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AccueilNuméros2021-1Performer, installer, occuperAvez-vous dit ‘sœurcière’ ?

Performer, installer, occuper

Avez-vous dit ‘sœurcière’ ?

Did you Say “sœurcière” ?
Bénédicte Meillon

Résumés

Rédigée sous forme d’essai, cette contribution relate l’émergence de la figure de la « sœurcière » dans le cadre d’un projet de recherche-création Arts-Lettres-Sciences réalisé in situ dans la Réserve Naturelle Nationale de la Massane, forêt ancienne aujourd’hui inscrite au Patrimoine de l’UNESCO. Réalisé sur plus de deux ans, ce projet collectif mobilise la danse, la vidéo, la photographie et l’écriture. Inspiré par une démarche écoféministe et écopoétique, il vise à participer à la restauration de notre attention sensible au vivant.
Encadrée par deux textes poétiques dont les titres renvoient à l’œuvre de l’écophénoménologue David Abram, cette contribution conjugue écriture et photographie. Mêlant l’intime et le politique, elle entrelace d’abord le récit d’un vécu incestueux avec une réflexion écoféministe à partir du concept clef de « résilience » en écologie et en psychologie. Afin de clarifier les liens de parenté entre l’archétype de la sorcière et celui, plus récent, de la « sœurcière », la deuxième partie retrace cette évolution et insiste sur les valeurs positives portées par la sœurcière, tout en précisant les formes d’empuissantement esquissées par celle-ci. Enfin, la troisième partie explicite les principaux enjeux écopoétiques de notre travail. Celui-ci est sous-tendu par des pratiques sympoïétiques liées notamment au pouvoir anamorphique de la photographie et à notre démarche créative in situ, soit de composition chorégraphique avec un lieu vivant. En guise de conclusion, je propose un bref tour d’horizon d’une partie de la scène politique et culturelle actuelle où l’on peut déceler l’apparition de la sœurcière comme force visant à rénover nos imaginaires concernant les femmes, la « nature » et la formation de nos collectifs.

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Texte intégral

Fabienne Py-Renaudie a réalisé une mise en page de l'article qui propose une expérience de lecture que nous n'avons pas pu reproduire ici. Cette version est accessible dans la section "Document annexe" située après la bibliographie.

Entrée en matière : L’Alphabet du sensible

1La sœurcière réveille nos sens animaux et végétaux. Elle co-compose au fil de l’air et de l’eau, de la terre, du bois et de la pierre, une écopoétique du bien-être, du Buen Vivir. En magicienne des milieux, elle évolue à la lisière entre les mondes et leurs devenirs multispécifiques. En numérique, en kinesthésique et en écopoétique, elle agence en réflexivité, avec humour, poésie, et inventivité, des gestes et des mots qui se font échos poétiques. Elle est

2révélactrice de la texture de la forêt, de ses mutualismes. Elle enchevêtre sa danse et son écriture dans la chora de la Terre-Mère, épelle l’alphabet envoûtant du sensible et s’épanouit dans les choré-graphies du vivant. Elle cale

3son pouls sur celui de la forêt de hêtres. Elle fait monter la sève dans ses mains et sous ses pieds. Elle prend et donne forme, rejaillit de la mort, coule de source. Ressource. Elle se tient à l’écoute des (h)êtres. Elle contacte le vivant, qui, en retour, informe sa gestuelle en coévolution. Elle invite les états de la matière, les flux et les ondulations du vivant à influer dans ses états de corps ; ils affluent en elle, l’animent, puis, du dedans, la poussent vers le dehors, en réponse à ce monde vibrant.

4La sœurcière entre en résilience. Elle embrasse le monde et danse avec la lumière. Née des puissances de la Terre, elle

5prend corps avec la matière. Elle est indivisible, air terre mer pierre et feu. Insaisissable. Elle est liberté, égalité et sororité. Porte entre l’intime et le politique. Ni possédée ni possessive, elle est protéiforme, s’offre, mais ne peut

6appartenir à personne. Multiple, organique et symbiotique, elle est toujours en devenir. Elle accompagne des processus de métamorphose et d’anamorphose. Elle est canal entre le visible et l’invisible. Elle naît du chaos et répond aux lois de la physique quantique. Elle est danse des molécules, onde et corpuscule, musique, ondoiement, chatoiement. Elle est particule élément-terre ; elle absorbe et transforme couleur et lumière, touche au cœur de la matière. Elle est pont, photon : elle circule et s’impulse aux contacts des champs magnétiques avec lesquels elle entre en vibration. Elle est végétale et animale, elle est minérale et élémentale. Liminale. Telle son e dans l’o, elle s’imbrique, s’enchevêtre et co-compose une danse de la forêt en résonance avec

7toutes les vibrations et les corps auxquels elle se suspend et s’entretisse. Corrélationnée, son pouvoir rayonne par des entrelacs, en non-localité : la rencontrer, c’est nécessairement et pour toujours devenir un peu elle, elle un peu nous, infléchir nos parcours et démultiplier nos potentialités respectives.

Introduction

  • 1 Ce travail est issu d’une co-réalisation avec Margot Lauwers (Docteure en Études Anglophones, UPVD (...)

8À partir d’une exploration transdisciplinaire in situ, nous avons travaillé à un prolongement écopoétique de la forêt, donnant lieu à des travaux Arts-Lettres-Sciences1 : d’abord, ce travail qui mêle photographie, danse et poésie, orienté par l’émergence de la figure de la « sœurcière », travail subventionné par le Conseil Départemental 66 dans le cadre des Semaines des Droits des Femmes et, par conséquent, en liens étroits avec des problématiques

  • 2 Merci à Céline Florimond et Laurent Coll pour leur accompagnement dans le cadre de l’exposition et (...)
  • 3 Caroline Granger, qui danse et termine une thèse sur la torsion dans l’œuvre chorégraphique de Mer (...)

9écoféministes2. Par ailleurs, j’ai bénéficié d’une résidence d’artiste (amatrice) à l’UPVD me permettant de continuer d’explorer, en collaboration avec une autre danseuse et avec un vidéaste ce que pourrait être une écopoétique de la forêt et de sa biodiversité, par la danse, l’écriture et la vidéo3. Dans les deux cas, nous nous situons à la lisière

10entre les sciences « humaines » et « naturelles », entre recherche et création. Notre démarche au sein d’OIKOS (notre atelier de recherche en écopoétique, écocritique et écoanthropologie à l’UPVD) est de favoriser l’émergence d’une intelligence contemporaine du sensible, d’une pensée réincorporée, qui nous invite à mieux relationner avec le vivant dans le contexte actuel de crise éco-onto-épistémo-logique. Nous œuvrons pour une recherche qui puisse produire, en plus des publications habituelles, qui s’adressent bien souvent à des spécialistes, des actions de sensibilisation et de communication auprès du grand

  • 4 Je précise que Margot Lauwers et moi-même ne sommes ni écrivaines, ni photographes ou danseuses di (...)

11public. Nous expérimentons ainsi d’autres façons de pratiquer la recherche, en y mêlant notamment des approches créatives. Si nous nous engageons dans une aventure artistique, celle-ci vise en premier lieu à innover du côté des pratiques de la recherche et de la diffusion de nos savoirs4. Nous investissons avec humilité des pratiques dont nous sommes amatrices depuis toujours ou presque, et qui sont devenues indissociables de nos manières d’habiter le monde.

12Je voudrais en préambule rappeler quelques principes écoféministes qui animent notre démarche artiviste : il s’agit ici d’entremêler délibérément la poésie et la philosophie, le poétique et le politique, l’individuel et le collectif, l’intime et l’extime, le savoir et l’exploration, la recherche et la création. L’écopoét(h)ique des sœurcières est une sorte d’art-thérapie, qui s’allie aux puissances de la Terre et des femmes et qui porte un combat politique. Cette contribution épouse une forme d’écriture à mi-chemin entre ce qu’on appelle en anglais, le creative writing, et le narrative scholarship, soit des pratiques universitaires qui hybrident délibérément le récit créatif d’un vécu personnel avec le discours académique et la démarche scientifique.

13J’aimerais ainsi offrir un témoignage, peut-être un espoir, du cheminement qui se fait avec le temps. Ce temps et ce travail qui permettent de réapprivoiser son corps, de restaurer un moi devenu fragmentaire et dissocié, d’éloigner peu à peu la peur et le trauma et de les transmuter en processus réflexifs et créatifs. Quand on a réchappé à ce qu’on pourrait croire insurmontable, on apprend à désamorcer les bombes à retardement qui jonchent les terres de nos corps et de notre mémoire, à démonter les mécanismes liés aux traumas. On comprend que le temps est venu pour que la honte change enfin de camp, pour œuvrer à un travail de libération, pour que les discours et les systèmes de pouvoirs qui permettent les violences faites aux femmes et aux enfants soient détricotés, que les idéologies et les mythes liés aux femmes soient réinventés par et pour les femmes afin que celles-ci ne soient plus en position de se faire minoriser, invisibiliser, réifier, brutaliser. Enfin, avec le temps, il arrive de découvrir que nous détenons le pouvoir de faire repousser les membres de soi dont on nous avait amputées. Que comme dans la forêt, au-delà de la mort d’une partie de soi, il existe des alliances pour faire renaître la vie de la mort. Qu’en laissant ses terres au repos, parfois, certains éléments constitutifs de notre écosystème résilient peuvent être décomposés par des allié·e·s quasi-invisibles et transformés en fertilisant pour les sols, permettant à d’autres formes de vie de pousser et de s’épanouir en un écosystème dynamique, multispécifique, qui ne s’arrête pas au drame individuel.

Hantologie et résilience

  • 5 Ce paragraphe légèrement remanié  fut  écrit au départ pour une contribution au numéro spécial pour (...)

14Ma découverte de l’écopoétique, tout d’abord, champ de recherche qui étudie les liens entre les langages de la nature et la poésie du langage humain, c’est à ma passion pour l’œuvre de la romancière, poétesse et essayiste états-unienne Barbara Kingsolver que je la dois. La porte d’entrée dans ce domaine m’a été poussée dans les années 90 par l’écoféminisme, mouvance politique et de pensée plurielle et protéiforme vers laquelle l’écriture de Kingsolver m’entraîna. La résonance dans ses œuvres entre les violences faites aux femmes, aux enfants, aux formes du vivant autres qu’humaines (ladite « nature »), aux peuples colonisés, trouvait écho en mon vécu. Pour devenir chercheureuse, je n’avais pas choisi mes objets de recherche par hasard, mais parce qu’ils faisaient musique avec les cordes sensibles qui vibraient en moi. D’abord, l’écoféminisme formulait des savoirs que j’avais appris au contact de la terre, lors de mes nombreuses années dans le scoutisme, où je découvris le goût de la liberté, la jubilation d’être à l’écoute et au contact permanent de la nature, la joie sauvage de former une communauté de filles ou de jeunes femmes toutes différentes, où, ensemble, danser, chanter, jouer, inventer, veiller le feu à l’écoute de son crépitement et des bruissements de la nuit, construire et tisser en nous sentant affranchies des dictats et des pulsions scopiques masculins alors que nous entrions dans la puberté. En outre, la plume de Kingsolver réveillait les couleurs et les mots qui avaient irrigué ma pas-si-tendre enfance dans les paysages mythiques de l’Arizona. Je découvrais alors une mine d’or, dont l’exploration allait être le point de départ de ma carrière en tant qu’enseignante-chercheuse, tout en ouvrant des voies jusque-là impénétrables pour comprendre et échapper à l’enfermement dans une toile patriarcale dont il y avait urgence à me démêler avant qu’elle ne s’avérât létale. Vint l’œuvre de Julia Kristeva, dont la sémiotique partait du corps, qui entrouvrait les phrasés d’une langue vive dont la sève et les rythmes montaient d’une chora autre que celle des Pères. D’où, pour moi, montait le chant de la Terre-Mère. J’y reconnaissais mes propres grammaires débridées et poétiques, que je gestarticulais en danse ou en mots, selon. Par les voies ouvertes par Kingsolver et ses consœurs, je découvrais en même temps une pensée littéraire et philosophique des viols de la terre et des phénomènes de résilience, à la fois écosystémiques et individuels. Il existait des mots tels que reclaim, reempowerment, entonnés telles des incantations faisant advenir voix et puissances féminines, écho-vocalisant celles de la Terre. De mes lectures s’élevaient des voix de femmes s’érigeant contre l’assujettissement simultané de la « nature » et du « féminin » à une volonté de domination et d’exploitation patriarcales. Ce fut une épiphanie5.

15Rescapée de l’inceste aux mains d’un grand frère et aussi d’un grand-père (choisi pour être mon « parrain » par une mère qui, pourtant, avait elle-même subi sa prédation), il m’aura fallu presque quarante ans pour trouver les mots pour le dire, le courage aussi, et, surtout, pour m’en extirper et tracer d’autres lignes de fuite et de force. Si j’ai su m’arracher à cette histoire que d’autres que moi avaient écrite, à devenir enfin l’autrice de ma vie et prendre en main de Béné-dicter ma propre constitution, c’est en grande partie, grâce à la danse, à la littérature, aux études et à l’écriture, qui ont été pour moi des formes de thérapie puissantes pour activer ma résilience. Cette notion de résilience émane des sciences physiques : elle renvoie à la capacité du métal à résister aux pressions de son milieu. En écologie, elle désigne la capacité d’un écosystème à restaurer un état d’équilibre à la suite d’un bouleversement (une catastrophe naturelle, une surexploitation, une contamination toxique des eaux et des sols, etc.). C’est d’abord la psychologue états-unienne Emmy Werner qui a puisé dans ce concept pour étudier la psychologie humaine. Elle a travaillé auprès d’enfants à Hawaï vivant des événements traumatiques, certains ayant réussi néanmoins à grandir de façon structurée et équilibrée, à mener des vies heureuses en dépit de conditions adverses extrêmes. Puis ce terme a été popularisé en France grâce au très médiatisé Boris Cyrulnik. Ce dernier parle d’une résilience intra-psychique, celle d’une personne capable de restaurer un équilibre malgré un traumatisme ; mais aussi d’une résilience interpersonnelle, relationnelle : la capacité à nouer des liens et tisser des affects positifs avec d’autres personnes et avec son environnement. On peut penser aux apports de la Gestalt-thérapie, qui étudie l’évolution d’un individu au contact de son environnement, et à ceux de l’écopsychologie, qui pense précisément cet environnement en tant que milieu naturel. Quand on aborde la résilience, la question du temps reste essentielle : la résilience à l’échelle d’une montagne, des rivages de la Têt à Perpignan après le passage de la tempête curieusement nommée « Gloria », ou des forêts de l’Australie, ou encore la résilience d’un organisme, d’un individu, d’une femme, ne s’inscrivent pas dans le même temps. Il existe donc diverses échelles de temps et étapes pour la restauration d‘un équilibre, qui varient aussi selon que la résilience est accompagnée, ou entravée. Pour les femmes et les enfants, il s’agit de parvenir à faire cesser et se soustraire aux violences, puis d’énoncer, et enfin de dénoncer devant la Loi ces violences infligées. La difficulté, au-delà : comment faire mieux que survivre ? Comment retrouver un équilibre permettant de nouvelles espérances, de nouvelles alliances, de nouvelles croissances ?

16Je voudrais d’abord ici situer l’apparition de la figure de la sœurcière dans ma vie : à l’origine ce mot nous a été offert il y a plusieurs années déjà, à Margot et moi, par Athane Adrahane, poétesse, photographe, philosophe, et un peu « chamane » (même si elle grimacerait à m’entendre utiliser ce mot pour parler d’elle). La puissante figure de la sœurcière, telle qu’elle m’accompagne aujourd’hui, et si elle demeure fondamentalement insaisissable (c’est là sa force), est née aussi pour moi d’une rencontre avec Margot et d’autres sœurcières : il y eut cette reconnaissance, au fond de leurs yeux, de l’inénarrable, l’abîme de l’indicible ; j’ai reconnu en elles, en leurs postures, leurs corps, leurs façons de s’adresser aux autres, y compris aux nonhumains, ces natures écorchées-vives, la douleur d’être emmurées dans un vécu interdit et aliénant, ces endroits d’elles abîmés ; et cependant, j’ai reconnu en elles, aussi, cette irréfragable pulsion de vie, cette indomptable sauvagerie, ce sens de l’humour décalé, une sensibilité à fleur de peau et cette attention poétique au monde, au langage et aux autres, cette volonté de ne pas vivre toute une vie durant réduites à l’état de survivantes, cette recherche d’autre chose que de la pitié et cette infléchissable détermination pour comprendre, pour réclamer nos puissances et faire alliance, pour avoir le droit d’être pleinement vivantes.

17Rebroussant le chemin qui mène de mes sœurs biologiques à mes sœurcières, j’ai d’abord déroulé la pelote de discours qui a servi à permettre, instituer, minimiser, et tabouiser les violences dont j’ai fait l’objet, qui sont en bien des points métonymiques de toute une société à réformer. Il m’était devenu vital, dans une entreprise de remise en ordre et en scène à effets psychomagiques, de rassembler et performer les récits qui, tout au long d’une vie et jusqu’à ce que je les fasse taire, ont entravé ma guérison en m’enfermant dans une culture profondément Père-verse. Si j’ai puisé ainsi dans mon vécu pour mettre ces discours obscènes à distance et en affronter les spectres, c’est bien sûr pour neutraliser leur pouvoir sur moi, mais aussi parce que je suis convaincue qu’il est un devoir de les identifier collectivement, parce qu’ils en disent long sur toute une épistémè et qu’ils appellent à une rupture d’évidence. Car au-delà des actes mêmes, il y a ce qui se trame au travers des institutions, des systèmes de pouvoir et de pensée, des lois, des idéologies, des logiques tordues, des abus de langage, des mythologies et des stéréotypes qui enferment les femmes et les enfants, et les hommes eux-mêmes, dans des situations d’emprise et de domination complexes. Dans un texte polyphonique que nous avons eu l’occasion de clamer en sœurcières, nous avons invité à déconstruire les discours qui autorisent et perpé-tuent les violences que les femmes et les enfants subissent à travers le monde. Il s’agit ainsi, main dans la main avec de nombreux penseurs et penseuses féministes, de défricher le grand chantier auquel nous devons tou·tes nous atteler si nous espérons faire advenir des changements sociétaux et mieux protéger les enfants et les femmes que nous sommes, comme ceux et celles que nous mettons au monde. C’est de ce grand chantier que naît la sœurcière.

18Si je sais composer aujourd’hui au présent, c’est en partie grâce à toutes mes sœurcières. Surtout celles qui ont vaillamment accueilli ma parole, partagé les leurs, dans le respect de nos pudeurs bafouées. Celles qui ont ouvert leur cœur. Qui œuvrent pour des lendemains meilleurs. Et c’est aussi grâce à la puissante figure de la sœurcière, archétype vivant, en pleine émergence, qui n’est pas une personne en particulier. Elle n’a pas d’histoire singulière et peut à la fois toutes les accueillir. Elle est source d’inspiration, affranchie, créative, et toujours en devenir. C’est une grande passeuse, une métisseuse d’alliances et de résilience.

De la sorcière à la sœurcière

  • 6 Cette question a fait l’objet d’une conférence donnée par Claire Perrin, doctorante au sein du lab (...)

19Sans revenir longuement sur l’histoire de la sorcière, sur la création du mythe et son évolution dans nos sociétés « modernes6 », il importe néanmoins

  • 7 Conférence inaugurale de l’année pour notre atelier de recherche en écopoétique, le 5 septembre 20 (...)

20d’esquisser comment la sœurcière esquive le sort que le patriarcat lui avait jeté : comment elle se pare d’un e dans l’o pour se réemparer de son pouvoir de faire corps avec ses sœurs. Je rappellerai simplement que nous avons assisté à une résurgence de cette figure dans les années 60 et 70 aux États-Unis, avec les très provocatrices WITCH (Women’s International Terrorist Conspiracy From Hell), engagées dans des combats politiques, et des personnes qui se revendiquent « sorcières » telle l’écoféministe Starhawk, se réclamant pour sa part de la Wicca, un courant religieux fondé sur un syncrétisme néopaïen, qui réhabilite des cultes anciens de déesses. Plus récemment, on assiste à une nouvelle résurgence de la sorcière en France dans le sillon du travail de Mona Chollet, de la venue en France de Starhawk en 2017, à la ZAD de Notre Dame des Landes, ainsi qu’à Céret et à l’Université de Perpignan Via Domitia7. À présent nimbé d’une aura positive, le spectre de la sorcière fait aujourd’hui son retour dans les manifestations et combats politiques, notamment autour des droits des femmes et de la lutte contre le changement climatique.

21Nombreuses sont les observations d’une corrélation étroite entre les violences exercées à l’égard des femmes dans une société et celles exercées à l’encontre du vivant autre qu’humain. Dans un contexte où le changement climatique et l’érosion de la biodiversité suscitent de plus en plus de prises de conscience, de vives inquiétudes, de révoltes et de manifestations, on constate l’émergence de nombreuses femmes porteuses d’une parole qui appelle à de nouvelles lois et à des changements profonds de nos mentalités. De même, dans le sillon des mouvements « Me Too », « Balance ton Porc » et « Nous Toutes », de partout les femmes s’organisent et prennent la parole et la plume pour nous intimer de réformer nos sociétés. En France, la société et l’Université sont marquées par un intérêt tardif, par comparaison avec les pays anglophones, mais en pleine effervescence depuis une petite dizaine d’années, pour les écoféminismes (on peut saluer notamment le travail d’Emilie Hache, d’Isabelle Cambourakis, de Jeanne Burgart-Goutal et Margot Lauwers). Aujourd’hui, des femmes de tous âges,

22de tous horizons et de tous peuples nous enjoignent de changer de paradigmes dans nos façons de considérer et de légiférer sur les questions liées aux droits des femmes et à ceux de la nature, et d’agir de façon responsable envers le vivant. Nous pensons néanmoins qu’il faut résister à la tentation facile d’assigner la responsabilité de la planète, notre maison commune, aux femmes, qui, affirment certain·e·s, seraient supposées par essence plus enclines que les hommes à éprouver de l’empathie et plus tournées vers les activités du soin, du Care. Si nous tenons à résister à cette volonté d’imposer aux femmes encore une charge de plus, qui leur incomberait selon ces logiques essentialistes, il nous semble néanmoins que la figure émergente de la sœurcière est une alliée puissante de tous ceux et celles qui appellent à des changements de paradigmes dans nos façons d’entrer en relation, tant avec les femmes qu’avec le vivant sous toutes ses formes.

23L’apparition de la sœurcière marque l’avènement d’un nouvel archétype, non lesté des stigmates péjoratifs dont la sorcière a longtemps été affublée : stigmates visant son existence charnelle tout autant que sa liberté morale et spirituelle, son indépendance, ses puissances et ses savoirs. La sœurcière se tient loin du stéréotype de la femme qui pactise avec le diable, se fait instrument de la tentation entre Satan et les humains, dont le corps est non seulement désacralisé, mais vil et marqué par le Diable, qui affiche soit une laideur répugnante, soit une beauté fatale et manipulatrice, qui est menaçante et malveillante, qui

  • 8 Cette expression, qui fait aujourd’hui l’objet de vives critiques dans les humanités environnement (...)

24jalouse les autres femmes et instrumentalise ses pouvoirs magiques à des fins maléfiques. Stigmatiser des femmes en tant que « sorcières » et les condamner à être brûlées sur la place publique, c’était tenter d’éradiquer tout ce qui pouvait permettre aux femmes de s’émanciper, d’échapper aux dogmes, aux codes et modes de vies qui leur étaient socialement imposés par les hommes, de revendiquer des savoirs et des pratiques ancestraux, de vivre libres, hors mariage, hors normes, ne se pliant pas aux ordres des épouses et de la maternité, de faire concurrence aux hommes qui se voulaient seuls gardiens de la connaissance, seules figures d’autorité, édicteurs de morale et de discipline, détenteurs de la raison, des arts, de la religion et de la médecine, domesticateurs du corps des femmes et de leurs âmes sauvages et, dans le même temps, de tous ces êtres de nature que certains proclamaient dénués d’âmes ou d’intériorité. La sorcière était l’incarnation de tout ce qui représentait en tant que tel un danger pour le pouvoir patriarcal qui s’érigeait en « maître et possesseur de la nature8 », mais aussi des femmes, des produits de la civilisation et même des peuples dits « indigènes », dominés par une idéologie permettant de les reléguer, avec les femmes, du côté du « sauvage ». En même temps que pour permettre l’expansion des civilisations patriarcales on colonisait et soumettait des peuples animistes et totémistes qui vivaient dans des relations de mutualismes avec leurs milieux naturels, on s’appliquait à dompter ou diaboliser le corps des femmes et les alliances de celles-ci avec les plantes, les forêts, les animaux.

25Alors, du point de vue des femmes, la sœurcière est (comme on peut le lire sur certaines pancartes brandies dans les manifestations) la petite-fille des sorcières que le patriarcat n’a pas réussi à brûler ; surtout, elle est une sœur universelle, pour toutes les femmes, et les hommes aussi (car il ne faut pas les oublier), alors accusé·e·s de

26sorcellerie, pour toutes les femmes violentées et bridées par une éducation misogyne, et pour toutes les femmes d’aujourd’hui qui réclament leurs puissances et leurs alliances ancestrales. Elle est également une sœur pour tous ces hommes qui ne se reconnaissent pas non plus dans les idéologies virilistes qu’on leur a inculquées, qui eux aussi œuvrent avec les femmes à des changements de paradigmes et de sociétés, en appellent au sensible et à de nouvelles façons d’habiter le monde, de le cultiver et d’entrer en relation. Guérisseuse, mère-veilleuse, la sœurcière est vectrice d’empathie, de sororité. Non plus aliénée, vilifiée, dénoncée et ostracisée comme au temps des sorcières, qui furent isolées et coupées de toute forme de solidarité possible (défendre une sorcière ou un sorcier pouvait mener à être accusé soi-même de sorcellerie), elle est à présent warrior solidaire, qui ne mâche pas ses mots, qui réclame justice, avance épaulée, renforcée par des cercles de sœurcières, des amitiés avec des sages-femmes, accoucheuses d’une deuxième mise au monde, et aussi avec de sages hommes. Elle offre la possibilité d’une nouvelle naissance ; elle réapprend aux humains à s’entretisser dans des écosystèmes multispécifiques, à tisser des cocons porteurs de résilience.

27Briseuse de tabous, de dogmes, la sœurcière n’est pas taiseuse. Non : affûteuse de mots, guérisseuse de maux, elle met fin au silence, recoud les béances. Elle est ouvreuse de portes. Elle balise les chemins vers la Terre-Mère, indique pour chacun·e les voies ouvertes vers le vivant, qui accueille et soulage les souffrances ; en chemin elle les recueille et les transmute, trace des sentiers pour sortir de la désespérance. Elle comble les lacunes des mères absentes ou complices, lèche les plaies, fait reculer la peur. Elle est sœur de cœur pour enfants, hommes et femmes désastré·e·s. Elle nous incite à devenir autrices de nos vies, à nous réemparer de notre agentivité. Elle est féminité qui conjugue force et sensibilité, douceur et autorité, courage et émotivité. Elle connaît la colère, ébranle les lois des Pères-vers. Elle lutte contre la mort, l’anéantissement que l’on nous a mis au corps, l’emprise de tête. Elle rend aux femmes leur dignité. Elle poétise et performe des séances d’exorcisme. Elle affronte la terreur, la honte, et la monstruosité, les retourne à ses agresseurs. Elle sort de l’ombre. Telle une sorcière qui rejaillit de sa tombe, elle embrasse le monde et danse avec la lumière.

  • 9 C’est moi qui traduis. Voir Starhawk, The Spiral Dance, [1979] 1999, New York, Harper One, p. 19 ; (...)

28Par la photographie, la danse, et la poésie, inspirées par la sœurcière, nous nous revendiquons ici, praticiennes de magie. Nous n’entendons pas la « magie » tel l’art de jeter des sorts ou de transformer des enveloppes corporelles, mais plutôt l’art de faire apparaître, par la pratique de la photographie, de la danse et de l’écriture, ce qui pourrait demeurer invisible, et ainsi d’affecter les schèmes qui encadrent nos manières d’être au monde. Nos pratiques visent le réenchantement de nos perceptions et de nos représentations du vivant et de la matière ; elles épousent et manifestent nos inextricables enchevêtrements avec eux. Dans le sillon de l’écoféministe Starhawk ou de l’éco-phénoménologue David Abram, l’écopoétique que nous cultivons procède d’une magie que l’on pourrait définir comme « l’art d’altérer volontairement la conscience ». C’est une forme de magie, qui consiste en un « art de nous éveiller à toutes les consciences qui nous entourent, l’art d’entrer en conversation grâce au langage profond que parle la nature9 ».

Échos poét(h)iques de la sœurcière en forêt

29Mû par des approches écoféministes et écopsychologiques, notre travail est fondé sur les notions de résilience, de co-évolution et de co-composition, communes aux écosystèmes et aux individus, qu’ils soient humains ou autres qu’humains. Il met en œuvre des devenirs-animaux, végétaux, élémentaux. Il met en lumière les alliances multispécifiques à l’œuvre dans le tissu mutualiste et sympoiétique du vivant. Dans mes recherches fondées sur une écopoétique du réenchantement, je sonde l’hypothèse selon laquelle les auteurs et autrices contemporains que j’étudie sont des passeureuses de monde. Je m’attache à démontrer que par bien des aspects, la poétique de la Terre qu’ils inventent naît de leur attention sensible au monde dont ils proposent des échos poétiques, des prolongements, monde avec lequel ils composent une symphonie du vivant. Ce faisant, c’est bien sûr la place de l’humain dans le reste de l’existence qu’ils interrogent de façon éthique et philosophique, le plus souvent avec une très fine connaissance, sur le plan scientifique, des comportements animaux, végétaux, de ceux des champignons et des milieux dans lesquels ils æncrent leur littérature. Je m’intéresse tout particulièrement à la façon dont ces auteurs et autrices écrivent en traducteurs et traductrices des voix non-humaines et de la musique du monde. Comment plutôt que d’écrire sur la nature, ils s’y réenchevêtrent et composent avec le non-humain. Comment, ainsi, ils nous donnent à entendre les paysages sonores, à percevoir les textures olfactives et la matérialité vibrante d’un monde où tout est enchevêtrement, nous invitant nous-mêmes, lecteurs et lectrices, à une pratique de l’attention, tournée vers les mille façons dont nous sommes en inter et intra-actions permanentes avec le monde autre qu’humain.

  • 10 N’étant pas chercheuse en danse, la démarche et le travail que je porte ici le sont en tant que pr (...)

30De là, je me suis mise à explorer ce que pourrait être ma danse si je cherchais à chorégraphier avec un milieu naturel. Si par la danse, je pouvais cultiver en réponse au monde un art qui, loin d’être le propre de l’Homme (celui ayant érigé son grand H, son grand Phallus, ou son grand Logos), s’inscrirait plutôt dans un prolongement du sauvage qui traverse les animaux humains que nous sommes et qui nous relie au monde autre qu’humain. Ce travail dont nous présentons ici les premiers résultats esquisse des pistes de recherche par la danse, la photographie et la poésie comme façon de désanthropocentrer notre rapport au monde pour redonner davantage de place au non-humain dans nos langages. Il s’agit ici de renoncer à une volonté de maîtrise chorégraphique pour s’abandonner à une gestuelle à composer avec la forêt. Ma démarche est motivée par l’intuition que nous sommes capables de nous reconnecter à des savoirs que nous possédons « par nature » : ce qu’il nous est donné de réveiller dans un patrimoine épigénétique enfoui sous la culture et en dormance par notre manque de corps à corps avec les formes de la nature. Si nous détenons ces savoirs quelque part, à explorer en et par notre corps sentant-pensant-dansant, c’est précisément parce que notre espèce humaine a co-évolué à partir de et avec toutes ces formes de nature autres qu’humaines. Depuis l’aube de l’humanité, d’ailleurs, les danses sacrées, les danses indigènes, rituelles, ancestrales, sont consciemment coécrites avec la Terre10.

31Le procédé ici recherché consiste en des improvisations, avec pour consigne première la quête d’un corps à corps imprévisible et aléatoire avec le non-humain. C’est s’engager dans une danse-contact à créer avec les formes, les textures, les êtres vivants et les flux de la forêt. Ainsi, je tente d’inviter la matière dans un corps à corps avec mon être et d’explorer tout ce qui peut bien s’y tramer. Par bien des manières, et bien qu’il me soit totalement impossible de déprogrammer entièrement de la mémoire de mon corps tout le vocabulaire, la structure et les techniques acquises au cours de trente années d’apprentissage de différents styles de danse, je reviens ici vers des manières de danser en réponse à mon environnement tel que je le pratiquais spontanément, dès mon plus jeune âge, avant d’avoir accès aux écoles et aux enseignements de la discipline. Plutôt

32que d’imposer une chorégraphie pensée sur la forêt, je cherche comment les manières d’être et les formes de la forêt, ses « styles », dirait peut-être Marielle Macé, peuvent in-former ma gestuelle : la former de l’intérieur, animer mes états de corps et de conscience. Comment nous pouvons co-composer la choré-photo-graphie, au fil de ce qui se présente et de ce qui vient. On pourrait dire que c’est une pratique magique qui permet de rendre visibles les chorégraphies du vivant et d’y entre-mêler mes gestes et mes pas. Je travaille aussi à partir de contraintes secondaires : comment engager un pas de deux avec un chêne, une danse verticale avec la pierre, comment devenir-mousse, rivière, racines, faire pousser des branches à partir de mon tronc et m’embrancher dans un arbre à moitié mort mais qui, pourtant, à sa façon, danse…

  • 11 Je m’appuie ici sur les travaux de Maurice Merleau-Ponty et de David Abram, dont les écrits sont c (...)

33À partir d’une rencontre en forêt avec un vieux chêne mort qui, par un étrange effet d’anamorphose, me regarde et, sous mes yeux, devient pieuvre, je me laisse aller à une rêverie, guidée par cette rencontre incongrue en forêt avec la pieuvre, qui se trouve être pour moi un animal-totem et intimement lié à ma féminité. Cette rencontre manifeste bien entendu combien la perception est affaire d’entrelacs entre le sujet percevant et le monde perçu11, produisant ici une apparition à la fois réelle et illusoire : celle d’un chêne-pieuvre, mort et pourtant animé, ne serait-ce que par mon attention magique, mon œil anamorphique. Ce totem hybride, que je regarde et qui me regarde en retour, m’invite à la méditation, révélant quelque chose à percevoir dans ma façon subjective de projeter sur lui. Par une pensée analogique, cet arbre-pieuvre m’intime de considérer ce que ces deux êtres, que rien ne semble rapprocher dans leurs milieux géographiques ou dans nos façons de catégoriser le vivant, pourraient bien avoir en commun. Un trait commun à ces deux formes du vivant réside dans leurs dispositifs de perception, qui sont tels que la sentience et l’intelligence de ces êtres ne sont pas centralisées dans un seul organe pensant, tel qu’on se le représente au sujet du cerveau humain par exemple. La pieuvre ou l’arbre, on le sait, possèdent des circuits nerveux et neuronaux qui leur traversent tout le corps et qui président à leur façon d’être au monde. De là, je me suis interrogée sur ce que pourrait être une manière de danser-penser-sentir en contact avec mon milieu à la façon d’une pieuvre, tentaculaire, ou, de fait, comme un arbre en forêt, embranchée de tout mon corps et par tous mes capteurs de monde dans un milieu avec lequel je ferais rhizome de partout. Disposée à accueillir cette rencontre en forêt avec ce totem hybride, liminal, qui enchevêtre les qualités d’un être luminescent (la pieuvre) avec celles d’un être qui pratique la photosynthèse (l’arbre), qui nous situe, dans cette forêt ancienne du littoral, entre terre, ciel, et mer, entre surfaces et profondeurs, entre l’animal et le végétal, l’autotrophe et l’hétérotrophe, alors, j’ai cherché à faire la lumière sur une voie que cette rencontre m’indiquait : quelle serait ma danse si je devenais pieuvre, arbre, dans ma façon de contacter le monde, de réincorporer ma pensée, d’activer mes neurones miroirs, de penser-sentir mes états de corps-conscience ? Quels décentrements en découleraient ? Quels potentiels pourrions-nous réveiller, par l’art de la photographie ou de la vidéo, de l’écriture et de la danse, pour métaboliser la lumière, par photosynthèse, ou la produire, par luminescence ? Comment, dans une danse-contact avec la forêt alliée avec la photographie et l’écriture, les manières d’être de la Réserve Naturelle de la Massane pourraient-elles peut-être, par empathie et par des anamorphoses mimétiques, prendre corps à travers nous ?

34Ce qui prend forme ici résulte d’un travail de co-composition avec Margot Lauwers, d’abord, photographe sur ce projet, qui saisit par touches des tableaux et qui doit elle-même improviser avec son appareil photo au fil d’une danse qui se tisse entre nous et avec la forêt. L’ensemble comprend quelques-unes de mes photos également. Nous avons procédé à un travail de sélection et de composition multimédia. En même temps, je suis passée à un travail d’écriture, en collaboration avec Olivier Panaud et Joseph Garrigue, dont les lectures à la fois scientifiques et poétiques de notre travail photo-dansé se sont frayé un chemin dans la composition de mes textes écopoétiques (qui servent d’entrée en matière et d’envoi à ce texte). Ceux-ci ont jailli de ma plume, mais ils sont néanmoins en bien des façons co-écrits avec eux. C’est donc une écriture tressée à plusieurs, un travail de co-composition en premier lieu avec la forêt, et en deuxième lieu, avec des sœurcières et « sourciers », nos collègues connaisseurs de cette forêt et qui nous y ont guidées, vers le vieil if centenaire, vers les cascades, et qui nous ont conduites à la source de la forêt permettant d’irriguer notre danse, notre photographie et notre écriture.

35On pourrait parler de « Cocon-position » : car de ce cocon tissé à cinq autour de la « sœurcière » à son état larvaire a émergé cette sœurcière parvenue à son état adulte, et qui s’envole ici pour danser avec la forêt. C’est un travail qui vise à bousculer notre perspective anthropocentrique, nos mythes et récits sur les femmes et les formes du vivant, tout en jouant parfois de façon réflexive avec ceux-ci et de façon à questionner et réinventer le regard que nous portons sur le monde. Est-ce nous qui regardons le monde, ou, peut-être, le monde qui, de ses mille façons autres qu’humaines, nous regarde ? Est-ce la sœurcière qui invite la forêt à la danse, ou bien la forêt qui nous invite à chorégraphier avec elle ? Au-delà du regard, comment la forêt nous touche-t-elle ? Notre travail de photo-danse-écriture opère par décentrements et renversements, par anamorphoses, polysémie et métaphores. C’est un travail qui procède à une forme de « réalisme liminal », un concept central à mes travaux de recherche en écopoétique et que je développe par ailleurs sur le plan théorique. Il s’agit de faire bouger les lignes entre l’humain et le non-humain, entre l’animé et l’inanimé, entre la vie et la mort, entre l’individu et son milieu, entre l’intuition et la raison, entre les rêves et ladite réalité, entre le poétique et le scientifique et entre les règnes naturalistes qui clivent, analysent et séparent, tant les formes du vivant que les sens et les facultés de perception par lesquels nous évoluons en contact permanent avec elles.

36Alors que l’avenir de notre planète, des millions d’espèces qu’elle porte, et de l’humanité tout entière est arrimé à de nombreux points de bascule, la sœurcière sort du ventre de la biosphère, sœur et solidaire. Écoféministe, c’est une alliée de la biodiversité, qui vient aider à rénover nos sensibilités et nos imaginaires, à renouer avec les puissances des femmes et de la Terre. Notre travail ne met pas en exergue la mégafaune charismatique, fréquemment mise sur le devant de la scène dans les combats écologistes. Il donne plutôt à voir des formes du vivant dans des cohabitations plus discrètes : celles des coléoptères (plus de 1 700 espèces différentes à la Massane) avec les fourmis, les petits crapauds, les amphibiens dont les métamorphoses leur permettent d’évoluer d’un milieu à un autre, et les alliances rhizomatiques entre les lichens, les mousses, les plantes hépatiques, les vieux chênes morts qui pourtant grouillent d’une vie microscopique, la Capitule de Brunelle, aux vertus apaisantes pour guérir les plaies et activer le système immunitaire, dont la couleur rouge témoigne de son adaptation à la sécheresse, l’Orpin hérissé qui croît sur les rochers granitiques grâce à l’œuvre patiente des lichens et de la mousse, tous ces (h)êtres enchevêtrés dans le dense réseau d’une forêt ancienne où se nichent plus de 8 000 espèces répertoriées et entrelacées dans une toile vivante d’une merveilleuse complexité, qui témoignent de mutualismes et de coévolutions permettant de s’adapter aux bouleversements de leur milieu liés au changement climatique.

37Nous pensons que si la planète est malade, c’est parce que nous autres humains sommes malades en résultat de schèmes de pensée, d’imaginaires, et de sentirs amoindris. Nous inscrivons notre travail de recherche-création dans des démarches visant à guérir ce qui relève pour nous du pathologique, tant les hommes, ou plutôt les modernes, pour la plupart, se sont arrachés à la nature, au sensible, et aux femmes, entraînant ainsi leur propre aliénation « anthrop-o(bs)cène ». La sœurcière nous invite ici à la métabolisation des puissances de la forêt : qu’il s’agisse, sur le plan physiologique, d’incorporer les vitamines, les minéraux et de capter les émissions d’oxygène, la lumière, les phéromones et les impulsions électriques qui circulent dans le dense réseau multispécifique de ce milieu sylvestre ; ou encore, sur le plan psychique, intellectuel et esthétique, voire spirituel, de se nourrir de sa beauté, du grouillement de la vie, de la merveilleuse complexité de la forêt. Qu’on l’aborde de façon spiritualiste ou matérialiste, mystique ou scientifique, la forêt demeure enchanteresse : elle nous inspire et nous élève par sa vitalité, par son art de la symbiose, par les merveilleuses façons coévolutives qu’elle a de tisser des toiles de vie, des enchevêtrements et des intrications de conscience, de sentience, de significations, de coopération et de résilience.

Émergence de la sœurcière dans la politique et la culture contemporaine

38On constate que les imaginaires sont entrés en révolution jusque dans la culture populaire. Depuis la série télévisée Charmed, qui mêlait déjà sorcellerie et sororité, on note une évolution sans précédent allant franchement dans le sens de la sœurcière écoféministe jusque dans les films d’animation qui participent à rénover les imaginaires genrés liés aux petites filles et aux femmes. Si les productions Disney ont reproduit et même créé, en miroir et dans le prolongement d’époques, des stéréotypes étriqués et misogynes attachés au mythe de la sorcière maléfique (et bien que celle-ci conserve sa valeur en tant qu’archétype puissant de la marâtre sur un plan psychanalytique), on a ensuite vu apparaître, à force de déconstruction et de combats féministes, des héroïnes affranchies, indépendantes et rebelles, fougueuses et courageuses. Dans le même temps, on peut apprécier l’émergence de productions grand public qui se prêtent à des lectures écopoétiques telles que Le Roi Lion, Brother Bear, ou encore Avatar. Moana, traduit en français Vaiana et sorti en 2016, est un conte résolument écoféministe et postcolonialiste. L’héroïne,

39une petite cheffe de clan en herbe, devient la guide d’un peuple autochtone en répondant à l’appel de la mer. Mais c’est surtout dans le deuxième film d’animation dédié à la Reine de Neiges, tout récent, qu’apparaît la sœurcière, signant ainsi un nouvel imaginaire en voie d’éclosion. Si elle n’est pas appelée ainsi dans le dessin animé, la sœurcière y est pourtant figure centrale dans toute sa puissance écopoétique et écoféministe à la fois (avec là encore une lecture postcoloniale possible). Le film met en scène le combat de deux sœurs, qui allient magie et sororité pour sauver une forêt de hêtres primaire et menacée. Parce que l’une d’entre elles est dotée du pouvoir magique d’entendre l’appel de la forêt, ou son chant, les deux sœurs viennent à bout d’un sort dont la forêt en-chantée, et ses milieux voisins, risqueraient de périr. C’est se tenant à l’écoute de ce chant de la forêt et en tissant des alliances avec les éléments et les êtres autres qu’humains que les deux sœurcières parviennent à faire la lumière sur leur histoire, soit sur celle de la forêt, de leurs ancêtres et de leurs deux peuples. Ainsi participent-elles à réactiver les puissances et la résilience de la forêt. Si je garde pour ma part de grandes réserves quant à l’esthétique réservée aux femmes par la conception graphique de Disney, on peut saluer néanmoins la création de nouvelles figures écoféministes pour les jeunes générations, affranchies des vieux stéréotypes aliénants longtemps imposés aux filles dans leurs devenirs-femmes à travers certaines versions des contes de fées. Aussi peut-on y entendre un appel à se tenir à l’écoute de la forêt : car on est en droit de se demander si le pouvoir d’Elsa relève vraiment d’un pouvoir « magique », ou bien, peut-être, s’il correspond plus simplement à une attention poétique et animiste aux vibrations du monde autre qu’humain.

40Je voudrais dire deux mots également de cette formidable scène de sœurcières, portée au cinéma par le dernier film de Céline Sciamma, Portait de la jeune fille en feu, en collaboration avec les compositeurs Jean-Baptiste de Laubier et Arthur Simonini. C’est incontestablement l’acmé écoféministe de ce film envoûtant sur le désir et la liberté des femmes dans un vieux monde patriarcal, celui de la Bretagne du XVIIIe siècle : la scène offre ce moment d’enchantement inégalable, qui rassemble autour d’un feu un cercle de femmes dans une clairière, de nuit. Les femmes y viennent en secret, pour chanter et partager leurs joies et leurs difficultés. Parmi elles, des guérisseuses et des avorteuses qui opèrent entre elles, dans l’ombre et en marge de la société dominante, qui viennent en aide aux plus jeunes grâce à leurs connaissances des plantes, de la gynécologie et de la médecine. Cette scène sublime se clôt sur un moment enlevé, où, autour du feu, toutes ces femmes se mettent à chanter, danser et battre des mains, donnant naissance à un chant polyphonique dont les inflexions, les harmonies et les rythmes lui donnent valeur d’incantation. Par le prisme de ma lecture écoféministe, j’y entends un réensauvagement émanant de la terre, un véritable chant écopoétique de sœurcières entrées en résistance, qui se laissent traverser par le sauvage et co-composent avec les cadences, les phrasés, le souffle et les voix de la Terre-Mère, annonçant ainsi une saisissante résurgence de puissances écoféministes.

41Par ailleurs, il s’est formé à Caen récemment un collectif de femmes engagées dans des happenings pour lutter contre les violences faites aux femmes. Ses membres se

42sont constituées en décembre 2019 en tant que « Collectif des Sœurcières ». Elles organisent des performances et des manifestations dans les rues de la ville pour sensibiliser aux violences faites aux femmes et l’on peut espérer qu’elles essaimeront dans bien d’autres villes et d’autres collectifs. C’est ce que laisse à penser Le Festival « Sœurcières » organisé en 2020 à Toulouse le 7 mars, ou encore le Rassemblement de « Sœurcières », le 9 mars, toujours à Toulouse, à l’appel du collectif « Osez le féminisme ». Aussi voudrais-je terminer sur cette photo tirée de notre exposition, qui met en scène une fourmi ordinaire, et dont l’apparition annonce l’existence de toute une fourmilière. Car la fourmi qui émerge de son trou est ici le premier signe d’une colonie besogneuse qui habite dans l’ombre, au creux d’un arbre mort, et qui œuvre collectivement à la résilience des sols de la forêt par le compostage du bois que beaucoup pourraient penser inerte. On peut y voir là une

43voie à suivre, pour œuvrer au compostage du bois mort de nos forêts, celui de nos corps, de nos âmes, de nos mythes et de nos sociétés désastrés, qu’il nous faut décomposer, par un travail de fourmis, pour revitaliser nos terres et rendre celles-ci de nouveau habitables.

Envoi : Devenir animal

44La sœurcière est tisseuse d’alliances, métisseuse de discours : scientifiques, mythologiques, poétiques et politiques. Elle lutte contre la désanimation de la matière, la hiérarchisation du vivant et des naturcultures qui en émergent. À l’entrecroisement des natures et des cultures, elle est passeuse de savoirs, réinventeuse de manières d’être, réveilleuse de notre ADN commun avec les autres formes du vivant. Elle réanime un imaginaire mortifère tant au sujet des femmes que de la « nature ». Elle réincorpore la pensée. Elle réinstaure des liens de parentalité entre les humains et les animaux, les végétaux, toutes les formes du vivant reliées dans une commune ascendance. Elle initie à des pratiques liminaires. Elle invite à une transe en danse qui modifie nos états de corps et de conscience, explore d’autres façons d’être au monde, donne corporéalité aux continuités entre les lignes de force et de fuite et les flux du vivant. Elle œuvre pour le désensorcellement des modernes. Elle combat la dichotomisation et le désenchantement du monde, la lobotomisation des esprits, la déterrestration de l’humanité. Elle ne dénie pas l’altérité, épouse un monde constitué à la fois de singularités, de porosités, de continuités et de transcorporéités. Elle est vectrice de sensibilité, d’empathie et d’humilité. Pour réveiller notre intelligence sensible, elle active nos neurones miroirs et met la pensée en mouvements.

45À l’aune des plantes dont elle s’inspire, elle guérit et respire par un art de la photosynthèse. Dans sa chambre noire à elle, intriquée dans la clairière, elle capte des vérités métaphoriques, les met en danse, en mots et en lumière. Elle explore ce qu’elle sait par nature, ce qui la relie aux vivants autres qu’humains dans son patrimoine génétique, son inconscient écologique. Elle devient bois, pierre, terre, mousse, branche, feuille, racine, coléoptère, fleur, herbe, lichen, fourmi, papillon, oiseau, champignon, eau, vent, source, rivière, liane. Chamane des milieux, elle renverse les perspectives, écholocalise sa danse sylvestre, désanthropologocentre le geste et le regard. Elle gestarticule d’autres langages. Elle nous intime de relire et relier les lignes supposées séparer un organisme de son environnement, le dehors du dedans, l’animé de l’inanimé. Elle questionne et rénove le regard que nous posons à la fois sur les femmes et les formes du vivant. Elle nous rappelle que rien n’émerge autrement qu’en contact avec un milieu, que tout est coévolution. Alors, dans un corps à corps avec le vivant, sa danse-contact fait peau éthique avec la forêt primaire.

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Bibliographie

Bardet, Marie, Clavel, Joanne, Ginot, Isabelle (dir.), 2019, Écosomatiques. Penser l'écologie depuis le geste, Montpellier, Deuxième époque.

Cholet, Mona, 2018, Sorcières. La Puissance invaincue des femmes, Paris, Zones (La Découverte).

Federici, Silvia, 2014, Caliban et la sorcière, trad. Collectif Senonevoro, Genève, Entremonde, Marseille, Senonevero, coll. « La rupture », 19.

Ginzburg, Carlo, 1992, Le Sabbat des sorcières, trad. Monique Aymard, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Histoires ».

Perrin, Claire, 2019, « Les femmes et le sauvage urbain dans The Fifth Sacred Thing de Starhawk », conférence au CRESEM en partenariat avec le CD 66 dans le cadre Semaines des Droits des Femmes le 13 mars 2019, Perpignan, non publiée.

Starhawk, [1979] 1999, The Spiral Dance, New York, Harper One.

Starhawk, 2004, The Earth Path, San Francisco, Harper.

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Document annexe

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Notes

1 Ce travail est issu d’une co-réalisation avec Margot Lauwers (Docteure en Études Anglophones, UPVD, spécialiste des  écoféminismes), avec la participation de Karen Houle (Écopoétesse et Professeure de Philosophie l'Université de Guelph, Canada), Olivier Panaud (Professeur spécialiste du génome des plantes, LGDP-UPVD, IUF et CNRS) et Joseph Garrigue (Conservateur de la Réserve Naturelle de la Forêt de la Massane). Merci à Fabienne Py-Renaudie pour la belle mise en page de cet article.

2 Merci à Céline Florimond et Laurent Coll pour leur accompagnement dans le cadre de l’exposition et de la conférence-performance au Palais des Rois de Majorque à Perpignan, en mars 2020. Merci également au Conseil Départemental 66, à OIKOS et à l’UPVD, qui subventionnent ces projets hybrides. Merci tout particulièrement à Olivier Panaud, Joseph Garrigue, Jean-André Magdalou, Karen Houle, et Xavier Py. Merci à Gabrielle Raimon, qui a prêté sa voix pour une performance polyphonique de ce texte dans sa version plus longue, et enfin, merci infiniment à Margot Lauwers, qui intervient comme photographe et co-conférencière sur ce projet. La vidéo est disponible en ligne : https://ecopoetique.hypotheses.org/5937.

3 Caroline Granger, qui danse et termine une thèse sur la torsion dans l’œuvre chorégraphique de Merce Cunningham tout en s’intéressant avec moi à l’écopoétique de la forêt, et Béranger Lacoste, vidéaste et monteur.

4 Je précise que Margot Lauwers et moi-même ne sommes ni écrivaines, ni photographes ou danseuses diplômées ou de profession.

5 Ce paragraphe légèrement remanié  fut  écrit au départ pour une contribution au numéro spécial pour le dixième anniversaire de la revue Ecozon@, paru l’automne 2020.

6 Cette question a fait l’objet d’une conférence donnée par Claire Perrin, doctorante au sein du laboratoire CRESEM, à l’UPVD, dans la cadre des Semaines de Droits des femmes 2019 organisées par le CD 66. Pour de plus amples analyses de l’histoire et des mythes attachés à la sorcellerie, voir l’étude de Carlo Ginzburg, Le Sabbat des sorcières (1989), traduit de l’italien par Monique Aymard, et publiée par les éditions Gallimard en 1992, celle par Silvia Federici, Caliban et la sorcière. Femmes, corps, et accumulation primitive, traduit de l’anglais par le collectif Senonevoro, Genève, 2014, ou encore celle de Mona Chollet publiée en 2018 aux éditions La Découverte, Sorcières. La puissance invaincue des femmes.

7 Conférence inaugurale de l’année pour notre atelier de recherche en écopoétique, le 5 septembre 2017 : « De la terre et l’esprit à l’action ». Starhawk animait à la même période à Céret un stage d’enseignement de la permaculture en lien avec ses pratiques écoféministes.

8 Cette expression, qui fait aujourd’hui l’objet de vives critiques dans les humanités environnementales, vient de Descartes, dans le Discours de la méthode (1637), 6e partie, Bibliothèque de la Pléiade, Éd. Gallimard, 1966, p. 168.

9 C’est moi qui traduis. Voir Starhawk, The Spiral Dance, [1979] 1999, New York, Harper One, p. 19 ; et The Earth Path, 2004, San Francisco, Harper, p. 11.

10 N’étant pas chercheuse en danse, la démarche et le travail que je porte ici le sont en tant que processus créatifs personnels et praxis écoféministe. Ils prolongent ma recherche en écopoétique, essentiellement basée sur l’analyse de corpus littéraires écrits par d’autres que moi. Ici, je me place momentanément du côté de la création, plutôt que de l’analyse. Si je quitte délibérément les sentiers académiques, ceux des études publiées, des livres et des savoirs théorisés qui pourraient encadrer ce travail, il m’appartiendra sans doute, à terme, d’y revenir, pour croiser les résultats de ma libre exploration personnelle avec les travaux de ceux et celles qui ont défriché avant moi de belles façons de pratiquer le land art, qui ont œuvré pour une danse composée in situ ou performée à ciel ouvert : on peut penser notamment au travail d’Isadora Duncan, d’Anna Halprin, ou de Merce Cunningham, ainsi qu’à ceux émanant de chercheureuses qui innovent dans les Humanités Environnementales en étudiant ce que le devenir-animal peut faire advenir par la danse (voir par exemple les travaux de Marie Bardet, Joanne Clavel et Isabelle Ginot).

11 Je m’appuie ici sur les travaux de Maurice Merleau-Ponty et de David Abram, dont les écrits sont centraux à ma réflexion écopoétique.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Bénédicte Meillon, « Avez-vous dit ‘sœurcière’ ? »Itinéraires [En ligne], 2021-1 | 2022, mis en ligne le 30 octobre 2023, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/10355 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.10355

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Auteur

Bénédicte Meillon

CRESEM, Université de Perpignan Via Domitia

LARCA-CNRS, Université Paris Cité

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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