Introduction
Résumés
Écrite par un historien des spectacles qui a jadis travaillé au musée d’Orsay, cette introduction a pour but de mettre en perspective la quinzaine de textes qui constitue ce dossier. Pour ce faire, après un rappel des spécificités des patrimoines du théâtre, la réflexion se déploie en deux temps. L’accent est tout d’abord mis sur l’extraordinaire variété de ces patrimoines au sein desquels trois grands ensembles peuvent être distingués : le « savoir technique et artisanal », les archives, l’audiovisuel et le numérique. Dans un second temps, quatre utilisations de ces patrimoines sont mises en avant : servir de sources pour les chercheurs, initier le grand public au théâtre, participer à l’identité d’un territoire, servir de matériau à des créateurs. L’introduction se termine par l’affirmation de cinq priorités qui doivent aider à mieux valoriser ces patrimoines, formidables outils de compréhension de nos sociétés et des sociétés passées.
Entrées d’index
Mots-clés :
histoire des spectacles, théâtre Blossac, Opéra-Comique, Comédie-Française, Palazzetto Bru Zane, patrimonialisationKeywords:
history of shows, Blossac theatre, Opéra-Comique, Comédie-Française, Palazzetto Bru Zane, heritagizationTexte intégral
- 1 Ce travail a été présenté dans un très court article intitulé « La Salle de l’Opéra du Musée d’Orsa (...)
- 2 Ces expositions ont donné lieu à des publications : YON Jean-Claude, FRAISON Laurent & GHESQUIÈRE D (...)
- 3 Nous avons déjà eu l’occasion de traiter un sujet similaire lors d’une conférence intitulée « Le sp (...)
- 4 Les patrimoines du théâtre, je ne les ai pas seulement appréhendés comme chercheur mais aussi comme (...)
1Le but de cette introduction n’est pas de disserter à nouveaux frais des patrimoines du théâtre ni de présenter un état de l’art. On trouvera dans l’éditorial et au fil de la quinzaine de textes ici rassemblés les principales références sur la question. L’objectif est autre : livrer les réflexions d’un historien des spectacles, travaillant sur le xixe siècle, suscitées par la lecture de ce très riche dossier. C’est grâce à l’amicale confiance des coordinateurs du dossier – confiance dont je les remercie – que je me livre à cet exercice. J’ai d’autant plus volontiers répondu à leur sollicitation que j’ai eu, de 1992 à 2006, la gestion de la salle dite « de l’Opéra » du musée d’Orsay où, en puisant principalement dans les collections de la bibliothèque-musée de l’Opéra, j’ai présenté dix expositions-dossiers portant sur les spectacles1. Au musée d’Orsay, j’ai été également le commissaire de deux expositions plus importantes, l’une sur Jacques Offenbach, l’autre sur Théophile Gautier critique2. Ce travail ne me donne bien sûr aucune légitimité supplémentaire dans l’écriture de cette introduction – si tant est que j’en aie une3 – mais il irrigue à coup sûr mon propos et c’est pourquoi il en est ici fait état4.
- 5 Voir l’article du présent numéro de MASSON Raphaël & TSESMELOGLOU Kyriaki « Versailles : le théâtre (...)
- 6 Voir l’entretien accordé par Jean-Paul Gousset à Raphaël Masson dans ce numéro, « Jean-Paul Gousset (...)
2Ces considérations personnelles exposées, revenons aux patrimoines du théâtre. Notre introduction s’articulera en deux temps, consacrés à leur variété et à leur utilisation. Il nous faut toutefois commencer par quelques remarques générales. La première caractéristique de ces patrimoines est d’avoir été longtemps méprisés ou, pour dire les choses encore plus clairement, longtemps considérés comme ne faisant pas partie de la sphère patrimoniale. On trouvera, disséminée dans les pages qui suivent, l’histoire de cette difficile et lente reconnaissance. La patrimonialisation du théâtre, au xixe siècle, a d’abord lieu au sein des théâtres officiels, l’Opéra et la Comédie-Française. Elle a ses héros (Charles Nuitter, Georges Monval), ses moments clés (l’exposition de maquettes de décors et de costumes à l’Exposition universelle de 1889 à Paris) et elle se poursuit au xxe siècle avec d’autres héros (Auguste Rondel, André Veinstein, Cécile Giteau) et d’autres grandes dates (la création du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale en 1976) [fig. 1]. À ces pionniers, il faut des appuis puissants (Julien Cain pour André Veinstein, Jean-Pierre Babelon pour Jean-Paul Gousset) et une volonté sans faille. Que l’on songe que les décors en toile peinte stockés à Versailles5 et à Compiègne, ainsi que le rapporte Jean-Paul Gousset, n’étaient portés sur aucun inventaire quand il a commencé à s’y intéresser6 !
Figure 1
La bibliothèque de l’Académie nationale de musique, à Paris. Gravure sur bois à partir d’un dessin d’Hubert Clerget, Navellier & L. Marie graveurs, 1882, conservée au musée Carnavalet – Histoire de Paris (inv. G.25095).
Reproduction https://www.parismuseescollections.paris.fr/ru/node/721071 (sous la licence CC0).
- 7 OFFENBACH Jacques, M. Offenbach nous écrit. Lettres au Figaro et autres propos, éd. Jean-Claude Yon (...)
- 8 Voir dans ce numéro GIBELLO-BERNETTE Corinne & KELLER Hélène « “Qui m’aime me suive !” Les archives (...)
- 9 Voir l’article du présent numéro de LE DRIAN SAINT-GERMES Lara, « L’usage de la photographie dans l (...)
- 10 Voir dans ce numéro DEPOIL Anne-Lise & DOYON Raphaëlle, « Faire trace, la fabrique des matrimoines (...)
- 11 Voir l’article de CALBERAC Yann & CHAUFFERT Jessica, « La conservation et la valorisation des archi (...)
3Ce manque de considération n’est toutefois pas propre au monde des musées et des bibliothèques : il est aussi le fait des femmes et des hommes de spectacle eux-mêmes, souvent peu enclins à préserver leur mémoire. « La pièce qui naît fait oublier celle qui meurt ; on ne fait point de comparaison, de rapprochement ; on ne cherche pas les analogies : c’est une série de tableaux qui fuient, comme dans la lanterne magique7 » : ce propos écrit par Jacques Offenbach en 1875 s’applique encore à bien des gens de spectacle en 2024. Aussi le travail du conservateur – de bibliothèque ou de musée – est-il d’abord de susciter cette culture du don si peu développée dans la profession. Comme le montre le dossier, de grands noms l’ont pratiquée malgré tout : Jean Vilar, Jean-Pierre Vincent, Jean-Michel Ribes8, etc. En son temps, André Veinstein avait su s’entendre avec le Syndicat des décorateurs et maquettistes en insistant sur la protection de leurs droits9. Les mentalités ont évolué depuis, mais le caractère éphémère de la représentation semble encore – au moins de façon inconsciente – s’opposer à la notion même de patrimoine. Sans doute les créateurs qui se sentent marginalisés, ou qui craignent de le devenir, sont-ils les plus sensibles à l’importance du don. Cela concerne notamment les créatrices qui, il est vrai, doivent surmonter au préalable l’obstacle de l’autocensure. Les patrimoines du théâtre sont à l’évidence également des matrimoines10. La danse – discipline artistique où la transmission du travail créatif est complexe – est également très consciente de la nécessité de préserver sa mémoire, comme l’illustre le cas de Mié Coquempot11.
4Qui dit don dit tri, sélection – opération toujours épineuse quand elle s’applique à une matière artistique. Combien délicats sont ces « ajustements nécessaires entre donateur et archivistes » mentionnés dans un des articles de notre dossier. Et dans une économie du spectacle qui a longtemps fonctionné sur le principe du réemploi, que garder et à quel titre ? Le « souci de trouver un stade intermédiaire entre “le neuf” et “l’altéré” » manifesté par ceux qui ont la charge des décorations de théâtre conservées dans les résidences royales et impériales s’applique de fait à bien d’autres types de patrimoines du théâtre. Et que dire, une fois que ceux-ci font partie d’une collection publique, des problèmes de stockage posés par d’immenses toiles peintes, de grandes affiches ou des costumes de scène ? On ajoutera, pour terminer cette première série de remarques, trois précisions liminaires. D’abord, et c’est presque une lapalissade, rappelons le fait qu’une partie essentielle des patrimoines du théâtre est constituée par les œuvres en elles-mêmes. Les questions qui se posent aux archivistes, bibliothécaires et conservateurs sont, à bien des égards, proches des celles auxquelles sont confrontés les chercheurs qui éditent une pièce de théâtre ou une partition lyrique. En outre, les patrimoines du théâtre – deuxième précision – ne sauraient se limiter à la représentation. Avant, pendant et après : tel est leur domaine. La représentation, certes, mais aussi tout le processus créatif qui la prépare et tout ce qui en découle. Enfin, pour qu’il y ait patrimoine, il faut – troisième précision – être sorti du spectacle « vivant ». De même que le Centre national du costume et de la scène (CNCS, Moulins) ne fait entrer dans ses collections que des costumes qui ne sont plus utilisés sur scène, ce patrimoine doit être « mort », c’est-à-dire avoir cessé d’être en activité. C’est du reste lors d’un changement de direction, d’un départ à la retraite ou d’un décès que les dons surviennent le plus souvent.
Des patrimoines extraordinairement variés
- 12 L’exposition « Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star », présentée au Petit Palais à Paris du 14 (...)
- 13 Voir l’article du présent numéro de GUIBERT Étienne, « Compiègne, de la préservation à une restaura (...)
5De même que pratiquer l’histoire des spectacles conduit à mobiliser un grand nombre de savoirs historiques, les patrimoines du théâtre sont d’une infinie variété. Les salles de spectacle en constituent la partie la plus monumentale, au sens propre du mot, tel l’Opéra national de Paris (le « Palais Garnier ») classé monument historique par arrêté du 16 octobre 1923. À l’inverse, il comprend des objets de très petite taille, par exemple des bijoux de scène12. Cette variété n’a cessé de s’accentuer, de plus en plus de disciplines scéniques étant désormais prises en considération : théâtre, opéra, danse, comédie musicale, music-hall, cirque, chanson, variétés, etc. De même, l’intérêt s’est porté sur des aspects jusque-là négligés, comme le travail des éclairagistes. La liste des documents susceptibles d’être conservés est donc vertigineuse : photographies, livres, partitions, carnets de notes, enregistrements audio et vidéo, papiers administratifs, costumes, accessoires, éléments de machinerie, etc. Comme on l’a déjà dit, outre le fait qu’il a fallu souvent faire preuve d’ingéniosité pour les récupérer dans les endroits improbables où ils étaient entreposés, ces documents posent des problèmes spécifiques de conservation. Il a fallu négocier par exemple avec les services de sécurité pour que les décors demeurent dans les cases aménagées en 1864 sur la scène du théâtre Louis-Philippe du château de Compiègne13. La présentation au public induit d’autres contraintes : une maquette de décor en volume ne peut être présentée que durant une durée restreinte du fait de sa fragilité et un décor de toile peinte nécessite d’être planté sur une scène et éclairé convenablement, ce qu’un très petit nombre de salles permettent.
6Quand ils ne sont pas la propriété de particuliers, ces patrimoines sont conservés dans une multitude de structures. Le recensement effectué à la fin des années 1990 avait identifié 800 lieux de conservation et nul doute que ce chiffre serait bien plus élevé si une telle opération était à nouveau entreprise. Des maisons de retraite pour artistes aux diverses sociétés (Société d’histoire du théâtre, Société des auteurs et compositeurs dramatiques), des théâtres disposant de centres de ressources (Comédie-Française, Odéon) aux centres d’archives et aux bibliothèques, les patrimoines du théâtre sont un peu partout. Comment s’intéresser aux ouvrages dramatiques et lyriques du xixe siècle sans consulter les fonds de la censure conservés aux Archives nationales ? Comment étudier l’histoire de la mise en scène sans recourir aux relevés de mise en scène de l’Association de la régie théâtrale qui font partie des collections de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris [fig. 2] ? Au sein de cette profusion de documents, on peut distinguer au moins trois grands ensembles.
Figure 2
Livret de mise en scène de Charles Michaud pour Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, pour des représentations à l’Opéra de Nice entre 1913 et 1927. Livret conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (4-TMS-03613-1).
Reproduction Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
- 14 Voir PETIT Jean-Paul & TOSTAIN Virginie, Châtellerault : le théâtre Blossac, Bordeaux, Le Festin, c (...)
7Le premier ensemble est tout ce qui peut être réuni sous l’expression « savoir technique et artisanal ». Le théâtre, on le sait, est un art collectif qui, sur la scène et dans les coulisses, associe un grand nombre de métiers. Les théâtres historiques – et singulièrement les salles des résidences royales et impériales qui, tel le château de la Belle au bois dormant, sont restées figées dans un état ancien – comportent des dispositifs techniques qu’il convient de conserver quand cela est possible, ce qui nécessite également de continuer à savoir les utiliser. Fort heureusement, la reconnaissance de la notion de patrimoine artistique et technique de la scène est à présent un fait acquis. Bien sûr, seuls quelques lieux exceptionnels sont concernés car, partout ailleurs, et même quand des salles « historiques » sont encore en activité, la mise aux normes et l’adaptation aux évolutions techniques ont eu raison de la valeur patrimoniale de tel ou tel dispositif. Mais le cas du Théâtre Blossac de Châtellerault (Vienne)14 et ceux de plusieurs salles en Île-de-France montrent qu’un lieu de spectacle à caractère patrimonial peut être plus qu’un simple espace de visite – ce qui est certes déjà beaucoup – et continuer à rendre des services à la communauté, même s’il n’accueille des spectacles professionnels qu’à titre exceptionnel [fig. 3].
Figure 3
Le théâtre Blossac, Châtellerault (Vienne), 2018.
© Photographe inconnu / reproduction https://www.apmac.asso.fr/etablissement/theatre-blossac-chatellerault/.
- 15 Sources : Rapport d’activité de l’Opéra national de Paris 2022 et Chiffres Clés 2023 de la Culture (...)
- 16 Voir l’article du présent numéro de MILLET Stéphane, « De l’art délicat des interventions architect (...)
- 17 Voir dans ce numéro SANJUAN Agathe, « La transmission des savoir-faire dans les ateliers de costume (...)
- 18 Voir l’article de LAURENT-MIRI Marie-Noëlle, BARTH Julie & PORTET Élisabeth, « La redécouverte des (...)
8Quant au Palais Garnier, avec près d’un million de visiteurs en 2022, il se situe au même niveau de fréquentation que le Mont Saint-Michel ou le musée du Quai Branly-Jacques Chirac15. Préservation du patrimoine et poursuite d’une activité artistique ne s’opposent pas du reste nécessairement, comme le prouve la récente « rénovation-extension » du théâtre Marigny16. Par ailleurs, la confection des décors et des costumes mobilise des savoir-faire spécifiques (plumassiers, ceinturiers, perruquiers, etc.) dont les ateliers de la Comédie-Française17 et de l’Opéra, ainsi que le CNCS, perpétuent la mémoire, si ce n’est la pratique. En la matière, un travail collégial est indispensable. Les restaurations entreprises rendent possibles de belles découvertes, tel cet écran d’éclairage retrouvé au théâtre de Nohant (Indre), dans la demeure de George Sand18. S’il nourrit l’histoire du théâtre (la coupe des costumes révélant par exemple l’évolution de la mise en valeur du corps des artistes), ce savoir technique et artisanal inscrit pleinement les patrimoines du théâtre dans le champ de l’artisanat d’art.
- 19 Voir l’article dans ce numéro de JOLLY Anne & ROTOLO Émeline, « Collecter les archives des théâtres (...)
- 20 Voir dans ce numéro GALLOIS Juliette, « La collecte des archives des Centres dramatiques nationaux (...)
9Les archives sont un deuxième ensemble, aussi riche que complexe. On trouvera dès le début de notre dossier le rappel de la législation qui encadre la collecte des archives des théâtres nationaux19, prolongé par l’exemple du département des Hauts-de-Seine qui concerne deux Centres dramatiques nationaux et deux Scènes nationales20. Pour tous les établissements publics, la transparence s’impose. Mais si la collecte est relativement simple pour les « archives administratives », elle l’est beaucoup moins pour les « archives artistiques » qui ont tendance à « suivre » la personnalité (directeur, metteur en scène) à laquelle elles se rattachent. Cette difficulté est commune aux établissements publics et privés, ces derniers étant en outre « handicapés » par le fait qu’aucune obligation de dépôt ne pèse sur eux. Seuls les dons ou les achats permettent à leurs archives d’entrer dans des collections publiques et de pouvoir ainsi être étudiées. On en a un bel exemple avec les archives du Théâtre du Palais-Royal [fig. 4], achetées en 1920 par Auguste Rondel et dont la présence dans les collections du département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France a permis la réalisation de la thèse d’Amélie Fagnou, « On a ri comme au Palais Royal ! » Panorama archivistique d’un temple du rire parisien au temps de l’industrialisation des spectacles (1858-1906), thèse de doctorat en histoire, université Paris-Saclay, 2023.
Figure 4
Portrait de Paul Grassot dans le rôle de Nonancourt dans Un chapeau de paille d’Italie, d’Eugène Labiche et Marc-Michel, Théâtre du Palais-Royal, 1851. Dessin de Marie Romain Thomas, dit Lhéritier, conservé à la Bibliothèque nationale de France, département Arts du spectacle (ASP 4-O ICO THE-53 (94)).
Reproduction https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b6400757v.
- 21 Voir l’article du présent numéro de BOUDIER Marion & GRATTE Linus, « L’éphémère est éternel. La pro (...)
- 22 Deux exemples, entre bien d’autres : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/html/und/images/la-photographie-de-spec (...)
10Pour les périodes récentes, la constitution d’archives orales – comme le montre le cas du Centre Pompidou21 – est une belle opportunité. Au sein des archives, on peut distinguer un troisième ensemble, à savoir tout ce qui relève de l’audiovisuel ou du numérique. Les photographies, par les problèmes de droits qu’elles peuvent soulever, entrent dans cette catégorie. Que ces archives soient numériquement natives ou non, elles nécessitent un traitement particulier et leur nature même les rend plus vulnérables. Leur pérennité ne va pas de soi. Ces dangers sont certes en partie contrebalancés par tout ce qu’apporte la numérisation des patrimoines du théâtre, que ce soit l’accès en ligne à des inventaires et des collections ou la visite virtuelle d’une salle22.
Une multitude d’utilisations
- 23 Voir l’article dans ce numéro de KAHANE Martine & PINASA Delphine, « Le Centre national du costume (...)
- 24 Voir l’article du présent numéro de HUTHWOHL Joël, « Le patrimoine des arts du spectacle en France. (...)
11Une fois préservé, un patrimoine doit être utilisé. De quelle façon ? Une obligation s’impose d’emblée, selon nous : que cette utilisation, quelle qu’elle soit, puisse être « à la fois scientifiquement cohérente, historiquement objective, techniquement représentative et artistiquement attractive », pour reprendre la formule de Martine Kahane et Delphine Pinasa à propos de la politique d’acquisition du CNCS23. Musées, bibliothèques, centres d’archives : les lieux de conservation sont nombreux, on l’a déjà constaté. Structures et particuliers peuvent parfois les mettre en concurrence. Mieux vaut miser sur la « précieuse complémentarité » que Joël Huthwohl appelle de ses vœux24. Quant au « musée d’art dramatique » rêvé par Louis Jouvet, il ne nous semble guère envisageable… à moins qu’il n’existe déjà en partie. Le CNCS, ouvert en 2006 à Moulins, a en effet modifié son intitulé en avril 2023 – son objet d’étude devenant le costume et la scène et non plus seulement le costume de scène –, à l’occasion de l’ouverture de salles consacrées à la scénographie théâtrale. Son objectif est désormais de présenter à ses visiteurs le patrimoine matériel du théâtre dans son ensemble.
- 25 Voir dans ce numéro GRANGER Charline, HARVEY Sara & KARSENTI Tiphaine, « Un écosystème numérique au (...)
- 26 Voir l’article de DUBOUILH Sandrine, « Machines de théâtre et théâtres-machines des années 1960-197 (...)
12Trois, voire quatre utilisations des patrimoines du théâtre peuvent être distinguées. Ceux-ci sont en premier lieu les sources sur lesquelles travaillent les chercheurs de différentes disciplines ayant le spectacle comme objet d’étude. Publications, travaux universitaires, rencontres scientifiques, commémorations : la gamme d’activités est large. Les patrimoines servent à écrire l’histoire du théâtre, à en comprendre les articulations, à y intégrer ce qui a été trop vite oublié (que ce soit le travail des créatrices ou la « programmation vivante » au Centre Pompidou). La numérisation de certains fonds et la constitution de bases de données aident à pratiquer une « histoire du théâtre ouverte et sans frontières », comme le font les promoteurs du programme « Registres de la Comédie-Française » (RCF), au reste bien conscients de la nécessité de « dépasser la dichotomie entre qualitatif et quantitatif25 ». Une deuxième utilisation – qui peut du reste découler de la première – a pour destinataire le grand public. Les patrimoines du théâtre ont un pouvoir de fascination exceptionnel. Si certains hommes de scène, au xxe siècle, ont pensé « démocratiser le lieu théâtral en faisant fi des ornements26 », il suffit d’avoir accompagné des groupes d’étudiants au Palais Garnier ou à la salle Favart (Opéra-Comique) pour savoir que les théâtres historiques ne font pas obstacle à cette démocratisation, bien au contraire. La science ouverte, qui vise à rendre accessibles les résultats de la recherche, trouve dans le domaine théâtral un terrain de choix – les initiatives lancées au sein du programme RCF en témoignent. Bien valorisés, les patrimoines du théâtre ont la capacité de parler à chacune et à chacun, quels que soient son origine sociale et son bagage culturel. C’est une immense force.
- 27 Voir l’article du présent numéro de GIORDANO Riccardo, « La restauration du théâtre du château de L (...)
13Une troisième utilisation se rattache à l’identité des territoires. Une salle de spectacle est un lieu fédérateur. Si les théâtres des résidences royales et impériales racontent la « grande histoire », un théâtre municipal, une salle de quartier sont le réceptacle de bien des souvenirs heureux. Le répertoire d’un auteur local, un savoir-faire artisanal lié à la scène, le succès d’un ou d’une « enfant du pays », un « théâtre de société » (c’est-à-dire une petite scène d’amateurs) au sein d’un château comme celui de La Roche-Guyon27 (Val-d’Oise) ou d’une « maison des illustres » comme celle de George Sand à Nohant (Indre) : autant de patrimoines du théâtre, immatériel ou matériel, qui ont du sens pour les habitants d’un territoire. Une quatrième utilisation, enfin, apparaît dans notre dossier, devant laquelle l’auteur de ces lignes se permet de rester dubitatif : la « performance comme méthode de recherche », à savoir la création à partir d’archives de spectacles ou, en d’autres mots, le croisement des recherches et de la création contemporaine. Précisons bien : notre réserve ne traduit en rien la volonté d’instaurer une hiérarchie entre la recherche et la création, juste la crainte que le bon équilibre entre les deux soit presque impossible à atteindre. Mais ces démarches existent et en faire mention ici contribue à mettre en valeur les multiples potentialités des patrimoines du théâtre.
- 28 Voir l’article dans ce numéro de COCHET Vincent, ÉNARD Émilie, REMAZEILLES Élodie, ROBIN Nina & SOL (...)
14En conclusion, cinq priorités nous semblent devoir être soulignées. D’abord le fait que si les patrimoines du théâtre sont devenus des patrimoines « à part entière », ils demeurent des patrimoines à sauvegarder, tant en ce qui concerne les spectacles actuels que ceux du passé. Leur conservation par des professionnels ou par des particuliers demeure mal assurée. Ensuite, il faut bien prendre en compte que ce travail de sauvegarde nécessite beaucoup de moyens : aux apports de l’État et des collectivités publiques doit s’ajouter de plus en plus l’argent du mécénat. On se limitera là à deux exemples : pour le patrimoine matériel, la restauration du théâtre impérial du château de Fontainebleau28 par le président des Émirats arabes unis et, pour le patrimoine immatériel, l’action du Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française (Venise).
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- 29 Voir DUBOUILH Sandrine, art. cit., https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41937 [lien valide en ju (...)
16Prioritaire aussi est la collaboration entre les institutions et les différentes expertises. Le théâtre est un art total et ses patrimoines doivent être préservés et étudiés de manière collégiale. Il est également nécessaire d’anticiper les besoins à venir. Le goût évolue, la perception et l’utilisation du patrimoine également. Le modèle de la boîte noire, chère aux scénographes des années 1960 et 1970, a ainsi fait son temps29 ; qui aurait pensé alors que des salles à l’italienne seraient restaurées à grands frais ? Enfin, il est indispensable de considérer ces patrimoines dans leur totalité, en dépassant la séparation entre public et privé. La collecte doit porter sur toutes les formes de spectacle, le don être suscité partout – sans exception. Quel serait le legs patrimonial du xixe siècle en matière de théâtre si seules les institutions officielles étaient prises en compte ? Labiche, Feydeau, Ruy Blas, Ubu roi, Cyrano de Bergerac seraient oubliés ! Les patrimoines du théâtre, pris dans leur globalité, sont un formidable outil de compréhension de notre société et des sociétés passées. Que toutes celles et tous ceux qui œuvrent à leur préservation et à leur compréhension soient remerciés pour ce travail indispensable.
Notes
1 Ce travail a été présenté dans un très court article intitulé « La Salle de l’Opéra du Musée d’Orsay », Musées et collections publiques de France, no 207, 1995/2, p. 50-51.
2 Ces expositions ont donné lieu à des publications : YON Jean-Claude, FRAISON Laurent & GHESQUIÈRE Dominique, Offenbach, cat. exp., Paris, musée d’Orsay, 26 mars-23 juin 1996, Paris, Réunion des musées nationaux, coll. « Les Dossiers du Musée d’Orsay », 1996 ; YON Jean-Claude & GUÉGAN Stéphane, Théophile Gautier, la critique en liberté, cat. exp., Paris, musée d’Orsay, 18 février-18 mai 1997, Paris, Réunion des musées nationaux, coll. « Les Dossiers du Musée d’Orsay », 1997.
3 Nous avons déjà eu l’occasion de traiter un sujet similaire lors d’une conférence intitulée « Le spectacle musical au xixe siècle : quel(s) patrimoine(s) ? » organisée par le rectorat de Paris dans le cadre des Journées européennes du patrimoine dans l’amphithéâtre Liard de la Sorbonne le 21 septembre 2019.
4 Les patrimoines du théâtre, je ne les ai pas seulement appréhendés comme chercheur mais aussi comme « homme de musée » qui cherche à les valoriser auprès d’un large public.
5 Voir l’article du présent numéro de MASSON Raphaël & TSESMELOGLOU Kyriaki « Versailles : le théâtre de la Reine à Trianon, musée et conservatoire » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42130 [lien valide en juillet 2024].
6 Voir l’entretien accordé par Jean-Paul Gousset à Raphaël Masson dans ce numéro, « Jean-Paul Gousset, de l’Opéra de Paris aux théâtres des palais nationaux : à l’origine de la redécouverte d’un patrimoine oublié » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42087 [lien valide en juillet 2024].
7 OFFENBACH Jacques, M. Offenbach nous écrit. Lettres au Figaro et autres propos, éd. Jean-Claude Yon, Arles, Venise, Actes Sud, Palazzetto Bru Zane, 2019, p. 216.
8 Voir dans ce numéro GIBELLO-BERNETTE Corinne & KELLER Hélène « “Qui m’aime me suive !” Les archives de Jean-Michel Ribes et du Théâtre du Rond-Point à la Bibliothèque nationale de France » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41367 [lien valide en juillet 2024].
9 Voir l’article du présent numéro de LE DRIAN SAINT-GERMES Lara, « L’usage de la photographie dans la constitution de la collection de maquettes de décors et costumes du département des Arts du spectacle (Bn), 1959-1983 » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42140 [lien valide en juillet 2024].
10 Voir dans ce numéro DEPOIL Anne-Lise & DOYON Raphaëlle, « Faire trace, la fabrique des matrimoines du théâtre » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42258 [lien valide en juillet 2024].
11 Voir l’article de CALBERAC Yann & CHAUFFERT Jessica, « La conservation et la valorisation des archives de la chorégraphe Mié Coquempot. An H to B, Trace et Offrande : situer, documenter, transmettre » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41855 [lien valide en juillet 2024].
12 L’exposition « Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star », présentée au Petit Palais à Paris du 14 avril au 27 août 2023, a permis au public de découvrir, entre bien d’autres documents, les bijoux de la « Divine ».
13 Voir l’article du présent numéro de GUIBERT Étienne, « Compiègne, de la préservation à une restauration attendue » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42097 [lien valide en juillet 2024].
14 Voir PETIT Jean-Paul & TOSTAIN Virginie, Châtellerault : le théâtre Blossac, Bordeaux, Le Festin, coll. « Visages du patrimoine en Nouvelle-Aquitaine ; 10 », 2018 ; FAURE Julie (dir.), En Scène. Lieux de spectacles en Île-de-France 1910-1940, Lyon, Lieux Dits, coll. « Patrimoines d’Île-de-France », 2021.
15 Sources : Rapport d’activité de l’Opéra national de Paris 2022 et Chiffres Clés 2023 de la Culture et de la Communication.
16 Voir l’article du présent numéro de MILLET Stéphane, « De l’art délicat des interventions architecturales sur le patrimoine théâtral. La rénovation-extension du théâtre Marigny » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42292 [lien valide en juillet 2024].
17 Voir dans ce numéro SANJUAN Agathe, « La transmission des savoir-faire dans les ateliers de costumes et de l’habillement de la Comédie-Française » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41473 [lien valide en juillet 2024].
18 Voir l’article de LAURENT-MIRI Marie-Noëlle, BARTH Julie & PORTET Élisabeth, « La redécouverte des décors du théâtre de la maison de George Sand à Nohant » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41510 [lien valide en juillet 2024].
19 Voir l’article dans ce numéro de JOLLY Anne & ROTOLO Émeline, « Collecter les archives des théâtres nationaux. Une patrimonialisation en acte » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41322 [lien valide en juillet 2024].
20 Voir dans ce numéro GALLOIS Juliette, « La collecte des archives des Centres dramatiques nationaux et Scènes nationales dans les Hauts-de-Seine » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41357 [lien valide en juillet 2024].
21 Voir l’article du présent numéro de BOUDIER Marion & GRATTE Linus, « L’éphémère est éternel. La programmation vivante au Centre Pompidou (1977-1987) » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42465 [lien valide en juillet 2024].
22 Deux exemples, entre bien d’autres : https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/html/und/images/la-photographie-de-spectacle?mode=desktop ; https://www.theatredechartres.fr/visite-theatre.html [liens valides en juillet 2024].
23 Voir l’article dans ce numéro de KAHANE Martine & PINASA Delphine, « Le Centre national du costume et de la scène. Enjeux et perspectives pour la constitution d’une collection patrimoniale de costumes de scène » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41735 [lien valide en juillet 2024].
24 Voir l’article du présent numéro de HUTHWOHL Joël, « Le patrimoine des arts du spectacle en France. Le rôle des établissements spécialisés » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41493 [lien valide en juillet 2024].
25 Voir dans ce numéro GRANGER Charline, HARVEY Sara & KARSENTI Tiphaine, « Un écosystème numérique au service du patrimoine théâtral d’Ancien Régime. Le programme des registres de la Comédie-Française » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41435 [lien valide en juillet 2024].
26 Voir l’article de DUBOUILH Sandrine, « Machines de théâtre et théâtres-machines des années 1960-1970. Conflit entre mémoire et usage » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41937 [lien valide en juillet 2024].
27 Voir l’article du présent numéro de GIORDANO Riccardo, « La restauration du théâtre du château de La Roche-Guyon » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41790 [lien valide en juillet 2024].
28 Voir l’article dans ce numéro de COCHET Vincent, ÉNARD Émilie, REMAZEILLES Élodie, ROBIN Nina & SOLDANO Alexia, « Fontainebleau, le cadet des théâtres de cour » : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42100 [lien valide en juillet 2024].
29 Voir DUBOUILH Sandrine, art. cit., https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41937 [lien valide en juillet 2024].
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Figure 1 |
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Légende | La bibliothèque de l’Académie nationale de musique, à Paris. Gravure sur bois à partir d’un dessin d’Hubert Clerget, Navellier & L. Marie graveurs, 1882, conservée au musée Carnavalet – Histoire de Paris (inv. G.25095). |
Crédits | Reproduction https://www.parismuseescollections.paris.fr/ru/node/721071 (sous la licence CC0). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42612/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 464k |
Titre | Figure 2 |
Légende | Livret de mise en scène de Charles Michaud pour Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, pour des représentations à l’Opéra de Nice entre 1913 et 1927. Livret conservé à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (4-TMS-03613-1). |
Crédits | Reproduction Bibliothèque historique de la Ville de Paris. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42612/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 443k |
Titre | Figure 3 |
Légende | Le théâtre Blossac, Châtellerault (Vienne), 2018. |
Crédits | © Photographe inconnu / reproduction https://www.apmac.asso.fr/etablissement/theatre-blossac-chatellerault/. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42612/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 244k |
Titre | Figure 4 |
Légende | Portrait de Paul Grassot dans le rôle de Nonancourt dans Un chapeau de paille d’Italie, d’Eugène Labiche et Marc-Michel, Théâtre du Palais-Royal, 1851. Dessin de Marie Romain Thomas, dit Lhéritier, conservé à la Bibliothèque nationale de France, département Arts du spectacle (ASP 4-O ICO THE-53 (94)). |
Crédits | Reproduction https://0-gallica-bnf-fr.catalogue.libraries.london.ac.uk/ark:/12148/btv1b6400757v. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42612/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 333k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Jean-Claude Yon, « Introduction », In Situ [En ligne], 53 | 2024, mis en ligne le 18 juillet 2024, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42612 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/122pt
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