Alejandro Patat e Brigitte Poitrenaud-Lamesi (dir.), Passeurs. La letteratura italiana del Secondo Novecento fuori d’Italia: ricezione e immaginario (1945-1989)
Alejandro Patat e Brigitte Poitrenaud-Lamesi (dir.), Passeurs. La letteratura italiana del Secondo Novecento fuori d’Italia: ricezione e immaginario (1945-1989), Bern, Peter Lang, coll. « Leia », 2021, 271 pages
Texte intégral
1Cet ouvrage est l’aboutissement d’une série de rencontres organisées par Brigitte Poitrenaud-Lamesi (Caen) et Alejandro Patat (Sienne) de 2018 à 2021 dans le but de tracer le profil culturel de l’Italie vue d’ailleurs, à l’intérieur d’un arc temporel allant de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la chute du mur de Berlin. Comment la littérature italienne a-t-elle pénétré en Europe et en Amérique du Sud ? Comment y a-t-elle été accueillie ? Quelle image de l’Italie s’est dessinée à l’étranger ? Comment et pourquoi cet imaginaire a-t-il été plusieurs fois recréé ? Autant de questions que se sont posées les participants.
2Après une introduction axée sur l’Italie-même, mettant en relief le rôle des revues italiennes (joliment qualifiées de « società nella società » interagissant avec d’autres « società nella società »), distinguées, selon les textes accueillis, en « salotto rivista », « rivista laboratorio » et « rivista dipartimento » (Stefano Guerriero), puis un utile panorama de diverses anthologies de littérature contemporaine désireuses d’offrir un « canone » (souvent subjectif) de la littérature du Bel Paese (Niccolò Scaffai), nous passons aux contributions proprement dites, avec un premier article relevant du domaine strictement italien, axé sur la revue Niebo (Milan, 1977-1980) et la nouvelle conception de la poésie qui y est affirmée (Maria Borio) : une poésie non plus de style académique ou politique mais émotionnelle, prosaïque, répondant à un besoin d’authenticité (« niebo » signifie « ciel » en polonais).
3Le volume fait ensuite voyager le lecteur d’un pays à l’autre, ébauchant l’imaginaire italien construit par – et pour – les Espagnols, les Français, les Argentins, les Allemands de l’Est, les Belges et les Allemands de l’Ouest.
4Le cas de l’Espagne est évidemment lié à la situation politique du pays (Marco Carmello). La guerre civile, puis le franquisme ont limité la littérature aux modèles classiques, pesant sur la liberté d’écriture et sur les relations des écrivains espagnols avec le reste de l’Europe. Néanmoins, le néoréalisme italien y joua un rôle considérable, grâce notamment à la Revista Espanola, autour de laquelle se rassemblèrent de jeunes auteurs soucieux de créer une littérature calquée sur la réalité.
5En Argentine, c’est la revue Los Libros qui eut ce rôle, notamment à partir des années 60-70 (Alejandro Patat). En effet, nombreux étaient les Argentins issus de l’émigration italienne vers Buenos Aires (1860-1960), puis les intellectuels italiens chassés par les lois raciales. En opposition avec la revue Sur, dirigée par Vittoria Occampo, Los Libros affichait des tendances marxistes dans la veine de Gramsci. Nombre d’ouvrages furent traduits en castillan et présentés selon une clef de lecture gramscienne. Même si la littérature italienne se réduisait à un nombre limité d’auteurs, ces derniers ouvrirent des portes à leurs confrères latino-américains, si bien que l’influence de la littérature italienne fut loin d’être négligeable.
6Pour la France est mis en relief le rôle remarquable de Patrick Mauries, directeur des éditions « italianophiles » Le Promeneur, lequel, refusant la « loi du marché », eut le courage de publier des traductions d’auteurs tels que Gadda, Comisso, Consolo dans des éditions élégamment présentées, et contribua ainsi à les lancer (Marco De Cristofano). La revue Europe, en revanche, très clairement orientée à gauche, pourtant née dans le but de faire se croiser les civilisations, se distingue par son faible intérêt pour les productions contemporaines, malgré les efforts de la collaboratrice italienne Maria Brando Albini (Silvia Fabrizio-Costa). Si les revues célèbres telles que Le Mercure de France, La Nouvelle Revue Française, Tel quel, ou Le Magazine littéraire se sont intéressées à l’Italie de façon sporadique, ce sont des écrivains amoureux de l’Italie comme Dominique Fernandez ou Pascal Quignard qui ont le mieux façonné l’imaginaire italien des Français, leur imposant leur propre imaginaire : une Italie tout intérieure, non plus locus amoenus des romantiques mais chargée d’une dimension existentielle (Brigitte Poitrenaud). Enfin les anthologies françaises de poésie italienne ont longtemps été caractérisées par l’absence des femmes poètes italiennes, alors que Montale et Maria Luisa Spaziani avaient pourtant publié l’anthologie Poetesse del Novecento (Marie-José Tramuta).
7Débordant quelque peu des limites chronologiques Thea Rimini parle avec ferveur du formidable rôle de passeur que joua, à l’Institut Italien de Culture de Bruxelles, Paolo Grossi, lequel avait déjà accompli la prouesse de créer, à Paris, la série des Cahiers de l’Hôtel de Galliffet, puis, à Stockholm, la revue Cartaditalia et la collection « I libri di Cartaditalia », et qui lança à Bruxelles le projet Bookintaly, destiné à renaître avec Newsitalianbooks.
8En Allemagne, il est tout à fait intéressant de découvrir combien différente fut la réception de la littérature italienne en RDA et en RFA. Le cas des Malavoglia en Allemagne de l’Est est emblématique puisque Verga y fut présenté comme un auteur fortement engagé à gauche, paladin des courageux opprimés, et que le roman donna lieu à une étonnante réécriture pour la jeunesse où un jeune Sicilien vient se ressourcer en RDA puis, éclairé, regagne son île où il se fait le chantre du marxisme (Bernardina Rago). Quant à l’Allemagne de l’Ouest, où l’Italie sera l’invitée d’honneur du Salon du Livre de Frankfort (après l’avoir été en 1988, suite à l’engouement né du succès phénoménal du Nom de la rose), les relations culturelles, fluctuantes à compter de la fin de la Seconde Guerre mondiale, n’ont néanmoins jamais été interrompues : appréciée pour sa littérature de Résistance « engagée » (un modèle pour la dénazification culturelle du pays), admirée pour son Néoréalisme tant cinématographique que littéraire, la littérature italienne a joui d’une forte politique de traductions dans tous les domaines, y compris celui de la poésie (Roberto Ubbidiente).
9Autant de contributions qui mettent le lecteur en appétit. Quels sont les passeurs de culture italienne dans les autres pays du monde ? À l’heure où l’Italie voit se déverser sur son territoire des cars de touristes asiatiques ou provenant d’autres lointaines contrées, qu’en est-il de l’image que ces visiteurs se sont forgée à l’avance du Bel Paese ? et quelle image en ramènent-ils dans leurs bagages ?
Pour citer cet article
Référence papier
Brigitte Urbani, « Alejandro Patat e Brigitte Poitrenaud-Lamesi (dir.), Passeurs. La letteratura italiana del Secondo Novecento fuori d’Italia: ricezione e immaginario (1945-1989) », Italies, 26 | 2022, 290-292.
Référence électronique
Brigitte Urbani, « Alejandro Patat e Brigitte Poitrenaud-Lamesi (dir.), Passeurs. La letteratura italiana del Secondo Novecento fuori d’Italia: ricezione e immaginario (1945-1989) », Italies [En ligne], 26 | 2022, mis en ligne le 28 mars 2023, consulté le 12 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/italies/10230 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/italies.10230
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