkeit schätze und da Sie mich bei den beiden Verhaftungen durchaus menschlich behandelt haben, so betrachte ich es als meine Pflicht, mich zu revanchieren » (Zwick 1944 : 225).

29 « Sie zu meinem Mitwisser zu machen. » (Zwick 1944 : 127).

30 LTI est un acronyme pour Lingua Tertii Imperii, la « langue du Troisième Reich » étudiée par le philologue Viktor Klemperer dans son journal de travail écrit sous la dictature.

31 « die der Blutrache verschiedener Völker verwandt ist » (Zwick 1944 : 120)

32 « Ich werde dabei an ein ebenso komisches wie aufschlußreiches Erlebnis von 1932 erinnert. » (Sieg et Kuckhoff [1942] 1970 : 382).

33 Ibid. : 379.

34 « Denken Sie an Clausewitz. Denken Sie an die preußische Praxis von 1812. An Gneisenau. » (Ibid.)

35  « Alle Briefe, die unfrankiert sind oder deren Absender nicht einwandfrei feststeht, bleiben geschlossen. Sofort zur Kriminalpolizei damit. Es kann nicht oft genug gesagt werden. Außderdem strengstes Stillschweigen! » (Zinn 1944 : 34).

36 Voir notamment Mannoni (1969).

37 « Würde ich Ihnen sonst schreiben, wenn ich nicht annähme, daß Sie die Fähigkeit und den Mutnocht verloren haben, dem Zwang des Gewissens zu folgen […]? » (Sieg et Kuckhoff [1942] 1970 : 376).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Vincent Platini, « « Je vous suis inaccessible » : lettres et romans policiers sous le Troisième Reich (1933-1945) »Itinéraires [En ligne], 2014-3 | 2015, mis en ligne le 25 septembre 2015, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/2607 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.2607

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Auteur

Vincent Platini

Westfälische Wilhelms-Universität Münster, Université Paris-Sorbonne, Centre de recherche en littérature comparée (EA 4510)

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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