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AccueilNuméros2010-1Dossier « Vies possibles, vies ro...De la vie idéale aux vies possibles

Dossier « Vies possibles, vies romanesques »

De la vie idéale aux vies possibles

Isabelle Daunais
p. 19-30

Résumés

Le roman tel que Lukács le définit jusqu’à Dostoïevski est caractérisé par un héros qui rêve d’une vie qu’il est capable de se représenter : pour ce héros, la vie idéale est une vie qui peut se projeter par l’intermédiaire de modèles d’exemplarité. Vers l’époque où Lukács, en écrivant La Théorie du Roman, prévoit l’extinction progressive de ce type de héros et, avec lui, la fin du genre, Jacques Rivière appelle de ses vœux la création d’un nouveau type de roman et d’une nouvelle race de héros. Pour Rivière, ce nouveau héros ne rêve pas d’une vie tracée d’avance mais d’une vie inconnue, ou, pour le dire autrement, d’une vie d’infinies possibilités. Cet article examine la manière dont ce changement de définition de la vie idéale devient immédiatement un événement de l’histoire du roman et une conséquence de la modernité. Le dernier roman de Flaubert, Bouvard et Pécuchet, sert d’illustration à cette transformation qui concerne la façon dont personnage et réalité sont tous deux définis.

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Texte intégral

  • 1  Georges Lukács, La Théorie du roman, trad. Jean Clairevoye, Paris, Gonthier, ­coll. « Médiations » (...)
  • 2Ibid., p. 109.

1Dans La Théorie du roman, Georg Lukács distingue deux façons pour le héros romanesque de se situer face au monde : ou bien le héros considère que son âme est plus « étroite » que le monde, à la conquête duquel il se lance alors afin de l’élargir ; ou bien il considère que c’est le monde qui est plus étroit, insuffisant, décevant et, de crainte que son âme ne « s’étréci[sse]1 » au contact de la société, il s’efforce de s’en détourner si ce n’est même de la fuir. Le premier cas de figure, comme on le sait, est ce que Lukács appelle l’idéalisme abstrait : le personnage aspire à une grandeur qui au départ lui fait défaut et qu’il cherche à atteindre en travaillant à se transformer dans le sens de son idéal, imitant à cette fin l’action de grands modèles. Le second cas de figure est celui du romantisme de la désillusion, qui constitue un rapport inverse au premier : le personnage perçoit son âme comme étant « plus large et plus vaste que tous les destins que la vie peut lui offrir2 », déjà conforme à celles des modèles qui l’inspirent, et tous ses efforts consistent à ne pas laisser la réalité extérieure l’atteindre et la transformer.

2Pour différents qu’ils soient dans leur orientation et dans le type d’actions qu’ils entraînent, ces deux rapports au monde, que Lukács présente comme deux grandes phases de l’histoire du roman, ont ceci en commun que la vie idéale, ou la vie rêvée, y est toujours parfaitement définissable. Peu importe qu’il se situe dans la réalité ou dans le rêve, en dehors de soi ou à l’intérieur de soi, l’idéal se présente, par définition, comme quelque chose que l’on peut reconnaître : le héros de l’idéalisme abstrait sait dans quel sens il doit œuvrer pour s’accomplir et égaler ceux qu’il perçoit comme des maîtres, de la même façon que le héros du romantisme de la désillusion ne doute pas de la beauté singulière de son âme ni de l’adéquation de celle-ci aux modèles dont il croit être l’égal. Pour l’un comme pour l’autre, l’idéal correspond à une image connue ou d’instinct reconnaissable, fixe en ­quelque sorte, préservée (ou à préserver) de tout ce qui est instable et mobile. Don Quichotte cherchant à restaurer les valeurs perdues de la chevalerie en devenant lui-même chevalier, Rastignac qui veut conquérir Paris et s’y faire une « place », Emma Bovary qui croit fermement à la supériorité de son âme sur celle des autres habitants de Yonville, tous ces personnages avancent dans la vie avec une vue claire et définie de ce qu’ils veulent être ou de ce qu’ils pensent être. En dépit des échecs, des désillusions et de l’opacité du monde qui ne cessent de les rattraper, la distinction entre la réalité et le rêve est pour eux sans ambiguïté, l’idéal n’étant pas moins détaillé, pas moins formulable, pas moins certain, dans sa forme et son contenu, que la réalité la plus immédiate. Et même l’est-il sans doute davantage, car la réalité peut à tout moment se transformer, révéler un autre visage d’elle-même, décevoir ou étonner, tandis que la vie rêvée, parce qu’elle est rêvée justement et donc à l’abri des contingences, a pour elle la constance et la stabilité.

  • 3Ibid., p. 155.

3La Théorie du roman a été rédigé en 1914 et à bien des égards l’essai de Lukács survient au moment où prend fin, dans l’évolution du roman, cette formulation claire de la vie rêvée. Plus exactement, c’est parce que cette formulation était en train de vivre ses dernières heures, si elle ne les avait pas déjà vécues, parce qu’elle apparaissait de plus en plus comme « historique » que Lukács, pourrait-on proposer, a pu construire sa théorie, ainsi qu’en témoigne la toute dernière page du livre, où il se bute à l’impossibilité de faire entrer les romans de Dostoïevski dans l’opposition nette entre vie réelle et vie rêvée dont il vient de tracer l’évolution : « Avec les œuvres de Dostoïevski, [le monde] se trouve pour la première fois défini loin de toute opposition contre ce qui existe, comme pure et simple vision de la réalité. Aussi bien, ni Dostoïevski ni la forme de son art n’appartiennent au cadre de cette étude3. » De cette non-conformité de Dostoïevski au modèle qu’il vient de définir, Lukács ne conclut pas que le roman pourrait s’ouvrir sur une nouvelle configuration des rapports entre la réalité et l’idéal, mais plutôt que là s’arrêtent le domaine et peut-être même l’histoire du genre romanesque :

  • 4Ibid.

En vérité, Dostoïevski n’a pas écrit de romans et la disposition intérieure de son acte de structuration telle qu’elle se manifeste dans ses œuvres n’a rien à voir, ni pour l’approuver, ni pour le refuser, avec le romantisme européen du xixe siècle […]. Il appartient au monde nouveau et seule l’analyse formelle de ses œuvres pourra montrer s’il est déjà l’Homère ou le Dante de ce monde ou s’il ne nous livre que les chants que les écrivains qui viendront après lui tisseront en une grande unité, en les joignant à ceux d’autres précurseurs4.

4Non pas romancier, mais poète ou aède d’un monde encore à venir, Dostoïevski annoncerait la fin du roman et, de façon corollaire, les débuts d’une forme nouvelle de la littérature dont la grandeur, toutefois, reste encore indécidable. En cela, Lukács se présente comme le théoricien d’une forme achevée, ayant accompli la totalité de son évolution.

5Or presque au même moment où Lukács vient clore l’histoire du roman sur ce monde nouveau où « toute opposition contre ce qui existe » serait évacuée, un autre critique fonde au contraire sur ce même monde et – pourrait-on proposer – sur cette même absence d’opposition l’avenir du roman et ce qu’il a, potentiellement, de plus puissant. Ce critique, c’est Jacques Rivière, dont Le Roman d’aventure paraît en 1913, soit à peine quelques mois avant que Lukács n’entreprenne la rédaction de La Théorie du roman.

  • 5  Jacques Rivière, Le Roman d’aventure, Paris, Éditions des Syrtes, 2000, p. 22.
  • 6Ibid., p. 55.
  • 7Ibid., p. 26.

6A priori, rien ne semble plus éloigné de l’étude de Lukács que ce court essai publié en trois livraisons dans La Nouvelle Revue française et dont le propos relève d’une forme d’actualité littéraire. C’est en effet en réaction à l’essoufflement du symbolisme et pour répondre aux exigences d’une époque qui a « changé d’âme5 », que Rivière en appelle dans ce texte à un roman nouveau, un roman qui ne serait plus, comme l’était la littérature de la fin du xixsiècle, en « état de mémoire », mais en « état d’aventure6 », c’est-à-dire ouvert sur l’inconnu et les hasards de l’existence, prêt à emprunter toutes les directions comme à saisir au vol tous les imprévus. Cet état d’aventure est, il faut le préciser, ce qui intéresse d’abord Rivière, le roman ne constituant l’objet de sa réflexion que parce qu’il le considère comme la forme la plus adéquate pour l’expression de cette aventure, comme l’art privilégié de l’« âme vive [et] aiguë » qui « s’est remise à brûler7 » après les trop longues années du symbolisme : la longueur du roman et son pouvoir d’accueillir des personnages innombrables lui permettent de multiplier les intrigues, les événements, les situations de toutes sortes grâce à quoi le monde peut être exploré dans tout ce qu’il a de neuf et d’inconnu.

7À cette différence de propos – circonstancié pour Rivière, général pour Lukács – s’ajoute bien sûr aussi, qui distingue très nettement les deux ouvrages, une différence de forme et d’envergure. L’étude de Lukács est synthétique et théorique, embrasse des siècles entiers d’histoire du roman, qu’elle vise à comprendre dans sa totalité ; à l’inverse, l’essai de Rivière s’intéresse à un roman encore à venir, pressenti tout autant qu’appelé, et procède d’une pensée intuitive, qui ne se soucie ni de pérennité ni de vérité, mais explore très librement ses propres suggestions. Pourtant, en dépit de ce qui, méthodologiquement, nous empêche de les aborder sur un même plan, ces deux réflexions se rencontrent à l’exacte frontière posée à la fin de La Théorie du roman. Le Roman d’aventure part en effet du point où Lukács abandonne le roman, c’est-à-dire du point où la vie idéale cesse d’être une vie connue.

  • 8Ibid., p. 9.
  • 9Ibid., p. 25-26.

8La vie connue, c’est ce qu’incarne aux yeux de Rivière le symbolisme, littérature selon lui tout entière tournée vers la transparence des objets, des désirs, des idées, ou, pour reprendre ses termes, « art d’extrême conscience, l’art de gens qui savent terriblement ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent, ce qu’ils font8 ». Pour l’auteur du Roman d’aventure, les symbolistes font œuvre de ciselage et non de découverte, et incarnent en cela un monde qui vit ses dernières heures : « Leur présent n’étant que le terme d’un long passé, avant tout ils aim[ent] à se souvenir ; ils s’occup[ent] à tisonner dans leur mémoire et […] s’émerveill[ent] en silence, avec une gaieté timide, des petites flammes rallumées9. » Ce monde à bout de souffle, Rivière ne le décrit pas dans ce qu’on pourrait appeler son « contenu », c’est-à-dire ses thèmes, ses valeurs, ses motifs ou ses figures, mais dans son rapport au connu ; ce qui ne correspond plus au monde nouveau, ce n’est pas, en effet, telle ou telle manière d’agir et de penser, telle ou telle idée ni même telle ou telle sensibilité, mais le fait de connaître d’avance ce qui nous attend, de savoir vers quoi l’on va :

  • 10Ibid., p. 55, 57-58.

À l’origine de l’œuvre symboliste, il y avait un esprit trop conscient qui tout de suite voyait trop loin dans ses propres imaginations. Ici [dans le roman d’aventure] nous avons un créateur qui marche parmi ses inventions, comme un voyageur entre des taillis […]. Il est en face de son œuvre, comme il est en face du monde : là où il se trouve en elle, c’est toujours le plus loin qu’il soit allé ; tout le reste est encore de l’avenir pour lui. […] Comme l’écrivain ne sait pas où il va, comme il n’a pas sans cesse devant les yeux le sens de l’histoire qu’il raconte, comme il ne voit pas en quoi elle est intéressante, il ne peut pas choisir entre les idées qui lui viennent […] et il est obligé de les donner toutes10.

  • 11Ibid., p. 7 4.

9C’est au tournant de la vie rêvée définie comme une vie modélisée à une vie rêvée définie comme une vie livrée à l’inconnu – ou à l’« aventure » – que les deux essais, malgré tout ce qui les sépare, se rejoignent. Jusqu’au début du xxsiècle (et sans doute la transformation commence-t-elle plus tôt), la vie rêvée, ainsi que le théorise Lukács, s’incarne dans des modèles que le personnage souhaite émuler ou croit lui-même représenter. S’il existe une grande variété d’incarnations possibles, si le héros peut rêver tout ce qu’il veut, l’idéal emprunte toujours une forme précise, ou relativement précise : le héros désire une vie qu’il se représente à l’avance. Rivière, au contraire, en appelle à un roman où cette représentation disparaît pour faire place à l’inconnu. La vie rêvée, chez Rivière, la vie à laquelle on aspire, n’est plus une vie que l’on connaît ou que l’on reconnaît, mais une vie dont on ne sait rien et même une vie que l’on ne soupçonne pas. Cette vie n’est ni prédéfinie ni incarnée par de grands ou de moins grands modèles ; c’est une vie, pour reprendre les mots de l’auteur, « qui n’existe pas encore11 », une vie qui ne vise aucune cible particulière, et ne connaît, pourrait-on dire, que le mouvement.

10Sans doute l’idée d’une vie rêvée définie par la mobilité et la transformation n’est-elle pas nouvelle. Frédéric Moreau qui souhaite successivement être écrivain, être peintre puis ne « rien » faire, change de rêve comme il change d’occupation (ou d’inoccupation), tout comme Rastignac et Lucien de Rubempré changent de modèles au gré des événements et des rencontres (Rastignac hésite entre le sacrifice que représente Goriot et l’intrigue que représente Vautrin ; Lucien est tenté simultanément par le monde de l’aristocratie, par celui de l’élite intellectuelle incarnée par d’Arthez et ses compagnons, et par celui du journalisme où brillent Lousteau, Nathan et Blondet). Mais ces variations sont de l’ordre du moyen plutôt que du but ; pour ces personnages, si l’idéal peut varier dans sa forme et emprunter toutes sortes de visages, il demeure constant dans sa visée : peu importe de quelle façon, il s’agit toujours de « réussir », d’occuper dans la société un rôle supérieur, bref, de se projeter dans un désir clairement formulable.

  • 12Ibid., p. 27 .
  • 13  Thomas Pavel, L’Art de l’éloignement. Essai sur l’imagination classique, Paris, Gallimard, coll. « (...)

11Le propre de l’idéal défini par le roman d’aventure, à l’inverse, est de ne procéder d’aucun désir formulable, sinon celui d’être entraîné dans un mouvement perpétuel d’événements, d’accidents et d’incarnations, sans que l’on sache jamais où ils mèneront. La quête liée à cet idéal ne s’exprime plus par un but, aussi modeste soit-il, mais par l’idée moins contraignante ou moins « opposante » de possibilité : ce qui compte, pour le personnage d’un tel roman, c’est d’être « quelqu’un à qui quelque chose arrive12 » et que cette chose puisse elle-même se transformer, laisser place à une autre expérience, n’entamer aucune autre possibilité. Cette absence de direction ne constitue pas la seule différence qu’on peut établir entre l’idéal tel qu’il se décline dans l’idéalisme abstrait ou le romantisme de la désillusion et l’idéal d’une vie d’« aventure ». En se libérant de tout objectif précis, en ne s’incarnant plus dans des modèles à imiter ou à défendre, mais en se présentant sous la forme de ce qui est latent, l’idéal cesse aussi d’exister dans la distance. Non plus séparé ou « éloigné » de la réalité au sens que donne Thomas Pavel au terme d’éloignement à propos de l’imaginaire classique13, mais « inclus » dans la réalité, l’idéal existe comme l’une de ses déclinations ou de ses variantes. La vie idéale, en se rapprochant de la réalité, se transmue en vie possible, non pas au sens où Emma Bovary ou Rastignac pouvaient entendre ce terme, à savoir comme le caractère de ce qui est atteignable à force d’efforts et de patience, mais au sens de ce qui peut exister aussi, à tout moment et parallèlement, de ce qui peut survenir au sein même de la réalité comme l’une de ses éventualités. On pense ici au « monde des possibles », évoqué par Saint-Loup dans la conversation sur l’art militaire qu’il tient avec le narrateur proustien :

  • 14  Marcel Proust, Le Côté de Guermantes, éd. Thierry Laget et Brian C. Rogers, Paris, Gallimard, coll (...)

Tu te rappelles ce livre de philosophie que nous lisions ensemble à Balbec, la richesse du monde des possibles par rapport au monde réel. Eh bien ! c’est encore ainsi en art militaire. Dans une situation donnée il y aura quatre plans qui s’imposent et entre lesquels le général a pu choisir, comme une maladie peut suivre diverses évolutions auxquelles le médecin doit s’attendre14.

12Ainsi en irait-il de la vie idéale après la fin des modèles : c’est une vie qui peut suivre diverses évolutions, une vie qui se définit par l’infinité de ses virtualités et entre lesquelles on peut choisir – ou plus encore : entre lesquelles le hasard peut choisir.

  • 15  J’ai déjà posé l’idée de l’amenuisement de l’éloignement (et examiné ses conséquences dans le roma (...)

13La question qui se pose bien sûr est de savoir pourquoi, ou de quelle façon, à partir de quelles circonstances, la vie idéale, au tournant des deux derniers siècles, passe du connu à l’inconnu, du rêve modélisé à la virtualité, du lointain à l’immédiat. Sans doute est-il impossible de répondre vraiment à cette question mais il me semble possible d’évoquer au moins deux ­hypothèses. La première tient à ce qu’on peut appeler l’« œuvre » du roman lui-même, qui amenuise au fil du temps, par le fruit de son propre travail et de ses propres découvertes, la distance qui sépare les mondes rêvés de la réalité prosaïque15. Si, par exemple, les héros des romans du xviiisiècle ou du xixsiècle ne rêvent plus de s’élancer sur les routes à la recherche d’exploits à réaliser, c’est, bien sûr, parce qu’un tel rêve n’appartient plus à l’esprit de leur temps, mais c’est aussi parce que le roman lui-même, en en montrant les écueils et les limites a cessé de rendre ce rêve crédible et donc propre à la formulation d’une vie idéale. Car si Don Quichotte a pu vivre grâce à ce rêve, il en a aussi montré l’illusion, de sorte qu’après lui les héros romanesques doivent, pour que leurs propres rêves soient ­efficaces, imaginer d’autres fictions et d’autres idéaux, des idéaux un peu moins merveilleux, un peu plus proches de la réalité, mais auxquels il leur sera possible de croire, jusqu’à ce qu’ils en découvrent à leur tour l’illusion. Ainsi, de la même façon qu’une vie d’exploits chevaleresques n’est plus possible après le « rideau » déchiré (pour reprendre l’expression de Milan Kundera) par le roman de Cervantès, il n’est plus possible, après le roman de Flaubert, de rêver au prince charmant comme le fait Madame Bovary, sinon sous le mode de la dérision ou de la parodie – ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Anna Karénine, lorsqu’elle se jette dans les bras de Vronski, est déjà plus circonspecte, plus étonnée d’elle-même, plus consciente des difficultés à venir et des sacrifices à faire que ne l’est Emma quand elle se jette dans ceux de Rodolphe. De Cervantès jusqu’à Flaubert – et même, chez Flaubert, de Madame Bovary jusqu’à Bouvard et Pécuchet en passant par L’Éducation sentimentale – la vie rêvée par les personnages devient de plus en plus semblable à la réalité : chaque illusion dévoilée par le roman, chaque monde dont il révèle la caducité, chaque modèle qui tombe ou qui s’épuise sur son passage rapprochent un peu plus la vie rêvée de la vie réelle, le monde idéal du monde concret. Car le monde idéal, dans le roman, doit être un monde auquel il est possible de croire, un monde que le personnage peut, même s’il s’agit d’une illusion, penser pouvoir atteindre.

  • 16  Michel Raimond, La crise du roman. Des lendemains du naturalisme aux années vingt, Paris, Corti, 1 (...)
  • 17  Jacques Rivière, op. cit., p. 27-28.

14Que l’idéal, à force de dévoilements et d’usure, devienne plus pragmatique, qu’il tienne davantage compte de la réalité, ou, si l’on préfère, qu’il côtoie celle-ci de plus près, ne signifie certes pas qu’il cesse d’être un idéal. Le degré plus ou moins grand d’éloignement du rêve vis-à-vis du réel ne change rien à sa nature ni à sa fonction ni au fait qu’il constitue toujours une forme de fiction. Mais que se passe-t-il lorsque la distance entre la vie rêvée et la vie réelle devient si ténue que plus rien ou presque ne les distingue ? Plus précisément : qu’arrive-t-il au roman lorsque ses personnages rêvent une vie et des actions si semblables à celles qu’ils mènent déjà qu’il n’y a pratiquement plus d’illusion, ni de monde autre, ni d’idéal ? À ces questions, qui se posent dans les dernières années du xixsiècle et qui participent à bien des égards à ce que Michel Raimond a appelé, à propos de cette période, « la crise du roman16 », on pourrait proposer que l’idée de la « vie possible » apporte une solution. Une fois épuisés les idéaux modélisables, une fois disparue ou rendue presque invisible la distance qui permet de distinguer de grands modèles et de les admirer, l’idée que la vie est faite d’infinies variations d’elle-même, l’idée que la vie autre n’est pas une vie prédéterminée mais une vie inconnue constitue une façon de réinstaurer une distance entre ce qui est et ce qui pourrait être. Cette distance, toutefois, n’est plus extérieure à la réalité (comme le monde des beaux cavaliers est extérieur à Yonville) mais intérieure ou « propre » à la réalité (comme le monde de Combray contient, par ses deux côtés, ses madeleines et ses tasses de thé, d’infinis parcours que l’on peut suivre et déployer). Elle ne sépare plus des objets éloignés dans l’espace et dans le temps, mais des objets contigus, latents, éventuels : « Nous ne craignons rien, écrit Rivière, de la minute qui va venir […]. À droite – ou bien est-ce à gauche ? – un événement nous épie, prêt à sauter sur nous. Tant pis ! Tant mieux ! L’espace est libre de tous côtés17 ! »

15À cette hypothèse d’une distance intériorisée par le roman lui-même, c’est-à-dire intériorisée par le résultat même de son action au fil des siècles, de la lente usure, par ses dévoilements successifs, des mondes éloignés, il me semble possible d’ajouter une seconde hypothèse, qui se présenterait sous la forme inverse de la première. Cette seconde hypothèse, je la formulerais ainsi : en même temps que l’on peut proposer que la vie idéale, pour rester valide, pour demeurer plausible et « fonctionnelle », se rapproche sans cesse de la réalité (au point de s’y confondre comme l’une de ses variations), on peut proposer que c’est aussi la vie réelle qui se rapproche de la fiction, que c’est la vie réelle qui, au sein de la modernité, devient un monde de virtualités et de rêves. Il ne s’agit pas de dire par là que la réalité, vers la fin du xixsiècle ou au début du xxsiècle, serait soudainement devenue semblable à une vie idéale. Mais le développement de la modernité et plus particulièrement de cet aspect de la modernité qu’est la démocratisation du monde, par quoi la place de chacun, dans la société, devient beaucoup plus mobile (ou théoriquement plus mobile), n’est pas sans incidence sur la façon dont se définit ce que nous appelons la réalité.

16Si on a l’habitude de penser l’individu moderne comme un individu mobile, dont l’une des qualités intrinsèques est de pouvoir circuler librement dans le monde qu’il habite, on oublie que la réalité, c’est-à-dire tout ce qui a pour effet logique de contraindre cette circulation, est elle aussi, au sein de ce monde, mobile et fluctuante. Cela tient pour commencer à ce que dans un monde démocratique toute idée est valable, libre d’être proposée et discutée, de sorte qu’aucune version de la réalité ne peut se donner comme stable et permanente. On pense à la scène du « Club de l’Intelligence », dans L’Éducation sentimentale. Frédéric Moreau, porté par les espoirs de la nouvelle République (nous sommes en 1848), a préparé un discours. L’occasion se présente pour lui de le lire à ce club, où le conduit un peu par hasard son ami Dussardier ; mais, dans la cacophonie des discours qui s’entremêlent et des opinions contradictoires, sa parole se perd comme se perd celle des autres tribuns. Ici, tout converge pour retirer au monde où circule Frédéric la moindre stabilité : c’est par hasard qu’il se retrouve au Club de l’Intelligence, qui aurait pu tout aussi bien être un autre club, et où aucune proposition n’est plus valide, c’est-à-dire plus contraignante qu’une autre.

17Mais il y a une autre façon dont la réalité, dans le monde moderne, se présente comme régie par un incessant mouvement d’échange : c’est la place qu’y occupe le principe de l’accident. Ce n’est pas que la réalité, dans le monde moderne, soit davantage soumise aux accidents que dans le monde pré-moderne, mais la part de l’accident et de l’imprévu, sans être objectivement plus grande, y joue un rôle subjectivement beaucoup plus important. Il y a d’abord que la modernité s’emploie à combattre autant que faire se peut toute forme de limite et de contrainte, ce qui laisse beaucoup plus de place, dans la perception de ce qu’est une contrainte, aux erreurs, aux glissements, aux dérives, aux dérèglements de toutes sortes. Ensuite parce que si ces imprévus, ces erreurs et ces glissements planent comme une menace sur le sentiment de liberté de l’homme moderne, ils sont aussi source d’aventure. En cela, ils sont ce qui occupe l’imagination moderne, ce qui la captive et dont elle s’efforce de comprendre les ressorts. Ce n’est pas un hasard si l’accident joue un rôle si prégnant dans la littérature au début du xxsiècle, et au-delà : accidents dans la Recherche de Proust sous la forme de la mort mais aussi de la survenue d’Albertine (celle « que l’on n’attendait pas » pour reprendre la formulation de Jacques Dubois) comme sous celle de la guerre, elle aussi inattendue (c’est d’ailleurs la nature accidentelle de la Première Guerre mondiale que Paul Valéry, dans « La crise de l’esprit », considère comme l’un des traits les plus marquants et les plus déroutants du conflit) ; accident sur lequel s’ouvre L’homme sans qualités de Musil ; décision inopinée de Bardamu, devant un défilé de recrues, de se joindre à ses rangs et de s’engager pour le front ; actes gratuits des personnages gidiens. Le héros balzacien, qui ne vit pas encore pleinement dans l’ère de la mobilité moderne, sait toujours quels obstacles il lui faut surmonter pour changer de vie ou de condition, et même si toutes sortes de mésaventures peuvent survenir en cours de route et le retarder dans ses actions, c’est toujours, globalement, un pouvoir déterminé qu’il lui faut affronter et une place identifiable qu’il cherche à conquérir.

18L’homme plongé dans la pleine modernité est presque toujours confronté à des événements substituables les uns aux autres, qui pourraient tout aussi bien ne pas survenir ou être tout différents, qui, surtout, ne sont le fait d’aucun destin (d’aucun « grand rouleau ») par quoi ils trouveraient in fine un ordre et un sens. Face à une telle réalité, la qualité première du héros de la ­modernité n’est plus l’ambition ni même la volonté, grâce auxquelles peuvent être déjouées les barrières dressées devant soi, mais la disponibilité et la capacité de mouvement. Face à un monde variable, à un monde où toutes les opinions et toutes les actions sont possibles, c’est l’aptitude à circuler au sein même de la variation, de l’habiter, en quelque sorte, qui devient la forme de l’héroïsme.

  • 18  Ezra Pound, « James Joyce et Pécuchet » [Mercure de France, 1er juin 1922], dans Pound/Joyce. The (...)

19De ce passage des vies rêvées aux vies possibles, on peut donner comme exemple le dernier roman de Flaubert, Bouvard et Pécuchet, qui illustre non seulement le mouvement de désillusion qui rapproche toujours un peu plus l’idéal de la vie réelle, mais aussi cette réalité nouvelle qu’est celle d’un monde dont les interprétations deviennent si nombreuses que toute certitude y disparaît, d’un monde où la réalité voit sa consistance ébranlée. Bouvard et Pécuchet ont toutes les caractéristiques de l’individu moderne : personnages moyens mais libres de leurs mouvements et de leurs opinions, ils ont la possibilité d’embrasser toutes les occupations qu’ils peuvent raisonnablement désirer. En contrepartie de cette liberté, toutefois, ils ne détiennent sur les choses ni vrai pouvoir, ni vrai savoir. Cette position intermédiaire entre liberté et pouvoir fait d’eux, comme l’écrit Ezra Pound en les comparant au Bloom de Joyce, la « base de la démocratie18 », en tout cas de la démocratie telle que la décrit Tocqueville :

  • 19  Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, vol. II, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1 (...)

Dans les démocraties, les hommes ne sont jamais fixes : mille hasards les font sans cesse changer de place, et il règne presque toujours je ne sais quoi d’imprévu et, pour ainsi dire, d’improvisé dans leur vie. Aussi sont-ils souvent forcés de faire ce qu’ils ont mal appris, de parler de ce qu’ils ne comprennent guère, et de se livrer à des travaux auxquels un long ­apprentissage ne les a pas préparés19.

20Pourtant, dans leur façon de penser leur place dans le monde, Bouvard et Pécuchet ont quelque chose d’ancien. Car même si elle ne s’énonce pas sous la forme d’une situation parfaitement claire, comme celle par exemple dont peut rêver Emma dans son attente d’un beau cavalier et ses rêves de fuite avec Rodolphe, la vie souhaitée par Bouvard et Pécuchet relève de l’idéal. Être savant, acquérir toutes les connaissances disponibles, maîtriser les choses n’est peut-être pas un rêve modélisable, mais c’est un rêve qui suppose le principe d’un monde fixe et prévisible, ou plus exactement, c’est le rêve qui exprime le désir d’un monde fixe et prévisible. Bouvard et Pécuchet ont en eux-mêmes toutes les caractéristiques de la disponibilité, une disponibilité si fraîche, si nouvelle, que nous les voyons même l’acquérir, ou mieux : en être dotés, sous la forme d’un héritage aussi soudain qu’inattendu qui leur permet d’abandonner leur métier de copistes et de s’installer à la campagne où ils se livrent, en en changeant sans cesse, « à des travaux auxquels un long apprentissage ne les a pas préparés ». Mais cette disponibilité qui leur arrive comme un coup du sort ne fait pas moins d’eux des personnages d’un monde ancien (l’héritage qu’ils reçoivent, d’une valeur de « quinze mille livres de rente » et légué à Bouvard par un « oncle » qui est en réalité son père, a d’ailleurs quelque chose de balzacien). Les deux copistes, sans doute, sont modernes par le fait que rien ne les oriente dans une direction plutôt que dans une autre, que toutes les activités – agriculture, science, sport, philosophie – leur apparaissent non seulement légitimes, mais à leur portée. À bien des égards, Bouvard et Pécuchet se définissent, de façon toute moderne, comme des êtres « de droit » : eux aussi sont en droit de connaître la science, d’exploiter une ferme, de méditer la grandeur de l’univers, de décider de la meilleure éducation des enfants. Mais ils ne vont pas jusqu’à reconnaître, sinon à leur corps défendant et au milieu des pires ­catastrophes, que la réalité elle-même puisse être mobile et variable, soumise à des opinions contraires et à une relativité sans fin. Ils ne s’installent pas à Chavignolles dans l’attente d’une vie d’aventure qui les mènerait, au gré des ­circonstances, d’un savoir à l’autre, mais dans la projection d’une vie idéale où tout, autour d’eux, s’ordonnerait comme ils le souhaitent.

21Or c’est une vie d’aventure qu’ils trouvent à Chavignolles, même si celle-ci se présente sous la forme « négative » et comique de leurs innombrables échecs. C’est à un monde des possibles qu’ils sont confrontés, mais, à la différence du général dont parle Saint-Loup et qui, devant « quatre plans qui s’imposent » doit prévoir les actions à mener pour chacun d’entre eux, « comme une maladie peut suivre diverses évolutions auxquelles le médecin doit s’attendre », c’est dans le plus grand étonnement qu’ils découvrent ce monde, si même ils le découvrent. Pour Bouvard et Pécuchet, il ne peut y avoir qu’un seul bon plan, qu’une interprétation juste, d’où bien sûr leurs infortunes, mais aussi le fait qu’ils soient si mésadaptés au monde nouveau qui s’ouvre à eux. Leur « âme » est encore celle du xixsiècle et même si leur vie relève de la comédie, ils trouvent leur place dans la théorie de Lukács.

22La réalité qu’ils habitent, par contre, échappe à cette théorie : le monde n’est ni supérieur ni inférieur à leurs ambitions, ou alors il est aussi bien l’un que l’autre, à la fois beaucoup plus complexe et exigeant que l’idée qu’ils s’en font et cependant toujours décevant. Or si la réalité est décevante, ce n’est pas seulement parce qu’elle se présente à eux sous la forme de l’échec, c’est aussi parce qu’elle échappe à la fixité qu’ils voudraient trouver en elle, et qu’elle se présente sous la forme d’une incessante prolifération ; on pourrait en fait lui appliquer le même type de « développement » qu’attribue Rivière au roman du siècle nouveau, en remplaçant le mot « œuvre » par celui de « réalité » : ce sera, dit Rivière à propos du roman d’aventure,

  • 20  Jacques Rivière, op. cit., p. 60.

une œuvre qui, d’elle-même, par sa simple activité intérieure, remplisse tous ses vides, peuple toutes ses lacunes, et, comme ces tissus prolifères qui recommencent à pousser sur eux-mêmes, couvre trois fois l’espace qu’on lui aura donné20.

23En cela, le rêve des deux copistes de tout apprendre et, en apprenant tout, de stabiliser les choses, d’empêcher qu’elles se transforment peut se lire comme le dernier rêve possible du monde ancien, le rêve qui marque la fin de tous les autres rêves. Mais, pour les deux copistes, il est trop tard : le monde qu’ils habitent n’accueille plus des vies idéales, il n’accueille que des hypothèses. Savoir transformer ces hypothèses en une forme nouvelle de rêve, les transformer en un monde des possibles où déployer sa vie et toutes celles qu’on pourrait vivre, c’est la tâche qui attend les personnages du roman à venir. Une tâche qui, comme l’éprouve le narrateur proustien en voyant pour la première fois et dans l’émerveillement un avion dans le ciel, suppose que l’on renonce au monde ancien :

  • 21  Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, éd. Antoine Compagnon, Paris, Gallimard,coll. « Folio classique (...)

Je pleurais aussi, car j’étais prêt à pleurer du moment que j’avais reconnu que le bruit venait d’au-dessus de ma tête – les aéroplanes étaient encore rares à cette époque – à la pensée que ce que j’allais voir pour la première fois c’était un aéroplane. […] Cependant l’aviateur sembla hésiter sur sa voie ; je sentais ouvertes devant lui – devant moi si l’habitude ne m’avait pas fait prisonnier – toutes les routes de l’espace, de la vie21.

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Notes

1  Georges Lukács, La Théorie du roman, trad. Jean Clairevoye, Paris, Gonthier, ­coll. « Médiations », 1963, p. 91.

2Ibid., p. 109.

3Ibid., p. 155.

4Ibid.

5  Jacques Rivière, Le Roman d’aventure, Paris, Éditions des Syrtes, 2000, p. 22.

6Ibid., p. 55.

7Ibid., p. 26.

8Ibid., p. 9.

9Ibid., p. 25-26.

10Ibid., p. 55, 57-58.

11Ibid., p. 7 4.

12Ibid., p. 27 .

13  Thomas Pavel, L’Art de l’éloignement. Essai sur l’imagination classique, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1996.

14  Marcel Proust, Le Côté de Guermantes, éd. Thierry Laget et Brian C. Rogers, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 1988 , p. 107-108.

15  J’ai déjà posé l’idée de l’amenuisement de l’éloignement (et examiné ses conséquences dans le roman du xixe siècle) dans Frontière du roman. Le personnage réaliste et ses fictions, Presses de l’Université de Montréal et Presses universitaires de Vincennes, 2002.

16  Michel Raimond, La crise du roman. Des lendemains du naturalisme aux années vingt, Paris, Corti, 1966.

17  Jacques Rivière, op. cit., p. 27-28.

18  Ezra Pound, « James Joyce et Pécuchet » [Mercure de France, 1er juin 1922], dans Pound/Joyce. The Letters of Ezra Pound to James Joyce, with Pound’s Essays on Joyce, éd. Forrest Read, New York, New Directions Book, 1976, p. 206.

19  Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique, vol. II, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1986, p. 308.

20  Jacques Rivière, op. cit., p. 60.

21  Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe, éd. Antoine Compagnon, Paris, Gallimard,coll. « Folio classique », 1989, p. 417.

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Pour citer cet article

Référence papier

Isabelle Daunais, « De la vie idéale aux vies possibles »Itinéraires, 2010-1 | 2010, 19-30.

Référence électronique

Isabelle Daunais, « De la vie idéale aux vies possibles »Itinéraires [En ligne], 2010-1 | 2010, mis en ligne le 01 mai 2010, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/2105 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.2105

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Auteur

Isabelle Daunais

Université McGill, Montréal

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