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Formes de savoir, réflexivités, espaces de racialisation

Race et espace : la ville comme lieu d’étude des représentations raciales

Race and Space: Exploring Racial Representations in the City
Mélodine Sommier

Résumés

Cette étude examine les « paysages raciaux » dans le centre-ville de Bordeaux, c'est-à-dire la façon dont les discours sur la race et le racisme se matérialisent au quotidien. Les paysages raciaux rendent compte de la nature contradictoire des discours sur la race et le racisme en Europe, et en France, qui sont à la fois omniprésents et dissimulés. Analyser le centre-ville de Bordeaux permet d’appréhender la manière dont les discours locaux et nationaux s’étayent et se construisent, mettant ainsi en lumière les relations complexes entre les discours sur la race, le passé colonial et le cadre républicain universaliste spécifique à la France (Fila-Bakabadio 2011). Cette étude pose donc la question suivante : Quels discours sur la race et le racisme sont (re)produits et contestés à Bordeaux ? Afin d’examiner les photographies (N = 401) prises par l’auteure en janvier et juillet 2020, une analyse visuelle et critique du discours a été utilisée pour accéder à la ville en tant qu’ « environnement sémiotique » (Amin et Thrift 2002 : 298) et terrain discursif. Les résultats révèlent le lien entre les discours sur la race et le néolibéralisme, notamment dans les zones de l’hyper centre-ville où magasins et restaurants tendent à utiliser des marqueurs d'altérité exotiques soigneusement pensés pour être vendus et consommés. En outre, deux discours concurrents sur la diversité (la diversité cosmopolite et la diversité comme pluralité vécue) ont été identifiés dans des zones spécifiques du centre-ville, révélant l'intersection entre race et classe sociale ainsi que l'interaction avec d'autres discours, plus larges ou plus anciens.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Toutes les citations des textes en langue anglaise ont été traduites par l’auteure.

1Cet article présente le terrain discursif qu’est la ville et ce qu’il révèle des structures et pratiques de tous les jours impliquées dans la (re)production de représentations racisées autant que dans le maintien des privilèges associés à la blanchité (James, Kim, Redclift 2016). Alors que de nombreuses études se penchent sur la construction de la race dans les discours circulant au niveau national (par ex. Cervulle 2021 ; Dalibert 2020), encore peu d’analyses examinent les paysages urbains au travers desquels les représentations raciales sont négociées au quotidien. Ainsi, cet article entend présenter la ville comme lieu d’étude significatif de la race et du racisme à travers l’analyse de photographies prises dans le centre-ville de Bordeaux. Travailler à l’échelle de la ville permet en effet de saisir les contradictions et caractéristiques des discours en France qui occultent la notion de race, et rejettent ainsi les expériences qui en découlent, alors que celle-ci façonne les réalités sociales quotidiennes. Le centre-ville se prête particulièrement bien à l’étude des paysages urbains de par la richesse visuelle qui le caractérise (Skey 2017) « offrant l'image d'une véritable jungle de signes1 » (Ben-Rafael, Shohamy, Barni 2010 : xv) et en faisant un « environnement sémiotique » (Amin et Thrift 2002 : 298) riche à analyser.

2Cet article s’inspire en partie des travaux sur les paysages linguistiques (Landry et Bourhis 1997) qui révèlent la pluralité des signes présents dans l’espace physique ainsi que leur double fonction, informative et symbolique, et la variété des acteur·trices impliqué·es dans leur renouvellement (Nikolaou 2017). Cette étude s’appuie sur ces mêmes éléments pour analyser les signes contribuant au discours sur la race dans le centre-ville de Bordeaux tel qu’expliqué dans la section « données et considérations méthodologiques » ci-dessous. En outre, cette étude utilise une approche discursive de la ville similaire à celle articulée dans les travaux sur les paysages linguistiques et qui met en avant l’aspect physique autant que social de l’espace. Ainsi, l’espace (urbain) est envisagé ici comme « un espace historique et donc rempli de codes, d'attentes, de normes et de traditions ; et un espace de pouvoir contrôlé par et contrôlant les gens » (Blommaert 2013 : 3, italique dans la citation originale). En cela, l’espace urbain peut se lire et s’étudier comme une forme de discours qui façonne et est façonné par les réalités sociales (Seargeant et Giaxoglou 2019).

3Bien que certaines études aient abordé, parfois en creux, la connexion entre race et espace, celles-ci tendent cependant à se concentrer sur les banlieues (par ex. Dijkema 2019 ; Niang 2019). Les représentations socio-spatiales des banlieues émanant, entre autres, des discours politiques et médiatiques, racialisent ces espaces urbains autant que ceux·lles qui y habitent (Hancock 2008). La racialisation des banlieues, et les outils de domination et de résistance qu’elle implique, en font dès lors un objet d’études significatif pour appréhender la co-construction des mondes social et urbain. La racialisation des banlieues contraste avec d’autres espaces urbains en France tacitement représentés comme neutres car n’étant pas associés avec la même force que les banlieues et leur·s habitant·es à une dimension raciale, ethnique, religieuse ou de genre (Hancock 2008). En examinant les représentations raciales dans le centre-ville de Bordeaux, cet article entend ainsi élargir le champ des recherches sur la race et l'espace en France tout en évitant de perpétuer, dans le discours académique, l’idée selon laquelle la race n’est objet d’étude qu’en connexion avec l’Autre et l’ailleurs. La ville de Bordeaux offre un contexte particulièrement riche pour comprendre quels discours sur la race et le racisme y sont (re)produits et contestés. En effet, de par son rôle dans le commerce triangulaire et sa connexion à l’histoire coloniale de la France, la ville de Bordeaux illustre la façon dont la race, bien que souvent occultée, fait partie intégrante de « l’archite(x)ture de l’espace Européen » (Goldberg 2006 : 340).

4L’analyse visuelle du centre-ville de Bordeaux présentée dans cet article révèle en effet la façon dont les représentations raciales sont présentes mais dissimulées du fait des logiques commerciales néolibérales qui s’entremêlent aux discours républicains nationaux tendant vers l’« aveuglement racial » (Noiriel 2006) d’une part, et aux discours locaux visant à positionner la ville comme haut lieu touristique et destination cosmopolite d’autre part. Au travers d’exemples tirés de l’analyse du centre-ville de Bordeaux, cet article présente donc les atouts propres à l’analyse des paysages urbains afin de mettre en lumière la façon dont la race et la blanchité sont imbriquées dans la vie quotidienne et liées aux conceptions historiques, structurelles et autres pratiques discursives de la race et du racisme.

Race et espace : étudier les représentations raciales en milieu urbain

5Le lien entre la race et l'espace reste encore relativement peu étudié et ce malgré sa résonance historique, notamment en lien avec le colonialisme, la ségrégation ou le vol de terres de populations indigènes, ainsi que son rôle dans les tensions et débats sociétaux actuels, comme illustré par le déboulonnement de statues racistes dans plusieurs villes depuis le printemps 2020 (par ex. la statue du marchand d'esclaves Edward Colston à Bristol, les statues du Roi Léopold ii à Antwerp et Ghent, les statues de Joséphine de Beauharnais et de Pierre Belain d’Esnambuc en Guadeloupe, la statue de Christophe Colomb à Mexico). En offrant un cadre conceptuel et méthodologique innovant, l'accent mis sur la relation entre race et espace permet de comprendre comment les processus raciaux ont évolué et non disparu, ce qui est particulièrement important dans le contexte européen actuel qui tend à être faussement présenté comme post-racial (Salem et Thompson 2016). Bien que les travaux sur la race et l'espace proviennent le plus souvent des États-Unis et portent sur ce pays, l’étude des paysages raciaux rend compte avec beaucoup de justesse des contradictions propres aux discours sur la race et le racisme en Europe. En effet, le passé raciste de l'Europe, en particulier l'esclavage et le colonialisme, est ancré dans « l'archite(x)ture de l'espace européen » (Goldberg 2006 : 340). Pourtant, ce passé, et sa traduction dans les paysages urbains actuels, est dissimulé et déconnecté des luttes de pouvoir actuelles. Il est donc crucial de se pencher sur ce thème pour rendre l'invisible visible et remettre en question « les discours dominants qui passent à côté des explications historiques et rejettent le lien entre les humiliations ethniques actuelles et la brutalité de la colonisation, de l'esclavage et de l'antisémitisme » (Essed et Hoving 2014 : 7). L'étude des paysages raciaux contribue ainsi à mettre en lumière les multiples façons dont la construction de l'espace et les processus de racialisation sont interconnectés.

6S’intéresser à la relation mutuellement constructive entre race et espace permet d’appréhender ce que l’espace dit de la race et, par extension, des individus qui y sont rendus (in)visibles et en sont inclus ou exclus (Redclift 2014). L’argument central de ce domaine de recherche étant que l'architecture de nos villes révèle l'architecture de notre monde social. De fait, enquêter sur la racialisation de l’espace permet d’appréhender les frontières, non seulement spatiales mais également symboliques, que ce processus crée entre individus racisés. Au contraire des discours verticaux normatifs qui associent les individus à une seule culture, les expériences urbaines donnent accès à des pratiques discursives et positions du sujet plus complexes marquées par l’intersection de dimensions telles que l'ethnicité, la langue, le sexe, la religion, la sexualité ou la classe sociale (Georgiou 2006). En cela, le milieu urbain est un objet d’étude riche qui contraste avec des discours nationaux souvent polarisés et idéologiques qui prônent soit le nivellement soit la célébration des différences (Georgiou 2006). Étudier la race à l’échelle de la ville donne ainsi tout son sens aux approches intersectionnelles et interdisciplinaires qui permettent de déconstruire les multiples discours qui s’entremêlent dans les milieux urbains et d’en saisir la complexité. On retrouve en effet dans la ville des discours émanant de multiples acteur·trices qui forment la manière dont la notion de race est (re)produite et contestée, permettant ainsi d’accéder aux rapports de domination sociale et politique qui sous-tendent les représentations racisées du quotidien.

7Loin d’exister en vase clos, les représentations sur la race (re)produites et contestées à l’échelle de la ville mettent en lumière les relations dialectiques au travers desquelles contextes (trans)national et local se co-construisent, le passé et le présent se font écho, et l’abstrait et le concret s’entremêlent. Ce cadre théorique et méthodologique permet donc de tirer des conclusions dont les implications sont pertinentes à des échelles plus larges. Cette approche est particulièrement pertinente dans le contexte européen faussement qualifié de post-racial (Salem et Thompson 2016) et marqué par l'effacement de la race (Lentin 2008) et la prédominance de la blanchité (Wekker 2016) tout autant que par l’empreinte posée par les relations coloniales, le passé esclavagiste, et les crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale. Les mêmes problématiques et stratégies discursives caractérisent la France où les valeurs républicaines et universalistes mises en avant fournissent néanmoins un cadre spécifique au travers duquel les questions de race et de racisme ainsi que le passé colonial et esclavagiste du pays sont abordés, ou plus souvent, occultés (Fila-Bakabadio 2011 ; Mbembe 2005). Depuis le printemps 2020 et à la suite du meurtre de George Floyd, de nombreuses statues, symboles de l’oppression coloniale et de sa continuité dans nos sociétés actuelles, ont été déboulonnées. En France, les manifestations antiracistes ont mis au premier plan les ramifications de l’histoire raciste et coloniale du pays dans les paysages urbains contemporains (Vasseur 2020), un héritage dont la visibilité a été minimisée par un discours de l’exécutif s’attachant à défendre un devoir de mémoire et mettant en cause le communautarisme (« la République n'effacera aucune trace », propos d’Emmanuel Macron, France Inter 2020). Ces évènements soulignent une fois de plus le rapport difficile de la France avec son histoire coloniale et ses implications pour les relations raciales contemporaines.

8Ces problématiques trouvent un écho particulier dans la ville de Bordeaux qui a été une actrice majeure de la traite négrière mais n'a commencé à reconnaître ce passé que récemment et timidement. Longtemps resté dans l’ombre de Nantes, de loin le premier port négrier de France, Bordeaux a tardé à reconnaître l’ampleur de son rôle et des conséquences économiques dont la ville a bénéficié (Tarrade 2002). Ainsi, en 2002, Eric Saugera écrit :

Le promeneur qui parcourt la ville [de Bordeaux] perçoit peu de choses du passé négrier, excepté quelques macarons noircis figurant des têtes de nègres rue Fernand-Philippart et sur les quais. Les façades du xviiie siècle ne laissent rien transparaître de l’activité de leurs occupants d’alors : elles reflètent Allées de Tourny la prospérité d’une cité qui n’a pas de contentieux avec l’Histoire. (14-15)

9Depuis, la ville de Bordeaux a lentement commencé à reconnaître son rôle de port négrier grâce, notamment, à la pression exercée par le milieu associatif et académique attaché à rendre visible le passé de la ville (par ex. Sortir du colonialisme, 2020). C’est en 2009 que le Musée d’Aquitaine intègre des salles retraçant l’histoire de l’esclavage et le rôle prépondérant de Bordeaux. Dix ans plus tard, en 2019, la connexion de Bordeaux à son passé esclavagiste intègre l’espace public au travers de plusieurs lieux : la statue de l’esclave Modeste Testas sur les quais, le square Toussaint Louverture rive droite, le carré de la mémoire au Jardin Botanique et la sculpture « Strange Fruit » dans les jardins de l’hôtel de ville. Des plaques explicatives ont également été ajoutées dans certaines des rues portant le nom de figures liées au commerce négrier.

Données et considérations méthodologiques

10Les travaux de Skey (2017), Dumitrica (2019) ainsi que les études sur les paysages linguistiques (Ben-Rafael et al. 2010 ; Ben-Rafael et Ben-Rafael 2018) ont été utilisés pour déterminer ce qui peut être défini comme centre-ville ainsi que la pertinence d’étudier cette zone qui, bien que non représentative de la ville dans son ensemble, est visuellement riche. La délimitation de ce que constitue le centre-ville, de Bordeaux ou de toute autre ville, étant nécessairement subjective et arbitraire, je me suis efforcée à recouper plusieurs éléments pour décider des zones à photographier : cartes et explications fournies par l’Office de Tourisme de Bordeaux, discussions avec des Bordelais·es, ainsi que mon expérience, passée et présente, dans la ville. La zone d’étude inclut ce qui est à l’intérieur du cercle formé en passant par la Place Gambetta, Place de la Comédie, Place de la Bourse, Porte de Bourgogne, Marché des Capucins, Place de la Victoire, et Place Pey Berland (voir Figure 1 ci-dessous). Cette zone d’étude est ainsi alignée avec les points de vue d’habitant·es Bordelais·es et d’acteurs touristiques de la ville ainsi qu’avec la littérature académique qui tend à définir le centre-ville comme un milieu urbain intense et visuellement et culturellement riche (Dumitrica 2019 ; Lipman 2013 ; Skey 2017). Il convient de préciser que la zone retenue pour la collecte et l’analyse de données n’a pas vocation à être généralisable à l’ensemble de la ville de Bordeaux ni à d’autres centres-villes mais vise plutôt à servir de point d’entrée pour observer et comprendre les multiples discours complexes sur la race qui se matérialisent, au quotidien, dans les espaces urbains.

Figure 1. Carte de Bordeaux où la zone encerclée correspond à la zone étudiée dans cet article.

Figure 1. Carte de Bordeaux où la zone encerclée correspond à la zone étudiée dans cet article.

11Les données utilisées pour cette étude sont des photographies prises par moi-même à deux reprises dans le centre-ville de Bordeaux en janvier 2020 (n = 182) et juillet 2020 (n = 219). À l’instar des travaux sur les paysages linguistiques (par ex. Ben-Rafael 2006), j'ai inclus dans cette étude les plaques de rue, les enseignes commerciales et devantures de magasins, les panneaux d'affichage, les enseignes d’institutions nationales, régionales et municipales, ainsi que les monuments commémoratifs. En outre, j’ai également photographié des ensembles urbains et architecturaux comme les places et squares afin d’observer les bâtiments, monuments, commerces et installations qui les entourent.

12Les concepts de race et de racisme ont été opérationnalisés en amont afin de guider le travail sur le terrain. Des textes sur la race et le racisme à Bordeaux émanant de divers acteurs locaux ont été rassemblés afin d’appréhender les enjeux et problématiques propre à la ville de Bordeaux (voir la section Annexe dans la bibliographie). En outre, les travaux de Sarah Fila-Bakabadio (2011), Maxime Cervulle (2012) et Achille Mbembe (2005) sur la blanchité, la race et le racisme en France ainsi que les travaux de Philomena Essed et Sandra Trieniekens (2008) à l’échelle européenne forment le socle des ressources utilisées pour l’opérationnalisation. Ces travaux révèlent en effet les contours que peuvent prendre les concepts de race et de racisme de façon concrète, notamment à travers la vaste et vague notion de culture et son intersection avec d’autres dimensions sociales telles que la nationalité, la religion, le genre ou la langue. Ainsi, le centre-ville a été exploré avec ces dimensions en tête afin d’identifier les façons dont elles pouvaient se matérialiser dans les lieux mentionnés précédemment. Ce travail de préparation a permis d’objectiver, dans une certaine mesure, l’objet d’étude. Néanmoins, une fois sur le terrain, photographier la ville était indissociable de ma position, mes préjugés, mes privilèges et mes attentes dont il m’a constamment fallu prendre conscience pour (me) les rendre visibles et les remettre en question. Les approches méthodologiques traditionnelles ont été critiquées pour maintenir la blanchité en collectant et analysant les données du point de vue des chercheur·ses blanc·hes (Zuberi et Bonilla-Silva 2008). Afin d’éviter cet écueil, et étant donné la subjectivité de l’approche méthodologique choisie ici, chaque étape de ce projet a été marquée par une réflexion personnelle poussée sur ma position en tant que chercheuse blanche Française ayant vécu à Bordeaux.

13Afin d’accéder à la ville en tant qu’un « environnement sémiotique » (Amin et Thrift 2002 : 298) et terrain discursif, une analyse visuelle et une analyse critique du discours ont été menées. Prendre des photographies à six mois d’intervalle a permis d’approfondir la collecte de données et la rigueur de l’analyse en confrontant les hypothèses de travail qui commençaient à prendre forme à la réalité du terrain. L'analyse visuelle a permis d’analyser les signes présents dans les photographies en se concentrant sur leur dénotation, connotation et intertextualité (Rose 2016). Dans le même temps, l'analyse critique du discours (Machin et Mayr 2012) a permis d’approfondir l’analyse visuelle en observant les stratégies discursives utilisées, leurs implications en termes de lutte de pouvoir, et leur connexion à d’autres discours plus larges. En pratique, l’analyse des données a compris plusieurs phases. En premier lieu, j’ai catalogué les photographies afin de référencer leur emplacement géographique exact et de rédiger une courte légende. Ensuite, j’ai examiné les photographies sous différents angles guidés par le travail d’opérationnalisation effectué en amont (par ex. références nationales, langues présentes, signes religieux, références culturelles), par les thèmes présents dans les données textuelles supplémentaires recueillies (par ex. noms de rue, discours officiels produits par la ville de Bordeaux), par les notes prises lors du travail de terrain (par ex. impressions de dépaysement ou de déjà-vu), et par les étapes des analyses visuelles et critiques du discours (par ex. répétitions, absences, clichés, métaphores, métonymies). Les résultats de l’analyse présentés ici sont articulés autour de deux thèmes principaux. Le premier aborde la façon dont le discours sur la race et les logiques néolibérales s’étayent et se construisent. Le second présente les discours sur la diversité produits par, et produisant, différentes conceptions et représentations de la race dans la zone étudiée.

Discours néolibéral

14La façon dont la notion de race est (re)produite, parfois au travers de substituts culturels, nationaux ou linguistiques, diffère entre les quartiers du centre-ville de Bordeaux analysés pour cette étude. À l’image de la rue Sainte-Catherine, les artères les plus commerciales et, comme nous le verrons plus bas, les plus touristiques, regorgent de marqueurs d’altérité soigneusement pensés pour être attrayants, vendus, et consommés. Ces représentations, associées aux idéologies du libre marché et de la consommation (Lipman 2011), révèlent l’emprise des logiques néolibérales dans le centre-ville de Bordeaux. Il est en effet frappant de voir à quel point les paysages urbains analysés ici sont façonnés par des commerces, boutiques, entreprises et publicités qui deviennent de fait les principaux producteurs de discours sur la ville et nous-mêmes. Comme le montrent les photographies ci-dessous (Figures 2 et 3), le domaine de la restauration joue un rôle non négligeable dans la construction de représentations culturelles. Les deux exemples ci-dessous illustrent différentes stratégies sémiotiques et discursives utilisées dans le centre-ville de Bordeaux et qui orientent l’imaginaire des passant·es vers un exotisme confortable et toléré. La Figure 2 ci-dessous montre la façon dont des répertoires culturels existants peuvent être convoqués et associés à des références nationales. Dans cet exemple, le Liban est représenté au travers des Mille et Une Nuits faisant ainsi écho à la représentation exotique et fantasmée de l’Orient par et pour l’Occident (Said 1978). La Figure 3 illustre, elle, la façon dont la nature (ici, fruits et montagnes) peut être mise en avant et contribuer à réduire la connotation politique et raciale des référents nationaux utilisés (ici, Liban et Arménie). Ces deux exemples ont en commun de montrer l’expression d’un « nationalisme banal » (Billig 1995) couplée à différentes stratégies discursives qui, ensemble, contribuent à la « commercialisation de la nation » (Dumitrica 2019 : 914) ; la nation devenant ainsi un produit à consommer ainsi qu’un levier pour rendre services et produits consommables.

Figure 2. Restaurant « Les Milles et Une Nuits. Spécialités Libanaises – Grillades au feu de bois » (rue des Bahutiers).

Figure 2. Restaurant « Les Milles et Une Nuits. Spécialités Libanaises – Grillades au feu de bois » (rue des Bahutiers).

Figure 3. Restaurant « Cilicie. Restaurant Libano-Arménien » (rue des Bahutiers).

Figure 3. Restaurant « Cilicie. Restaurant Libano-Arménien » (rue des Bahutiers).

15Les boutiques qui jalonnent le centre-ville reproduisent le discours sur la race qui domine en France et tend à prétendre que celle-ci est absente alors que, dans le même temps, la blanchité domine (Salem et Thompson 2016). Les publicités et mannequins présent·es dans les vitrines en sont un exemple évocateur (Figures 4 et 5). Les mannequins sans visages, cheveux, ou signes distincts semblent suggérer qu’ils·elles représentent tout le monde. L’illusion d’un idéal universaliste vide de race apparaît ici puisque ces corps, souvent blancs comme si cette couleur était neutre, sont créés sur le modèle de morphologies blanches consolidant ainsi également les préjugés raciaux qui sous-tendent les normes de beauté (voir Deliovski 2008). L’affiche publicitaire montrant une modèle noire, seule, cheveux crépus au vent, placée en vitrine d’une boutique dans le centre-ville de Bordeaux ne visant pas spécifiquement un public de couleur (Figure 6) fait figure d’exception et met en lumière la norme qui prévaut dans le reste du centre-ville : la blanchité.

Figure 4. Magasin d’habillement « Seventy » (rue Sainte-Catherine).

Figure 4. Magasin d’habillement « Seventy » (rue Sainte-Catherine).

Figure 5. Magasin d’habillement « Gant » (cours de l’Intendance).

Figure 5. Magasin d’habillement « Gant » (cours de l’Intendance).

Figure 6. Magasin de collants et maillots de bain « Calzedonia » (rue Sainte-Catherine).

Figure 6. Magasin de collants et maillots de bain « Calzedonia » (rue Sainte-Catherine).

16La signalisation des sites du patrimoine de l'UNESCO, l'hôtellerie (de luxe), la vente de souvenirs et de produits présentés comme « spécialités locales » ainsi que les écriteaux indiquant que l’anglais ou l’espagnol sont parlés sont autant d’éléments au travers desquels le centre-ville apparaît comme répondant aux besoins et attentes des touristes. En apparence dépolitisés et déconnectés des rapports de pouvoir, les discours touristiques dans le centre-ville de Bordeaux sont néanmoins sous-tendus par les logiques néolibérales de marchandisation et consommation de produits, services ou expériences (voir Duffy 2015 ; Harvey 2007). Source de revenus considérables à Bordeaux, et en France plus généralement, le tourisme international de masse y est politiquement et structurellement favorisé (voir par ex. « #PlanTourisme », Conseil Interministériel Du Tourisme 2018). Ainsi, le positionnement de la ville de Bordeaux en tant que destination globalisée prisée fait converger tourisme, néolibéralisme et race. Les besoins des touristes sont en effet largement pris en compte, tandis que les magasins par et pour les Francais·es racisé·es sont contenus dans des quartiers spécifiques en périphérie de l’hyper centre-ville (c.-à-d. place de la Victoire, cours de la Marne, quartier Saint-Michel). Les discours touristiques dans le centre-ville de Bordeaux dévoilent ainsi une hiérarchie non seulement entre majorité blanche et minorités racisées mais également entre individus racisés en positionnant différemment les individus locaux racisés et les touristes. Cette hiérarchie s’explique en partie à travers les différents discours sur la diversité articulés dans le centre-ville de Bordeaux qui sont présentés dans la section suivante.

Discours sur la diversité

17L’analyse des photographies prises révèlent l’articulation de deux principaux discours sur la diversité dans le centre-ville de Bordeaux. Un discours cosmopolite semble caractériser la zone la plus au centre du périmètre d’étude et que l’on pourrait ainsi qualifier d’hyper centre-ville (c.-à-d. Place de l’Hôtel-de-Ville, Place Gambetta, Place de la Comédie, Place du Parlement). Ce discours cosmopolite est construit par et constructif des logiques néolibérales abordées précédemment, et reflète l’orientation touristique de la ville. Comme expliqué dans la section précédente, l’altérité est construite au travers de références souvent culturelles et nationales, et puisant dans des représentations exotiques. Le tourisme contribue également à (re)produire un discours cosmopolite en positionnant Bordeaux comme destination de haut rang sur la carte d’un monde globalisé. L’omniprésence de l’anglais est un autre élément clé de ce discours. Peu d’instructions ou de textes entièrement en anglais sont visibles mais l’utilisation régulière de mots anglais dans le nom des enseignes et les vitrines indique que l’anglais est utilisé pour positionner ces commerces, et leurs client·es, comme acteur·trices de la globalisation (Figure 7). La diversité est ainsi représentée par les commerces, qu’ils soient locaux et intègrent les codes linguistiques et styliques globalisés ou qu’ils s’agissent de marques mondialement connues dont la simple présence évoque la globalisation à l’instar de Starbucks ou Apple (voir Piller 2017). Ce discours sur la diversité produit par les enseignes présentes dans le centre-ville fait écho au statut des villes, parfois définies comme « laboratoires » du néolibéralisme (Lipman 2011 : 23) où la consommation (élitaire), la compétitivité et la croissance économiques sont des forces motrices contribuant à créer une « hiérarchie urbaine mondiale » (Vives Miró 2011 : 2).

Figure 7. Devanture du café « Cafeincup » (rue Louis Combes)

Figure 7. Devanture du café « Cafeincup » (rue Louis Combes)

18Le discours cosmopolite identifié dans l’hyper centre-ville de Bordeaux suggère des divisions symboliques entre ceux·lles qui bénéficient de cette diversité et ceux·lles qui en sont exclu·es. Les discours, langues, et représentations au travers desquelles le discours cosmopolite est articulé, révèlent l’intersection entre race et classe et met en lumière la façon dont les contextes (trans)national et local se co-construisent. La blanchité, mentionnée plus haut comme caractéristique du centre-ville de Bordeaux, suggère en effet que le discours cosmopolite est articulé en apparente déconnection avec la notion de race. La classe sociale est cependant mise en exergue à travers l’importance accordée à la consommation et qui suggère que la position de sujet cosmopolite peut inclure des individus non blancs, notamment, mais pas seulement, des touristes, dès lors qu’ils·elles peuvent exercer leur identité de consommateur·trices de classe moyenne (supérieure). En cela, le discours cosmopolite identifié dans le centre-ville de Bordeaux fait écho au « cosmopolitisme banal » décrit par Beck (2002) qui met en lumière l’importance de la classe pour comprendre la façon dont « nous nous sentons intégrés dans les processus et les phénomènes mondiaux » (28) et sommes enclins à établir des liens avec des individus perçu·es comme différent·es en termes, par exemple, de nationalité ou race mais perçu·es comme similaires en terme de capital culturel et classe sociale. Ces rapprochements permettent d’afficher une proximité avec la culture dominante mondialisée et de produire un récit (individuel et collectif) d’ouverture et de tolérance.

19Les zones du centre-ville situées plus en périphérie de la zone étudiée (c.-à.d. place de la Victoire, cours de la Marne, quartier Saint-Michel) offrent d’autres représentations de l’altérité. Non sans puiser également dans des références culturelles et exotiques, ces représentations sont néanmoins moins marquées par la blanchité qui domine dans l’hyper centre-ville. Le discours sur la diversité articulée dans ces espaces urbains ne (re)produit pas la logique selon laquelle la diversité signifie l’Autre, cet individu racisé dont les pratiques peuvent être consommées, mais présente la diversité comme un reflet de Nous. Ainsi, les paysages urbains des quartiers mentionnés ci-dessus produisent un discours sur la diversité en tant que pluralité vécue. Alors que le discours cosmopolite positionne au centre l’individu blanc, supposément a-racial, ce second discours n’est guidé ni par l’aveuglement racial ni par la blanchité qui caractérisent le discours dominant sur la race en France (Fila-Bakabadio 2011 ; Salem et Thompson 2016). Plusieurs couleurs de peau, types de cheveu, langues, et nationalités sont ostensiblement visibles. L’étendue de ce qui est compris et présenté comme divers apparaît donc comme étant plus large dans les rues aux alentours de la place de la Victoire, cours de la Marne et quartier Saint-Michel que dans l’hyper centre-ville. En effet, si différents référents linguistiques et nationaux sont également visibles dans l’hyper centre-ville, la diversité raciale ne l’est pas. En outre, les langues et pays montrés dans les zones étudiées diffèrent, contribuant à la (re)production des deux discours sur la diversité identifiés. Les référents nationaux dans l’hyper centre-ville sont le plus souvent articulés autour de nations perçues, d’un point de vue eurocentrique, comme puissantes et/ou attrayantes (voir aussi Dumitrica 2019) alors que des pays tels que la Roumanie, le Maroc, ou le Sénégal, traditionnellement exclus de l’imaginaire globalisé dominant, sont mis en avant ici. La diversité linguistique est également révélatrice du contraste entre un discours cosmopolite qui s’appuie sur l’utilisation généralisée de l’anglais comme symbole d’un monde globalisé, et un discours d’une pluralité vécue où le français est majoritaire. À noter également que les écriteaux avec la mention halal, le plus souvent seulement en langue arabe, ne sont visibles, à quelques exceptions près, qu’aux alentours de la place de la Victoire, cours de la Marne et quartier Saint-Michel.

20Certains commerces dont regorge l’hyper centre-ville sont absents des quartiers mentionnés précédemment, c’est par exemple le cas des boutiques du produit local phare, le cannelé, alors que certains commerces ne sont présents que dans ces quartiers, notamment les salons de coiffure afro. En illustrant le contraste entre le discours cosmopolite, intrinsèquement connecté au tourisme, et le discours d’une pluralité vécue, cet exemple met également en lumière les frontières symboliques entre les individus supposé·es habiter et visiter ces différentes zones du centre-ville. Le cours de la Marne et le quartier Saint-Michel ont subi d’importantes transformations en raison de la politique active de la municipalité de Bordeaux sous les mandats d’Alain Juppé (2006-2019) pour les gentrifier (Chekroun, Quillerier, Suslova, Tessier 2019). Le contraste entre les commerces installés récemment et ceux plus anciens met en lumière le discours cosmopolite tendant vers des idéaux globaux (top-down) qui circule dans l’hyper centre-ville et le discours d’une pluralité vécue aligné sur des pratiques locales (bottom-up) dans les quartiers mentionnés plus haut. De par leur juxtaposition, les boutiques de la Figure 8 ci-dessous illustrent de façon parlante ces deux discours sur la diversité. À gauche, un magasin installé en 2018, ce café-atelier, « coffee & bicyclette », illustre les codes stylistiques et rhétoriques des boutiques se positionnant, et leurs clientèles, comme cosmopolites, urbaines, et tendant vers une identité glocalisée (c.-à-d. nom du magasin mêlant anglais et français (désuet), panneau indiquant la tenue d’un atelier de Shiatsu). À droite, un magasin établit de plus longue date, comme le suggèrent les couleurs de sa devanture un peu passées, et signifiant doublement sa connexion avec le Maroc (c.-à-d. Agadir ; salon marocain).

Figure 8. Nouvelle et ancienne boutique proche du quartier Saint-Michel (cours Victor-Hugo)

Figure 8. Nouvelle et ancienne boutique proche du quartier Saint-Michel (cours Victor-Hugo)

21Le discours cosmopolite et le discours d’une pluralité vécue font chacun écho à des discours existants plus larges. Le second s’inscrit dans la lignée d’un discours multiculturel, non dans le sens séparatiste qui lui est traditionnellement attribué dans le contexte français, mais en rupture avec le cadre assimilationniste et républicain qui veut que le seul référent national suffise à se positionner dans la société. Le discours d’une pluralité vécue ici et maintenant et répondant à nos besoins tend à élargir ce que la catégorie Bordelais·e, et par extension Français·e inclut, s’éloignant ainsi de son sens normatif produit par et produisant la blanchité (Fila-Bakabadio 2011 ; Jugé et Perez 2006). Le discours cosmopolite de l’hyper centre-ville contraste fortement avec cette orientation multiculturelle. La diversité y est principalement présentée comme exotique, appréciée dès lors qu’elle est à consommer et répondant donc à nos envies. La mise à distance de la diversité fait écho au discours sur la race qui domine plus généralement en Europe et présente race et racisme comme absents de l’espace européen, comme quelque chose appartenant au passé (avec la Seconde Guerre mondiale comme point d’orgue) ou à d’autres contextes (notamment les États-Unis) (Salem et Thompson 2016 ; Sommier 2020). En outre, le discours cosmopolite de l’hyper centre-ville où diversité est souvent synonyme d’ailleurs et d’exotisme et au travers duquel Bordeaux rayonne comme acteur d’un monde globalisé s’inscrit dans la lignée des discours coloniaux français où la diversité, notamment raciale, est objet de désirs et de fantasmes. Maintenu à distance, dans les colonies autant que dans l’imaginaire collectif national, l’Autre est toléré en métropole dès lors qu’il·elle peut être consommé·e ou utilisé·e pour flatter l’égo national colonial (Fanon 1971).

Conclusion

22Cette étude montre la façon dont la race est articulée dans le centre-ville de Bordeaux notamment en connexion avec les logiques néolibérales de consommation qui révèlent l’intersection entre race et classe. L’analyse indique que l’utilisation des discours raciaux pour créer et affirmer des frontières géographiques et symboliques se traduit ici par deux discours sur la diversité, l’un axé autour d’une diversité cosmopolite, principalement identifié dans l’hyper centre-ville, et l’autre d’une diversité synonyme de pluralité vécue, présent surtout dans les quartiers en périphérie de la zone étudiée. L’intersection entre race et classe sociale suggérée par la proéminence des logiques néolibérales sous-tend également les discours sur la diversité et permet d’appréhender les inégalités qu’ils mettent à jour et (re)produisent entre Français·es blanc·hes, racisé·es et touristes.

23En s’appuyant sur l’analyse visuelle et discursive des photographies prises dans le centre-ville de Bordeaux, cet article démontre certains des atouts propres à l’analyse des paysages urbains. Ceux-ci permettent en effet d’appréhender les nuances avec lesquelles les représentations raciales sont (re)produites de façon concrète au quotidien sans pour autant abandonner une approche structurelle de la race et du racisme. En mettant en lumière les idéologies connectées au discours racial (par ex. le néolibéralisme), la résonance historique des représentations raciales (par ex. histoire et discours coloniaux) et leur connexion à des discours globaux et nationaux plus larges (par ex. tourisme, imaginaire globalisé eurocentrique), l’analyse des paysages urbains permet de naviguer entre idiosyncrasies d’un contexte local dans le présent et similarités avec des discours globaux et historiques. Cette approche semble éminemment pertinente pour appréhender les formations raciales dans le contexte européen afin d’apprécier les similarités qui peuvent être établies, par exemple, avec les États-Unis tout en résistant à une approche centrée/ique sur ce dernier. Les données collectées pour cette étude provenant d’un lieu géographique limité, l’analyse présentée ici appelle à rechercher ce sujet au travers d'autres contextes afin d’approfondir les éléments développés dans cet article.

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Annexe – Matériaux supplémentaires utilisés pour contextualiser l'analyse

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Notes

1 Toutes les citations des textes en langue anglaise ont été traduites par l’auteure.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Carte de Bordeaux où la zone encerclée correspond à la zone étudiée dans cet article.
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Titre Figure 2. Restaurant « Les Milles et Une Nuits. Spécialités Libanaises – Grillades au feu de bois » (rue des Bahutiers).
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Titre Figure 3. Restaurant « Cilicie. Restaurant Libano-Arménien » (rue des Bahutiers).
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Titre Figure 4. Magasin d’habillement « Seventy » (rue Sainte-Catherine).
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Titre Figure 5. Magasin d’habillement « Gant » (cours de l’Intendance).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/docannexe/image/11795/img-5.png
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Titre Figure 6. Magasin de collants et maillots de bain « Calzedonia » (rue Sainte-Catherine).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/docannexe/image/11795/img-6.png
Fichier image/png, 353k
Titre Figure 7. Devanture du café « Cafeincup » (rue Louis Combes)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/docannexe/image/11795/img-7.png
Fichier image/png, 454k
Titre Figure 8. Nouvelle et ancienne boutique proche du quartier Saint-Michel (cours Victor-Hugo)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/docannexe/image/11795/img-8.png
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Pour citer cet article

Référence électronique

Mélodine Sommier, « Race et espace : la ville comme lieu d’étude des représentations raciales »Itinéraires [En ligne], 2021-3 | 2022, mis en ligne le 22 septembre 2022, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/11795 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.11795

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Auteur

Mélodine Sommier

Université de Jyväskylä (Finlande)

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