Faire trace, la fabrique des matrimoines du théâtre
Résumés
Les 15, 16 et 17 septembre 2022 au théâtre des Îlets – Centre dramatique national de Montluçon (Allier), des créatrices et chercheuses se sont réunies sous l’impulsion de l’autrice et metteuse en scène Carole Thibaut autour d’un souci commun, celui de faire trace pour les femmes créatrices de théâtre en France de 1970 à nos jours. Les échanges ont renouvelé le constat, déjà établi par l’historiographie, d’un effacement des créatrices des récits historiques et collectifs, et d’une carence de leurs traces dans les collections patrimoniales. Le présent article propose de relater, en s’appuyant sur des travaux en histoire du théâtre et des recherches en histoire du genre, les modalités et mécanismes de la constitution différenciée des patrimoines du théâtre suivant le genre des artistes, en prenant en compte les conditions de création, l’archivage dans les collections privées puis patrimoniales, ainsi que la mise en récit. Il présente également des pistes pour commencer à construire et transmettre un patrimoine théâtral mixte, intégrant les apports des créatrices aux côtés de ceux de leurs homologues masculins.
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Mots-clés :
genre, patrimoine culturel, patrimonialisation, théâtre, femmes, transmission, création, institutionsPlan
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- 1 SOFIO Séverine & VERLAINE Julie, « Préface. Les artistes femmes seraient-elles devenues “bankables” (...)
- 2 Voir PERROT Michelle, Les Femmes ou les Silences de l’histoire [1998], Paris, Flammarion, coll. « C (...)
- 3 ÉVAIN Aurore, « Histoire d’autrice, de l’époque latine à nos jours », Sêméion, Travaux de sémiologi (...)
- 4 Sur les arts plastiques, voir les travaux de SOFIO Séverine, par exemple Artistes femmes. La Parent (...)
1Les 15, 16 et 17 septembre 2022 au théâtre des Îlets – Centre dramatique national de Montluçon (Allier), un colloque organisé par les autrices et metteuses en scène Aurore Évain et Carole Thibaut, également directrice du théâtre des Îlets, a réuni des chercheuses, journalistes et créatrices de toutes générations pour, ensemble, travailler à l’inscription dans l’histoire et les collections patrimoniales des créatrices qui détiennent l’auctorialité artistique, à savoir les metteuses en scène et les autrices de théâtre. Il s’agit d’intégrer les créatrices dans la continuité de l’histoire du théâtre, autrement que comme des femmes extraordinaires ou héroïques dont l’actuelle visibilité médiatique pose de nouvelles questions à la recherche historique, notamment parce qu’elle ne cesse de reproduire le topos de la pionnière1. Les rencontres de Montluçon ont renouvelé le constat de silences enchâssés2 depuis les rares fonds d’archives disponibles témoignant des œuvres de femmes dans les institutions publiques à leur absence dans les récits historiques du théâtre, y compris dans l’historiographie récente de la fin du xxe siècle, et par répercussion, dans les programmations actuelles. Comme l’ont montré les travaux d’Aurore Évain, la démarche de revalorisation symbolique du travail des artistes femmes passe aussi par la langue. Le terme « matrimoine », tout comme celui d’« autrice », loin d’être un néologisme, existait déjà au Moyen Âge avant d’être effacé au bénéfice de l’adjectif « matrimonial » qui se rapporte à la sphère privée du mariage3. Ainsi, réfléchir aux modalités de valorisation des patrimoines du théâtre implique une démarche réflexive et la prise de conscience d’un intérêt qui a été, en dépit des travaux historiques sur les femmes et le genre, et sur les créatrices d’autres mondes de l’art4, quasi exclusivement réservé aux « hommes de théâtre », selon l’expression consacrée.
- 5 PRAT Reine, Rapport d’étape no 1, Pour une plus grande et une meilleure visibilité des diverses com (...)
- 6 ABIRACHED Robert, « Introduction générale », in Id. (dir.), Le Théâtre français du xxe siècle. Hist (...)
- 7 Par souci de concision, on se contentera de donner quelques noms de chercheuses : Cecilia Beach (su (...)
- 8 Voir les trois volumes de ÉVAIN Aurore, GETHNER Perry & GOLDWYN Henriette (dir.), Théâtre de femmes (...)
- 9 ROSSELLO-ROCHET Julie, Des autrices dramatiques parisiennes dans l’espace public du xixe siècle (17 (...)
2Leurs homologues, les « femmes de théâtre », ont exercé leur métier avec moins de moyens, de visibilité et de notoriété, comme l’a montré Reine Prat pour le xxe siècle5. En dehors d’exceptions notoires, elles n’ont pas été retenues par les opérations du récit historique, y compris quand leur présence est notable, comme au festival d’Avignon de 1986, où 9 des 21 spectacles de théâtre étaient portés par des metteuses en scène, soit plus de 40% de la programmation (Jeanne Champagne, Michèle Guigon et Anne Artigau, Hermine Karagheuz, Jeanne Labrune, Michelle Marquais, Pascale Murtin, Evelyne Pieiller, Gilberte Tsaï). Elles ont souvent été effacées quand elles ont fait figure d’exemple : Ah Dieu ! que la guerre est jolie de Pierre Debauche6, présenté en 1966 au Théâtre des Amandiers (Nanterre), est une réécriture à partir d’archives françaises de la pièce de Joan Littlewood que le directeur du Centre dramatique national de Nanterre avait vue en 1963 au Théâtre des Nations (devenu Théâtre de la Ville à partir de 1968). Les travaux des années 1990 des chercheurs et chercheuses anglo-saxonnes7, d’Aurore Évain sur les autrices de l’Ancien Régime8 ou les thèses de doctorat récentes de Julie Rossello-Rochet et de Lorraine Wiss9 ont montré qu’en dépit des interdits ou des empêchements informels, les créatrices ont écrit [fig. 1] et mis en scène [fig. 2], en nombre. Le présent article propose de retracer, en s’appuyant sur des recherches en histoire du genre et du théâtre, les mécanismes de la constitution différenciée des patrimoines du théâtre suivant le genre des artistes, en prenant en compte les conditions matérielles de création, l’archivage au sein des structures théâtrales, la mise en récit et l’entrée dans les collections patrimoniales.
Figure 1
Présentation de La Table de Michèle Foucher (avec la complicité de Denise Péron, actrice, et de Yolande Marzolff, danseuse) dans L'Avant-Scène Théâtre, 15 octobre 1978, n° 636.
© Anne-Lise Depoil.
Figure 2
Marguerite Jamois mettant en scène Neiges. Photographie illustrant l'article « Marguerite Jamois va troquer son pantalon... contre un tutu romantique », paru dans Samedi-soir, semaine du 25 au 30 septembre 1949.
© Photographe inconnu / Reproduction BnF.
Pour une épistémologie de la valeur du patrimoine théâtral et de ses archives : les créateurs versus les créatrices
- 10 SOFIO Séverine et al., « Les arts au prisme du genre : la valeur en question », Introduction, Cahie (...)
- 11 WEILER Heidi & PICOT Pauline, « La rigueur de la mémoire et la pudeur des souvenirs », Agôn, 2013, (...)
- 12 Ibid. Les 700 mètres linéaires sont devenus 220 m linéaires dans le fonds de la BnF.
- 13 BATAILLON Michel, Un défi en province : Planchon. Chronique d’une aventure théâtrale, Paris, Marval (...)
- 14 Alors sous-directrice des Spectacles et de la Musique (direction des Arts et Lettres, ministère de (...)
- 15 GOETSCHEL Pascale, « Directeurs de Centres dramatiques nationaux : identités et différences (1945-1 (...)
- 16 PATEMAN Carole, Le Contrat sexuel [1988], traduit de l’anglais par Charlotte Nordmann ; préface de (...)
- 17 GOETSCHEL Pascale, art. cit., p. 93.
3Les processus de valorisation des traces des œuvres sont indissociables des événements de la création tels qu’ils se déroulent en leur temps, de la notoriété des artistes, du budget alloué et de la légitimité des lieux de création et de diffusion, les théâtres nationaux et les Centres dramatiques nationaux (CDN) bien dotés ayant leur propre service d’archives et de captation ainsi que les moyens et le temps de rémunérer ponctuellement des missions d’archivage. Enfin, cette appréciation dépend d’une action collective de l’ensemble des acteurs du monde de l’art (dont les critiques)10 et de l’inscription de l’artiste dans une lignée de prédécesseurs. À titre d’exemple, Roger Planchon, qui a dirigé pendant trente ans le Théâtre national populaire (TNP), un des centres dramatiques nationaux les plus dotés par le ministère de la Culture, a pris soin, par l’intermédiaire de son dramaturge, Michel Bataillon, de conserver la documentation de ses productions et celle de ses collaborateurs. Heidi Weiler a été nommée par Michel Bataillon en 1991 pour prendre sa suite et devenir l’archiviste du TNP de Villeurbanne. Cahiers de travail, captations, presse, lettres du public11 : en 2006, l’ensemble représentait 700 mètres linéaires qu’une élève de l’École des chartes a aidé à classer12. Il ressort de cet archivage minutieux et systématique l’écriture d’une histoire de la création de Roger Planchon par Michel Bataillon, publiée en deux volumes en 200113. On y trouve une photographie d’Agnès Varda qui réunit Roger Planchon, Jeanne Laurent14 et Jean Vilar dans le verger d’Urbain V à Avignon en 1959. Le portrait de Planchon, au cœur de la décentralisation, est campé, et avec lui, l’image, parmi des centaines d’autres documents, de son intervention au même titre que Jean Vilar dans l’histoire du théâtre comme « service public », tel qu’il se développe à partir de 1946 sous l’impulsion de Jeanne Laurent. Ce détour par Planchon nous invite à considérer que faire œuvre dans le théâtre public implique de prendre part à son histoire en s’inscrivant dans une « famille théâtrale »15, comme l’écrit Hubert Gignoux, celle des directeurs de CDN. La « fraternité exclusive16 » d’une lignée d’hommes créateurs est ainsi mise en récit à travers des programmes de spectacles, des notes d’intention, des entretiens, des déclarations publiques à la radio, à la télévision et dans la presse, des photographies, des journaux, des biographies et autobiographies. Les premiers directeurs de CDN, Gaston Baty, Jean Dasté, Michel Saint-Denis, Hubert Gignoux, Jean Vilar, Guy Parigot, Gabriel Monnet, etc. ont presque tous publié les mémoires de leur aventure théâtrale. L’historienne Pascale Goetschel écrit : « la marque de fabrique des directeurs de Centres dramatiques nationaux oscille entre singularités des parcours d’hommes – mais jamais dans le cas qui nous occupe, de femmes – et le partage d’expériences et de pratiques17. » Faire partie de l’histoire de la création, c’est prolonger la démarche de ses prédécesseurs en termes d’action culturelle et de création artistique, mais aussi entrer en dialogue avec eux, c’est-à-dire interroger les traditions dramaturgiques et interprétatives des textes portés au plateau, les metteurs en scène consultant alors les archives de leurs aînés.
- 18 VINCENT Jean-Pierre, « Les metteurs en scène, leurs archives et celles des autres », issu d’un entr (...)
4L’activité créatrice est associée à une projection dans la postérité de l’histoire du théâtre et à une volonté sans doute en partie inconsciente de constituer le « fonds d’archive imaginaire18 » de ses successeurs. C’est ainsi que peut s’entendre la déclaration de Jean-Pierre Vincent au sujet de la conservation de ses archives à la fin des années 1990 :
- 19 Ibid.
Je garde toutes mes archives, soigneusement, depuis toujours, je ne sais pas pourquoi, peut-être ai-je un esprit de collectionneur ? Mais je ne m’y reporte pas beaucoup. […] Il m’arrive de les montrer à un étudiant ou à un jeune metteur en scène. Quand Stéphane Braunschweig a monté Dans la jungle des villes, il y a deux ans, j’ai sorti ma boîte et je lui ai photocopié toutes les notes de répétitions ; il en a fait ce qu’il a voulu19.
- 20 DEBAENE Vincent, JEANNELLE Jean-Louis, MACÉ Marielle & MURAT Michel, « Qu’est-ce que l’histoire lit (...)
5Être une référence pour les générations suivantes est « une véritable façon d’intervenir dans l’histoire et sur l’histoire [du théâtre public] […] notamment par [la] transmission : une façon de raconter et d’interpréter qui a joué un rôle essentiel dans l’aventure moderne20 ».
- 21 Catherine Dasté a rigoureusement veillé, après sa mère, Marie-Hélène Dasté, et sa tante Suzanne Mai (...)
- 22 Ibid., p. 21.
6Enfin, cette histoire préécrite par les intéressés eux-mêmes, avec l’aide majoritaire d’assistantes ou de proches féminines non rémunérées21, « préconfigure » l’histoire savante22 telle qu’elle est transmise dans les instituts et les départements d’études théâtrales par des intervenants professionnels et par d’anciens responsables ministériels de la direction du Théâtre et des Spectacles. Robert Abirached puis Bernard Dort sont professeurs d’université et y enseignent une histoire à laquelle ils ont pris part dans les années 1980 en nommant des artistes à la direction de théâtres publics et de Centres dramatiques nationaux. Ces opérations (archiver, écrire l’histoire, la transmettre) consacrent des œuvres et produisent, par un effet de retour, la valeur cumulative d’une archive appartenant à une histoire culturelle globale légitimée par les institutions.
- 23 NAUDIER Delphine, « Genre et activité littéraire : les écrivaines francophones. Introduction », Soc (...)
- 24 VINCENT Jean-Pierre, art. cit., p. 96.
- 25 Sur les processus d’archivage et de patrimonialisation de l’œuvre de Mnouchkine au Théâtre du Solei (...)
7À l’inverse, le « déni d’antériorité23 » au sujet des créatrices de la scène, l’absence de récit et de transmission d’une génération à l’autre ne les encourage pas à garder trace de leur activité. Leurs prédécesseuses ne sont pas présentes dans l’habitus et dans l’identité collective de la profession, incarnée par des « hommes de théâtre ». Leurs contributions ne sont pas perçues comme représentatives de l’histoire générale du théâtre. Leurs œuvres ne font pas partie du « fonds d’archive imaginaire24 » de la mise en scène ; elles sont singularisées et ramenées à leur genre, Marguerite Duras et Ariane Mnouchkine faisant figure d’exceptions, y compris dans la façon dont elles ont conservé et classé leurs archives25.
Les archives des créatrices dans les institutions patrimoniales : enjeux et perspectives
- 26 PERROT Michelle, « Pratiques de la mémoire féminine », Traverses, no 40, IV, 1987, p. 19-29, réédit (...)
- 27 Ibid., p. iv.
- 28 Ibid., p. v.
8Ce « déni d’antériorité » provient en partie de ce que Michelle Perrot constatait dès 1987 : une « carence de traces » des femmes dans les collections patrimoniales, préjudiciable à l’écriture de l’histoire. Peu présentes dans les archives publiques, « regards d’hommes sur les hommes26 », les femmes ne l’étaient guère plus dans les archives privées des dépôts publics, « presque exclusivement celles des “grands hommes”, politiques, entrepreneurs, écrivains, créateurs27 ». Quinze ans plus tard, elle réaffirmait le caractère politique de cette constitution différenciée des fonds d’archives suivant le genre qui, « loin d’être le fruit du hasard », se révèle au contraire « le résultat d’une sédimentation sélective produite par les rapports de forces et les systèmes de valeurs28 ».
- 29 Citons par exemple la journée d’étude « Dans les coulisses des archives : où sont les femmes ? », o (...)
- 30 Ainsi du Centre des archives du féminisme, créé en 2000 par convention entre l’association Archives (...)
- 31 THÉBAUD Françoise, Grande collecte. Archives de femmes, rapport de mission remis à la ministre de l (...)
- 32 Ibid., p. 15.
9Demeuré d’une actualité persistante au fil des années, ce constat a suscité travaux et manifestations scientifiques sur la question plus vaste des rapports entre genre et archives29 et initiatives de préservation de chercheuses et de militantes destinées à pallier ce qui était perçu comme les déficiences des institutions patrimoniales30. En 2017, l’historienne Françoise Thébaud, mandatée par la ministre de la Culture Audrey Azoulay, insistait sur le double enjeu, « scientifique, patrimonial et démocratique », de remédier au « déficit préjudiciable […] d’archives produites par les femmes » dans les collections publiques, encore plus criant pour les archives privées31, et préconisait l’organisation d’une Grande Collecte nationale d’archives de femmes, effectivement organisée en juin 2018. Le rapport Thébaud invitait en particulier à se pencher sur « les femmes dans leurs activités créatrices, pour écrire une autre histoire des communautés scientifiques et artistiques32 ».
- 33 Fonds de compagnies et de théâtres ayant eu des femmes à leur tête et fonds du Cartel, par exemple (...)
- 34 Calculs réalisés à partir des rubriques « Dramaturges », « Metteurs en scène », « Théâtres et direc (...)
- 35 Pour une présentation de ces documents, voir TILLIER Annick (dir.), Des sources pour l’histoire des (...)
- 36 Calcul réalisé à partir du site de l’Imec : https://www.imec-archives.com/archives/collection [lien (...)
- 37 Les femmes produisent 52 % des fonds d’acteurs et actrices et 57 % des fonds relatifs à la danse du (...)
10Principal détenteur public de fonds d’archives sur le spectacle vivant, le département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France conserve, en septembre 2023, 198 fonds d’archives d’auteurs et autrices dramatiques et de metteurs et metteuses en scène. Parmi ceux-ci, 32 sont produits soit par des femmes, soit par des femmes et des hommes33, c’est-à-dire 16 %. En ne prenant en compte que les fonds produits par des femmes, ce chiffre descend à 8 %, contre 84 % de fonds produits par des hommes34. Ces 16 fonds de femmes se répartissent ainsi : cinq autrices dramatiques (Florence Delay, Charlotte Delbo, Marcelle Maurette, Jeanne Sigée et Anca Visdei), six metteuses en scène et directrices de compagnie (Akakia-Viala [Marie-Antoinette Allevy], Simone Benmussa [fig. 3], Annie Bertrand, Françoise Kourilsky, Ariane Mnouchkine et Geneviève Rozental) et cinq assistantes de mise en scène. Minoritaires en nombre, ces fonds le sont aussi en volumétrie : pour la moitié d’entre eux, ils mesurent moins de deux mètres linéaires, tandis que mis bout à bout, ils couvrent ensemble 105 mètres linéaires, soit moins que le seul fonds Louis Jouvet. D’autres documents retraçant l’activité des créatrices – presse, iconographie, programmes – sont certes présents dans les collections mais ils présentent un caractère dispersé, à l’inverse des fonds d’archives, matériau privilégié pour appréhender la cohérence et la singularité d’un parcours artistique35. Les proportions sont semblables pour les collections déposées à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), association dédiée à la conservation d’archives littéraires et artistiques : sur 58 fonds d’archives produits par des auteurs et autrices dramatiques et des metteurs et metteuses en scène, neuf seulement le sont par des femmes, soit 15 %36. Comment expliquer ce déficit, qui ne se retrouve ni pour les actrices, ni pour d’autres disciplines, comme la danse37 ?
Figure 3
Nathalie Nell dans Portrait de Dora, texte d'Hélène Cixous, mise en scène de Simone Benmussa, Théâtre d'Orsay, 1976. Photographie conservée à la Bibliothèque nationale de France, département Arts du spectacle (BnF, ASP, DIA-PHO-2 20).
© Marée-Breyer / reproduction BnF.
- 38 PERROT Michelle, op. cit., p. 14.
- 39 GOETSCHEL Pascale, art. cit., p. 10.
- 40 SOFIO Séverine, YAVUZ Perin Emel & MOLINIER Pascale (dir.), « Les arts au prisme du genre : la val (...)
11Comme la majorité des services d’archives, le département des Arts du spectacle de la BnF pratique une collecte passive, répondant aux propositions de dons qui lui sont faites et ne les sollicitant que très rarement. Or, pour donner ses archives, l’artiste – ou ses proches – doit être convaincue de la qualité de son œuvre et de sa légitimité à rejoindre les collections patrimoniales. Les travaux étudiant l’archive au prisme du genre s’accordent à souligner tant l’autocensure des femmes, « forme d’adhésion au silence que la société [leur] impose38 », que l’indifférence de leur descendance, qui a tendance à déprécier leurs réalisations, quand elles lui sont connues. Prédisposition intime, l’autocensure émane en réalité d’une responsabilité collective, d’un déficit d’attention de l’ensemble des institutions et acteurs culturels que les metteuses en scène ont intégré à leur fonctionnement, lequel nous renvoie aux grands partages d’une misogynie culturelle banale, sujet/objet, artiste/modèle, production/reproduction. Ainsi, l’acte de « mettre en archive39 » est lui-même le résultat d’une autovalorisation des artistes, laquelle émane du processus cumulatif de construction de la valeur attribuée à leurs œuvres (financements, diffusion, critiques, universitaires, institutions patrimoniales, etc.). La mise au jour de ces opérations nous invite à déconstruire un « darwinisme esthétique » selon lequel « seules les œuvres de valeur, celles qui “parlent” à l’humanité dans toute sa diversité, résisteraient à l’épreuve du temps40 ».
- 41 Christine Bard et Bénédicte Grailles font le constat d’une même méfiance chez les militantes fémini (...)
- 42 Voir le cas exemplaire d’Henri Barbusse et Annette Vidal étudié par LASSIGNARDIE Isabelle, « Annett (...)
- 43 Les dons plus institutionnels de théâtres et de compagnies ont été exclus du calcul.
- 44 Verbatim, colloque de Montluçon, 16 septembre 2022.
- 45 Peter Brook (carrière française entre 1974 et 2022), Jean-Michel Ribes (né en 1946), Georges Lavaud (...)
12Deux autres hypothèses peuvent être avancées : d’une part, la réticence de certaines créatrices à donner leurs archives à des institutions publiques, contre qui elles se seraient parfois battues pour obtenir une reconnaissance et des subventions finalement moindres que celles attribuées à leurs collègues masculins41. D’autre part, et de façon plus significative, les créatrices ne sont pas en mesure de consacrer à la constitution de leur fonds d’archives autant de temps et de moyens que leurs homologues masculins qui, mieux subventionnés, peuvent se permettre bien plus facilement d’engager un ou une archiviste, et qui bénéficient par ailleurs historiquement de l’aide, le plus souvent gratuite, d’assistantes ou de parentes féminines42. Faute d’une reconnaissance sociale et institutionnelle de leur statut de metteuse en scène ou d’autrice, mieux établi quand elles sont actrices ou chorégraphes, les femmes n’envisageraient bien souvent pas la possibilité de donner leurs archives, alors même qu’elles le font sans difficulté particulière pour leurs proches masculins : elles représentent ainsi 42 % des donatrices de fonds d’auteurs et autrices dramatiques et de metteurs et metteuses en scène au département des Arts du spectacle43. Parmi les metteuses en scène présentes à Montluçon ayant débuté leur activité entre les années 1960 et 1980, une seule avait entamé un processus de donation de ses archives, justifiant sa décision par la volonté de « rendre à l’État et à la collectivité ce qu’ils lui avaient donné44 », alors que leurs contemporains – et même leurs cadets – commencent à entrer, doucement mais sûrement, dans les collections patrimoniales45.
13Les institutions patrimoniales ne peuvent donc plus continuer à s’en remettre aux seuls donateurs et donatrices, sous peine de voir leurs collections reproduire indéfiniment les biais et réticences de ces dernières, et donc les inégalités de genre. Une collecte volontariste en direction des autrices et metteuses en scène paraît alors préférable, qui pourrait se traduire par des sollicitations directes auprès des créatrices [fig. 4] ou, de façon moins immédiate mais sans doute plus efficace, par une sensibilisation sur le long terme des artistes et de leur entourage global, les encouragements de proches, de collègues, d’universitaires s’intéressant rétrospectivement à un parcours, voire de professionnels de la conservation, pouvant bien souvent déclencher un intérêt nouveau pour des archives personnelles jusque-là négligées ou considérées comme de peu de valeur. Il faut à cet égard insister sur l’effet vertueux et exemplaire du don d’archives effectué par une créatrice qui, amenée à témoigner de sa démarche auprès des artistes de son entourage, les encouragera, directement ou non, à l’imiter, ainsi Hélène Cixous incitant Ariane Mnouchkine à donner elle aussi ses archives à la BnF. Par l’attention médiatique qu’ils génèrent, des événements nationaux et ponctuels peuvent également s’avérer bénéfiques, à l’image peut-être d’une nouvelle Grande Collecte, à condition de tirer la leçon des résultats mitigés de l’édition de 2018, essentiellement dus à une communication parfois contradictoire et à une faible mobilisation des institutions patrimoniales. Les créatrices de demain devraient, enfin, pouvoir être sensibilisées à l’importance de l’archivage de leur œuvre future et mises en garde contre les mécanismes structurels de l’autocensure, à travers par exemple des interventions d’universitaires ou de professionnels de la conservation intégrées à leurs cursus scolaires.
Figure 4
Quelques-unes des archives personnelles données à la BnF par la metteuse en scène Brigitte Jaques-Wajeman en avril 2024.
© Anne-Lise Depoil.
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14De façon générale, une meilleure visibilité des femmes dans les collections patrimoniales paraît enfin souhaitable, à travers une évolution des pratiques de catalogage et d’indexation : citons l’enrichissement et la féminisation des termes d’indexation46, la correction des biais de genre dans les notices d’autorité47 ou dans les inventaires48 ainsi que la priorisation du classement des fonds d’archives de femmes. La tâche peut sembler lourde mais l’enjeu est de taille, car il ne s’agit ni plus ni moins que de transmettre aux générations futures un héritage culturel qui ne se retrouve pas amputé des apports d’une moitié de l’humanité.
Notes
1 SOFIO Séverine & VERLAINE Julie, « Préface. Les artistes femmes seraient-elles devenues “bankables” ? », in LAGRANGE Marion & SOTROPA Adriana (dir.), Élèves & maîtresses. Apprendre et transmettre l’art (1849-1928), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2023, p. 6-9.
2 Voir PERROT Michelle, Les Femmes ou les Silences de l’histoire [1998], Paris, Flammarion, coll. « Champs. Histoire », 2001.
3 ÉVAIN Aurore, « Histoire d’autrice, de l’époque latine à nos jours », Sêméion, Travaux de sémiologie, no 6, « Femmes et langues », février 2008, Université Paris Descartes, disponible en ligne,http://siefar.org/wp-content/uploads/2009/01/Histoire-d-autrice-AEvain.pdf [lien valide en juib 2024], repris et augmenté avec PÈPE Sarah sous le titre En compagnie, Donnemarie-Dontilly, éditions iXe, coll. « iXe prime », 2019. Sur le terme « matrimoine », la bibliographie et les vidéos de conférences publiques données par Aurore Évain sont disponibles en ligne, https://www.auroreevain.com/2017/11/23/vous-avez-dit-matrimoine/ [lien valide en juin 2024].
4 Sur les arts plastiques, voir les travaux de SOFIO Séverine, par exemple Artistes femmes. La Parenthèse enchantée, xviiie-xixe siècles, Paris, CNRS éditions, 2016, et de FOUCHER ZARMANIAN Charlotte, Créatrices en 1900 : femmes artistes en France dans les milieux symbolistes, Paris, Mare & Martin, 2015. Sur la littérature, voir les travaux de PLANTÉ Christine et l’ouvrage de synthèse REID Martine (dir.), Femmes et littérature : une histoire culturelle, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2020, t. II, xixe-xxie siècle, Francophonies. En musique, voir par exemple LAUNAY Florence, « Les Musiciennes. De la pionnière adulée à la concurrente redoutée, bref historique d’une longue professionnalisation », Travail, genre et sociétés, no 19 (« Les femmes, les arts et la culture »), Paris, A. Colin, 2008, p. 41-63, et les travaux de DEUTSCH Catherine, par exemple DEUTSCH Catherine & GIRON-PANEL Caroline (dir.), Pratiques musicales féminines. Discours, normes, représentations, Lyon, Symétrie, coll. « Symétrie Recherche, série Histoire du concert », 2016. Voir aussi TRAVERSIER Mélanie & RAMAUT Alban (dir.), La musique a-t-elle un genre ?, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. « Homme et société », 2019.
5 PRAT Reine, Rapport d’étape no 1, Pour une plus grande et une meilleure visibilité des diverses composantes de la population française dans le secteur du spectacle vivant. Pour l’égal accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité, aux lieux de décision, à la maîtrise de la représentation, mai 2006, direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles, Mission pour l’égalité et contre les exclusions, et Rapport d’étape no 2, « De l’interdit à l’empêchement », Pour l’égal accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité, aux lieux de décision, à la maîtrise de la représentation, mai 2009, direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles, Mission pour l’égalité et contre les exclusions.
6 ABIRACHED Robert, « Introduction générale », in Id. (dir.), Le Théâtre français du xxe siècle. Histoire, textes choisis, mises en scène, Paris, L’Avant-scène théâtre, coll. « Anthologie de L’Avant-scène théâtre », 2011, p. 42.
7 Par souci de concision, on se contentera de donner quelques noms de chercheuses : Cecilia Beach (sur les autrices françaises du xxe siècle) ; Susan Bennett (sur les autrices anglaises des années 1950 et 1960) ; Maggie G. Gale (sur les autrices londoniennes 1918-1958) ; Jennie Long (sur les carrières des metteuses en scène, directrices de production et régisseuses en chef dans les années 1980 et 1990).
8 Voir les trois volumes de ÉVAIN Aurore, GETHNER Perry & GOLDWYN Henriette (dir.), Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, coll. « La Cité des dames », 2006-2011.
9 ROSSELLO-ROCHET Julie, Des autrices dramatiques parisiennes dans l’espace public du xixe siècle (1789-1914), thèse de doctorat Lettres et Arts, Lyon, Université de Lyon 2, 2020, disponible en ligne, https://theses.hal.science/tel-03427286 [lien valide en avril 2024] ; WISS Lorraine, Scènes féministes. Histoire des dramaturgies des luttes des femmes dans les années 1970 en France, thèse de doctorat, Théâtre, Lyon, Université Lyon 2, à paraître aux Presses universitaires de Rennes.
10 SOFIO Séverine et al., « Les arts au prisme du genre : la valeur en question », Introduction, Cahiers du genre, 2007/2, no 43, p. 5-16, p. 8, disponible en ligne, https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/revue-cahiers-du-genre-2007-2-page-5.htm?ref=doi [lien valide en mai 2024].
11 WEILER Heidi & PICOT Pauline, « La rigueur de la mémoire et la pudeur des souvenirs », Agôn, 2013, « Souvenirs de théâtre, TNP », [en ligne], http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/agon/2636 [lien valide en mai 2024],
12 Ibid. Les 700 mètres linéaires sont devenus 220 m linéaires dans le fonds de la BnF.
13 BATAILLON Michel, Un défi en province : Planchon. Chronique d’une aventure théâtrale, Paris, Marval, 2001.
14 Alors sous-directrice des Spectacles et de la Musique (direction des Arts et Lettres, ministère de l’Éducation nationale).
15 GOETSCHEL Pascale, « Directeurs de Centres dramatiques nationaux : identités et différences (1945-1981) », in Id. & YON Jean-Claude (dir.), Directeurs de théâtre, xix-xxe siècles. Histoire d’une profession, Paris, Publications de la Sorbonne, 2008, p. 93, se réfère à GIGNOUX Hubert, Histoire d’une famille théâtrale : Jacques Copeau, Léon Chancerel, les Comédiens-routiers, la décentralisation dramatique, Lausanne, Paris, Éditions de l’Aire, Presses universitaires de France, 1984.
16 PATEMAN Carole, Le Contrat sexuel [1988], traduit de l’anglais par Charlotte Nordmann ; préface de Geneviève Fraisse ; postface d’Éric Fassin, Paris, La Découverte, coll. « Genre & sexualité. Série Bibliothèque de l’Institut Émilie du Châtelet », 2010.
17 GOETSCHEL Pascale, art. cit., p. 93.
18 VINCENT Jean-Pierre, « Les metteurs en scène, leurs archives et celles des autres », issu d’un entretien avec David Tuaillon, Les Cahiers de la Comédie-Française, no 30, 1999, « Archiver le théâtre », p. 96.
19 Ibid.
20 DEBAENE Vincent, JEANNELLE Jean-Louis, MACÉ Marielle & MURAT Michel, « Qu’est-ce que l’histoire littéraire des écrivains ? », L’Histoire littéraire des écrivains, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, coll. « Lettres françaises », 2013, « Introduction », p. 21.
21 Catherine Dasté a rigoureusement veillé, après sa mère, Marie-Hélène Dasté, et sa tante Suzanne Maistre, à alimenter le fonds de son grand-père, Jacques Copeau, conservé au département des Arts du spectacle de la BnF, au détriment de la mise en valeur de ses propres archives qui restent à ce jour en sa possession.
22 Ibid., p. 21.
23 NAUDIER Delphine, « Genre et activité littéraire : les écrivaines francophones. Introduction », Sociétés contemporaines, vol. 78, no 2, 2010, p. 5-13.
24 VINCENT Jean-Pierre, art. cit., p. 96.
25 Sur les processus d’archivage et de patrimonialisation de l’œuvre de Mnouchkine au Théâtre du Soleil, voir GIBELLO-BERNETTE Corinne & PENDINO Franck, « Les archives en marge du Théâtre du Soleil », in SIMÉON Sandrine & TORTI ALCAYAGA Agathe, Les Marges du Soleil, Paris, L’Harmattan, 2023, p. 203-222.
26 PERROT Michelle, « Pratiques de la mémoire féminine », Traverses, no 40, IV, 1987, p. 19-29, réédité dans op. cit., p. 11 et 13.
27 Ibid., p. iv.
28 Ibid., p. v.
29 Citons par exemple la journée d’étude « Dans les coulisses des archives : où sont les femmes ? », organisée le 24 janvier 2015 aux Archives nationales, disponible en ligne, https://mnemosyne-asso.com/dans-les-coulisses-des-archives-ou-sont-les-femmes/ [lien valide en mai 2024] ; BLUM Françoise (dir.), Genre de l’archive. Constitution et transmission des mémoires militantes, Paris, CODHOS éditions, 2017 ; le colloque « Archives du genre, genre des archives », organisé à l’Imec les 7 et 8 novembre 2019, ou encore le numéro spécial « Archives, genre, sexualités, discours », GLAD!, no 11, 2021, [en ligne], https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/glad/2929 [lien valide en mai 2024].
30 Ainsi du Centre des archives du féminisme, créé en 2000 par convention entre l’association Archives du féminisme, fondée à l’initiative de l’universitaire Christine Bard, et l’université d’Angers pour accueillir le fonds d’archives de Cécile Brunschvicg, menacé de destruction. Se reporter à BARD Christine, BOIVINEAU Pauline, CHARPENEL Marion et al. (dir.), Les Féministes et leurs archives, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Archives du féminisme », 2023.
31 THÉBAUD Françoise, Grande collecte. Archives de femmes, rapport de mission remis à la ministre de la Culture et de la Communication en février 2017, p. 13-14. Disponible en ligne : https://mnemosyne-asso.com/wp-content/uploads/2017/03/Rapport-Grande-collecte.pdf [lien valide en mai 2024].
32 Ibid., p. 15.
33 Fonds de compagnies et de théâtres ayant eu des femmes à leur tête et fonds du Cartel, par exemple les fonds Art et Action (Louise Lara), Living Theatre (Judith Malina), Théâtre ouvert (Micheline Attoun), Charbonnier-Kayat (Claire-Lise Charbonnier) ou encore le fonds Georges et Ludmilla Pitoëff.
34 Calculs réalisés à partir des rubriques « Dramaturges », « Metteurs en scène », « Théâtres et directeurs de théâtre » et « Compagnies » de l’état des fonds du département des Arts du spectacle, disponible en ligne, https://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc102647q [lien valable en mai 2024]. Les données citées par la suite proviennent également de l’état des fonds, sauf mention contraire.
35 Pour une présentation de ces documents, voir TILLIER Annick (dir.), Des sources pour l’histoire des femmes, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2004.
36 Calcul réalisé à partir du site de l’Imec : https://www.imec-archives.com/archives/collection [lien valide en mai 2024].
37 Les femmes produisent 52 % des fonds d’acteurs et actrices et 57 % des fonds relatifs à la danse du département des Arts du spectacle de la BnF. La danse est pourtant loin d’être exempte des inégalités de genre, ainsi que le montre le dernier rapport de l’Association des centres chorégraphiques nationaux, L’Égalité femmes-hommes dans les centres chorégraphiques nationaux (avril 2023).
38 PERROT Michelle, op. cit., p. 14.
39 GOETSCHEL Pascale, art. cit., p. 10.
40 SOFIO Séverine, YAVUZ Perin Emel & MOLINIER Pascale (dir.), « Les arts au prisme du genre : la valeur en question. Introduction », in Genre, féminisme et valeur de l’art, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 10.
41 Christine Bard et Bénédicte Grailles font le constat d’une même méfiance chez les militantes féministes. Voir BARD Christine, BOIVINEAU Pauline, CHARPENEL Marion et al., (dir.), op. cit., p. 9 et 14.
42 Voir le cas exemplaire d’Henri Barbusse et Annette Vidal étudié par LASSIGNARDIE Isabelle, « Annette Vidal, secrétaire particulière et archiviste d’Henri Barbusse », in BLUM Françoise (dir.), op. cit., p. 137-148. Les cinq fonds d’assistantes de mise en scène cités plus haut concernent en réalité majoritairement l’œuvre de metteurs en scène qu’elles ont archivée (Pierre Chabert, Louis Jouvet et Antoine Vitez).
43 Les dons plus institutionnels de théâtres et de compagnies ont été exclus du calcul.
44 Verbatim, colloque de Montluçon, 16 septembre 2022.
45 Peter Brook (carrière française entre 1974 et 2022), Jean-Michel Ribes (né en 1946), Georges Lavaudant (né en 1947) ou encore Wajdi Mouawad (né en 1968) sont par exemple entrés dans les collections du département des Arts du spectacle en 2023. Sur les archives de Jean-Michel Ribes, voir dans ce numéro l’article de Corinne Gibello-Bernette et Hélène Keller : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41367 [lien valide en juin 2024].
46 Sur le portail FranceArchives, le premier résultat d’une recherche avec le terme « metteur en scène » est le fonds Marcelle Tassencourt, conservé aux archives départementales des Hauts-de-Seine ! La question de l’indexation est évoquée dans JOLLIVET Charly, « Une place pour le féminisme dans les services d’archives publics ? », in BARD Christine, BOIVINEAU Pauline, CHARPENEL Marion et al., (dir.), op. cit., p. 206.
47 La conservatrice Pauline Chougnet remarque la prégnance des expressions « compagne de » ou « maîtresse de » dans les notices d’autorité des créatrices dans le catalogue général de la BnF (« Dans les coulisses des archives : où sont les femmes ? », journée d’étude citée).
48 Une refonte récente de l’inventaire des archives de l’Odéon (xixe-xxe siècles) conservées à la BnF a ainsi permis de faire émerger les autrices, désignées par leur seul nom de famille dans l’inventaire précédent et automatiquement genrées au masculin.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Figure 1 |
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Légende | Présentation de La Table de Michèle Foucher (avec la complicité de Denise Péron, actrice, et de Yolande Marzolff, danseuse) dans L'Avant-Scène Théâtre, 15 octobre 1978, n° 636. |
Crédits | © Anne-Lise Depoil. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42258/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,2M |
Titre | Figure 2 |
Légende | Marguerite Jamois mettant en scène Neiges. Photographie illustrant l'article « Marguerite Jamois va troquer son pantalon... contre un tutu romantique », paru dans Samedi-soir, semaine du 25 au 30 septembre 1949. |
Crédits | © Photographe inconnu / Reproduction BnF. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42258/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 611k |
Titre | Figure 3 |
Légende | Nathalie Nell dans Portrait de Dora, texte d'Hélène Cixous, mise en scène de Simone Benmussa, Théâtre d'Orsay, 1976. Photographie conservée à la Bibliothèque nationale de France, département Arts du spectacle (BnF, ASP, DIA-PHO-2 20). |
Crédits | © Marée-Breyer / reproduction BnF. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42258/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 125k |
Titre | Figure 4 |
Légende | Quelques-unes des archives personnelles données à la BnF par la metteuse en scène Brigitte Jaques-Wajeman en avril 2024. |
Crédits | © Anne-Lise Depoil. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42258/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 328k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Anne-Lise Depoil et Raphaëlle Doyon, « Faire trace, la fabrique des matrimoines du théâtre », In Situ [En ligne], 53 | 2024, mis en ligne le 27 juillet 2024, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42258 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/122pp
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