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« Das Private ist politisch » : journaux d’écrivaines est-allemandes

Anne Kerebel
p. 81-92

Résumés

Face aux dérives du politique et aux tentations totalitaires, le journal permet le retranchement critique et la distanciation. Les écrivaines Christa Wolf (1929-2011), Brigitte Reimann (1933-1973) et Maxie Wander (1933-1977) ont toutes les trois tenu un journal en RDA, dans une « société sous surveillance » qui contrôle et censure les moyens de communication et d’expression aussi bien publics que privés. Si aucune des trois diaristes ne s’inscrit dans la franche opposition au régime, elles font valoir dans leur journal leurs droits à l’intimité et à la liberté d’expression. Après avoir replacé les journaux dans le contexte de leur écriture et de leur publication, nous confronterons les textes afin de les étudier dans la perspective des liens qui se tissent entre l’intime et le politique.

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Texte intégral

  • 1  Nous nous référons aux images de l’intimité protégée que développe Gaston Bachelard dans La Poétiq (...)
  • 2  Gao Xingjian, Le Livre d’un homme seul, trad. du chinois par Noël et Liliane Dutrait, La Tour-d’Ai (...)
  • 3  Françoise Simonet-Tenant, Le Journal intime. Genre littéraire et écriture ordinaire, Paris, Nathan (...)
  • 4  David Boal, Journaux intimes sous l’Occupation, Paris, Armand Colin, 1993, p. 202.
  • 5  Voir en particulier la remarquable étude d’Hélène Camarade, Écritures de la résistance. Le journal (...)
  • 6  Sonia Combe, Une société sous surveillance. Les intellectuels et la Stasi, Paris, Albin Michel, 19 (...)
  • 7  Voir les travaux de Karin McPherson sur les écrits privés en RDA : « Rückblicke – Briefe und Tageb (...)

1Le journal, dernier bastion du moi ? Dans le retrait du cahier intime, dans les plis et replis du quotidien, le diariste se crée un refuge, un nid à la Bachelard1, « un univers à lui pour réfléchir sans baisser le ton2 ». Face aux dérives du politique et aux tentations totalitaires, le journal, îlot de liberté, permet le retranchement critique et la distanciation, se fait « ancre/encre de salut3 ». Dans ce lieu de réconfort qui condense et défend l’intimité, le diariste peut afficher ses sentiments, ses opinions, exercer son esprit critique et affirmer son autonomie de pensée. D’où la définition du journal comme un genre « potentiellement antitotalitaire4 ». Espace et instrument de résistance individuelle, le journal personnel sous le Troisième Reich a fait l’objet d’abondantes recherches5, mais l’étude de la pratique et du genre diariste en RDA, dans cette « société sous surveillance6 » qui contrôle et censure les moyens de communication et d’expression aussi bien publics que privés, en est encore à ses débuts7. Avec la chute du Mur, la disparition de l’État est-allemand et l’avènement d’une nouvelle société, de nombreux écrits intimes – correspondances et journaux personnels – sont sortis de l’obscurité et appellent les analyses et les mises en perspective. Christa Wolf (1929-2011), Brigitte Reimann (1933-1973), Maxie Wander (1933-1977) : trois écrivaines de langue allemande de la même génération, partageant les mêmes convictions politiques et ayant toutes les trois fait le choix conscient de vivre en RDA. Et trois écrivaines ayant tenu un journal, sensiblement à la même période et parfois au même endroit – un fait remarquable, pourtant, à notre connaissance, passé complètement inaperçu. De là notre envie de confronter les textes et de les étudier dans la perspective des liens qui se tissent entre l’intime et le politique. Si le mouvement qui fonde le journal va d’un dehors vers un dedans – il s’agit de reconstruire une cohésion personnelle en retrait du monde, en coupant les ponts avec l’extérieur, dans le repli du sujet sur lui-même et par le discours intime – l’on s’aperçoit bien vite que l’introspection est inséparable d’une expérience du monde, d’un être au monde. Au cœur de l’intériorité vient se nicher l’extériorité, le politique envahit la sphère de l’intime – à l’image du village de Kleinmachnow où vivaient les diaristes Wolf et Wander, idyllique îlot résidentiel bientôt encerclé par le Mur de la honte et transformé en triste enclave face à Berlin-Ouest.

Les trois diaristes : positionnements

2Christa Wolf et Brigitte Reimann font partie de cette première génération de jeunes écrivains de la RDA qui commencèrent avec succès à publier leurs œuvres dans les années 1960. Au moment où Wolf démarre son journal, le 27 septembre 1960, elle n’a encore rien publié en tant qu’écrivain, mais cette première entrée du journal la montre déjà occupée à écrire ce qui deviendra son premier succès littéraire, Der geteilte Himmel (Le Ciel partagé, 1963), histoire de la fracture idéologique entre Est et Ouest avec une usine de wagons pour décor. Wolf, qui décide d’abandonner la critique littéraire et de vivre uniquement de sa plume d’écrivain, s’installe en 1960 avec sa famille à Halle, haut lieu de la chimie et de la construction mécanique, et s’investit au sein de la brigade d’une usine de wagons. De cette confrontation avec le « monde du travail » naîtra Der geteilte Himmel, roman qui s’inscrit dans la droite ligne du « Bitterfelder Weg » (« la voie de Bitterfeld »), ce programme politico-culturel propagé en RDA à partir de 1959 visant à surmonter la « séparation de l’art et de la vie » et l’« aliénation entre les artistes et le peuple ».

3Ouvriers écrivant, écrivains plongés au cœur de la production : c’est cette même Conférence de Bitterfeld qui incitera la jeune Brigitte Reimann à quitter en 1960 sa Thuringe natale pour le Hoyerswerda de la Saxe industrielle et à travailler dans la brigade de plomberie du combinat « Schwarze Pumpe ». En 1961 paraît Ankunft im Alltag (littéralement « venue au quotidien »), ouvrage à l’origine de cette nouvelle littérature bientôt appelée « Ankunft-Literatur » et digne héritière de l’esprit de Bitterfeld. En ce début des années 1960, Wolf comme Reimann, en pleine reconnaissance littéraire et sociale, adhèrent donc avec enthousiasme au projet de société est-allemand et à la politique culturelle développée par le nouvel État. Elles sont toutes les deux membres du DSV (Deutscher Schriftstellerverband : Union des écrivains de RDA), et c’est dans le cadre de cette institution qu’elles se rencontreront pour la première fois, à l’automne 1963, lors du voyage à Moscou de la délégation du DSV venue assister à la Semaine du livre allemand. Cette rencontre marquera le début d’une solide amitié qui liera les deux femmes jusqu’à la mort de Reimann en 1973 des suites de son cancer.

4Le parcours de Maxie Wander est à la fois similaire et en léger décalage. La percée littéraire est plus tardive : ce n’est qu’en 1977, avec son enquête documentaire Guten Morgen, Du Schöne, fine retranscription du quotidien des femmes est-allemandes à partir d’interviews, que l’auteure (également journaliste et photographe à ses heures) rencontre enfin le succès, à peine quelques mois avant sa mort. Et l’installation en RDA est le fruit d’une démarche volontaire. Née à Vienne en 1933 au sein d’une famille communiste, la jeune Maxie épouse en 1956 Fred Wander, son compatriote, écrivain communiste rescapé des camps. Peu après leur mariage, le couple s’expatrie en RDA. En 1959, ils obtiennent un logement à Kleinmachnow, petite bourgade près de Berlin où s’installeront les Wolf en 1962. Proximité géographique et intellectuelle : les deux femmes ne tarderont pas à se lier et Wolf restera un soutien indéfectible au travers des épreuves de la vie, décès de la fille de Wander et maladie qui finira par emporter l’écrivaine autrichienne en novembre 1977.

  • 8  Maxie Wander, Leben wär’ eine prima Alternative. Tagebücher und Briefe, Francfort-sur-le-Main, Suh (...)
  • 9  Maxie Wander, Tagebücher und Briefe, éd. Fred Wander, Berlin, Der Morgen, 1979. En RFA, le recueil (...)
  • 10  À noter cependant Walter Liersch (dir.), Was zählt ist die Wahrheit. Briefe von Schriftstellern de (...)
  • 11  Voir Wolfgang Emmerich, Kleine Literaturgeschichte der DDR, Berlin, Aufbau-Verlag, 2000, p. 44.
  • 12  Extrait de la lettre du 22 octobre 1967 adressée à un couple d’amis, p. 193. Wander pouvait rédige (...)
  • 13  Maxie Wander, Ein Leben ist nicht genug. Tagebuchaufzeichnungen und Briefe, éd. Fred Wander, Hambo (...)

5Les trois journaux n’obéissent pas aux mêmes modalités d’écriture et sont en outre à replacer dans le contexte de leur publication. Ainsi, le journal de Maxie Wander offert au regard du lecteur est un artifice. À la mort de sa femme, Fred Wander compose un livre à partir des milliers de feuillets intimes – lettres et journaux – laissés par l’auteure. Il s’agit donc d’une publication posthume, organisée par un tiers, sans l’accord explicite de la diariste. Et l’agencement des documents est savamment choisi. Les textes du premier tome ont été écrits entre 1968 et 1977. Plutôt que de suivre la chronologie, Fred Wander préfère une organisation volontairement thématique. La première partie s’ouvre sur le diagnostic du cancer et le premier séjour à l’hôpital en septembre 1976 et s’achève en décembre 1976. La deuxième partie se consacre à l’année charnière 19728. Au centre de cet ensemble sont insérés des textes plus anciens datant de 1968, l’année de la mort accidentelle de Kitty, la fille de Fred et Maxie Wander. La troisième partie reprend des extraits de correspondance datant de 1977. Sélection et « habillage » des textes, composition : l’intervention de Fred Wander oriente nécessairement la lecture. Mais malgré cette transformation (ou déformation), l’ouvrage est intéressant à plusieurs égards. Résultat d’un travail de deuil – Fred Wander s’attelle à la tâche dans les semaines qui suivent le décès de Maxie – ce recueil de textes intimes est publié en RDA en 19799, une audace éditoriale, voire un exploit10 dans un pays où il ne fait pas bon exalter la subjectivité, l’individualisme « petit-bourgeois11 », et où les publications sont strictement contrôlées et censurées. Par ailleurs, ce regroupement entre lettres et journaux, s’il correspond de fait à une tradition éditoriale qui peut être discutée, ne rend que plus palpable l’une des spécificités de l’écriture de Maxie Wander, cette fluctuation des frontières entre lettre et journal. Certains passages du journal témoignent de la présence d’un allocutaire, se lisent comme un journal adressé, tandis que de longues missives gardent trace de plusieurs moments d’écriture dans la journée – lettres qui ne sont parfois même pas expédiées, car « au fond, n’est-il pas vrai que l’on écrit toujours de telles lettres pour soi-même12 » ? En 1990, après la chute du Mur, Fred Wander publiera le deuxième tome, qui reprend des lettres et extraits de journaux plus anciens s’échelonnant entre 1964 et 1968, et décline les moments de vie, le séjour à Paris en 1964, le quotidien à Kleinmachnow, les projets d’écriture de Maxie, en suivant la chronologie13.

  • 14  Brigitte Reimann, Das grüne Licht der Steppen. Tagebuch einer Sibirienreise, Berlin, Verlag Neues (...)
  • 15  Elisabeth Elten-Krause et Walter Lewerenz (dir.), Brigitte Reimann in ihren Briefen und Tagebücher (...)
  • 16  Brigitte Reimann, „Ich bedauere nichts“. Tagebücher, 1955-1963, éd. Angela Drescher, Berlin, Aufba (...)

6Cette publication de 1979 ouvrira la voie à d’autres publications de textes privés en RDA. Brigitte Reimann avait déjà publié de son vivant Das grüne Licht der Steppen. Tagebuch einer Sibirienreise14, suite à son séjour en Sibérie parmi la délégation de l’organisation centrale de la Jeunesse libre allemande pendant l’été 1964. Mais ce journal était le fruit d’une commande politique et se distinguait du journal proprement privé de l’auteure. Dix ans après sa mort, dans la lignée du livre de Wander, paraissait un mélange d’extraits de la correspondance et des journaux personnels de Reimann15. Les archives Brigitte Reimann à Neubrandenburg ayant fait l’acquisition en 1995 de l’intégralité des journaux, Angela Drescher en prépara une nouvelle édition commentée pour le compte du Aufbau-Verlag16. Divisés en deux tomes, ces journaux englobent les années 1955 à 1970, les textes d’avant 1955 ayant été détruits de l’aveu même de l’auteure (11 novembre 1959). Ont été regroupés, par ordre chronologique, différents cahiers de Reimann, le passage à un autre cahier étant signalé par un changement de typographie. Journal-confidence, journal laboratoire de l’écriture : Reimann tenait en parallèle plusieurs journaux aux fonctions différentes. Les notations démarrent le 31 août 1955 sur une crise, l’annonce de sa séparation d’avec son premier mari. Et c’est sur un voyage, une ouverture vers un ailleurs, le voyage en Russie de la fin de l’année 1963 en compagnie de Christa Wolf, que se fait la césure entre les deux tomes. La vie dense et intense de Reimann, sa mort précoce, la font entrer très vite dans la légende de ces vies d’artistes consumées trop vite. L’immense succès éditorial du journal ne fait que redorer et entretenir la légende de la flamme trop vite éteinte.

  • 17  Christa Wolf, Ein Tag im Jahr. 1960-2000, Munich, Luchterhand, 2003 ; Un jour dans l’année. 1960-2 (...)
  • 18  Christa Wolf mentionne pour sa part l’année 1935 dans l’introduction qui précède le journal.
  • 19  Christa Wolf, Gesammelte Erzählungen, Darmstadt/Neuwied, Luchterhand, 1980.
  • 20  Christa Wolf, Werke III, éd. Sonja Hilzinger, Munich, Luchterhand, 1999, p. 366-382.
  • 21  Pierre Pachet, L’Œuvre des jours, Belval, Circé, 1999, p. 104.

7Le journal de Wolf s’inscrit dans un autre contexte d’écriture et de publication. Avec Ein Tag im Jahr17 (Un jour dans l’année), l’écrivaine propose une modalité particulière de l’écriture de soi. Le journal est un genre lié à certaines situations : les changements qui provoquent dans l’existence une rupture d’équilibre et la recherche d’une nouvelle stabilité. Toutefois, Ein Tag im Jahr se démarque du journal « classique » par son commencement. Ce n’est pas un sentiment de crise qui enclenche l’écriture, mais une sollicitation extérieure. En 1960, le journal moscovite Isvestia reprend l’idée d’« Un jour dans le monde », lancée en août 1934 par Maxime Gorki lors du premier Congrès des écrivains soviétiques18, et exhorte les écrivains du monde entier à décrire une journée particulière, celle du 27 septembre 1960. Christa Wolf prolonge, déplace le geste, immortalisant chaque 27 septembre pendant quarante-quatre ans, de 1960 à 2003. La répétition de la date du 27 septembre ôte l’idée de choix d’une journée qui serait plus « significative » qu’une autre. Et le hasard fait bien les choses : cette date non choisie du 27 septembre s’avère être aussi la veille de l’anniversaire de la fille cadette de l’écrivaine allemande. Cette date acquiert de ce fait un aspect symbolique de charnière entre public et privé. La première entrée du journal fut publiée dès 1974 à Berlin dans la revue Neue Deutsche Literatur, avant d’être reprise dans le volume des Récits choisis19 en 1980, et enfin dans les Œuvres20 de Christa Wolf en 1999. En 2003, Wolf publie les quarante et une notations recouvrant les années 1960-2000 sous le titre de Un jour dans l’année. Se profile ainsi une autre particularité de ce journal, la contrainte des vingt-quatre heures, c’est-à-dire l’impératif de n’écrire sur cette journée que pendant cette seule journée. Le journal est indéniablement « l’écrit accroché au temps21 ». Habituellement, le diariste est assujetti au calendrier. Il doit, d’une part, suivre l’ordre du temps et s’astreindre, d’autre part, à l’écriture quotidienne, essentielle à la forme comme à l’étymologie du mot (journal, diary, Tagebuch). Wolf transforme cette clause de la régularité en une contrainte des vingt-quatre heures. Les quarante et un récits de cette journée ne cherchent pas à résumer l’année écoulée, à en récapituler les faits marquants, ils se veulent la prise de notes instantanée, sur le vif, sans apprêt littéraire, d’un jour et d’un jour seulement, la description du déroulement d’une journée ordinaire.

8Publication posthume ou organisée par l’auteure de son vivant, geste privé (les journaux de Reimann et de Wander n’étaient – a priori – pas destinés à la publication) ou discours intime qui répond à une sollicitation extérieure à la visée politique indéniable : de cette esquisse ressort la variété des situations. Ces journaux témoignent cependant, chacun à leur manière, de l’imbrication constante entre le moi et le monde, entre l’intime et le politique, un va-et-vient qui prend des formes et des accents différents selon la diariste et la période concernée.

L’intime et le politique

Imbrication

  • 22  Véronique Montémont, « Dans la jungle de l’intime : enquête lexicographique et lexicométrique (160 (...)
  • 23  Éric Marty, L’Écriture du jour. Le journal d’André Gide, Paris, Seuil, 1985, p. 158.
  • 24  Gaston Bachelard, La Terre et les Rêveries du repos [1948], Paris, José Corti, 2004, p. 12.

9Instrument privilégié de la quête de soi, le journal marque le triomphe de l’individu dans une dimension particulière, qui est celle de l’intime. Notion immanquablement fuyante et floue, l’intime « mériterait sans doute d’être comparé à un jardin anglais : il en a les sinuosités, les subtilités, la variété chatoyante22 ». Comme son étymologie l’indique, il désigne ce qu’il y a de plus intérieur et de plus profondément enfoui en chacun de nous, et se voit associé à l’intériorité, au secret, au corps et à la sexualité, à l’indicible ; mais il est aussi l’insignifiant, le « goutte-à-goutte du quotidien – [l]es riens, [l]es petits riens qui sont néanmoins […] constitutifs du sujet23 ». L’examen de soi « prend les allures de l’enroulement sur soi-même, d’un corps qui devient objet pour soi-même, qui se louche soi-même24 ». Cependant, la pratique diariste n’est pas toujours, ou pas seulement, liée à l’exploration intime et au repli sur soi. Le regard du diariste se tourne fréquemment vers le monde qui l’entoure, il opère un va-et-vient entre son intériorité et le monde extérieur. À la source de nos trois journaux se retrouve cette polarité du moi et du monde. L’écriture devient ainsi l’instrument de l’analyse du moi, mais aussi de son époque.

  • 25  Christa Wolf, Un jour dans l’année. 1960-2000, op. cit., p. 6.
  • 26Ibid., p. 605 (27 septembre 1999).

10« Comment la vie advient-elle ? » : c’est par ces mots que s’ouvre la préface de Ein Tag im Jahr. S’opposant à « l’irrémédiable perte de l’existence25 », Wolf tente de comprendre « à quel moment et par quoi la banalité du quotidien se transforme en un témoignage profond sur le contemporain26 » et inscrit son journal dans l’universel. Les notes du jour sont accompagnées de montages photographiques empruntés à l’histoire collective du xxe siècle. La description du premier « jour de l’année » nous livre en détail le quotidien de la jeune femme : préparation de l’anniversaire de sa fille cadette, visite chez le médecin, réunion de cellule du parti à l’usine de wagons, scènes typiques de la vie quotidienne de l’ex-RDA, échange avec son mari sur le rôle de l’expérience dans l’écriture et de la responsabilité vis-à-vis de son contenu, plan d’un nouveau récit. La description du déroulement de cette première journée servira de modèle à toutes les autres. Les strates se mêlent : vie personnelle, engagement politique, travail de l’écrivain. Une première grave rupture dans le « contrat » ­d’écriture – décalage dans la rédaction, invasion massive du « dehors » – intervient en 1965 et s’explique par le contexte politique. Le onzième plénum du comité central du parti socialiste unifié est-allemand (SED), qui se réunit du 15 au 18 décembre 1965, marque le début d’une crise profonde. Les trois jours de débats se transforment en un réquisitoire contre une grande partie de la production culturelle, accusée de transgresser et de corrompre la morale socialiste. Christa Wolf, qui tente de protester, se retrouve seule et sans soutien. Elle ne reviendra au « jour de l’année » qu’à la fin du mois de décembre.

  • 27  Brigitte Reimann, „Ich bedauere nichts“. Tagebücher, 1955-1963, op. cit., p. 39-40 (15 mars 1956). (...)

11Le journal de Reimann quant à lui s’ouvre sur le très intime, les escapades extraconjugales de l’écrivaine et ses imbroglios amoureux. Il plonge le lecteur au milieu d’un tourbillon de noms, d’impressions, de sensations, d’expérimentations suivant le précepte ou la prémonition : « Ich bin jung, […] sinnlich und rasch entflammt […]. Warum soll ich denn nicht mein Leben genießen ? In zehn oder zwanzig Jahren ist alles vorbei – wenn ich nicht sogar schon früher sterbe27 ». Coucher ses sentiments sur le papier, se contempler de l’intérieur pour parvenir à la connaissance de soi, tel est le but affirmé du journal (24 mars 1956). Mais le politique contamine de manière insidieuse la sphère de l’intime. De l’aventure sentimentale avec un éditeur en 1955 naît une réflexion sur les contraintes que l’idéal socialiste fait peser sur l’écriture, une réflexion qui s’étoffera au fil du temps, Reimann prenant de plus en plus ses distances avec la ligne du parti. Et le délit de « fuite de la République » que commet son frère aîné en avril 1960 rend nécessaire la réaffirmation des choix politiques :

  • 28Ibid., p. 140 (29 avril 1960). « Ressens pour la première fois – et plus seulement avec l’intellec (...)

Spüre zum ersten Mal schmerzlich – und nicht nur mit dem Verstand – die Tragödie unserer zwei Deutschland. Die zerrissenen Familien, das Gegeneinander von Bruder und Schwester. […] Lutz ist ein Wirrkopf. Er wollte vor der Partei nicht katzbuckeln – er wird es vor seinen Kapitalisten tun müssen28.

  • 29  Maxie Wander, Leben wär’ eine prima Alternative, op. cit., p. 125 (mars 1972). « Peu à peu mon jou (...)
  • 30Ibid., p. 50 (30 juillet 1964) : « On n’a pas besoin de solliciter son cerveau quand il n’y a qu’u (...)
  • 31Ibid., p. 216 (24 août 1968). « Mes pensées tournent sans cesse autour de mon enfant, sinon rien d (...)

12Le journal de Maxie Wander semble suivre le chemin inverse : « Aus meinem Tagebuch ist nach und nach eine Selbstanalyse geworden. An Veröffentlichung denke ich nicht mehr29 ». L’écrivaine autrichienne, qui espère parvenir « au cœur des choses par le biais de l’écriture » (1er août 1968, p. 209), porte un regard critique sur le monde qui l’entoure et sur la vie politique en RDA. Caustique, elle constate : « Man braucht sein Hirn nicht anzustrengen, wenn es nur eine Parteilinie gibt, die noch dazu von oben verkündet wird30 ». Avec les malheurs personnels qui la frappent – mort de sa fille (1968), maladie (1972-1976) – s’opère un recentrage sur l’intime. L’invasion de la Tchécoslovaquie, qui sonne le glas du Printemps de Prague et de tous les espoirs de réforme, viendra néanmoins pour un instant se superposer à la mort de sa fille : « Meine Gedanken drehen sich pausenlos um mein Kind, um nichts sonst. Nur die Ereignisse in Prag bewegen uns sehr, diese Tragödie31. »

Discours sur le politique

  • 32  Christa Wolf, Ein Tag im Jahr, op. cit., p. 222 (30 septembre 1977). « Les événements et les actes (...)

13Chacun à leur manière, ces trois journaux illustrent à quel point les événements politiques forts, comme la politique de la « coupe sombre » de 1965, la répression du Printemps de Prague, ou encore l’expulsion de Wolf Biermann en 1976, s’insinuent dans le plus intime – comme si l’intime était fait d’un matériau plus tendre ou plus friable que le politique. De fait, note Wolf dans son journal : « Die äußeren Geschehnisse, Handlungen bleiben schärfer in der Erinnerung als das, was an innerem Leben – oft nicht synchron damit abläuft32 ».

  • 33  « C’est un endroit idéal pour les suicides, dit Mme G. Rien d’étonnant à cela. Elle dit que la con (...)
  • 34  Maxie Wander, Ein Leben ist nicht genug, op. cit., p. 73 (23 février 1965).

14Une différence de traitement notable entre les journaux se fait sentir cependant avec les « événements du 13 août ». Inquiète, Reimann note pas à pas l’aggravation de la crise qui débouchera sur la construction du « mur de protection antifasciste » le 13 août 1961 et fait part de son impression de « guerre civile larvée » (9 septembre 1961). Dans les années 1960, Wander fait constamment mention du Mur, une réalité d’autant plus présente qu’elle s’impose physiquement aux habitants de Kleinmachnow. En raison de sa situation face à Berlin-Ouest, la bourgade se voit brusquement encerclée par le Mur, transformée en triste « ghetto » (26 avril 1966), de rares points de passage la reliant au reste de la RDA. Le « no man’s land » s’étend « derrière nos maisons » (24 juillet 1964) et il est impossible de ne pas entendre les hurlements des chiens, assignés à la garde de la frontière (23 février 1965). Seule Christa Wolf, qui habite pourtant à Kleinmachnow de 1962 à 1974, reste étrangement laconique sur le sujet et ne s’y réfère que de manière indirecte, en rapportant les propos d’un tiers : « Dieser Ort sei ideal für Selbstmörder, sagt Frau G. Ist ja auch kein Wunder. Sie meint, der Mauerbau, der sich als Zaun durch diesen Ort zieht, könnte einem schon “aufs Gemüt schlagen33” ». Comme le constatera Wander, « personne n’en parle. Le sujet est tabou34 ».

  • 35  Hélène Camarade, op. cit., p. 16.

15Simple juxtaposition des faits du jour, « collage » d’extraits de presse (Wolf), analyses : à partir du discours intime émerge une réflexion plus ou moins achevée et critique sur le politique. Une étude approfondie montrerait comment les formes d’acceptation et de rejet, de distanciation du système est-allemand évoluent entre opposition et opportunisme, perspicacité et aveuglement, espoir et résignation, le désir d’une écriture libre, dégagée du politique, et la conception esthétique du socialisme. La souplesse du journal, son absence de règles d’écriture – le diariste écrit au gré de ses sentiments et des événements – en font un genre particulièrement à même de saisir les flots mouvants d’une conscience au fil du temps. Forme d’écriture réactive, présentant une perception quasi immédiate des événements, le journal permet d’appréhender les conflits entre le moi et le monde au jour le jour et saisit, au prisme de la subjectivité, un présent en mouvement. « [T]émoignage[s] d’une individualité qui s’affirme, individualité agissante, revendiquée et reconquise35 », les trois journaux attestent d’un usage plein et entier de la liberté d’expression, ce qui pose le problème de leur préservation dans une société qui érige la « diversion politique et idéologique » en crime politique.

Un espace à protéger

  • 36  Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, op. cit., p. 41.
  • 37  Maxie Wander, Ein Leben ist nicht genug, op. cit., p. 57 (3 septembre 1964). « Je suis heureuse co (...)

16Le diariste cultive un espace intérieur à l’écart des autres. Wander se réjouit d’avoir enfin une « chambre à soi » où elle puisse se consacrer à l’écriture. Une mansarde à l’étage, espace de la clôture et de la « tranquille solitude36 », immédiatement associé à l’univers secret du journal : « Ich freue mich wie ein romantisches Mädchen, wenn es sich mit seinem geheimen Tagebuch ins Kämmerchen einschließen kann37 ». Le diariste qui se livre à l’exploration de l’intime ne peut qu’opposer son refus à toute intrusion du dehors – Reimann frémit à l’idée que son mari puisse utiliser son journal pour obtenir un divorce en sa faveur (1er septembre 1955). Il ne faut pas oublier que tenir un journal est alors un acte politique. Fragile refuge d’une individualité qui s’affirme, le journal représente une prise de risque incontestable.

  • 38  Sonia Combe, op. cit., p. 51.

17La police secrète et politique, « bouclier et glaive du parti », ignore la distinction entre vie publique et privée et jouit dans l’exercice de ses fonctions d’un pouvoir quasi discrétionnaire. Les droits de la Stasi n’étaient établis ni limités par aucun texte de loi : ses statuts, qu’il s’agisse de ceux de 1953 ou de ceux de 1969, indiquaient seulement sa soumission au parti38. Après une phase de répression ouverte, la Stasi se transforme de plus en plus en organe de surveillance. Le quadrillage de la société atteindra son apogée durant l’ère Honecker :

  • 39Ibid., p. 52.

[…] [G]râce à ses réseaux d’informateurs disséminés à travers toute la société, la Stasi est devenue le panopticon de la société est-allemande. Semblable au poste d’observation dressé au centre de la prison circulaire dans le schéma de Bentham analysé dans Surveiller et punir, elle embrasse du regard tous ses « sujets » qui, comme les détenus de la prison panoptique selon Foucault, sont maintenus dans un « état permanent de visibilité »39.

  • 40  Herta Müller, « Die rote Blume und der Stock », dans Günther Rüther (dir.), Literatur in der Dikta (...)
  • 41  Christa Wolf, op. cit., p. 330-331 (27 septembre 1983).
  • 42Ibid., p. 477 (27 septembre 1991). « […]il ne fallait pas qu’ils trouvent chez nous mon journal in (...)

18Les fonctionnaires communistes propagent une nouvelle religion avec cette idée que « quoi que tu fasses, Dieu te voit, il est infini et partout40 », instaurent un mode de domination fondé sur la surveillance et un climat de terreur, comme en témoigne le journal de Wolf. L’auteure évoque une jeune fille qui cherche désespérément à se libérer des filets de la Stasi, et « la peur qu’elle éprouv[e], à cause de son journal intime […]. Elle le cache […]. S’ils m’envoient en prison, au fond, ce ne serait pas si grave […]. Mais s’ils me confisquent mon journal, je n’y survivrai pas41 ». Et en 1991, elle revit le moment d’angoisse vécu en 1968 quand sa fille Annette fut interrogée par la Stasi, à cause d’un ouvrage interdit que transportait son compagnon, et que Wolf tremblait à l’idée d’une perquisition : « […] meine Tagebücher sollten sie bei uns nicht finden, zum ersten Mal haben wir sie damals versteckt, zum erstenmal haben zwei Herren vor unserem Haus gestanden […]42 ». Depuis la parution de Nachdenken über Christa T., Wolf est idéologiquement suspecte. Le journal fait part de la surveillance et des filatures policières, des mises sur écoute, du courrier ouvert par la censure.

  • 43  Nous employons volontairement les deux termes, das Intime étant d’un emploi spécifique en allemand
  • 44  Gao Xingjian, op. cit., p. 31.
  • 45  Voir Günter Gaus, Wo Deutschland liegt : Eine Ortsbestimmung, Hambourg, Hofmann & Campe, 1983.

19« Das Private ist politisch » – le privé / l’intime43 est politique : ce slogan martelé par les féministes outre-Rhin en 1968 peut servir de fil rouge à l’analyse des journaux de Wolf, Reimann et Wander. Défiant le regard panoptique, le journal représente « un nid, […] un lieu pour s’abriter, où [l’auteur] pourrait échapper aux autres, un foyer pour lui tout seul, pour y préserver son intimité sans être surveillé44 ». Si aucune des trois diaristes ne s’inscrit dans la franche opposition au régime, elles font valoir dans leur journal leurs droits à l’intimité et à la liberté d’expression. Montrer son vrai visage n’est possible en RDA que dans la sphère intime, la « niche », seule échappatoire à l’omniprésence de l’État. Nombreux sont les citoyens est-allemands qui s’accommodent en apparence du régime et développent, à l’écart des parades et discours officiels, des stratégies privées, comme le journal, pour arriver à l’épanouissement personnel, tant et si bien que la société est-allemande se verra qualifiée de « Nischengesellschaft », de société de niches et refuges intimes45.

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Notes

1  Nous nous référons aux images de l’intimité protégée que développe Gaston Bachelard dans La Poétique de l’espace [1957], Paris, PUF, 2007.

2  Gao Xingjian, Le Livre d’un homme seul, trad. du chinois par Noël et Liliane Dutrait, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2000, p. 31.

3  Françoise Simonet-Tenant, Le Journal intime. Genre littéraire et écriture ordinaire, Paris, Nathan, coll. « 128 », 2001 ; rééd. avec un avant-propos de Philippe Lejeune, Téraèdre, 2004, p. 118.

4  David Boal, Journaux intimes sous l’Occupation, Paris, Armand Colin, 1993, p. 202.

5  Voir en particulier la remarquable étude d’Hélène Camarade, Écritures de la résistance. Le journal intime sous le Troisième Reich, préface de Peter Steinbach, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2007.

6  Sonia Combe, Une société sous surveillance. Les intellectuels et la Stasi, Paris, Albin Michel, 1999.

7  Voir les travaux de Karin McPherson sur les écrits privés en RDA : « Rückblicke – Briefe und Tagebüchern von Autorinnen aus der DDR », dans Hans-Christian Stillmark (dir.), Rückblicke auf die Literatur der DDR, Amsterdam/New York, Rodopi, coll. « Amsterdamer Beiträge zur neueren Germanistik », 52, 2002, p. 417-432.

8  Maxie Wander, Leben wär’ eine prima Alternative. Tagebücher und Briefe, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2009, p. 93 : « Mir scheint, das Jahr 1972 war ein Schlüsseljahr für meine Entwicklung ; […] vier Jahre nach Kittys Tod (und vier Jahre vor dem Ausbruch meiner Krankheit) […]. » [« Il me semble que l’année 1972 a été décisive pour mon développement […] ; quatre ans après la mort de Kitty (et quatre ans avant l’apparition de ma maladie) »]. Nous traduisons toutes les citations de Brigitte Reimann et Maxie Wander.

9  Maxie Wander, Tagebücher und Briefe, éd. Fred Wander, Berlin, Der Morgen, 1979. En RFA, le recueil paraît sous le titre de Leben wär’ eine prima Alternative, Darmstadt, Neuwied, 1980 – titre conservé pour la réédition de 2009 chez Suhrkamp.

10  À noter cependant Walter Liersch (dir.), Was zählt ist die Wahrheit. Briefe von Schriftstellern der DDR, Halle/S, Mitteldeutscher Verlag, 1975.

11  Voir Wolfgang Emmerich, Kleine Literaturgeschichte der DDR, Berlin, Aufbau-Verlag, 2000, p. 44.

12  Extrait de la lettre du 22 octobre 1967 adressée à un couple d’amis, p. 193. Wander pouvait rédiger jusqu’à une quinzaine de missives par jour. Il n’était pas rare qu’elle les intègre à son journal et fasse parvenir à leur destinataire une version synthétique.

13  Maxie Wander, Ein Leben ist nicht genug. Tagebuchaufzeichnungen und Briefe, éd. Fred Wander, Hambourg/Zurich, Luchterhand Literaturverlag, 1990 ; rééd. Suhrkamp, 2007.

14  Brigitte Reimann, Das grüne Licht der Steppen. Tagebuch einer Sibirienreise, Berlin, Verlag Neues Leben, 1965.

15  Elisabeth Elten-Krause et Walter Lewerenz (dir.), Brigitte Reimann in ihren Briefen und Tagebüchern. Eine Auswahl, Berlin, Verlag Neues Leben, 1983.

16  Brigitte Reimann, „Ich bedauere nichts“. Tagebücher, 1955-1963, éd. Angela Drescher, Berlin, Aufbau-Verlag, 1997 ; „Alles schmeckt nach Abschied“. Tagebücher 1964-1970, éd. Angela Drescher, Berlin, Aufbau-Verlag, 1998. Voir aussi Tagebücher 1955-1970. Eine Auswahl, Berlin, Aufbau Taschenbuch Verlag, 2003.

17  Christa Wolf, Ein Tag im Jahr. 1960-2000, Munich, Luchterhand, 2003 ; Un jour dans l’année. 1960-2000, trad. de l’allemand par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, Paris, Fayard, 2006.

18  Christa Wolf mentionne pour sa part l’année 1935 dans l’introduction qui précède le journal.

19  Christa Wolf, Gesammelte Erzählungen, Darmstadt/Neuwied, Luchterhand, 1980.

20  Christa Wolf, Werke III, éd. Sonja Hilzinger, Munich, Luchterhand, 1999, p. 366-382.

21  Pierre Pachet, L’Œuvre des jours, Belval, Circé, 1999, p. 104.

22  Véronique Montémont, « Dans la jungle de l’intime : enquête lexicographique et lexicométrique (1606-2008) », Itinéraires. Littérature, textes, cultures, no 2009-4, « Pour une histoire de l’intime et de ses variations », p. 15-38.

23  Éric Marty, L’Écriture du jour. Le journal d’André Gide, Paris, Seuil, 1985, p. 158.

24  Gaston Bachelard, La Terre et les Rêveries du repos [1948], Paris, José Corti, 2004, p. 12.

25  Christa Wolf, Un jour dans l’année. 1960-2000, op. cit., p. 6.

26Ibid., p. 605 (27 septembre 1999).

27  Brigitte Reimann, „Ich bedauere nichts“. Tagebücher, 1955-1963, op. cit., p. 39-40 (15 mars 1956). « Je suis jeune, […] sensuelle et je m’enflamme vite […]. Pourquoi ne devrais-je pas profiter de la vie ? Dans dix ou vingt ans, tout sera terminé – si toutefois je ne meurs pas avant ».

28Ibid., p. 140 (29 avril 1960). « Ressens pour la première fois – et plus seulement avec l’intellect – la tragédie de nos deux Allemagne. Les familles déchirées, l’opposition entre le frère et la sœur. […] Lutz est un imbécile. Il ne voulait pas courber l’échine devant le parti – il devra le faire devant ses capitalistes » (29 avril 1960, p. 140).

29  Maxie Wander, Leben wär’ eine prima Alternative, op. cit., p. 125 (mars 1972). « Peu à peu mon journal s’est transformé en autoanalyse. Je ne songe même plus à une ­publication ».

30Ibid., p. 50 (30 juillet 1964) : « On n’a pas besoin de solliciter son cerveau quand il n’y a qu’une ligne du parti qui en outre est proclamée d’en haut ».

31Ibid., p. 216 (24 août 1968). « Mes pensées tournent sans cesse autour de mon enfant, sinon rien d’autre. Seuls les événements à Prague, cette tragédie, nous touchent. »

32  Christa Wolf, Ein Tag im Jahr, op. cit., p. 222 (30 septembre 1977). « Les événements et les actes extérieurs restent plus présents en mémoire que ce qui se déroule dans le for intérieur, souvent ces deux plans ne sont pas synchrones ».

33  « C’est un endroit idéal pour les suicides, dit Mme G. Rien d’étonnant à cela. Elle dit que la construction du mur, qui traverse la localité sous forme de palissade, peut vous “donner le cafard” » (27 septembre 1962, p. 45).

34  Maxie Wander, Ein Leben ist nicht genug, op. cit., p. 73 (23 février 1965).

35  Hélène Camarade, op. cit., p. 16.

36  Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, op. cit., p. 41.

37  Maxie Wander, Ein Leben ist nicht genug, op. cit., p. 57 (3 septembre 1964). « Je suis heureuse comme une jeune fille romantique quand elle peut s’enfermer dans sa chambre avec son journal secret ».

38  Sonia Combe, op. cit., p. 51.

39Ibid., p. 52.

40  Herta Müller, « Die rote Blume und der Stock », dans Günther Rüther (dir.), Literatur in der Diktatur : Schreiben im Nationalsozialismus und DDR-Sozialismus, Paderborn, Schöningh, 1997, p. 53-58.

41  Christa Wolf, op. cit., p. 330-331 (27 septembre 1983).

42Ibid., p. 477 (27 septembre 1991). « […]il ne fallait pas qu’ils trouvent chez nous mon journal intime, c’était la première fois que nous l’avions caché, c’était la première fois que deux hommes avaient été mis en faction devant notre maison ».

43  Nous employons volontairement les deux termes, das Intime étant d’un emploi spécifique en allemand.

44  Gao Xingjian, op. cit., p. 31.

45  Voir Günter Gaus, Wo Deutschland liegt : Eine Ortsbestimmung, Hambourg, Hofmann & Campe, 1983.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Kerebel, « « Das Private ist politisch » : journaux d’écrivaines est-allemandes »Itinéraires, 2012-2 | 2012, 81-92.

Référence électronique

Anne Kerebel, « « Das Private ist politisch » : journaux d’écrivaines est-allemandes »Itinéraires [En ligne], 2012-2 | 2012, mis en ligne le 01 novembre 2012, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/1125 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.1125

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Auteur

Anne Kerebel

Université de Caen Basse-Normandie, Université Paris 8
Les Mondes allemands : régions, histoire, cultures, sociétés (EA 1577)

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Droits d’auteur

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