Le chercheur queer et le roman historique : quelques défis de Marguerite Yourcenar
Résumés
Cet article aborde la question du contexte dans une analyse queer des romans historiques. Trois niveaux historiques s’entremêlent dans une analyse contemporaine des romans historiques écrits avant l’arrivée de l’activisme et de la théorie queer, c’est-à-dire la période recréée, le contexte de l’auteur et celui de l’analyste. L’approche généalogique des études queer suppose une contextualisation, mais ne précise pas lequel de ces contextes devrait être considéré comme étant le plus significatif pour une analyse queer. Cet article étudie trois romans de Marguerite Yourcenar : Alexis ou le Traité du vain combat, Mémoires d’Hadrien et L’Œuvre au noir et démontre qu’il est important d’envisager ces trois contextes pour identifier les manières spécifiques dont le thème de la sexualité est traité dans ces textes.
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- 1 Martial Martin, « Queering/historiciser le mythe de Gaveston : les libelles de la Ligue et de la F (...)
- 2 Anne Tomiche et Pierre Zoberman (dir.), Littérature et identité sexuelle, Paris, Société Française (...)
1Le queer dit souvent être insaisissable, indéfinissable et sans cesse en mouvement. Le queer est « ce qui échappe, ce qui n’est ni catégorisé, ni catégorisable, ce qui vit1 ». Dans l’introduction à Littérature et identités sexuelles, Anne Tomiche et Pierre Zoberman constatent que le seul élément qu’ont en commun les différentes manières d’interroger les identités sexuelles dans la littérature est leur « puissance d’ébranlement2 ». Les recherches queer en littérature englobent une multitude de sujets, de perspectives et de procédés. Ceci dit, la pertinence d’une réflexion méthodologique continue est évidente : comment faire des recherches littéraires queer ? Le présent article ne portera que sur un aspect de cette question, amplement débattue et difficile à résoudre, à savoir le rapport entre le(s) passé(s) et le présent dans l’étude de la sexualité dans des textes qui ne sont pas contemporains.
- 3 En 1993, tout un colloque a été consacré au sujet de l’universalité chez Yourcenar. Cf. Maria José (...)
- 4 Voir Andrea Hynynen, Pluralité et fluidité antinormatives : étude sur les transgressions sexuelles (...)
2Dans un premier temps, je présenterai une sélection d’arguments proposés à ce sujet, qui illustrent la divergence de méthodes et forment l’arrière-plan de la réflexion qui suit. La deuxième partie de l’article sera consacrée au roman historique, et plus spécifiquement à Marguerite Yourcenar et à un choix de ses romans. Le raisonnement se ramènera alors à quelques questions suscitées par ce cas particulier : seront explorées, d’une part, les solutions que cet auteur a trouvées pour traiter de la sexualité dans ces œuvres et, d’autre part, les différentes manières dont une étude queer explorant ce thème dans des romans historiques peut tenir compte du contexte. L’œuvre romanesque de Yourcenar est intéressante à ce propos dans la mesure où elle se compose principalement de romans historiques placés dans des périodes variées, et que la production s’étire sur une période allant des années 1920 aux années 1980. L’opposition de l’homosexualité et de l’hétérosexualité reste nettement ancrée dans les esprits pendant tout ce temps, mais des changements importants se produisent tout de même dans les mentalités au cours du siècle. Les attitudes à l’égard de l’homosexualité et de la famille changent. Il est vrai que l’idée de l’universel parcourt l’œuvre de Yourcenar, du moins son œuvre de la maturité3, et que cette préoccupation de l’universel est contraire aux études queer. Néanmoins, cela n’empêche pas d’explorer l’œuvre yourcenarienne sous une perspective queer, démarche d’autant plus motivée que la représentation de la sexualité y est l’objet de modifications continuelles4. Ces variations sont si importantes qu’il semble peu satisfaisant d’examiner le thème sexuel seulement du point de vue de l’universalité.
Attitudes queer à l’égard du passé
- 5 Steven Seidman, « Identity and Politics in a “Postmodern” Gay Culture: Some Historical and Concept (...)
- 6 Les propos de Foucault concernant la naissance de l’homosexuel au xixe siècle, au début traités qu (...)
3Au cœur de mon sujet se trouve la question de l’identité sexuelle et de sa définition (j’utilise ici ce terme dans le sens d’identité ayant trait à la sexualité, et ne réfère pas à l’identité de genre sexué, même si les deux sont souvent connectés et/ou confondus), car la façon dont on envisage la sexualité, et par conséquent des catégories telles que homosexualité, hétérosexualité, queer, etc., influence le processus analytique, quand il s’agit d’aborder des textes du passé. La problématique devint patente dans l’opposition tranchée entre l’essentialisme et le constructivisme qui divisait les historiens de l’homosexualité à la fin des années 1970 et au début des années 19805. L’opposition entre essentialistes et constructivistes contribua au fondement de la théorie queer, qui se distingua des études gay en optant pour la position constructiviste inspirée de Michel Foucault et de sa Volonté de savoir (1976)6. En insistant sur le fait que la sexualité se produit dans les discours et dans les sociétés, et en lui refusant ainsi le statut d’un instinct biologique basique, purement corporel et directement accessible, le queer pose la nécessité d’étudier les expressions et les désirs sexuels, y compris dans la littérature, en relation avec leur contexte sociohistorique et discursif.
- 7 Tania Navarro Swain, « Au-delà du binaire : les queers et l’éclatement du genre », dans Diane Lamo (...)
- 8 Apostolos Lampropoulos, « Queer(ing) theory : de la déstabilisation perpétuelle à la relance du th (...)
4La question qui se pose est celle de l’utilité des concepts et de la terminologie modernes dans une analyse du passé. S’il est vrai, comme le dit Tania Swain, que les types sexuels que nous créons en les désignant deviennent « un tout identitaire doté d’une cohésion intrinsèque, voire essentielle, pourquoi pas “naturelle” », la terminologie est d’une importance cruciale7. Étroitement liée à une époque donnée, elle détermine la façon de voir les choses. Bien entendu, cette remarque ne concerne pas seulement les périodes révolues. Ce phénomène est tout aussi pertinent aujourd’hui. Apostolos Lampropoulos soulève cette problématique en constatant que la théorie queer considère « sa propre approche comme une activité produisant le sens de la sexualité qu’elle recherche8 ». Nos concepts et nos catégories d’aujourd’hui sont-ils alors applicables à des périodes du passé ?
- 9 Jean Schneider, « L’expression hyperbolique de l’amitié dans les lettres d’un moine byzantin », d (...)
- 10 Paul-André Perron, « Le “je” et le “nous”. Heurs et malheurs du concept d’identité », dans Diane L (...)
5Jean Schneider adopte comme position qu’il est important de faire attention aux catégories et aux concepts historiques en s’adonnant à une analyse attentive du vocabulaire utilisé dans les lettres byzantines qu’il étudie9. Il renonce ainsi à appliquer simplement les catégories et la terminologie modernes au passé. En revanche, Paul-André Perron justifie l’emploi de concepts contemporains pour parler du passé en soulignant la distinction entre la parole scientifique et le langage quotidien. Il rappelle que les termes et les catégories scientifiques sont établis et définis pour un contexte analytique spécifique et un usage précis : « En fonction des questions qu’on se pose, on construit les concepts collectifs dont on a besoin, en isolant les traits qui permettent un découpage dont le seul critère de validité est interne aux exigences du discours [analytique] lui-même10. » Selon Perron, l’emploi de n’importe quel terme est justifié, pourvu que celui-ci soutienne l’analyse scientifique pour laquelle il a été établi. Alors, le mot homosexuel ou gay serait parfaitement adéquat à l’analyse du passé, à condition d’être clairement défini et opérationnel.
- 11 Steven Seidman, op. cit., p. 109.
6À première vue, ce raisonnement a l’air tout à fait juste. Pourtant, Perron semble penser que le chercheur, parfaitement conscient de tous ses préjugés, de ses valeurs, de ses conceptualisations et de ses motivations, contrôle la situation analytique de fond en comble. Plusieurs penseurs féministes et queer, entre autres, ont néanmoins observé que la recherche n’est pas aussi transparente que l’on croit. Au contraire, les concepts et les méthodologies sont souvent sexistes, hétérocentristes et/ou eurocentristes sans que les chercheurs s’en rendent compte eux-mêmes11. Pour cette raison, l’épistémologie est un domaine très important dans la réflexion queer, dont l’approche généalogique, à savoir l’étude de l’usage et de l’évolution des concepts et des discours, est une composante importante. Il s’ensuit que le chercheur queer est censé être plus attentif à la terminologie et à ses propres a priori que le chercheur moyen. Toujours est-il que lui aussi a sans doute ses points aveugles. Il est douteux que l’analyse soit toujours aussi « entièrement contrôlée » que Perron ne suppose. D’ailleurs, les mots gay, lesbien, homosexuel, queer, etc. sont établis dans le langage quotidien à tel point qu’ils se laissent difficilement utiliser dans un sens restreint particulier, puisqu’ils appellent aussitôt des associations chez celui qui lit l’analyse.
7Malgré le fait indéniable qu’une analyse queer, gay ou féministe risque de forcer les textes du passé au point de n’y retrouver que les catégories et les idées que le chercheur théoriquement avisé y a fait entrer, il paraît encore plus néfaste de refuser d’emblée toute recherche de ce type. Zoberman écrit :
- 12 Pierre Zoberman, « Introduction », dans Pierre Zoberman (dir.), Autres temps, autres lieux, op. ci (...)
[L]’identification et l’analyse rhétorique de textes lesbiens et gay implicites aussi bien que l’usage de catégories critiques comme « queer » pour parler des textes du passé constituent tout de même une forme de pari scientifique risqué. Mais l’aphasie théorique à laquelle risque d’aboutir un refus a priori et inflexible de tester, voire d’adapter, des notions comme l’identité sexuelle, l’homosexualité, le queer dans tout autre contexte que l’Occident contemporain, apparaît comme un obstacle tout aussi périlleux, voire, à long terme, un instrument d’autoaveuglement beaucoup plus pernicieux12.
8Si le chercheur queer, gay, lesbien ou féministe n’avait le droit d’étudier que son propre contexte, à savoir l’Occident contemporain, toute recherche historique serait douteuse. Tout historien est influencé par les catégories et les idées de son temps, même si cela est peut-être moins évident par rapport à d’autres sphères de l’existence humaine que le sexe et la sexualité.
- 13 Judith Halberstam, Female Masculinity, Durham, Duke University Press, 1998, p. 52.
- 14 Pierre Zoberman, « Queer au xviie siècle ? Stratégies discursives et culture sexuelle dans la Fran (...)
- 15 Gary Ferguson, « Pour un passé queer : lire l’homosexualité aux débuts des temps modernes », dans (...)
- 16 Ibid., p. 119.
9Souvent, les chercheurs queer proposent un compromis qui soutient l’utilité de théories et de termes actuels pour l’étude du passé tout en soulignant la nécessité de prendre en considération le contexte historique du document étudié. De ce point de vue, l’impératif historiciste impliqué par la théorie queer n’exclut pas nécessairement l’emploi d’une terminologie et d’une perspective contemporaines. Cette prise de position s’exprime toutefois de différentes manières chez les chercheurs, et elle est mise en avant de façon plus ou moins explicite. Certains privilégient le point de vue historiciste, tandis que d’autres mettent l’accent sur les acquis du nouveau savoir. Dans son étude sur la masculinité féminine, Judith Halberstam entreprend une analyse du passé qu’elle qualifie de « perversement centrée sur le présent » (« a perversly presentist model of historical analysis13 »). D’après elle, une telle analyse se garde de l’anachronisme en refusant d’appliquer aveuglément des explications contemporaines au passé, sans pour autant renoncer à se servir du savoir actuel pour mieux comprendre les périodes lointaines. Zoberman propose de définir l’étude queer du passé comme « un va-et-vient » entre l’Occident d’aujourd’hui et des cultures éloignées dans le temps14. Gary Ferguson, pour sa part, considère qu’il faudrait « étudier le passé queer, autant que cela se peut, dans ses propres termes15 ». Son approche se fonde sur une « mise en contexte attentive16 », ce qui consiste à explorer soigneusement le contexte sociohistorique qui entoure le ou les textes que le chercheur souhaite analyser. Il semble que Halberstam mette l’accent davantage sur le présent, du moins son étude n’insiste pas sur une mise en contexte particulièrement attentive, alors que Ferguson attache plus d’importance à la préoccupation historiciste. Pourtant, il n’hésite pas à appliquer le mot queer à des périodes historiques. Quant à Zoberman, il embrasse une attitude synthétique consistant à osciller entre le présent théorique et le passé. De beaux arguments qui toutefois restent très abstraits ; le procédé doit être développé et concrétisé dans l’étude particulière.
- 17 Gary Ferguson, « Pour un passé queer », op. cit.
10Ferguson identifie trois stratégies de lecture queer par rapport aux textes historiques17. Une première possibilité consiste à se demander, à travers une mise en contexte attentive, si ce qui dans les textes paraît queer au lecteur moderne était susceptible de produire une réaction similaire dans le passé, et à essayer de comprendre pourquoi. La situation actuelle dirige l’étude du passé, puisque le chercheur prend comme point de départ son interprétation de la société qui l’entoure. Deuxièmement, le chercheur peut s’efforcer d’identifier ce qui dans le passé était considéré comme queer. À la place des normes actuelles, ce sont les normes d’antan qui attirent son attention. Le danger de cette stratégie est, à mon avis, que l’on remplace simplement le gay par le queer sans pour autant vraiment modifier le procédé analytique. Il se peut que, au lieu de chercher à établir une continuité transhistorique gay, on prétende échapper à l’anachronisme essentialiste de cette approche en voulant révéler ce qui aurait été queer dans le passé. Certes, le queer est indéfinissable, incatégorisable et multiple, ne donnant pas lieu à une catégorie aussi restreinte et inflexible que le gay ; le terme parapluie de queer englobe différentes marginalités qui ne sont pas nécessairement reliées entre elles. Néanmoins, les deux ambitions – la quête du gay et la quête du queer – ne sont peut-être pas en fin de compte très éloignées l’une de l’autre. La troisième option proposée par Ferguson consiste à lire entre les lignes, à être à l’écoute du non-dit, de ce qui est supprimé par la censure ou par l’autocensure. Ces vides sont à considérer en relation avec la culture dominante de l’époque. Enfin, les trois stratégies présentées par Ferguson exigent toutes une vaste connaissance historique. Ferguson propose de combiner ces trois stratégies, un de ses objectifs étant de comprendre la relation entre la culture sexuelle de l’époque passée et celle de la nôtre.
L’étude queer de romans historiques
- 18 Voir Pia Livia Hekanaho, Yhden äänen muotokuvia. Queer-luentoja Marguerite Yourcenarin teoksista, (...)
11Jusqu’ici, il a été question de différentes manières dont le chercheur queer contemporain peut aborder un texte du passé. La situation devient encore plus complexe lorsqu’il s’agit de romans historiques dont le chercheur entreprend l’analyse quelque temps après leur parution. Trois plans historiques interviennent alors dans le processus analytique : celui de l’époque recréée, celui de l’écrivain rédigeant son œuvre et, finalement, celui de l’analyste qui apporte ses propres valeurs et ses outils théoriques et méthodologiques. La distance entre ces trois plans varie et, par conséquent, elle est plus ou moins importante pour l’analyse. L’écrivain moderne qui écrit un roman historique se trouve confronté aux mêmes questions méthodologiques, mentionnées ci-dessus, qu’un chercheur queer étudiant des textes du passé. Le chercheur, quant à lui, est confronté à la question de savoir lequel des trois plans historiques importe le plus dans le cas du roman historique. Il n’est pas évident de déterminer où il devrait mettre l’accent, même s’il souhaite pratiquer la « mise en contexte attentive » que propose Ferguson. Nous pouvons nous demander s’il est plus pertinent de rapporter les représentations de la sexualité, s’il y en a, à l’époque historique racontée ou à l’époque où l’écrivain a rédigé son œuvre. Aussi lui faudrait-il tenir compte de sa propre position dans la situation analytique18.
- 19 Mon intention n’est pas de suggérer que la documentation soit un travail neutre, donnant accès à l (...)
12L’objectif du chercheur est ici essentiel : la méthodologie appropriée dépend de ce qu’il veut accomplir. Une étude queer de romans historiques peut illustrer la période contemporaine de l’écrivain en mettant ses textes en relation avec d’autres textes écrits au même moment, éventuellement même avec des romans historiques. Il faudrait également considérer les normes sociales de cette époque. Une telle perspective permet de dévoiler les normes, les marginalités et les catégories sous-jacentes au roman en question qui ressortissent au contexte de l’écrivain. Dans le meilleur des cas, l’analyse révèle la façon dont les comportements et les catégories sexuelles du passé sont interprétés à ce moment-là et, ce faisant, aide à interroger les normes et les catégories d’aujourd’hui. Alors, l’étude du chercheur queer renseigne davantage sur cette période-là que sur la période historique recréée. Une telle approche a pourtant le désavantage de diminuer l’importance de la matière historique sur laquelle le romancier se fonde19 ; elle minore le travail de documentation effectué par l’écrivain et réduit ce dernier à un produit issu de son temps, dépourvu de la capacité de dépasser sa propre situation.
13Le chercheur peut, d’autre part, choisir de se consacrer à l’époque historique recréée pour étoffer son analyse. Il s’en informe à travers l’étude de documents historiques ou de sources secondaires et analyse le texte littéraire en relation avec ces connaissances. Une telle approche accentue l’influence du passé étudié et recréé par l’écrivain. Parfois, il en résulte que le chercheur préfère rester fidèle aux mots et aux catégories de cette époque-là plutôt que d’utiliser des termes d’aujourd’hui, forcément anachroniques. La faiblesse de cette perspective est d’ignorer l’influence des discours, des normes et des catégories entourant l’écrivain, ce qui en quelque sorte va à l’encontre de la théorie queer.
14Une troisième option consiste à arracher le texte à son contexte et à l’analyser comme un produit littéraire fictif à part entière sans faire référence à l’époque historique traitée, ni au contexte sociohistorique et discursif de l’écrivain qui l’a écrit. Dans ce cas-là, la théorie et les méthodologies actuelles prennent facilement le dessus dans l’analyse du thème sexuel. Une telle étude contribue à faire évoluer le champ de la recherche queer, par exemple en raffinant les théories, en développant les méthodologies ou en créant de nouveaux concepts. Néanmoins, la prédilection marquée pour la théorie et la méthodologie risque de négliger aussi bien l’importance du contexte de l’écrivain que l’influence des sources historiques sur le roman.
15Chacune des trois optiques envisagées fournirait des informations sans doute importantes. Prises isolément, elles ne suffisent cependant pas à considérer tous les aspects du sujet. Réunies, elles promettent une analyse riche et nuancée, apte à renseigner à la fois sur l’histoire, sur le contexte de l’auteur et, enfin, sur la situation actuelle.
La sexualité du passé chez Marguerite Yourcenar
- 20 Christopher Robinson, Scandal in the Ink. Male and Female Homosexuality in Twentieth-Century Frenc (...)
- 21 En fait, Robinson n’étudie pas l’œuvre de maturité de Yourcenar, à l’exception des Mémoires d’Hadr (...)
- 22 Voir Joan Howard, From Violence to Vision. Sacrifice in the Works of Marguerite Yourcenar, Carbond (...)
- 23 Pia Livia Hekanaho, op. cit., p. 90.
16Dans ce qui suit, j’interrogerai quelques perspectives possibles à partir du cas précis de Marguerite Yourcenar. En faisant le bilan des recherches existantes qui interrogent la sexualité et/ou le genre sexué dans son œuvre, on trouve facilement des exemples de chacune des trois stratégies énumérées ci-dessus. Christopher Robinson adopte la première stratégie dans son étude sur l’homosexualité dans la littérature française au xxe siècle. Il rattache le premier roman de Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat (1929), à la tradition gidienne alors que Feux (1936), un autre texte de jeunesse yourcenarien, est relié au monde littéraire de Colette20. Aucune attention n’est accordée par lui à l’influence de la matière historique, même lorsqu’il s’agit des grands romans historiques21. Quant à la deuxième stratégie, certaines études sur le roman yourcenarien Le Coup de Grâce (1939), dont l’histoire se déroule dans les pays baltes ravagés par les luttes entre bolchéviques et corps francs qui firent suite à la révolution russe, ont choisi cette piste22. Elles étudient le comportement et les valeurs de son héros à la lumière de Männerphantasien (1977), une étude sur la conscience fasciste et les expériences des soldats fascistes faite par le sociologue Klaus Theweleit. La troisième stratégie est illustrée par la thèse de Pia Livia Hekanaho sur Yourcenar ; en effet, elle mélange la deuxième stratégie et la troisième. En dépit de certains efforts de mise en contexte, les théories et les concepts queer dominent dans cette étude. Par exemple, Hekanaho, en comparant Alexis ou le Traité du vain combat à Corydon d’André Gide, interprète le premier comme une réponse « queer » aux stratégies « gay » du second23. Que son sous-titre soit « lectures queer des œuvres de Yourcenar » est à ce propos significatif : le pluriel annonce qu’il s’agit d’une suite de lectures séparées où différentes perspectives et méthodes queer sont appliquées. L’ambition de relier l’œuvre yourcenarienne à la tradition de la littérature homosexuelle dirige son analyse. Bref, la même œuvre et une thématique similaire, c’est-à-dire portant sur la sexualité et/ou le genre sexué, donnent lieu à des stratégies analytiques diverses par rapport à la matière historique sur laquelle se fonde le roman historique.
17L’attitude de l’écrivain, dont on étudie l’œuvre, à l’égard de la matière historique est un facteur important, puisque certains écrivains se soucient plus de l’exactitude historique que d’autres. À ce propos, le paratexte peut fournir des indications précieuses. Les romans de Yourcenar sont fondés sur un travail de documentation minutieux et extensif, explicité dans des notes ou des carnets de notes ajoutés immédiatement après le texte fictionnel. Son ambition dépassait de loin le souci d’éviter des erreurs factuelles : Yourcenar recherchait le ton et l’atmosphère authentiques. Dans les « Carnets de notes de Mémoires d’Hadrien », elle décrit sa méthode :
- 24 Marguerite Yourcenar, Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », (...)
Les règles du jeu : tout apprendre, tout lire, s’informer de tout […]. Poursuivre à travers des milliers de fiches l’actualité des faits ; tâcher de rendre leur mobilité, leur souplesse vivantes, à ces visages de pierre […]. Travailler à lire un texte du iie siècle avec des yeux, une âme, des sens du iie siècle24.
- 25 Andrea Hynynen, op. cit.
18Une telle description des préparations exigées pour un roman historique encourage le chercheur à porter son attention aux sources historiques plutôt que d’explorer le contexte de l’écrivain. L’ambition de Yourcenar se voit aussi dans le traitement de la sexualité dans les romans. Non seulement les mots utilisés changent d’un roman à un autre, mais la façon dont les héros voient leurs expériences et désirs sexuels est encore retravaillée, comme nous le verrons par la suite25. Néanmoins, le chercheur ne doit pas se laisser dominer par la stratégie affichée de l’auteur, qui peut cacher d’autres éléments tout aussi importants, quoique moins explicites. Il n’y a pas de doute que Yourcenar s’est efforcée de respecter les modes de pensée d’autrefois, mais il ne va pas de soi qu’elle ait réussi à se libérer complètement des valeurs de son temps. Un défi supplémentaire provient du fait que la plupart de ses romans sont le résultat d’un long processus de maturation, ce qui fait qu’il est difficile de rattacher ces romans à l’actualité dans les mœurs sexuelles au moment de leur publication, bien que celles-ci aient sans doute eu un impact sur la manière dont la sexualité est manifestée dans les textes.
- 26 David M. Halperin, How to do the History of Homosexuality, Chicago, The University of Chicago Pres (...)
19Trois textes de Yourcenar seront commentés plus en détail : Alexis ou le Traité du vain combat, Mémoires d’Hadrien et L’Œuvre au Noir. Ils représentent, d’une part, différents moments dans la production yourcenarienne et, d’autre part, ils mettent en scène des périodes historiques éloignées les unes des autres. Ils ont paru en 1929, 1951 et 1968, respectivement. Le premier se déroule en Europe centrale au début de la Belle Époque, le deuxième dans l’Empire romain du iie siècle et le troisième à la Renaissance, à travers l’Europe entière. Les héros de ces trois textes, dont les deux premiers sont aussi des narrateurs autodiégétiques, vivent des relations sexuelles avec d’autres hommes ainsi qu’avec des femmes. Partant de la classification avancée par Halperin, ces romans nous offrent alors l’image d’un pédéraste, d’un sodomite et d’un homosexuel moderne26.
- 27 Antony Copley, Sexual Moralities in France 1780-1980. New Ideas on the Family, Divorce, and Homose (...)
20Le premier roman de Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat, a la forme d’une lettre que le narrateur autodiégétique Alexis de Géra écrit à son épouse pour lui confesser son homosexualité, sans pour autant jamais prononcer ce mot. Cette confession constitue le thème principal du texte : tout ce qui est raconté s’y rapporte. Le roman se présente alors comme un coming out épistolaire, si l’on veut utiliser ce mot contemporain. Le texte fut rédigé en France vers la fin des années 1920, mais l’histoire est située au tournant du siècle dans l’Europe centrale. Le décalage temporel d’une vingtaine d’années est si modeste qu’il ne s’agit pas d’un véritable roman historique, d’autant plus que son sujet ne dépasse pas le problème personnel. La discussion française au sujet de l’homosexualité fut, de plus, en retard sur la discussion allemande : par exemple, les idées de Freud ne se répandirent en France que dans les années 192027. Alors, le chercheur queer n’a pas à choisir entre deux contextes très différents en ce qui concerne l’interprétation de la sexualité. Néanmoins, cet ouvrage est important pour mon raisonnement, car il complète les deux autres dans la mesure où il offre un exemple différent de la manière dont Yourcenar traite de l’homosexualité dans son œuvre. En fonction de son thème unique et de sa forme, il suscite un procédé analytique d’un autre ordre que les Mémoires d’Hadrien et L’Œuvre au Noir, illustrant ainsi la complexité de la question méthodologique qui est en jeu.
21La lettre d’Alexis est une explication adressée à sa femme, mais elle constitue en même temps une défense contre les discours et les préjugés de son époque par rapport à l’homosexualité. Le texte est rempli de déclarations annonçant les erreurs des sentences morales, de l’opinion publique, des explications scientifiques et religieuses. Voici quelques exemples : « les gens qui parlent par ouï-dire […] accusent l’exemple, la contagion morale […] ils ne savent pas que la nature est plus diverse qu’on ne suppose » ; « Ils font l’éloge de la pureté ; ils ne savent pas combien la pureté peut contenir de trouble ; ils ignorent surtout la candeur de la faute » (OR, p. 23) ; « ce dont je vous parle passe pour être une maladie […]. Mais je ne suis pas un médecin ; je ne suis même plus sûr d’être un malade » (OR, p. 18) ; « comment un terme scientifique pourrait-il expliquer une vie ? » (OR, p. 19). Ainsi, le discours d’Alexis met en lumière différents arguments et explications attachés à l’homosexualité : la faute et la pureté font référence à un discours religieux, alors que la maladie et la science reviennent à un discours médical. Ce dernier point en particulier avertit le chercheur, l’invitant à rattacher le texte yourcenarien à un certain moment dans l’histoire de l’homosexualité, notamment le débat médical et psychanalytique qui survint pendant la seconde moitié du xixe siècle, surtout dans le monde germanique, et se prolongea pendant les premières décennies du xxe siècle, en France également.
- 28 David M. Halperin, One Hundred Years of Homosexuality, op. cit., p. 16.
22Alexis décrit son enfance et sa jeunesse de manière à évoquer les interprétations de l’homosexualité comme une inversion de genre, telles que la théorie de l’uranisme avancée par Karl Heinrich Ulrichs dans les années 186028. Alexis grandit entouré de sa mère et de ses sœurs, soumises à une idéalisation extraordinaire de sa part, tandis que le père et les frères sont tenus à distance. Alexis dit aussi être incapable de désirer des femmes parce qu’il leur ressemble trop : « On ne s’éprend pas de ce que l’on respecte, ni peut-être de ce que l’on aime ; on ne s’éprend pas surtout de ce à quoi l’on ressemble, et ce dont je différais le plus, ce n’était pas des femmes » (OR, p. 22). Le narrateur-héros s’attribue des qualités qu’il associe autrement aux femmes : timidité, silence, sensibilité. L’air féminin qu’Alexis se reconnaît, ainsi que la fixation sur la mère, confirment qu’il est fructueux de relier ce petit roman aux débats médical, religieux et public du début du xxe siècle. Plusieurs indices textuels font appel aux explications psychanalytiques de l’homosexualité, en particulier à celles de Sigmund Freud, dont les Trois essais sur la théorie sexuelle parurent en 1905. Il n’est pas anodin qu’Alexis quitte sa famille pour essayer une carrière de musicien à Vienne, la ville où pratiquait Freud. Aussi dit-il avoir essayé de trouver une explication à sa situation en analysant ses rêves : « j’ai tâché de me rappeler mes pensées, mes sensations, plus intimes que des pensées, et jusqu’aux rêves. Je les ai analysés pour voir si je n’y découvrais pas quelque signification inquiétante, qui alors m’avait échappé » (OR, p. 11).
- 29 Yourcenar elle-même tenait toujours à minimiser l’influence de Gide sur son œuvre. Il n’en reste q (...)
- 30 Christopher Robinson, op. cit., p. 228-231.
23Dès la publication d’Alexis, la critique a souligné son air gidien, aussi bien au niveau du style et de la forme qu’au niveau du sujet29. Il est vrai que la forme du récit et le fait d’avouer et de défendre l’homosexualité à la première personne rappellent l’œuvre de Gide, en particulier Corydon, publié quelques années avant le texte de Yourcenar. Pourtant, Gide y défend un autre modèle de l’homosexualité que ce texte yourcenarien, à savoir une pédérastie virile fortement dissociée de l’inversion et des hommes efféminés30. Alexis se dresse contre tout effort pour trouver une explication scientifique à l’homosexualité, mais il renonce à présenter sa propre interprétation. En fait, ses explications sont parfois contradictoires : l’assertion « Je crois que ces années d’enfance ont déterminé ma vie » (OR, p. 15) contraste avec la déclaration « Il est humiliant de penser que tant d’aspirations confuses, d’émotions et de troubles (sans compter les souffrances), ont une raison physiologique » (OR, p. 18). La première explique l’homosexualité par l’enfance, ce qui est encore une référence à la psychanalyse, tandis que la deuxième en fait un instinct biologique inné. Enfin, le récit nie la possibilité de trouver une explication ; la vie est trop complexe pour se laisser enfermer dans des catégories fixes, d’où le refus catégorique d’utiliser les termes courants à l’époque : inversion, uranisme ou homosexualité. Néanmoins, une analyse queer de ce roman gagne à être reliée précisément à ces explications scientifiques aussi violemment repoussées, car elles sous-tendent l’argumentation d’Alexis.
24Les Mémoires d’Hadrien, publiés en 1951, se présentent comme les Mémoires écrits par Hadrien, empereur romain régnant de 117 à 138. Ce roman historique contient un épisode d’amour mémorable qui se prête bien à une analyse queer. Vers le milieu du roman, Hadrien rencontre le garçon Antinoüs, qui devient son bien-aimé et le suit partout avant de se suicider quelques jours avant son vingtième anniversaire. Tout le chapitre central du roman (le quatrième des sept chapitres) est consacré à cet amour, qui coïncide avec le sommet de la carrière d’Hadrien et constitue son âge d’or (Sæculum aureum).
25Hadrien est le « maître absolu » (OR, p. 406) de ce garçon silencieux, soumis et exceptionnellement beau. Le texte soulève régulièrement l’asymétrie de leur relation hiérarchique : l’érudition exceptionnelle d’Hadrien, cause de mépris parmi ses contemporains romains, contraste avec l’ignorance du garçon, décrit comme étant « peu lettré, ignorant de presque tout, crédule » et indifférent à « tout ce qui n’était pas son culte » (OR, p. 405), à savoir son amour pour Hadrien. L’un se trouve à la tête de l’empire le plus grand du monde, alors que l’autre est le fils d’un père occupant « une place modeste dans la gestion des grands domaines de l’empire » (OR, p. 404). Le jeune âge d’Antinoüs est sans cesse souligné au moyen de dénominations telles que « l’enfant », « le garçon », « un jeune chien », « un poulain », « le jeune coureur ». Quant à Hadrien, c’est un homme mûr dont le lecteur a déjà suivi la lente ascension vers le pouvoir. Le texte abonde en allusions à la Grèce classique par rapport à Antinoüs, qui est comparé à des héros mythiques et à des dieux antiques à plusieurs reprises : Patrocle, Éros, Hermès, Bacchus. Donc, il n’est pas difficile pour le chercheur de reconnaître que la relation d’Hadrien avec Antinoüs est modelée sur la tradition pédérastique qui fleurissait dans la Grèce classique. Le texte invite l’analyste à chercher de ce côté-là s’il souhaite explorer la dynamique de cette relation.
- 31 Cf. Andrea Hynynen, op. cit., p. 343-349.
26Que cette histoire soit influencée par des documents antiques et ainsi par l’époque historique recréée se voit également au niveau du vocabulaire. Là où Alexis parlait de penchant, d’instinct ou de faute, le narrateur autodiégétique des Mémoires d’Hadrien parle de l’amour. Qu’il soit question de « l’amour d’un corps » ou de « l’amour d’une personne » (OR, p. 295), ce même mot est utilisé. Le mot amour figure dans des textes grecs antiques traitant de ce sujet, dont Le banquet de Platon est, à ce propos, sans doute la source d’inspiration la plus importante pour le roman yourcenarien31. En revanche, les mots pédéraste, éraste ou éromène ne sont jamais mentionnés. En fait, Hadrien, à l’instar d’Alexis, ne donne jamais de nom à sa sexualité. La seule expression utilisée qui est un peu plus spécifique est « ma préférence sensuelle », trouvée une seule fois dans le texte. Autrement, le narrateur utilise des expressions qui englobent et des relations hétérosexuelles et des relations homosexuelles : à part l’amour, de loin le plus fréquemment utilisé, sont mentionnés la passion, la volupté, le plaisir, etc. Ce choix de mots a, d’ailleurs, deux fonctions : d’un côté, il voile le fait que l’éloge de l’amour fait par Hadrien ressortit à son amour pour un jeune garçon ; de l’autre côté, le vocabulaire utilisé transmet l’idée de l’unité de la passion, qui ne connaît pas de différence entre désir hétérosexuel et désir homosexuel. La première fonction s’interprète facilement comme une concession aux goûts des lecteurs modernes : en parlant de l’amour en général plutôt que de cet amour particulier, le texte facilite une réception favorable. En revanche, la deuxième fonction, c’est-à-dire l’expression de l’unité de la passion, revient plutôt aux normes de l’époque recréée. L’interprétation que le chercheur favorise dépend de la manière dont il comprend la « mise en en contexte ».
- 32 Christopher Robinson, op. cit., p. 26. Cf. Antony Copley, op. cit.
27Le début des années 1950 se caractérisait en France et aux États-Unis, où Yourcenar s’était installée en 1937 avec son amie Grace Frick, par un mouvement réactionnaire soulignant l’importance de la famille, ceci combiné à une attitude plus sévère à l’égard des minorités sexuelles, dont l’homosexualité32. L’intérêt de Yourcenar pour la relation d’Hadrien et d’Antinoüs n’émane guère de ces évolutions sociétales, qui, au contraire, auraient dû la décourager d’aborder un tel sujet. Il ne faut pas non plus négliger l’importance de l’exil de Yourcenar. N’ayant rien publié depuis les années 1930, celle-ci se trouvait loin des cercles littéraires français. Pourtant, cela ne veut pas dire que Yourcenar soit insensible aux discours contemporains et à ses lecteurs potentiels.
28Les Mémoires d’Hadrien contiennent plusieurs passages qui expliquent et normalisent les relations pédérastiques. Dans sa jeunesse, Hadrien se trouve soudain en compétition avec son prédécesseur l’empereur Trajan, lorsque les deux hommes sont attirés par le même garçon : « Un beau visage me conquit. Je m’attachai passionnément à un jeune homme que l’empereur aussi avait remarqué » (OR, p. 325). Cet incident passager est raconté de manière à ce qu’il n’apparaisse que comme un des quelques revers subis par Hadrien avant qu’il ne soit adopté par Trajan, donc peu important pour la diégèse. Il indique cependant au lecteur que ce type de relation est conforme à l’époque recréée : étant donné qu’un beau visage provoque la même réaction chez les deux hommes, celle-ci apparaît comme tout à fait ordinaire. Un deuxième exemple plus évident est fourni par la remarque suivante énoncée par Hadrien : « Il va sans dire que je n’incrimine pas la préférence sensuelle, fort banale, qui en amour déterminait mon choix » (OR, p. 420). Que cette phrase soit insérée dans le texte témoigne justement du contraire : il faut le dire, puisqu’il ne va pas sans dire que la préférence « homosexuelle » soit innocente aux yeux du lecteur moderne. Il est clair que le texte s’adresse à des lecteurs censés ignorer ou condamner le modèle pédérastique, ce qui n’est guère étonnant vu que le roman parut avant que le mouvement gay n’améliore la visibilité et les connaissances des minorités sexuelles.
- 33 Il ne faut pas oublier que la relation d’Hadrien et d’Antinoüs n’est guère représentative de l’emp (...)
- 34 David M. Halperin, One Hundred Years of Homosexuality, op. cit., p. 93. Cf. Michel Foucault, Histo (...)
29Le texte contient quelques passages qui laissent entendre que le modèle pédérastique antique n’est pas transposé dans le roman tel quel33. Certaines modifications ont été ajoutées à cet amour, parmi lesquelles l’insistance sur l’interdépendance d’Hadrien et d’Antinoüs et sur la volupté de ce dernier. En particulier, « l’ardeur au plaisir » (OR, p. 429) qu’Hadrien identifie chez Antinoüs paraît contraire au modèle pédérastique, du moins tel qu’il est décrit par Halperin ou Foucault34. Le garçon n’est pas censé jouir de l’acte sexuel. Donc, la documentation historique et l’époque recréée sont d’une importance capitale pour la représentation de la sexualité dans Mémoires d’Hadrien, mais elles ne l’expliquent pas à part entière. Il est cependant essentiel que le chercheur queer se renseigne sur la période mise en scène pour qu’il puisse reconnaître comment le roman s’en écarte.
30Paru en 1968, L’Œuvre au Noir est situé dans l’Europe du xvie siècle, c’est-à-dire avant que ne se propagent la conception moderne de l’homosexuel et l’opposition binaire homo-/hétérosexualité. Le héros Zénon, philosophe, médecin et alchimiste, assiste aux nouvelles idées de la Renaissance et au développement du savoir, mais il est également confronté à de sanglants conflits religieux et politiques et à la superstition. Le roman dépeint une société particulièrement répressive en matière de sexualité sous toutes ses formes : « Il est étrange que pour nos chrétiens les prétendus désordres de la chair constituent le mal par excellence, dit méditativement Zénon » (OR, p. 814). Le milieu répressif oblige à la discrétion et se reflète dans l’atmosphère négative qui caractérise les scènes sexuelles dans le roman. Zénon fait l’amour avec des femmes et des garçons, mais préfère ces derniers et considère que son attachement à eux se fonde sur une attraction plus authentique et plus noble, n’étant pas motivé par les convenances. Pourtant, sa préférence n’est pas exclusive, car Zénon éprouve parfois du plaisir auprès d’une femme.
- 35 Gary Ferguson, « Avant-goûts », op. cit., p. 108.
- 36 Didier Godard, L’Autre Faust. L’Homosexaulité masculine pendant la Renaissance, Montblanc, H&O Édi (...)
31À part quelques variations mineures, les liaisons sexuelles, toujours éphémères, que Zénon vit avec des garçons suivent le même modèle : Zénon est le partenaire plus âgé face à un beau garçon silencieux et passif. Ce dernier n’est présenté qu’à travers les paroles ou les pensées rétrospectives du héros. La relation intime est associée à l’instruction : « Le désir d’une jeune chair, il ne l’avait que trop souvent chimériquement associé au vain projet de se former un jour le parfait disciple » (OR, p. 695). Que le disciple idéal rêvé soit une illusion en fin de compte n’empêche pas Zénon de mêler l’éducation à ses relations sexuelles. Un deuxième élément important est l’association de ces expériences à l’hérésie : « certaines de ses passions, assimilées à une hérésie de la chair, pouvaient lui valoir le sort réservé aux hérétiques, c’est-à-dire le bûcher » (OR, p. 739). La configuration de la relation intime de Zénon avec un jeune partenaire muet et fidèle répète le modèle pédérastique mis en scène dans les Mémoires d’Hadrien. L’érudition classique de Yourcenar y est sans doute pour quelque chose, mais d’autre part, la redécouverte de textes classiques qui anima la Renaissance favorisait des relations homosexuelles pédérastiques35. Donc, cet aspect peut ressortir aussi bien à l’une qu’à l’autre. En revanche, le rapprochement entre la sodomie et l’hérésie, ainsi que celui entre la sodomie et le savoir s’inscrivent parfaitement dans l’époque historique recréée36.
32La représentation de liaisons homosexuelles dans L’Œuvre au Noir se veut fidèle à la Renaissance sur le plan du vocabulaire. Le mot sodomite, déjà cité, y figure quelques rares fois. Néanmoins, c’est une catégorie que ni le narrateur ni le héros ne jugent adéquate pour définir les expériences sexuelles de Zénon. Ce mot est mis dans la bouche d’un autre personnage, sinon attribué à la voix publique : « des bruits qui faisaient de lui [Zénon] un sodomite et un sorcier » (OR, p. 694). La validité du mot est aussitôt niée : « mais les mots ne correspondaient pas aux choses ; ils traduisent seulement l’opinion que le troupeau se fait des choses » (ibid.). Un autre mot, emprunté au discours religieux répressif de l’époque recréée, apparaît bien plus souvent dans le roman, à savoir la chair. Par contre, il est rarement question d’amour.
- 37 Aucune scène homosexuelle n’est racontée.
33L’Œuvre au Noir parut au moment de la révolution sexuelle et des débuts du mouvement gay. À partir de ce contexte, on s’attendrait peut-être à un traitement positif de la sexualité, ce qui n’est pas le cas. Dans le roman, la sexualité est une force destructive qui mène à la mort. Certes, le lien entre l’amour et la mort est parfaitement conventionnel. Cependant, il est remarquable que parmi les textes de Yourcenar L’Œuvre au Noir présente l’image la plus négative de la sexualité : soit l’importance de la relation est discréditée, soit la relation aboutit à un désastre. En même temps, le roman peut se lire comme une critique violente de la répression sexuelle exercée par le christianisme. Aussi le texte contient-il quelques descriptions de scènes sexuelles, tandis que les livres précédents n’en présentent pas37. Les opinions des personnages concernant la sexualité sont plus explicitement exprimées qu’avant : il y a même un dialogue où Zénon et son cousin Henri-Maximilien s’entretiennent sur ce sujet et comparent leur préférence homo- et hétérosexuelle respective. Donc, malgré l’image sinistre de la sexualité communiquée par ce roman, il est possible de relier la manière dont le sujet est évoqué aux évolutions sociales qui se produisent autour de l’écrivain et permettent un discours plus ouvert.
En guise de conclusion
34Dans ce qui précède, il a été montré que l’expression de la sexualité dans les romans historiques de Yourcenar combine des éléments ressortissant à l’époque historique recréée et la prise en considération de ses lecteurs implicites. De plus, les œuvres manifestent quelques particularités yourcenariennes constantes qui sont indépendantes aussi bien de la matière historique que du contexte de l’écrivain : la discrétion, l’insistance sur la beauté du jeune corps masculin, le refus des catégories et des explications causales du désir. Ce dernier point est symptomatique de l’universalité évoquée plus haut. Le chercheur queer qui veut pénétrer le sujet au fond a besoin de connaissances aussi bien sur l’époque historique recréée que sur la situation de Yourcenar.
- 38 Didier Éribon (dir.), Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Paris, Larousse, 2003, s.v. « (...)
35Si le chercheur souhaite respecter le ton de l’œuvre yourcenarienne dans son analyse, il ferait bien d’éviter une terminologie queer moderne. En fait, Mémoires d’Hadrien et L’Œuvre au Noir révèlent combien il est difficile de trouver une terminologie appropriée lorsqu’on entreprend une étude queer sur des romans historiques situés dans une époque lointaine. Hadrien et Zénon ne sont ni gay ni homosexuels, car ils sont aussi séduits par des femmes. Hadrien n’est pas queer non plus, car le désir qu’il éprouve pour Antinoüs n’est pas contraire aux normes de son monde. Par contre, il est queer à partir du point de vue des lecteurs et des chercheurs modernes. Quant à Zénon, il est sodomite, certes. Dans une analyse de L’Œuvre au Noir, l’emploi de ce mot est toutefois douteux, car il n’avait pas nécessairement le même sens à la Renaissance qu’aujourd’hui. La sodomie, avant le xviiie siècle, ne désignait pas seulement les actes sexuels accomplis par deux hommes, mais elle englobait toutes sortes d’activités sexuelles condamnées : pénétration anale d’une femme par un homme, zoophilie, activités sexuelles en groupe, entre autres38. Par conséquent, l’usage du mot sodomite donne facilement lieu à confusion, d’autant plus qu’il apparaît aussi dans le texte romanesque. En ce qui concerne Alexis, ses véritables expériences sexuelles justifieraient la dénomination de bisexualité, alors que son goût exclusif mérite l’appellation d’homosexualité. La bisexualité serait un terme possible, mais celui-ci est si lié à l’opposition homo-/hétérosexualité qu’il ne rend compte ni de l’expérience d’Hadrien ni de celle de Zénon. D’ailleurs, cette catégorie dissimule les différences considérables entre les expériences respectives d’Alexis, d’Hadrien et de Zénon. Bien entendu, le chercheur queer pourrait choisir le terme parapluie de queer pour regrouper ces personnages, mais il n’est guère plus informatif.
36L’étude de la sexualité dans des romans historiques exige une réflexion méthodologique sérieuse de la part du chercheur queer à cause de tous les facteurs qui entrent en jeu. Il n’existe pas de réponse simple à ce défi. Il est souhaitable que le chercheur connaisse en profondeur aussi bien l’époque recréée, le contexte de l’auteur que sa propre situation, même s’il est dans la pratique parfois difficile d’intégrer une discussion approfondie des trois plans historiques dans le cadre d’une étude particulière. Pour assurer sa cohérence, il est peut-être nécessaire de privilégier soit l’époque recréée, soit le contexte de l’auteur. Une analyse approfondie exigerait toutefois que le chercheur se renseigne autant sur les deux afin de juger quelle piste est la plus fructueuse du point de vue de sa problématique. Souvent les textes ou le paratexte indiquent eux-mêmes quelle direction promet d’être la plus riche.
37Grâce aux nombreuses pistes de réflexion qu’il suscite, le roman historique apparaît comme un objet d’étude propice aux études queer dans la mesure où il met en évidence que l’image du chercheur littéraire neutre et extérieur à son sujet est chimérique. Ainsi, son analyse confirme le postulat queer selon lequel la recherche est une activité engagée. Sur ce point, les études queer peuvent apporter des connaissances importantes à la recherche sur le genre littéraire en question, en avertissant les chercheurs qu’il est important de considérer leur propre position dans la situation analytique. Les études queer enrichissent aussi l’analyse du roman historique lorsqu’elles soulignent qu’il est important de tenir compte de l’évolution des discours et des catégories identitaires. Étant donné qu’un des buts principaux des études queer est de dénaturaliser et d’historiciser les normes et les catégories sexuelles en dévoilant leur nature construite, l’intérêt particulier du roman historique pour les études queer réside dans la confrontation de trois plans temporels. En permettant de discerner les différences et les similitudes entre plusieurs époques et en explorant la manière dont les mœurs sexuelles du passé ont été réinterprétées à un autre moment de l’histoire, l’étude queer du roman historique contribue à ce travail dénaturalisant.
Notes
1 Martial Martin, « Queering/historiciser le mythe de Gaveston : les libelles de la Ligue et de la Fronde », dans Pierre Zoberman (dir.), Queer : écritures de la différence ? 1. Autres temps, autres lieux, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 114.
2 Anne Tomiche et Pierre Zoberman (dir.), Littérature et identité sexuelle, Paris, Société Française de Littérature Générale et Comparée, 2007, p. 24. La discussion de Zoberman et de Tomiche englobe études féministes, études gay et lesbiennes et études queer. Leur remarque me paraît toutefois pertinente par rapport à la situation des recherches queer seules.
3 En 1993, tout un colloque a été consacré au sujet de l’universalité chez Yourcenar. Cf. Maria José Vazquez de Parga et Rémy Poignault (dir.), L’Universalité dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, vol. I-II, Tours, Société Internationale d’Études Yourcenariennes, 1994, 1995.
4 Voir Andrea Hynynen, Pluralité et fluidité antinormatives : étude sur les transgressions sexuelles dans l’œuvre romanesque de Marguerite Yourcenar, Thèse de doctorat, département de langue et littérature françaises, Université d’Åbo Akademi, Turku, Åbo Akademi University Press, 2010.
5 Steven Seidman, « Identity and Politics in a “Postmodern” Gay Culture: Some Historical and Conceptual Notes », dans Michael Warner (ed.), Fear of a Queer Planet, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1993, p. 105-142. Cf. David Halperin, One Hundred Years of Homosexuality, New York, Routledge, 1990, p. 15-27.
6 Les propos de Foucault concernant la naissance de l’homosexuel au xixe siècle, au début traités quasiment comme une vérité absolue, ont désormais été modérés. Cf. Gary Ferguson, « Avant-goûts : (Homo)sexualités comparées au seuil de la modernité », dans Anne Tomiche et Pierre Zoberman (dir.), op. cit., p. 105-122.
7 Tania Navarro Swain, « Au-delà du binaire : les queers et l’éclatement du genre », dans Diane Lamoureux (dir.), Les limites de l’identité sexuelle, Montréal (Québec), Remue-ménage, 1998, p. 135-149, p. 140.
8 Apostolos Lampropoulos, « Queer(ing) theory : de la déstabilisation perpétuelle à la relance du théorique », dans Pierre Zoberman (dir.), Autres temps, autres lieux, op. cit., p. 24-41, p. 26.
9 Jean Schneider, « L’expression hyperbolique de l’amitié dans les lettres d’un moine byzantin », dans Pierre Zoberman (dir.), Autres temps, autres lieux, op. cit., p. 80-101.
10 Paul-André Perron, « Le “je” et le “nous”. Heurs et malheurs du concept d’identité », dans Diane Lamoureux, op. cit., p. 151-161.
11 Steven Seidman, op. cit., p. 109.
12 Pierre Zoberman, « Introduction », dans Pierre Zoberman (dir.), Autres temps, autres lieux, op. cit., p. 12.
13 Judith Halberstam, Female Masculinity, Durham, Duke University Press, 1998, p. 52.
14 Pierre Zoberman, « Queer au xviie siècle ? Stratégies discursives et culture sexuelle dans la France de Louis XIV », dans Pierre Zoberman (dir.), Queer : écritures de la différence ?2. Représentations : artistes et créations, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 17.
15 Gary Ferguson, « Pour un passé queer : lire l’homosexualité aux débuts des temps modernes », dans Pierre Zoberman (dir.), Autres temps, autres lieux, op. cit., p. 125.
16 Ibid., p. 119.
17 Gary Ferguson, « Pour un passé queer », op. cit.
18 Voir Pia Livia Hekanaho, Yhden äänen muotokuvia. Queer-luentoja Marguerite Yourcenarin teoksista, Thèse de doctorat, littérature comparée, Université d’Helsinki, Yliopistopaino, 2006, p. 17.
19 Mon intention n’est pas de suggérer que la documentation soit un travail neutre, donnant accès à la vérité historique. Il est évident que l’auteur, à l’instar de l’historien, trie et interprète ses sources. Toutefois, une analyse centrée exclusivement sur les influences contemporaines de l’auteur devient dans la plupart des cas trop restreinte.
20 Christopher Robinson, Scandal in the Ink. Male and Female Homosexuality in Twentieth-Century French Literature, London, Cassell, 1995, p. 228-231. Son rapprochement surprenant entre Yourcenar et Colette, que la critique yourcenarienne existante, à ma connaissance, ne soutient pas, résulte peut-être d’une focalisation excessive sur les figures littéraires trouvées dans la proximité de Yourcenar.
21 En fait, Robinson n’étudie pas l’œuvre de maturité de Yourcenar, à l’exception des Mémoires d’Hadrien. Il renonce à analyser les deux romans historiques L’Œuvre au Noir et Un homme obscur. Donc, il évite en partie la problématique qui est la nôtre.
22 Voir Joan Howard, From Violence to Vision. Sacrifice in the Works of Marguerite Yourcenar, Carbondale/Edwardswille, Southern Illinois Unversity Press, 1992; Michael Rothberg, « Coup de grâce as Male Fantasy: On the Sexual Politics of Fascism », dans Judith Holland Sarnecki et Ingeborg Majer O’Sickey (ed.), Subversive Subjects. Reading Marguerite Yourcenar, Madison/Teaneck, Fairleigh Dickinson University Press, 2004, p. 125-147.
23 Pia Livia Hekanaho, op. cit., p. 90.
24 Marguerite Yourcenar, Œuvres romanesques, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 528. L’abréviation OR sera désormais utilisée dans le corps du texte.
25 Andrea Hynynen, op. cit.
26 David M. Halperin, How to do the History of Homosexuality, Chicago, The University of Chicago Press, 2002. Cité dans Pierre Zoberman, « Queer au xviie siècle », op. cit., p. 18.
27 Antony Copley, Sexual Moralities in France 1780-1980. New Ideas on the Family, Divorce, and Homosexuality, London, Routledge, 1989, p. 147-159.
28 David M. Halperin, One Hundred Years of Homosexuality, op. cit., p. 16.
29 Yourcenar elle-même tenait toujours à minimiser l’influence de Gide sur son œuvre. Il n’en reste que la critique est unanime sur ce point. Jusqu’à ce jour, je ne connais pas d’étude qui refuse les ressemblances entre Alexis et l’œuvre de Gide.
30 Christopher Robinson, op. cit., p. 228-231.
31 Cf. Andrea Hynynen, op. cit., p. 343-349.
32 Christopher Robinson, op. cit., p. 26. Cf. Antony Copley, op. cit.
33 Il ne faut pas oublier que la relation d’Hadrien et d’Antinoüs n’est guère représentative de l’empire romain du iie siècle. D’ailleurs, beaucoup de ses contemporains ridiculisaient cet amour excessif. Le culte établi par Hadrien à la mort du garçon est également unique.
34 David M. Halperin, One Hundred Years of Homosexuality, op. cit., p. 93. Cf. Michel Foucault, Histoire de la sexualité. II. L’Usage des plaisirs, Paris, Gallimard, 1984, p. 289.
35 Gary Ferguson, « Avant-goûts », op. cit., p. 108.
36 Didier Godard, L’Autre Faust. L’Homosexaulité masculine pendant la Renaissance, Montblanc, H&O Éditions, 2001, p. 207 passim.
37 Aucune scène homosexuelle n’est racontée.
38 Didier Éribon (dir.), Dictionnaire des cultures gays et lesbiennes, Paris, Larousse, 2003, s.v. « sodomie ».
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Référence papier
Andrea Hynynen, « Le chercheur queer et le roman historique : quelques défis de Marguerite Yourcenar », Itinéraires, 2011-1 | 2011, 137-154.
Référence électronique
Andrea Hynynen, « Le chercheur queer et le roman historique : quelques défis de Marguerite Yourcenar », Itinéraires [En ligne], 2011-1 | 2011, mis en ligne le 01 avril 2011, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/1670 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.1670
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