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Fictions spéculatives

“We call ourselves lords of the creation” : hubris masculin et apocalypse féminine dans The Last Man de Mary Shelley

“We call ourselves lords of the creation” : Male Hubris and Female Apocalypse in Mary Shelley’s The Last Man
Garance Abdat

Résumés

L’objectif de cet article est de mettre en lumière les prémisses de la pensée écoféministe de Mary Shelley dans son roman The Last Man (1826). Il met en scène la destruction de la civilisation humaine à la fin du xxie siècle sous l’effet d’une peste dévastatrice. Encodée au féminin, elle s’apparente à une punition de la Nature contre la « mentalité de maître » des Occidentaux. Cette forme d’écologie dynamique pose la nécessité de l’apocalypse, exerçant une fonction écosystémique purificatrice et régénératrice. L’insensibilité de la Nature met en lumière le rôle secondaire joué par l’espèce humaine dans l’économie environnementale. Le roman développe un contre-modèle éthique porté par les femmes reposant sur l’extension du « care » au monde naturel.

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Texte intégral

  • 1 Au choix : The Last Man, or, Omergarus and Syderia: A Romance in Futurity (1806) de Cousin de Grai (...)

1The Last Man (1826) s’ancre dans une tradition littéraire née au début du xixe siècle et s’interrogeant sur l’extinction de l’humanité au lendemain des grandes révolutions et des bouleversements climatiques provoqués par l’éruption du mont Tambora1. Il raconte l’histoire de Lionel Verney, devenu le dernier être humain sur Terre à la suite d’une peste venue de l’Orient qui décime la population.

“The ports ye shall not enter, / The roads ye shall not tread” : transgression masculine et apocalypse féminine

2L’épidémie de peste mise en scène par Shelley s’inscrit dans un contexte d’industrialisation et de colonisation intensive. Le roman s’ouvre en 2073, dans un futur avancé technologiquement qui voit l’Angleterre affronter l’Empire Ottoman pour étendre son influence en Orient. L’essor économique que connaît le monde occidental repose sur le commerce, l’exploitation coloniale et l’esclavage.

3La critique de Shelley porte sur un système d’exploitation de la nature encodée comme principe féminin dans le but d’utiliser ses ressources, et qui repose sur une « mentalité de maître » associée à la raison, qui dote l’homme de tout pouvoir et propriété sur le monde naturel, le féminin et le passif. Le colonialisme se double d’une destruction du monde naturel, qui se fonde sur le mouvement cartésien de possession de la nature. Pour citer Michel Serres,

Maîtrise et possession, voilà le maitre-mot lancé par Descartes, à l’aurore de l’âge scientifique et technologique, quand notre raison occidentale partit à la conquête de l’univers. Nous le dominons et nous l’approprions : philosophie sous-jacente et commune à l’entreprise industrielle comme à la science dite désintéressée, à cet égard non différenciables. Dominer, mais aussi posséder : l’autre rapport fondamental que nous entretenons avec les choses du monde se résume dans le droit de propriété. (Serres 1990 : 58-59)

4Aussi la peste agit-elle à la fois comme un régulateur de l’hubris colonial et comme le produit d’une perturbation écosystémique. Elle est une réaction directe à une souillure, que Mary Douglas définit comme une forme de désordre :

La souillure n’est jamais un phénomène isolé. Elle n’existe que par rapport à l’ordonnance systématique des idées. (…) Les notions de pollution n’ont de sens que dans le contexte d’une structure totale de la pensée dont la clé de voûte, les limites, les marges et les cheminements internes sont liés les uns aux autres par les rites de séparation. (Douglas 1966 : 61)

  • 2 « La porte est la limite entre le monde étranger et le monde domestique s'il s'agit d'une habitati (...)

5La souillure incarnée par la peste naît de la destruction écologique conséquence de la colonisation, qui fait que « quelque chose qui n’est pas à sa place » (55). Cette perturbation écologique est encodée au féminin par l’épisode de la prise de Constantinople, et notamment l’utilisation du motif de la porte de la ville dont Raymond, général et ami de Lionel, vient forcer l’entrée. Cette pénétration figure le viol du féminin par le masculin2, et par extension le viol de la Nature opéré par la colonisation, justifiant une revanche de celle-ci :

The only flag among them was one which Raymond carried; he pointed with it to the gate of the city. The circle round him fell back. With angry gestures he leapt from his horse, and seizing a hatchet that hung from his saddle-bow, went with the apparent intention of battering down the opposing gate. A few men came to aid him; their numbers increased; under their united blows the obstacle was vanquished, gate, portcullis, and fence were demolished; and the wide sun-lit way, leading to the heart of the city, now lay open before them. The men shrank back; they seemed afraid of what they had already done, and stood as if they expected some Mighty Phantom to stalk in offended majesty from the opening. (TLM 259)

  • 3 L’association entre la nature et une forme de divinité féminisée est opérée par Lionel lui-même, q (...)

6Face à cette violence, la peste apparaît comme l’outil de la vengeance de la nature, par le biais de l’extinction de l’espèce humaine. Cette extinction procède d’un double mouvement : la punition par un principe divin féminisé et le rabaissement de l’Homme au rang d’espèce animale devenue nuisible. La représentation de la nature évolue donc au fil de l’œuvre, passant d’une entité passive indifférente aux souffrances humaines à un principe féminin divinisé3 cherchant activement à se débarrasser de l’espèce humaine devenue parasitaire.

  • 4 “Where man is not, nature is barren”, Blake, William, 1790, “Proverbs of Hell” dans The Marriage o (...)

7Contre William Blake, pour qui « là où l’Homme n’est pas, la nature est stérile4 », Shelley met en scène des protagonistes torturés par l’indifférence du monde qui les entoure. La nature se révèle imperméable à la peste, révélant le rôle très secondaire de l’espèce humaine dans l’économie naturelle. Ainsi Lionel, dernier être humain sur terre, déplore sa solitude :

Why should the breeze gently stir the trees, man felt not its refreshment? Why did dark night adorn herself with stars—man saw them not? Why are there fruits, or flowers, or streams, man is not here to enjoy them? (TLM 431)

  • 5 Hume, David, 1784, Enquête sur l'entendement humain, section ii : « Origine des idées ».

8En arguant de l’inutilité de l’être humain dans le bon déroulement des phénomènes naturels, Shelley balaie de la main l’anthropocentrisme, mais également l’épistémologie empiriste, selon laquelle la base de la connaissance se situe dans l’expérience sensorielle humaine5. L’espèce humaine n’est alors plus qu’une forme de vie parmi d’autres : “Nature was the same, as when she was the kind mother of the human race” (Cameron 2012 : 186).

9Une lecture biblique est tentante, l’allusion classique à la nature comme mère universelle faisant écho à l’abandon du Christ sur la croix. C’est cette fois la mère qui se révèle indifférente à la souffrance de ses enfants. Les références bibliques abondent et contribuent à la représentation de la peste comme outil du jugement dernier. La description des symptômes rappelle ainsi l’Apocalypse :

All the inhabitants of earth were drawn out in fear to stand the encounter of Death. The feeble and decrepit fled; the warriors retreated, though they threatened even in flight. Wolves and lions, and various monsters of the desert roared against him, while the grim Unreality hovered shaking his spectral dart, a solitary but invincible assailant. (TLM 139)

  • 6 D’autant que la peste apparait « sur les berges du Nil ».
  • 7 Voir Zevit (1976).
  • 8 « [G]ens et bêtes furent couverts de furoncles bourgeonnant en pustules » (Exode, ix, 8-12).

10De plus, elle fait écho aux Dix Plaies d’Égypte6 du livre de l’Exode. La punition vise à la fois les actions des êtres humains et leur hubris, dans une entreprise d’usurpation de la majesté naturelle7 prétendant la maîtriser. La punition biblique transforme les animaux en agents de destruction, tandis que les animaux du roman sont immunisés contre la peste. Enfin, la peste elle-même figure parmi les plaies d’Égypte, sous la forme de furoncles affectant les habitants8.

11Ces références contribuent à une dimension épistémologique, le discours de la rationalité constitutif de la mentalité de maître étant mis en échec par une peste qui ne peut être réprimée par la rationalité humaine qu’exaltent les personnages du roman. Essayant de rationaliser et de contrer l’angoisse par la logique, Adrian met ainsi en avant les avantages dont dispose l’Angleterre pour lutter :

The cleanliness, habits of order, and the manner in which our cities were built, were all in our favour… If manly courage and resistance can save us, we will be saved. We will fight the enemy to the last. Plague shall not find us a ready prey; we will dispute every inch of ground; and, by methodical and inflexible laws, pile invincible barriers to the progress of our foe. Perhaps in no part of the world has she met with so systematic and determined an opposition. (TLM 178)

12Le discours qui prévaut, typique du xviiie siècle, est celui de la méthode et de la propreté, qui doivent prévenir les maladies infectieuses. Mais justement, comme le notent Peter Melville (2007) et Anne McWhir (2002), l’épidémiologie de la peste shelleyenne est unique. En tant que malédiction, la peste est une maladie impossible à contenir, et qui s’attaque à tous sans espoir de rédemption :

In order to invent a pestilence powerful enough to annihilate the human race, Shelley had to ensure that her plague remained as invincible as it would be indiscriminant of its victims, a prerequisite that may well exclude all diseases thought to be contagious. Contagious diseases can be treated, contained, and controlled through various preventative measures such as quarantine and self-insulation. This explains why Shelley differentiates the plague’s mode of transmission from diseases such as smallpox and scarlet fever-diseases for which inoculation and containment were distinct possibilities. (Melville 2007 : 834)

13Il devient donc nécessaire de personnifier la peste, d’en faire une entité démoniaque qui vienne mettre en échec la rationalité. C’est pourquoi elle est décrite comme un « ennemi » (“our foe” dans le passage ci-dessus), terme qui renvoie à Satan (« ennemi » en hébreu). Toutes ces références renforcent la dimension apocalyptique de l’œuvre : “it places the role of the plague in The Last Man within an apocalyptic parameter, for the book contains both the beginning and the end—the alpha and the omega—of human history” (Ballesteros Gonzalez 1996 : 55). On sort alors également de l’histoire humaine pour entrer dans une temporalité cosmique la dépassant.

*

14La peste est également encodée au féminin, l’assimilant à la nature. Dans le passage de TLM cité ci-dessus, Adrian oppose un principe masculin et rationnel (“manly courage”) à un principe féminin et naturel (“in no part of the world has she met”). Ce faisant, il s’inscrit dans une tradition rationaliste qui rejette le féminin et le naturel dans la sphère de l’inférieur, comme le souligne Val Plumwood :

  • 9 Cité dans Raïd (2015).

Dans l’imaginaire historique du rationalisme, les femmes et autres « êtres inférieurs » sont les Autres de la raison, qui est traitée comme chasse gardée des hommes d’élite, au-dessus de la vulgaire sphère matérielle de la vie quotidienne, et appelés à la transcender par leur participation plus grande à la Raison. Ce ne sont pas seulement les femmes qui ont été construites comme opposées à la rationalité, la culture et la philosophie occidentales, mais encore l’esclave, l’animal et le barbare, tous associés au corps, et à toute la sphère opposée de la physicalité et de la matérialité. Il serait naïf de supposer que ces conceptions profondément ancrées de la raison comme chasse gardée des hommes d’élite sont de simples idées, abusant d’un concept fondamentalement neutre et n’ayant eu aucun effet sur son interprétation et sa construction. Bien plutôt, elles ont construit la raison comme personnage dominant d’un récit moderne rationaliste de domination des Autres. De ce récit, nous dérivons les mythes, encore prégnants, de la nature plus instable et plus émotive des femmes, tout comme les mythes contemporains d’une techno-raison masculinement encodée, invincible et héroïque, qui résoudra nos problèmes actuels (Plumwood 2002 : 199).

15Cette assimilation de la peste au principe féminin en fait un avatar de la nature, et plus globalement de l’ensemble des êtres rejetés dans la sphère de l’altérité et dominés par l’Homme. Elle s’apparente à un phénomène naturel, émis par la Terre vue comme un organisme doté d’une volonté propre, pour se débarrasser de l’être humain :

This is probably the reason why Mary significantly changes the anaphoric ‘it’ for the feminine pronoun ‘she’ when referring to the plague in the passage above, associating it/her with a natural female principle. Mary Shelley may be seen here as a forerunner of the contemporary scientific theories about the earth as Gaia (Lovelock 1979, 1988), that living organism always in flux in a very Heraclitean fashion, a dynamic “being” which was there before man appeared, and will perhaps remain after the human race is extinguished. In this novel the earth is metaphorically tired of irresponsible progress and unfair social, political and gender relationships among her human inhabitants, even if moral implications are blurred. (Ballesteros Garcia 1996 : 59)

16L’allusion à la théorie Gaïa développée par James Lovelock inscrit le roman dans une forme d’écologie dynamique qui permet de penser l’apocalypse comme un phénomène punitif visant à débarrasser la Terre de l’espèce homo sapiens.

17On observe d’autres occurrences de la féminisation de la peste, décrite comme un monarque tyrannique (“Queen of the World”). Pourtant, son pouvoir est ambivalent. La description suivante en fait une figure toute négative, se livrant à un processus de colonisation inversée ou de reconquête des territoires gagnés par les hommes :

For seven years it had had full sway upon earth; she had trod every nook of our spacious globe; she had mingled with the atmosphere, which as a cloak enwraps all our fellow-creatures—the inhabitants of native Europew—the luxurious Asiatic—the swarthy African and free American had been vanquished and destroyed by her. Her barbarous tyranny came to its close here in the rocky vale of Chamounix… From this moment I saw plague no more. She abdicated her throne, and despoiled herself of her imperial sceptre among the ice rocks that surrounded us. (TLM 558)

18Elle semble être arrêtée par le froid des montagnes, comme si elle en tenait le siège. Cependant, l’allusion à son sceptre impérial est révélatrice. Tout d’abord, elle reprend le pouvoir qui est le sien et que les hommes ont tenté d’usurper. Ensuite, si la féminisation rappelle la figure de la faucheuse, elle en fait une figure ambiguë, possédant à la fois un pouvoir de destruction et un pouvoir créateur.

19En effet, par-delà son versant punitif, l’apocalypse a des vertus purificatrices et régénératrices, permettant de faire table rase d’un point de vue écosystémique. Non seulement la Terre ne semble pas être impactée outre mesure par l’extinction de l’espèce humaine, il semble qu’elle prospère de plus belle, une fois débarrassée de l’Homme. Le passage suivant, dans lequel Lionel exprime toute son amertume face à l’abandon de la Nature, offre un exemple de jeu littéraire par lequel Shelley prend le contre-pied de la pathetic fallacy :

HEAR YOU not the rushing sound of the coming tempest? Do you not behold the clouds open, and destruction lurid and dire pour down on the blasted earth? See you not the thunderbolt fall, and are deafened by the shout of heaven that follows its descent? Feel you not the earth quake and open with agonizing groans, while the air is pregnant with shrieks and wailings,—all announcing the last days of man? No! none of these things accompanied our fall! The balmy air of spring, breathed from nature’s ambrosial home, invested the lovely earth, which wakened as a young mother about to lead forth in pride her beauteous offspring to meet their sire who had been long absent [je souligne]. The buds decked the trees, the flowers adorned the land: the dark branches, swollen with seasonable juices, expanded into leaves [] Where was pain and evil? Not in the calm air or weltering ocean; not in the woods or fertile fields, nor among the birds that made the woods resonant with song, nor the animals that in the midst of plenty basked in the sunshine. (TLM 413)

20L’extinction de l’espèse humaine s’accompagne du renouveau de la nature, et le passage est marqué par des images signalant ironiquement la naissance, la maternité et la fertilité (les bourgeons, la mère, le foyer). La mort ne cible que les humains, tandis que le monde naturel et les éléments sont purifiés par leur disparition.

21Il est également possible de lire TLM comme l’échec d’un système judéo-chrétien fondé sur la domination masculine au profit d’une forme de paganisme féminisé.

22La réécriture tragique de l’Exode permet à l’autrice de mettre à bas les symboles de la puissance religieuse : on observe une surreprésentation des édifices religieux dans les ruines traversées par les survivants (Constantinople, Saint Pierre de Rome, Saint Paul), allant de pair avec des lieux de pouvoir politique. Elle amène également à réfuter la thèse de la bienveillance divine. Au fil du roman, conduit au désespoir, Lionel constate avec amertume ce rabaissement :

Did God create man, merely in the end to become dead earth in the midst of healthful vegetating nature? Was he of no more account to his Maker, than a field of corn blighted in the ear? Were our proud dreams thus to fade? Our name was written “a little lower than the angels;” and, behold, we were no better than ephemera. We had called ourselves the “paragon of animals,” and, lo! we were a “quintessence of dust.” (TLM 523 [je souligne])

  • 10 On peut penser à la scène horrible de la découverte du corps de Ryland, “half-devoured by insects, (...)
  • 11 Genèse 3-19 : « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retourne (...)

23La vision anthropocentrique du monde est mise en échec par une gradation progressive. Lionel rappelle d’abord la hiérarchie céleste, selon laquelle l’Homme est inférieur à l’ange. Mais il ne s’arrête pas là : relégué au rang d’animal, il est ensuite assimilé à une plante, une forme de vie organique dénuée de conscience. La référence aux céréales est particulièrement sinistre, en rappelant que les cadavres des pestiférés viennent nourrir d’autres espèces10. Le rapprochement final avec la poussière est plus paradoxal, rappelant la Genèse11. Ce passage est également intéressant en ce qu’il redéfinit la place de l’Homme relationnellement, à la fois géographiquement (“in the midst of vegetating nature”) mais aussi historiquement, en l’inscrivant dans le temps court de l’éphémère.

24La fin du christianisme met un terme à la justification fallacieuse de la supériorité de l’Homme sur la nature. L’attribution d’une âme immortelle à l’Homme seul suffisait à le placer au sommet de la hiérarchie du vivant et à lui donner la possession du règne vivant, toujours selon la Genèse :

Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. […]
Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre (Genèse, 1-26 – 1-28)

25Dans TLM au contraire, les animaux s’accommodent très bien de la disparition des humains, prenant leur place parmi les cités en ruines. À Londres, Lionel observe que :

[T]he churches were open, but no prayer was offered at the altars; mildew and damp had already defaced their ornaments; birds, and tame animals, now homeless, had built nests, and made their lairs in consecrated spots. (TLM 434)

  • 12 [A] particularly trenchant critique of Judeo-Christian or humanist notions of man as the “lord of (...)

26Les espèces animales qui avaient été chassées des villes ou domestiquées s’y installent de nouveau, et la dimension blasphématoire de la scène consacre la fin du règne de la religion, qui justifiait la domination de l’Homme sur le reste de la nature. Comme le note Kari Lokke, le roman est une critique violente du Judéo-christianisme ou des prétentions humanistes posant l’Homme comme le « seigneur de la création » ou mesure de toute chose12. Il semble au contraire s’achever sur une célébration du paganisme.

27Aussi, Shelley semble exalter le projet de la nature et l’aléatoire inhérent au développement et à la survie des espèces :

By demonstrating that humans are subject to the randomness of nature’s dictates, Shelley moves toward a radical social and scientific conclusion: there is no reason to assume that humans could not also be subject to the laws of extinction, as the fossil record was understood by the beginning of the nineteenth century to indicate other species had been. (Cameron 2012 : 188)

  • 13 [A] series of mass extinctions meant that the Apocalypse itself could be included in the natural (...)

28Il est possible qu’elle ait été influencée par les travaux de Cuvier, notamment Le Règne Animal, qui en se basant sur l’analyse des fossiles posait la possibilité de l’extinction de l’espèce humaine en lien avec une catastrophe13. TLM démontre clairement une affinité avec le thème : [Nature] shewed us plainly, that, though she permitted us to assign her laws and subdue her apparent powers, yet, if she put forth but a finger… man and all his efforts [would be] for ever annihilated” (TLM 305).

29Finalement, tout au long du roman, Shelley semble déconstruire la thèse de la supériorité de l’espèce humaine unie sous l’étendard de la rationalité masculine triomphante. Elle s’oppose ainsi directement aux thèses premières de Lionel, pour qui la maîtrise technique permettrait à l’Homme de vaincre les lois naturelles et la mort :

We call ourselves lords of the creation, wielders of the elements, masters of life and death, and we allege in excuse of this arrogance, that though the individual is destroyed, man continues for ever. [] [W]e glory in the continuity of our species, and learn to regard death without terror. (TLM 303)

30Au contraire, elle démontre que l’être humain, par son exploitation de la nature, est le responsable de la revanche de celle-ci. L’idée d’un châtiment divin, prenant la forme d’une peste ou d’une maladie, est commune dans la littérature, et se retrouve sous la plume de Malthus, qui écrivait en 1798 :

  • 14 Cette assimilation, parfois reprise dans le discours contemporain par des rhétoriciens conservateu (...)

On a généralement regardé les maladies comme des châtiments inévitables infligés par la Providence ; mais il y aurait peut-être de bonnes raisons pour considérer une grande partie d’entre elles comme un signal nous avertissant que nous avons violé les lois de la nature. La peste qui règne à Constantinople et dans d’autres villes d’Orient représente un avertissement permanent de cette sorte. C’est une preuve de bienveillance de la part de la nature de châtier ces états par la maladie et la mort, comme un fanal qu’elle aurait mis pour nous éviter de faire naufrage sur cet écueil. (Malthus 1798 : 9314)

“Nature requires the submission of the individual ego to the welfare of the family and the larger community” : un contre-modèle éthique face à l’apocalypse

31Le geste de Shelley ne consiste pas uniquement en une déconstruction du modèle impérialiste et industriel, mais aussi dans la promotion d’un contre-modèle reposant sur l’abandon des velléités guerrières, la revalorisation de la place des femmes et l’ancrage dans la nature.

32Melissa Sites qualifie le modèle développé par Shelley d’« utopie domestique », qu’elle définit comme un modèle politique de réorganisation de la société basé sur la reconfiguration du foyer. Dans ce modèle, l’attitude de bienveillance et de responsabilité envers autrui n’est plus restreinte à la sphère familiale mais doit être redirigée vers le monde politique, aboutissant à la formation de ce que Val Plumwood appelle le « soi écologique » :

  • 15 Cité dans Raïd (2015).

Le soi écologique peut être interprété comme une forme de soi mutuel où le soi est en connexion essentielle avec les autres terriens, et dès lors comme un produit d’une certaine sorte d’identité relationnelle. En exprimant cette identité, l’individu réalise ses buts aussi bien que ceux de l’autre (un des sens de l’« auto-réalisation »). Il soutient des relations particulières avec cet autre, qui peuvent être celles du care, de la tutelle, de l’amitié, ou de divers autres concepts de la vertu, de telle sorte que l’autre est traité comme méritant ce souci pour lui-même, et dès lors comme intrinsèquement digne ou ayant une valeur en soi. (Plumwood 1993 : 184-18515)

33L’actualisation du soi écologique nécessite tout d’abord de quitter la ville pour s’offrir à l’influence du monde naturel. Face à la détresse de sa sœur Perdita délaissée par son mari, Lionel lui propose de le rejoindre dans son cottage. Le changement de lieu a une influence immédiate sur la jeune femme :

She communicated her gaiety to us, and as we amused ourselves on the Castle Terrace, it appeared that a happier, less care-worn party could not have been assembled. “This is better, Mamma,” said Clara, “than being in that dismal London, where you often cry, and never laugh as you do now.” (TLM 181 [je souligne])

34Le cottage apparait donc comme refuge pour les femmes, loin de la politique et de la guerre. Il est en effet le lieu de revalorisation de leur travail en opposition avec la théorie des « deux sphères » cantonnant les femmes au foyer et les hommes à l’usine :

Historically, this separation of spheres had an economic base as factory production replaced cottage industry and as wealth increasingly represented by capital eroded old ties of economic interdependency, not only between landlords and tenants but also between husbands and wives. (Clark 1968 : 12)

  • 16 Richard Cronin rappelle que Shelley voyait le mariage comme un état sentimental mais aussi un cont (...)

35Les réflexions de Shelley sur la vie domestique et le travail féminin sont héritées pour partie de sa mère, Mary Wollstonecraft (Ferguson 1979). Sans être naïve sur la question du mariage et de la vie familiale16, elle ancre dans la vie domestique les bases d’un modèle durable pour plusieurs raisons. Le foyer représente d’abord la cellule de base de la société : “Utopian domesticity is enhanced as a model for society when, as here, characters join together out of this feeling of mutual benevolence” (Sites : 158). Ensuite, l’inscription dans la sphère domestique qui leur est traditionnellement réservée permet justement aux femmes d’y déployer toutes leurs qualités morales et intellectuelles, et de servir de modèle pour les hommes. Loin d’être passives, elles partagent dans la sphère privée un rôle de décision : “By domesticating female power, Shelley finally finds an acceptable way to write about it” (O’Sullivan 1993 : 164). Shelley aboutit ainsi à un projet de réforme sociétal complet revalorisant la part des femmes :

  • 17 On se rapproche de l’analyse d’Anne Mellor du féminisme de Wollstonecraft : The rational woman, r (...)

Without denying the dangers of traditional domesticity […] Mary Shelley nevertheless uses domesticity as the basis for a reformed societal structure that is, in keeping with the best ideas of Godwin, Wollstonecraft, and Percy Bysshe Shelley, both feminist and utopian. As a model for social reform, what I have termed “utopian domesticity” entails radical reorganization of the most basic level of society, centering around the home and the family. (Sites 2003 : 14917)

36Le rôle des femmes est donc crucial dans la possibilité de l’établissement d’une communauté utopique, et il se déploie singulièrement dans la cellule familiale : “The radical reading of Shelley depends on the now-widespread feminist perception of the family as a ‘mode of government’ whose operations affect us all” (Ellis 1993 : 233). Or, le modèle familial que promeut Shelley se caractérise par son extension, qui dépasse les liens du sang et finit par englober le monde naturel.

37L’exemple le plus évident est l’adoption de Lionel par Adrian et Idris : ces trois orphelins se regroupent pour former une nouvelle famille réunie par des valeurs morales communes :

The next evening therefore, though the autumnal change had brought on cold and rain, Adrian and Idris entered my cottage [] Surely the glorious twins of Latona were not more welcome, when, in the infancy of the world, they were brought forth to beautify and enlighten this ”sterile promontory,” than were this angelic pair to my lowly dwelling and grateful heart. We sat like one family round my hearth. (TLM 133 [je souligne])

38La famille est repensée moins en fonction des liens du sang que de liens émotionnels et intellectuels permettant de rétablir une communauté solide. La question de l’inclusion d’êtres non liés par le sang est majeure et est l’élément principal de la réforme de la famille qui est proposée dans le corpus shelleyen :

Shelley seems to suggest that, if the family is to be a viable institution for the transmission of domestic affection from one generation to the next, it must redefine that precious commodity in such a way that it can extend to “outsiders” and become hardly enough to survive in the world outside the home. (Ellis 1979: 140)

  • 18 Ce modèle familial, patriarcal et reposant sur la famille nucléaire, est historiquement et géograp (...)
  • 19 Lionel est « adopté » par Idris et Adrian, puis il adopte Clara, la fille de Raymond et Perdita, a (...)

39Le dépassement de la notion occidentale traditionnelle de famille18 permet également de sortir des liens de propriété qui lient parents et enfants dans la société industrielle. De fait, les adoptions sont légion dans le roman19, rendant les personnages capables de concevoir par induction une famille élargie, celle de la communion des êtres humains :

Above all I must guard those entrusted by nature and fate to my especial care. And surely, if among all my fellow-creatures I were to select those who might stand forth examples of the greatness and goodness of man, I could choose no other than those allied to me by the most sacred ties. Some from among the family of man must survive, and these should be among the survivors; that should be my task—to accomplish it my own life were a small sacrifice. (TLM 344 [je souligne])

  • 20 D’où une série de sacrifices entre personnages dans le roman, dont le plus emblématique est peut-ê (...)

40L’allusion à ceux « que la nature a confié à ses soins » démontre la prise de conscience d’une responsabilité élargie qui finit par englober la « famille » de l’espèce humaine, dont les membres sont liés par des devoirs sacrés20. Mais cette « famille » dépasse la seule espèce humaine pour englober le milieu de vie, et la nature au sein de laquelle les personnages vivent. Dans le passage suivant, Lionel décrit son « cercle d’intimes », en incluant les autres protagonistes, mais également leur lieu de vie :

AND now let the reader, passing over some short period of time, be introduced to our happy circle. Adrian, Idris and I, were established in Windsor Castle; Lord Raymond and my sister, inhabited a house which the former had built on the borders of the Great Park, near Perdita’s cottage [] When the clouds veiled the sky, and the wind scattered them there and here, rending their woof, and strewing its fragments through the aerial plains—then we rode out, and sought new spots of beauty and repose [] Then we were as gay as summer insects, playful as children; we ever met one another with smiles, and read content and joy in each other’s countenances. […] Others said, We might be happy—we said—We are. (TLM 118-119 [je souligne])

41La célébration de la beauté de la nature, omniprésente dans cet extrait, en fait presque un nouveau personnage de leur « famille », d’autant que la comparaison avec des insectes contribue à les inscrire dans la communauté naturelle. Si les jeunes gens ne sont pas coupés du reste du monde, on observe une rupture forte entre la ville, perçue comme lieu de perdition pour la foule, et « leur » forêt :

Sometimes we went up to London, and entered into the amusements of the busy throng; sometimes our retreat was invaded by visitors from among them. This change made us only the more sensible to the delights of the intimate intercourse of our own circle, the tranquillity of our divine forest, and our happy evenings in the halls of our beloved Castle. (TLM 118)

42L’utilisation du possessif « notre », appliqué indifféremment aux amis de Lionel et à la forêt, n’est plus révélatrice de la « mentalité de maître » évoquée précédemment, mais révèle une assimilation et un attachement émotionnel au monde naturel, ainsi qu’une conscience de la fragilité de cet écosystème menacé d’être « envahi ». Dès lors qu’elle rentre dans le giron de leur communauté, la forêt devient un être vivant, un camarade méritant leurs soins.

43Par leur reconnexion avec la nature, les personnages de TLM reprennent une éthique environnementale influençant leur action dans le monde. Finalement, ils développent une nouvelle conception de la valeur de la vie humaine, qui écarte les turpitudes de la colonisation et de l’industrie menant à la destruction :

How unwise had the wanderers been, who had deserted its shelter, entangled themselves in the web of society, and entered on what men of the world call “life,”—that labyrinth of evil, that scheme of mutual torture [] Who that knows what “life” is, would pine for this feverish species of existence? I have lived. I have spent days and nights of festivity; I have joined in ambitious hopes, and exulted in victory: now,—shut the door on the world, and build high the wall that is to separate me from the troubled scene enacted within its precincts. Let us live for each other and for happiness; let us seek peace in our dear home, near the inland murmur of streams, and the gracious waving of trees, the beauteous vesture of earth, and sublime pageantry of the skies. Let us leave “life,” that we may live. (TLM 286-287)

44Face à l’acception commune du terme de vie, Shelley par l’intermédiaire de Lionel propose un autre idéal, visant à vivre dans une communauté élargie, en famille, mais aussi une nouvelle définition de ce qu’est une vie pleinement humaine, vertueuse, et méritant d’être vécue.

Conclusion : “an inconsiderable speck in the immense whole” : une bouteille à la mer

45The Last Man constitue un roman au message particulièrement ambigu. D’un côté, il présente une critique claire du colonialisme et de l’industrialisation qui aboutissent à la destruction de la Nature et finalement à sa revanche sur l’Homme. Il propose également un modèle éthique et politique qu’il est tentant de qualifier de proto-écoféministe, reposant sur une polarité femme-homme qui se double d’une opposition entre l’enracinement sain d’un côté, et l’absence de racines de l’autre :

Shelley’s eco-feminist sensibility is based upon the deep ecological idea that the natural world is a holistic living thing and an earth-household [] Her villains are usually men who, in their rootlessness, either cannot or will not feel for others around them while her heroes (and heroines) always espouse a more relational, social ethic and stay in one place. (Carman 2018 : 32)

46À travers ses personnages féminins, Shelley propose un modèle alternatif de société, grâce à des communautés ouvertes, moins traditionnelles, dans lesquelles les femmes agissent pour ancrer les hommes dans leur milieu naturel :

In each of her novels, we see women who espouse a set of values that counters these destructive scenarios and offers in their place a demonstration of “the amiableness of domestic affection.” [] Love as the arena for female power is a staple of the romance tradition that Shelley is continuing. (Ellis 2003 : 152)

47De plus, Shelley pose la nécessité de repenser le rapport à la nature à l’aune de la recomposition de la cellule familiale. Par l’élargissement de la notion de « famille » et de « communauté », elle pose la nécessité d’un rapport de sympathie et de respect horizontal vis-à-vis du monde naturel :

Shelley’s novels are populated by what Anne Mellor and Tilottama Rajan have described as alternative forms of family and affective relationality. Community in Shelley is both a progressive, politically charged model of social organization and a place where individuals can achieve self-fulfillment. For Mellor (1993), such “communities” erode the dominant domestic ideology of the two-parent, heteronormative household and the capitalistic ethos that promotes the earning power of the individual over what she calls the “community as a whole.” (Carman 2018 : 219-20)

48Pourtant, la fin du roman est ambivalente. Lionel a beau avoir accompli ce processus de reconnexion à la nature, il est le dernier humain, témoin de l’extinction de son espèce. On peut y voir la conclusion de Shelley, selon laquelle l’Homme aurait dépassé le point de non-retour dans la destruction de son milieu naturel. Comme le note Kari Lokke :

[I]n its refusal to place humanity at the center of the universe, its questioning of our privileged position in relation to nature, then, The Last Man constitutes a profound and prophetic challenge to Western humanism. (Lokke 2003 : 116)

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Bibliographie

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Notes

1 Au choix : The Last Man, or, Omergarus and Syderia: A Romance in Futurity (1806) de Cousin de Grainville, The Last of the Lairds (1826) de John Galt, The Last of the Mohicans (1826) de James Fenimore Cooper, “Darkness” (1816) de Lord Byron, “The Last Man” (1823) de Thomas Campbell. Voir aussi Stafford, Fiona, 1994, The Last of the Race: The Growth of a Myth from Milton to Darwin, Clarendon Press, et Hutchinson, Benjamin, 2016, Lateness and Modern European Literature, Oxford University Press.

2 « La porte est la limite entre le monde étranger et le monde domestique s'il s'agit d'une habitation ordinaire, entre le monde profane et le monde sacré s'il s'agit d'un temple. Ainsi "passer le seuil" signifie s'agréger à un monde nouveau. Aussi est-ce un acte important » (Van Gennep 1981 : 30).

3 L’association entre la nature et une forme de divinité féminisée est opérée par Lionel lui-même, qui explique par exemple vouloir « pénétrer le dernier voile de la nature et son Dieu » (“penetrate the last veil of nature and her God” [TLM 207]).

4 “Where man is not, nature is barren”, Blake, William, 1790, “Proverbs of Hell” dans The Marriage of Heaven and Hell.

5 Hume, David, 1784, Enquête sur l'entendement humain, section ii : « Origine des idées ».

6 D’autant que la peste apparait « sur les berges du Nil ».

7 Voir Zevit (1976).

8 « [G]ens et bêtes furent couverts de furoncles bourgeonnant en pustules » (Exode, ix, 8-12).

9 Cité dans Raïd (2015).

10 On peut penser à la scène horrible de la découverte du corps de Ryland, “half-devoured by insects, in a house many miles from any other, with piles of food laid up in useless superfluity”. En outre, l’allusion à la moisson peut rappeler l’image de la Faucheuse.

11 Genèse 3-19 : « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière ».

12 [A] particularly trenchant critique of Judeo-Christian or humanist notions of man as the “lord of the creation, as the measure of all things” (Lokke 2003 : 117).

13 [A] series of mass extinctions meant that the Apocalypse itself could be included in the natural process” (Stafford 1994 : 208). Godwin avait déjà caressé l’idée : we know that several species of animals have totally perished” (Godwon 1964 : 95).

14 Cette assimilation, parfois reprise dans le discours contemporain par des rhétoriciens conservateurs, semble aujourd’hui parfaitement baroque. On se souviendra utilement de la formule de Susan Sontag, écrivant notamment au sujet du SIDA, parfois présenté comme une punition pour des pratiques homosexuelles perçues comme « contre-nature » : “Nothing is more punitive than to give a disease a meaning, that meaning being invariably a moralistic one” (Sontag 1977).

15 Cité dans Raïd (2015).

16 Richard Cronin rappelle que Shelley voyait le mariage comme un état sentimental mais aussi un contrat pratique (“a hybrid, both a sentimental state, and an institution embedded in social and economic practices”, 2003).

17 On se rapproche de l’analyse d’Anne Mellor du féminisme de Wollstonecraft : The rational woman, rational love, egalitarian marriage, the preservation of the domestic affections, responsibility for the mental, moral and physical well-being of all the members of the family—these are the cornerstones of Wollstonecraft's feminism… By selecting the image of the egalitarian family as the prototype of a genuine democracy, a family in which husband and wife not only regard each other as equals in intelligence, sensitivity, and power, but also participate equally in childcare and decision-making” (1993 : 38).

18 Ce modèle familial, patriarcal et reposant sur la famille nucléaire, est historiquement et géographiquement situé.

19 Lionel est « adopté » par Idris et Adrian, puis il adopte Clara, la fille de Raymond et Perdita, aux côtés de ses propres fils. Lors de l’exode mené par Adrian, le groupe accueille de nombreux réfugiés.

20 D’où une série de sacrifices entre personnages dans le roman, dont le plus emblématique est peut-être la mort d’Idris pour sauver Lucy, qui elle-même se sacrifie pour sa mère. On notera l’omniprésence du thème du sacrifice féminin.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Garance Abdat, « “We call ourselves lords of the creation” : hubris masculin et apocalypse féminine dans The Last Man de Mary Shelley »Itinéraires [En ligne], 2021-1 | 2022, mis en ligne le 07 avril 2022, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/10284 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itineraires.10284

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