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Restaurer les peintures murales de l’église Notre-Dame de Charly (Cher) au xixe siècle

Apocalypse 12, Saint-Savin, et Mérimée
Restoring the mural paintings of Charly (Cher) during the nineteenth century. Revelation 12, Saint-Savin and Mérimée
Claire Boisseau

Résumés

Les peintures murales médiévales de l’abside de l’église Notre-Dame de Charly (Cher) furent fortement reprises entre 1854 et 1862 à l’initiative de l’abbé Lenoir, curé de Charly. Celui-ci, pour mieux restaurer le décor peint roman d’origine, qu’il considère comme une illustration linéaire du livre de l’Apocalypse, s’inspire d’autres ensembles peints médiévaux dont celui de l’abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne). C’est ainsi qu’il fait ajouter deux scènes relatives au chapitre 12 de l’Apocalypse, purement et simplement copiées sur les peintures du vestibule de Saint-Savin. Mais ces copies se révèlent en réalité très éloignées de l’original, et directement inspirées des relevés de Gérard Seguin, effectués à la demande de Prosper Mérimée pour illustrer sa Notice sur les peintures de Saint-Savin, parue en 1845. Le peintre-restaurateur de Charly, en se fiant aux relevés de Seguin, en a donc reproduit les erreurs de lecture et de compréhension. À ces erreurs s’ajoute une relecture exégétique du chapitre 12 de l’Apocalypse, relecture mariale reflétant à la fois l’évolution de la spiritualité religieuse et le rapport particulier des ecclésiastiques du xixe siècle à l’art médiéval.

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Texte intégral

1Dans l’église de Charly (Cher), non loin de Bourges, des peintures murales ornent l’abside et la voûte du chœur [fig. 1].

Figure 1

Figure 1

Peintures du chœur et de l’abside de l’église Notre-Dame, Charly (Cher).

© Crosland / Photothèque CESCM.

  • 1 LENOIR Pierre-Marie (abbé), De la peinture murale dans les monuments religieux du Moyen Âge et des (...)
  • 2 Le classement MH comprend l’église avec signalement de ses peintures, sculptures et vitraux. À ce j (...)

2Difficile toutefois de les dater car, si la couche originale demeure médiévale, attribuée au xiie siècle, la plupart furent fortement reprises à l’occasion d’une restauration de l’édifice supervisée par Pierre-Marie Lenoir (1818-1907), curé de Charly entre 1854 et 18621. À l’issue de ces travaux, l’église est classée au titre des monuments historiques, sur la liste de 18622. Agencées autour d’un Christ trônant dans une mandorle, les peintures illustrent à leur manière différents chapitres du livre de l’Apocalypse. Au milieu de cet ensemble stylistiquement hétéroclite, deux scènes retiennent l’attention : placées au registre inférieur, à l’entrée de l’abside, l’une en face de l’autre, elles retracent visuellement le chapitre 12 de l’Apocalypse en deux temps : le combat de la Femme contre le Dragon [fig. 2] et le combat de saint Michel contre ce même Dragon [fig. 3].

Figure 2

Figure 2

« Combat de la Femme contre le Dragon », église Notre-Dame, Charly (Cher).

© Crosland / Photothèque CESCM.

Figure 3

Figure 3

« Combat de saint Michel contre le Dragon », église Notre-Dame, Charly (Cher).

© Crosland / Photothèque CESCM.

  • 3 MERIMÉE Prosper, Notice sur les peintures de l’église de Saint-Savin, Paris, Imprimerie royale, « C (...)

3Le découpage respecté ainsi que l’iconographie adoptée ici, étrangement similaires au cycle de l’Apocalypse du porche de l’abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (xie siècle, Vienne), laissent clairement percevoir que, pour compléter le programme lacunaire de l’abside de Charly, le peintre-restaurateur du xixe siècle a tout simplement copié deux scènes d’un ensemble peint roman mieux conservé, Saint-Savin, que la monographie de Prosper Mérimée, parue une décennie plus tôt (1845), venait de rendre célèbre3.

L’Apocalypse à Saint-Savin

  • 4 Sur le découpage médiéval de l’Apocalypse et les commentaires de la Bible au Moyen Âge : RICHÉ Pier (...)

4Pour mémoire, le récit biblique de l’Apocalypse suit la logique suivante : la fin du chapitre 11 s’achève sur l’Adoration des Vieillards (Ap 11, 16-17), puis sur la vision de la Jérusalem céleste contenant l’Arche d’alliance (Ap 11, 19). Le chapitre 12 débute par l’apparition de la Femme, revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, couronnée d’étoiles (Ap 12, 1-2). Elle met au monde un enfant mâle. Apparaît également un dragon rouge à sept têtes et dix cornes, chacune étant couronnée. Sa queue balaie les étoiles et les précipite sur la terre (Ap 12, 3-4). Pour lui échapper, la Femme s’enfuit au désert tandis que son enfant est enlevé dans les cieux (Ap 12, 5-6). Saint Michel et ses anges interviennent et chassent le Dragon du Ciel (Ap 12, 7-9). C’est alors que le Dragon, repoussé sur terre, poursuit la Femme et tente de la noyer dans un fleuve qu’il vomit de sa gueule (Ap 12, 13-15). La Femme reçoit des ailes (Ap 12, 14) pour échapper au Dragon, et la terre s’ouvre pour absorber l’eau crachée par celui-ci (Ap 12, 16)4.

5À Saint-Savin, les deux scènes relatant le combat de la Femme et de saint Michel contre le Dragon prennent place dans le vestibule où elles se font face au nord et au sud [fig. 4]. Elles s’intègrent à un cycle plus vaste agencé autour d’un Christ triomphant représenté sur le tympan, entouré d’un cortège angélique et du collège apostolique. Le combat de la Femme prend place au nord [fig. 5], au registre médian, tandis que celui de saint Michel lui fait face au sud [fig. 6], au même niveau.

Figure 4

Figure 4

Cycle de l’Apocalypse, vestibule, abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne).

© Brouard / Photothèque CESCM.

Figure 5

Figure 5

« Combat de la Femme contre le Dragon », abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne).

© Brouard / Photothèque CESCM.

Figure 6

Figure 6

« Combat de saint Michel contre le Dragon », abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne).

© Brouard / Photothèque CESCM.

  • 5 À propos du porche de Saint-Savin : FAVREAU Robert (dir.), Saint-Savin, l’abbaye et ses peintures m (...)

6Les registres supérieurs de la voûte relatent le fléau des sauterelles (Cinquième trompette, Ap 9, 1-12), et la libération des anges de l’Euphrate (Sixième trompette, Ap 9, 13-21). Enfin, la scène du registre inférieur sud a disparu tandis que celle du registre inférieur nord représente l’église terrestre à travers la communauté de Saint-Savin réunie autour de la figure de l’Église et de ses fondateurs5. L’ensemble peint, à forte connotation ecclésiale, invite le fidèle à pénétrer dans l’édifice religieux dans l’attente du retour du Christ à la fin des temps.

7Une confrontation rapide du texte avec les deux scènes du porche montre clairement que le récit, bien que divisé en deux temps (combat de la Femme, combat du Dragon), n’est visuellement pas relaté de manière totalement chronologique. La scène nord fusionne en une seule image l’ensemble de l’affrontement entre la Femme et le Dragon, au point que le début et la fin, normalement distincts, apparaissent comme simultanés : la naissance de l’enfant emporté dans les cieux et le vomissement du fleuve par le Dragon surviennent conjointement et non successivement. L’intervention de saint Michel, qui s’intercale chronologiquement avant que le Dragon ne crache son fleuve, est quant à elle réservée à la scène sud. Il y a donc un aller-retour narratif entre les deux scènes de manière à distinguer les deux combats alors que littérairement, celui de saint Michel est une parenthèse survenant avant que le combat opposant la Femme au Dragon ne soit achevé. C’est ce découpage qui régit la représentation du chapitre 12 à Saint-Savin et à Charly.

  • 6 Par exemple la photographie de Maurice Thaon, en ligne sur la base Mémoire sous la référence APMH01 (...)

8Au nord, la représentation du combat de la Femme contre le Dragon accorde une place centrale aux deux protagonistes. La Femme, qui a déjà reçu une paire d’ailes, occupe la position centrale, séparant le Dragon de la Jérusalem céleste, elle-même placée dans le coin supérieur gauche, où un ange emporte l’enfant tout juste né. Sous la Jérusalem céleste, saint Jean assis assiste à la double vision : celle de la Jérusalem céleste (Ap 11) et celle du combat de la Femme contre le Dragon. Ce dernier, dont chacune des sept têtes est nimbée, crache un fleuve d’eau encore visible dans la partie inférieure. Au sud, la scène est aujourd’hui très effacée à Saint-Savin. Saint Michel cavalier, accompagné d’un autre ange, est armé d’un bouclier et d’une lance qu’il brandit en direction d’une bête que seules les photographies anciennes permettent encore d’observer [fig. 7]6. L’unique tête visible y semble dépourvue de cornes et de nimbe. Derrière le Dragon, deux autres personnages angéliques saisissent des épées.

Figure 7

Figure 7

« Combat de saint Michel contre le Dragon », abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne). Détail de la tête du Dragon.

© Brouard / Photothèque CESCM.

L’intention de restitution du chanoine honoraire Lenoir, curé de Charly

9À Charly, les deux « panneaux » relatant Apocalypse 12 s’intègrent également à un ensemble peint plus vaste [fig. 8].

Figure 8

Figure 8

Peintures de l’abside de l’église Notre-Dame, Charly (Cher).

© Crosland / Photothèque CESCM.

  • 7 LENOIR Pierre-Marie (abbé), op. cit. Sur l’église de Charly, chapitres V, VI et VII, p. 37-76.
  • 8 Ibid., p. 33.
  • 9 VIOLLET-LE-DUC Eugène, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, Par (...)

10Mais, à la différence des deux scènes du porche de Saint-Savin, ils furent réalisés pour compléter un ensemble préexistant détérioré dont ne subsistait qu’une Majesté divine dans l’abside et un Agnus Dei en médaillon à la voûte du chœur. Dans la monographie de son église paroissiale, qu’il annexe à un ouvrage plus général sur la peinture murale religieuse publié en 1868, le curé Lenoir expose très clairement l’intention qui le guide lorsqu’il fait restaurer les peintures de son église7 : il souhaite avant tout retrouver l’homogénéité de l’ensemble original, qu’il interprète comme une illustration méthodique des principaux chapitres du livre de l’Apocalypse. Déplorant que certains ensembles soient « ensevelis sous un suaire de chaux8 », il désire rendre à son église sa splendeur perdue et le programme peint complet qui ornait son abside. En cela, il agit en homme du xixsiècle, pour lequel restaurer un édifice – ou un ensemble peint – implique de le « rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné », pour reprendre les mots de Viollet-le-Duc9.

  • 10 Certaines théophanies peuvent être inspirées de l’Apocalypse sans pour autant relater linéairement (...)

11S’appuyant sur des comparaisons avec d’autres ensembles romans mieux conservés, l’abbé Lenoir estime d’abord que les quelques vestiges encore visibles à l’époque (le Christ en majesté et l’Agneau divin) renvoient directement au livre de l’Apocalypse, qu’il s’agit d’illustrer. Oubliant qu’il ne pourrait s’agir que de simples théophanies, sans volonté narrative, il s’inspire de la crypte peinte de Gargilesse-Dampierre (Indre) pour ajouter les Vieillards de part et d’autre du Christ en majesté. De même, il complète l’adoration de l’Agneau par la représentation du peuple des élus de Dieu lavant leur robe dans le sang de l’Agneau. Sous le pinceau du peintre, ces élus deviennent alors des apôtres, prophètes ou autres saints vénérés localement. Mais l’abbé Lenoir ne se contente pas de faire repeindre les scènes partiellement effacées, il en ajoute deux en supplément, tirées du chapitre 12, transformant ainsi l’ensemble peint de Charly en ce qu’il considère comme un cycle complet de l’Apocalypse10. Son intention dépasse donc la simple conservation-préservation de ce décor peint. Se félicitant à l’issue des travaux d’être en « plein xiie siècle », il n’hésite pas à repeindre les « pages manquantes » du dernier livre de la Bible. Il pilote donc une entreprise de restitution d’un décor peint, restitution largement tributaire de sa propre compréhension des peintures.

  • 11 Les peintures de Saint-Savin ont longtemps été attribuées au xiie siècle. Actuellement, la campagne (...)

12Mais, comme nombre de ces confrères à l’époque, le chanoine honoraire Lenoir côtoie les sociétés savantes. En couverture de son ouvrage, il se présente comme membre de la Société française d’archéologie, appartenant également à plusieurs autres comités historiques, artistiques et archéologiques. L’appendice précise encore que le texte de sa monographie a été lu lors de la séance plénière de la Société française d’archéologie du 9 mars 1868, en présence des antiquaires du Centre réunis par Arcisse de Caumont (1801-1873). Il ne s’agit donc pas d’œuvrer en amateur mais d’agir avec érudition pour retrouver ce passé médiéval disparu. Et pour restituer au mieux le cycle apocalyptique de Charly, l’inspiration est directement puisée à la source de sa propre connaissance de la peinture romane, l’ensemble peint de Saint-Savin-sur-Gartempe11.

Les erreurs du peintre-copiste 

13Toutefois, en recopiant l’original, à l’époque daté du xiie siècle, le peintre procède à une déformation de l’image. Outre la déformation stylistique propre au xixe siècle, connu pour avoir copié les peintures romanes sans vraiment en comprendre les spécificités formelles, le peintre, tout en respectant scrupuleusement l’agencement des deux scènes, opère quelques transformations d’ordre iconographique. La déformation la plus évidente concerne le Dragon qui, à Charly, ressemble à un cheval ailé à queue de serpent. N’ayant pas compris les sept têtes, le peintre les a transformées en onze crins composant sa crinière blanche. La tête du monstre ainsi représentée est nimbée. La queue rouge emporte des étoiles jusqu’à terre, les fleurettes parsemant le sol du modèle savinien devenant ainsi des étoiles tombées à terre, conformément au texte de l’Apocalypse et à l’interprétation qu’en propose Mérimée. Aucune nuée n’apparaît dans la partie supérieure. Le fleuve qu’il crache s’écoule depuis sa gueule jusqu’au sol. De son côté, la Femme, comme à Saint-Savin, trône sur un globe, la lune sous ses pieds, et son nimbe est constellé de neuf étoiles. Son habit blanc imite le manteau de la Vierge (maphorion) même si la partie ventrale est étonnamment rouge. L’enfant qu’elle porte dans les bras n’est pas saisi comme à Saint-Savin mais délicatement entraîné par l’ange qui le conduit vers les cieux [fig.  9].

Figure 9

Figure 9

« Combat de la Femme contre le Dragon », détail du visage de la Femme, église Notre-Dame, Charly (Cher).

© Crosland / Photothèque CESCM.

  • 12 BARBIER Claire, L’Arche d’alliance dans les édifices religieux catholiques en France, du ixsiècle (...)
  • 13 En raison d’une exposition prolongée à la lumière, le combat de saint Michel est très effacé à Sain (...)

14Saint Jean, assis, les pieds sur un marchepied, dans une posture plus droite, désigne le contenu de sa vision tout en esquissant ce qui pourrait être un geste d’acceptation. Au-dessus de lui, entre trois fleurs-étoilées, la Jérusalem céleste abrite l’Arche d’alliance, qui prend l’apparence d’une citadelle en place et lieu du reliquaire12 qui la représente à Saint-Savin13.

15Outre le basculement des sensibilités observables dans la gestuelle plus douce et moins tranchée de l’ange par rapport à l’enfant, la description attentive de la copie peinte à Charly montre les réinterprétations auxquelles se livre le peintre. La représentation du Dragon présente la particularité de faire fi de ses multiples têtes, apparemment passées inaperçues, alors que l’action de sa queue, qui, selon l’Apocalypse, emporte les étoiles avec lui dans sa chute, est nettement valorisée : les fleurettes au sol deviennent des étoiles tombées du ciel. Enfin, la couronne d’étoiles est évoquée par la présence d’étoiles à l’intérieur du nimbe alors qu’elles sont placées sur la bordure de celui de la Femme à Saint-Savin [fig. 10], parti-pris que l’on retrouve également à Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers. La copie de Charly prend donc de nombreuses libertés vis-à-vis de l’original, libertés qui relèvent avant tout de difficultés d’observation et de compréhension de l’image d’origine plus que d’une volonté artistique.

Figure 10

Figure 10

« Combat de la Femme contre le Dragon », détail du visage de la Femme et de l’étoile ornant son nimbe, abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne).

© Brouard / Photothèque CESCM.

L’influence de Mérimée pour la « reproduction » des scènes

  • 14 LENOIR Pierre-Marie (abbé), op. cit., p. 84.
  • 15 La terminologie employée par le curé est reprise de manière à mieux refléter ses intentions et ce e (...)
  • 16 Sur les relevés de Seguin et les autres campagnes de relevés : VAN de MOORTELE Sylviane (dir.), De  (...)
  • 17 Des observations supplémentaires sont formulées dans MÉRIMÉE Prosper, Études sur les arts du Moyen (...)
  • 18 VAN de MOORTELE Sylviane (dir.), op. cit., p. 74.

16Ces multiples déformations pourraient être imputées à l’incompréhension de la scène de Saint-Savin par le peintre-copiste. En réalité, la plupart de ces erreurs se retrouvent déjà dans la monographie de Mérimée. L’abbé Lenoir le reconnaît lui-même, ces deux panneaux sont une « reproduction exacte » des deux scènes de Saint-Savin telles que publiées en 1845 par Prosper Mérimée14. C’est donc cet ouvrage qui sert de référence autant au commanditaire de la restauration qu’au peintre lui-même15. À la suite de ses premières visites à Saint-Savin-sur-Gartempe (1834 et 1838), Mérimée entreprend d’en faire connaître l’existence à un large public. Il publie donc dès 1845 une monographie de l’édifice et de ses peintures. Pour l’illustrer, il fait appel au dessinateur Gérard Seguin (1805-1875) auquel il confie la tâche de reproduire le plus fidèlement possible les peintures de Saint-Savin16. Mais faute d’échafaudages ou d’éclairage suffisant, Seguin ne peut observer de près les peintures. Ses relevés qui, à l’origine, devaient être des « fac-similés » s’avèrent donc très approximatifs. Mérimée ne cache pas sa déception, commentant lui-même les erreurs de lecture du copiste17. Avec sa verve habituelle, il regrette même que Seguin ait « pris des vessies pour des lanternes », l’obligeant de ce fait à corriger ses interprétations avant la parution de l’ouvrage18.

17Le commentaire de la scène que Mérimée propose en annexe de son ouvrage (pl. III) révèle toutefois qu’en dépit des erreurs qu’il pointe dans le relevé, Mérimée a peut-être lui-même été influencé par le pinceau de Seguin [fig. 11 et 12].

Figure 11 

Figure 11 

« Combat de la Femme contre le Dragon », relevé de Gérard Seguin, 1840, illustration que l’on retrouve dans la Notice sur les peintures de Saint-Savin de Prosper Mérimée, pl. III1845.

© Archives.org, Domaine public. Également en ligne sur la base Mémoire : https://www.pop.culture.gouv.fr/​notice/​memoire/​APPM005916 [lien valide en juin 2024].

Figure 12

Figure 12

« Combat de saint Michel contre le Dragon », relevé de Gérard Seguin de 1840, illustration que l’on retrouve dans la Notice sur les peintures de Saint-Savin de Prosper Mérimée, pl. IV, 1845.

© Archives.org, Domaine public. Également en ligne sur la base Mémoire : https://www.pop.culture.gouv.fr/​notice/​memoire/​APPM005915 [lien valide en juin 2024].

  • 19 MERIMÉE Prosper, Notice sur les peintures de l’église de Saint-Savin, op. cit., p. 99-100. À propos (...)

18En effet, si l’oubli majeur des sept têtes et dix cornes du Dragon est clairement relevé, il ne peut s’empêcher d’estimer que les points rouges que Seguin a peints au niveau du sol, c’est-à-dire les fleurs, seraient des étoiles, et estime que la Jérusalem céleste prend les airs d’un château fort19. Bien que critique vis-à-vis du travail de Seguin, il se livre à une interprétation de certains détails qu’il n’avait probablement pas remarqués sur place. Ce faisant, par sa lecture biaisée, il influence à son insu le copiste de Charly qui, suivant les corrections de Mérimée, transforme les points rouges de Seguin en étoiles tombées du ciel. Reste à comprendre pourquoi, tout en corrigeant cet élément de moindre importance d’après les remarques de Mérimée, il n’en a pas fait autant des sept têtes et dix cornes…

19En réalité, les deux panneaux de Charly sont la copie d’une copie, ils héritent des erreurs d’interprétation de Gérard Seguin que le succès éditorial de la monographie de Mérimée contribue à diffuser. L’abbé Lenoir, soucieux de reproduire un cycle apocalyptique fidèle à l’esprit médiéval, procède donc à une reconstitution en s’appuyant sur les travaux récents de Prosper Mérimée, témoignant de ce fait de l’influence et de la réputation dont jouissait le premier inspecteur en chef des monuments historiques auprès de ses contemporains. La référence à Saint-Savin dans ce petit village du Berry prouve la notoriété acquise des peintures de l’édifice grâce à la médiation de Mérimée.

Un choix révélateur de la sensibilité religieuse du xixe siècle

  • 20 L’abbé Lenoir précise que les Vieillards et les élus lavant leur robe dans le sang de l’Agneau ont (...)

20Ces libertés stylistiques et iconographiques résultent d’une mauvaise lecture des scènes de l’Apocalypse de Saint-Savin. Mais au-delà de la piètre qualité de la copie, les deux scènes « réemployées » dans un ensemble bien différent attestent d’une réinterprétation de l’épisode en rapport avec l’évolution de la sensibilité religieuse au xixe siècle. En effet, la préférence du chapitre 12 par rapport à un autre ne semble pas très cohérente si l’on s’en réfère aux autres scènes conservées dans l’abside de Charly. Fortement reprises au xixe siècle, il est difficile de déterminer leur cohérence originelle, mais il est certain que la tentative de restitution du curé Lenoir est relativement éloignée du programme d’origine20.

  • 21 De nombreux ecclésiastiques publient sur la question, insistant sur le caractère catéchétique des i (...)
  • 22 LENOIR Pierre-Marie (abbé), op. cit., p. 33.

21Avant tout, la lecture des peintures que développe l’abbé Lenoir est révélatrice de l’état d’esprit de la plupart des ecclésiastiques du xixe siècle, aux yeux desquels l’église médiévale est une « Bible de pierres », les images sculptées ou peintes ayant cette capacité à traduire visuellement la Bible, devenant de ce fait un véritable « catéchisme en images » à l’intention de ceux qui ne savent pas lire21. Le curé Lenoir lui-même s’exclame : « Pour quelle raison a-t-on recouvert ces pieuses images si propres à parler aux yeux des fidèles22 ? » C’est donc assez logiquement que les peintures de son église deviennent à ses yeux l’illustration du livre de l’Apocalypse, illustration perçue comme linéaire et ordonnée, chapitre par chapitre. Sa volonté de restitution du décor originel est donc animée par cette volonté de combler les lacunes pour ne pas perdre une page de l’Apocalypse : s’il manque un chapitre, il faut l’ajouter. Or, le peu que nous connaissons du programme initial est que ces autres « chapitres » de l’Apocalypse illustrés dans l’abside de Charly se rapportaient tous initialement à une théophanie, ce qui explique leur proximité de l’autel, lieu de l’Incarnation : l’adoration de l’Agneau, le Christ absidal. Même s’il est complexe de retrouver la logique initiale en raison des repeints successifs, il apparaît clairement qu’une scène de combat n’a aucun sens au milieu de ces multiples adorations et théophanies, qui plus est à proximité de l’autel… à moins d’y voir une « épiphanie mariale ».

  • 23 BURNET Régis, art. cit. ; LOBRICHON Guy, « Réécritures d’une guerre apocalyptique : la Femme et le (...)
  • 24 CHRISTE Yves, L’Apocalypse de Jean. Sens et développements de ses visions synthétiques, op. cit. ; (...)
  • 25 À propos de la couleur bleu, lire PASTOUREAU Michel, Bleu. Histoire d’une couleur, Paris, Éditions (...)

22Pendant longtemps, l’exégèse médiévale considérait la Femme du chapitre 12 comme une simple image de l’Église, enfantant les baptisés dans la douleur, confrontée aux assauts du Dragon, lui-même image du mal et de ses ramifications23. Mais en dépit de fréquentes comparaisons entre l’Église et la Vierge, il faut attendre un développement plus poussé de la mariologie pour que la Femme de l’Apocalypse ne soit définitivement assimilée à la Vierge Marie et son enfant au Christ. Cela survient en deux temps, d’abord au xiie siècle, puis définitivement au xixe siècle24. Lorsque les peintures de Saint-Savin sont réalisées, au xie siècle, il n’est pas encore question d’y voir une référence à la Vierge Marie. Il s’agit simplement d’une Femme-Église, dont la couleur bleu-grisâtre du vêtement ne peut être considérée comme un écho à Marie puisque le bleu ne remplace le pourpre qu’à partir du xiisiècle, soit un siècle plus tard25. Au xixe siècle, la mariologie connaît un succès fulgurant, au point que la Femme du chapitre 12 devient la Vierge Marie. Si, sur le relevé de Seguin, le vêtement blanc de la Femme relève de l’oubli de colorier certaines parties de la scène, cette même couleur blanche à Charly renvoie inconsciemment au vêtement blanc de la Vierge, que l’on retrouve notamment dans la statuaire de Notre-Dame de Lourdes.

23Le renouveau de dévotion mariale que connaît la deuxième moitié du xixe siècle est en grande partie la conséquence des différentes apparitions de la Vierge qui se succèdent sur le territoire national. Retenons principalement deux d’entre elles : l’apparition de la rue du Bac à Paris et celle de Lourdes. La première survient en 1830. Sa principale conséquence iconographique est la diffusion de la « médaille miraculeuse » montrant la Vierge Marie, droite sur un globe, foulant de son pied un dragon. Elle n’est certes pas couronnée d’étoiles mais un regard rapide sur le revers de la médaille laisse apercevoir les douze étoiles, ici comprises comme le symbole des douze apôtres. La statue de Notre-Dame de Lourdes, quant à elle, montre une Vierge similaire, debout sur un globe et terrassant un serpent. L’apport du xixe siècle à l’iconographie de la Vierge est de lui attribuer certaines caractéristiques de la Femme de l’Apocalypse : le globe et le serpent. Le combat de l’Église contre le mal devient celui de la Vierge contre le Démon. Même sans avoir lu l’exégèse assimilant la Vierge à la Femme de l’Apocalypse, aux yeux des fidèles, ces deux éléments suffisent pour y reconnaître Marie, nouvelle Ève qui terrasse le Dragon et est mordue au talon en retour.

24Le choix de l’abbé Lenoir, a priori incohérent dans une logique médiévale, prend tout son sens dans le contexte religieux de l’époque. À la référence médiévale par le choix d’une reproduction de deux scènes de Saint-Savin s’ajoute une nouvelle lecture exégétique de l’épisode apocalyptique en question, révélant ainsi l’évolution des sensibilités au fil des siècles et la relecture d’une peinture médiévale qu’elle engendre. La référence au Moyen Âge est ici accompagnée d’une relecture propre au xixe siècle et une scène initialement dépourvue de toute connotation mariale devient le reflet et le support de la dévotion à la Vierge particulièrement éclatante que connaît le xixe siècle. Il s’agit là d’une forme de médiévalisme religieux propre au xixe siècle : une peinture médiévale est copiée et « réemployée » d’après la relecture exégétique qui en est faite.

  • 26 À noter que les apparitions mariales de Pontmain surviennent en 1870, en même temps que la capitula (...)
  • 27 THENARD-DUVIVIER Franck, « Les images de saint Michel en Normandie (xiiie-xixe siècle) », Études no (...)

25Quant à saint Michel, le renouveau de son culte est en grande partie liée à la réhabilitation du Mont-Saint-Michel qui, devenu prison, est rendu à son usage initial en 1863. Comme la Vierge, l’archange terrasse le Dragon et c’est dans cette posture qu’il apparaît au sommet du Mont-Saint-Michel et de nombreux autres édifices religieux reconstruits après la Révolution. Protecteur de la France, sa popularité est également liée aux conflits opposant la France à ses voisins, notamment la Prusse en 187026. La Vierge et saint Michel écrasent tous deux le Dragon et ce faisant, protègent le pays en proie aux tensions. Saint Michel accompagne également Jeanne d’Arc27 et, par sa qualité angélique, prince des armées du Ciel, il surpasse saint Georges, patron de l’Angleterre, lui aussi vainqueur d’un dragon.

26La particularité de la « restauration », à la manière du xixe siècle, des peintures de l’église de Charly, est que son commanditaire n’est pas mandaté par les Monuments historiques, comme cela a pu être le cas en parallèle à Saint-Savin. L’initiative émane d’un ecclésiastique, soucieux de redonner à son église affectée par les ans et les ravages de la Révolution un peu de sa gloire d’antan. Pour cela, il se documente et entreprend ce qui s’apparente à une restitution, s’appuyant sur d’autres ensembles peints dont il a connaissance via les travaux de ses contemporains, notamment de Prosper Mérimée. Mais, derrière cette restitution savante de l’abside transparaît le regard propre aux ecclésiastiques du xixe siècle pour lesquels cette Bible illustrée, héritage des siècles, renouvelle leur propre ferveur et celle de leurs fidèles.

Conclusion

  • 28 ANGHEBEN Marcello (dir.), Les Peintures de la nef de Saint-Savin, Turnhout, Brepols, à paraître 202 (...)
  • 29 Localement, l’église de Charly fait partie d’un ensemble d’édifices romans berrichons répartis dans (...)

27Les restaurations du xixe siècle sont régulièrement critiquées, souvent décriées. L’esprit de conservation qui animait les restaurateurs de ce temps les a parfois amenés à agir au détriment de l’original, laissant dire à certains qu’ils agissaient en « vandales ». Mérimée lui-même critiquait les « barbouilleurs » de Saint-Savin qui défigurèrent Ève, l’affublant d’une barbe pour l’avoir confondue avec Adam28. Mais en dépit de ces erreurs parfois grotesques, toutes ces initiatives témoignent de la prise de conscience patrimoniale propre au xixe siècle, et de ce que fut le balbutiement des restaurations de peintures murales. À Charly, les « peintures médiévales fortement restaurées » décrites par les dépliants de l’office du tourisme29 sont en réalité un ensemble peint du xixe siècle, réalisé dans un esprit de restauration, et inspiré d’un ensemble peint roman emblématique. De ce fait, elles témoignent de l’influence de Prosper Mérimée sur la connaissance et la préservation des peintures murales médiévales.

28Les deux panneaux de Charly, comme les relevés de Seguin, ne sont donc que d’une aide très réduite si tant est que l’on cherche à retrouver un état antérieur des peintures de Saint-Savin ou de Charly. Ils attestent en revanche de l’engouement pour l’époque médiévale que connaît le xixe siècle, notamment dans la sphère religieuse où elle sert de référence pour le renouveau du catholicisme postrévolutionnaire. Comme l’architecture néogothique et néoromane fait renaître le temps des bâtisseurs de cathédrale, la peinture monumentale médiévale devient la « Bible des illettrés » au service de l’instruction des fidèles. À côté du romantisme de Viollet-le-Duc peuplant de chimères les toitures de Notre-Dame se développe un autre médiévalisme, religieux celui-ci, qui n’hésite pas à emprunter au Moyen Âge, défini comme l’apogée de l’art chrétien, pour nourrir la ferveur de ses contemporains. Si aujourd’hui restaurer consiste souvent en un nettoyage des peintures, accompagnant leur consolidation, à l’époque il s’agit clairement d’un retour à un état complet réel ou imaginé de l’édifice, ce qui se fait parfois au service d’une autre restauration, celle de la foi.

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Notes

1 LENOIR Pierre-Marie (abbé), De la peinture murale dans les monuments religieux du Moyen Âge et des fresques de l’église de Charly, Bourges, É. Just-Bernard, 1868. L’église de Charly est indexée sur la base Mérimée (https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00096761 [lien valide en juin 2024]).

2 Le classement MH comprend l’église avec signalement de ses peintures, sculptures et vitraux. À ce jour, cette campagne de restauration des peintures est la seule recensée. Les seuls travaux entrepris depuis concernent le clocher dans les années 1930. En dépit de leur bonne lisibilité et de la bonne conservation de leurs couleurs, des lacunes sont toutefois à signaler sur les deux scènes étudiées, puisque par endroit la couche picturale est tombée. Ces lacunes risquent de s’aggraver avec le temps. Voir https://archivesmap.culture.gouv.fr/archive/resultats/simple/lineaire/FRAMAP_8118/n:19?RECH_S=PA00096761&type=simple [lien valide en juin 2024].

3 MERIMÉE Prosper, Notice sur les peintures de l’église de Saint-Savin, Paris, Imprimerie royale, « Collection de documents inédits sur l’histoire de France », 1845.

4 Sur le découpage médiéval de l’Apocalypse et les commentaires de la Bible au Moyen Âge : RICHÉ Pierre & LOBRICHON Guy (dir.), Le Moyen Âge et la Bible, Paris, Beauchesne, coll. « Bible de tous les temps », 1984 ; CHRISTE Yves, L’Apocalypse de Jean. Sens et développement de ses visions synthétiques, Paris, Picard, coll. « Bibliothèque des Cahiers archéologiques », 1996 ; BURNET Régis, « D’où viennent nos clefs de lecture de l’Apocalypse ? Auslegungsgeschichte de l’épisode de la femme et du dragon. », in YARBRO COLLINS Adela (dir.), New Perspectives on the Book of Revelation, Louvain/Paris/Bristol, Peeters, coll. « Bibliotheca ephemeridum theologicarum Lovaniensium », 2017, p. 315-332.

5 À propos du porche de Saint-Savin : FAVREAU Robert (dir.), Saint-Savin, l’abbaye et ses peintures murales, Poitiers, Connaissance et promotion du patrimoine de Poitou-Charentes, 1999 ; CHRISTE Yves, « À propos des peintures murales du porche de Saint-Savin », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, vol. 16, 1985, p. 221-243 ; KURMANN-SCHWARZ Brigitte, « Les peintures du porche de l’église abbatiale de Saint-Savin : étude iconographique », Bulletin Monumental, t. 140-4, 1982, p. 273-304 ; YOSHIKAWA Itsuji, L’Apocalypse de Saint-Savin, Paris, Éditions d’art et d’histoire, 1939.

6 Par exemple la photographie de Maurice Thaon, en ligne sur la base Mémoire sous la référence APMH0175053, (https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APMH0175053 [lien valide en juin 2024]), ou celle encore plus ancienne d’Eugène Lefèvre-Pontalis sous la référence APLP010652 (https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/memoire/APLP010652 [lien valide en juin 2024]).

7 LENOIR Pierre-Marie (abbé), op. cit. Sur l’église de Charly, chapitres V, VI et VII, p. 37-76.

8 Ibid., p. 33.

9 VIOLLET-LE-DUC Eugène, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du xie au xvie siècle, Paris, B. Bance, 1854-1868, t. VIII, art. Restauration, 1866, p. 14.

10 Certaines théophanies peuvent être inspirées de l’Apocalypse sans pour autant relater linéairement et intégralement le chapitre correspondant. Sur ce sujet, lire BARRAL i ALTET Xaxier, « L’iconographie de caractère synthétique et monumental inspiré de l’Apocalypse dans l’art médiéval d’Occident (ix-xiiie siècles) », in CHRISTE Yves, L’Apocalypse de Jean. Traditions exégétiques et iconographiques, iiie-xiiie siècles, Genève, Droz, coll. « Études et documents publiés par la Section d’histoire de la Faculté des lettres de l’Université de Genève », 1979, p. 187-216. Pour des exemples de théophanies absidales non narratives, ANGHEBEN Marcello, « Théophanies absidales et liturgie eucharistique. L’exemple des peintures romanes de Catalogne et du nord des Pyrénées comportant un séraphin et un chérubin », in GUARDIA Milagros & MANCHO Carles (dir.), Les Fonts de la pintura romànica, symposium international, Barcelone, 11-15 février 2004, Barcelone, Publicacions i Edicions de la Universitat de Barcelona, 2008, p. 57-95.

11 Les peintures de Saint-Savin ont longtemps été attribuées au xiie siècle. Actuellement, la campagne de peintures est rattachée à la seconde moitié du xie siècle. ANGHEBEN Marcello (dir.), Les Peintures de la nef de Saint-Savin, Étude interdisciplinaire, Turnhout, Brepols, à paraître 2024.

12 BARBIER Claire, L’Arche d’alliance dans les édifices religieux catholiques en France, du ixsiècle au concile de Trente, mémoire de master 2 sous la direction d’Éric Limousin, Lorient, Université de Bretagne-Sud, 2020.

13 En raison d’une exposition prolongée à la lumière, le combat de saint Michel est très effacé à Saint-Savin. Il est particulièrement difficile de le comparer avec sa copie du xixsiècle. La tête du dragon peint à Charly semble assez proche de l’original savinien, ce qui n’est clairement pas le cas du même Dragon affrontant la Femme juste en face.

14 LENOIR Pierre-Marie (abbé), op. cit., p. 84.

15 La terminologie employée par le curé est reprise de manière à mieux refléter ses intentions et ce en dépit de l’évolution du concept de restauration depuis le xixe siècle. LEVEAU Pierre, « L’évolution du concept de restauration aux xixe et xxsiècles », Conservation-restauration des biens culturels, no 25, 2007, p. 3-11.

16 Sur les relevés de Seguin et les autres campagnes de relevés : VAN de MOORTELE Sylviane (dir.), De fresque en aquarelle. Relevés d’artistes sur la peinture murale romane, cat. exp., 22 oct. 1993-17 janv. 1994, abbaye de Saint-Savin, Centre international d’art mural et musée national des Monuments français, Paris, Réunion des musées nationaux, 1994 ; JEANNEST Élodie, « Les relevés de peintures murales de Saint-Savin-sur-Gartempe aux xixe et xxe siècles : l’aquarelle au service de la restauration », Bulletin Monumental, t. 169-2, 2011, p. 115-126.

17 Des observations supplémentaires sont formulées dans MÉRIMÉE Prosper, Études sur les arts du Moyen Âge [1875], Paris, Arts et métiers graphiques/Flammarion, coll. « Images et idées », 1967 ; Id., Correspondance générale de Prosper Mérimée, éd. Maurice Parturier, Pierre Josserand et Jean Mallion, Paris, Toulouse, Le Divan, Privat, 1941-1964, t. 4, 1844-1846, 1945.

18 VAN de MOORTELE Sylviane (dir.), op. cit., p. 74.

19 MERIMÉE Prosper, Notice sur les peintures de l’église de Saint-Savin, op. cit., p. 99-100. À propos du combat de saint Michel contre le Dragon, Mérimée commente principalement l’armement de la troupe céleste illustré par la planche IV. Hormis un jugement qui lui fait comparer la selle de la monture de l’archange avec un harnachement oriental, ses observations correspondent en partie à ce que la peinture laisse apparaître aujourd’hui.

20 L’abbé Lenoir précise que les Vieillards et les élus lavant leur robe dans le sang de l’Agneau ont disparu. Les repeints résultent bien de la même campagne de « restauration » que les deux panneaux représentant Apocalypse 12, même si le style y est très différent.

21 De nombreux ecclésiastiques publient sur la question, insistant sur le caractère catéchétique des images monumentales (GUILLERMIN des SAGETTES Jean-Claude [abbé], Essai. Sur l’art chrétien. Son principe, ses développements, sa renaissance, Paris, V. Didron, 1853 ; LAMBERT Louis-Marie, Catéchisme illustré à l’usage du diocèse de Paris, Belin, Le Prieur et Morizot, 1834 ; Grand catéchisme en images, Maison de la Bonne Presse,1893, dont un exemplaire est référencé sur la base Palissy, PM73003733, https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/palissy/PM73003733 [lien valide en juin 2024]. Sur cette question, lire : SAINT-MARTIN Isabelle, « L’image “Bible des pauvres”, du postulat grégorien au mythe romantique, l’efficacité d’un argument fondateur », in PLESCH Véronique, MACLEOD Catriona & BAETENS Jan (dir.), Efficacité/Efficacy: How to do Things with Words and Images?, Amsterdam, New York, Rodopi, coll. « Word & Image Interactions », 2011, p. 27-38.

22 LENOIR Pierre-Marie (abbé), op. cit., p. 33.

23 BURNET Régis, art. cit. ; LOBRICHON Guy, « Réécritures d’une guerre apocalyptique : la Femme et le Dragon (Apocalypse 12) aux xie-xive siècles », in FERRER Véronique & VALETTE Jean-René (dir.), Écrire la Bible en français au Moyen Âge et à la Renaissance, Genève, Droz, coll. « Travaux d’humanisme et Renaissance », 2017, p. 573-591, LOBRICHON Guy, « La femme d’Apocalypse 12 dans l’exégèse du haut Moyen Âge latin », in IOGNA-PRAT Dominique, RUSSO Daniel & PALAZZO Éric (dir.), Marie. Le culte de la Vierge dans la société médiévale, Paris, Beauchesne, 1996, p. 407-439. L’exégèse s’est longtemps focalisée sur l’interprétation du Dragon. Bien que la Femme de l’Apocalypse soit considérée comme une figura de la Vierge Marie par certains auteurs médiévaux, l’assimilation totale de l’une à l’autre ne survient que tardivement. Dès le viiie siècle, Ambroise Autpert développe une lecture mariale de l’épisode. Mais l’accouchement douloureux de la Femme de l’Apocalypse, inconciliable avec la virginité mariale et sa naissance immaculée, freine l’assimilation totale de l’une à l’autre. Marie, Nouvelle Ève et Mère du Christ, ne peut avoir subi les douleurs de l’accouchement, conséquences de la Faute originelle. Ce n’est donc qu’au xixe siècle, du fait de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception (1854), que l’assimilation totale est effectuée. La Vierge étant officiellement reconnue comme exempte de la Faute originelle, la comparaison/assimilation avec la Femme de l’Apocalypse redevient possible sans mettre en cause sa naissance immaculée et sa virginité.

24 CHRISTE Yves, L’Apocalypse de Jean. Sens et développements de ses visions synthétiques, op. cit. ; KLEIN Peter, « Les Apocalypses romanes et la tradition exégétique », Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, t. 12, 1981, p. 123-140 ; KUPFER Marcia, « L’église peinte comme autoreprésentation institutionnelle au xiie siècle : le cas du centre de la France », in L’Emplacement et la fonction des images dans la peinture murale du Moyen Âge, Actes du 5e Séminaire international d’art mural, 16-18 septembre 1992, Saint-Savin, Centre international d’art mural, 1992, p. 71-87.

25 À propos de la couleur bleu, lire PASTOUREAU Michel, Bleu. Histoire d’une couleur, Paris, Éditions du Seuil, 2000. Dans la tribune de Saint-Savin, le maphorion de la Vierge est rouge. C’est le cas également la Vierge portière plus tardive, réalisée sans doute aux alentours de 1100.

26 À noter que les apparitions mariales de Pontmain surviennent en 1870, en même temps que la capitulation de Sedan.

27 THENARD-DUVIVIER Franck, « Les images de saint Michel en Normandie (xiiie-xixe siècle) », Études normandes, 57e année, no 4, 2008, p. 27-40.

28 ANGHEBEN Marcello (dir.), Les Peintures de la nef de Saint-Savin, Turnhout, Brepols, à paraître 2024.

29 Localement, l’église de Charly fait partie d’un ensemble d’édifices romans berrichons répartis dans les départements de l’Indre et du Cher. Certains, plus connus, conservent leurs peintures d’origine (Chalivoy-Milon, Nohant-Vic, Brinay). La plupart de ces ensembles peints furent retrouvés au xixe siècle. Celui de Charly est le seul que les restaurations affectèrent autant, au point de le classer à part. Les dépliants touristiques (Berry roman) élaborés par l’office du tourisme du Cher et de l’Indre signalent que les peintures furent « trop restaurées » et « les interventions des restaurateurs confèrent à l’ensemble une allure byzantine et hiératique très différente des fresques authentiques de la région » : https://www.calameo.com/berry-province/read/0000846794ae8424aeb3f [lien valide en juin 2024].

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Peintures du chœur et de l’abside de l’église Notre-Dame, Charly (Cher).
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Titre Figure 2
Légende « Combat de la Femme contre le Dragon », église Notre-Dame, Charly (Cher).
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Titre Figure 3
Légende « Combat de saint Michel contre le Dragon », église Notre-Dame, Charly (Cher).
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Titre Figure 4
Légende Cycle de l’Apocalypse, vestibule, abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne).
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Titre Figure 5
Légende « Combat de la Femme contre le Dragon », abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne).
Crédits © Brouard / Photothèque CESCM.
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Titre Figure 6
Légende « Combat de saint Michel contre le Dragon », abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne).
Crédits © Brouard / Photothèque CESCM.
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Titre Figure 7
Légende « Combat de saint Michel contre le Dragon », abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne). Détail de la tête du Dragon.
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Titre Figure 8
Légende Peintures de l’abside de l’église Notre-Dame, Charly (Cher).
Crédits © Crosland / Photothèque CESCM.
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Titre Figure 9
Légende « Combat de la Femme contre le Dragon », détail du visage de la Femme, église Notre-Dame, Charly (Cher).
Crédits © Crosland / Photothèque CESCM.
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Titre Figure 10
Légende « Combat de la Femme contre le Dragon », détail du visage de la Femme et de l’étoile ornant son nimbe, abbatiale de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne).
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Titre Figure 11 
Légende « Combat de la Femme contre le Dragon », relevé de Gérard Seguin, 1840, illustration que l’on retrouve dans la Notice sur les peintures de Saint-Savin de Prosper Mérimée, pl. III1845.
Crédits © Archives.org, Domaine public. Également en ligne sur la base Mémoire : https://www.pop.culture.gouv.fr/​notice/​memoire/​APPM005916 [lien valide en juin 2024].
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Titre Figure 12
Légende « Combat de saint Michel contre le Dragon », relevé de Gérard Seguin de 1840, illustration que l’on retrouve dans la Notice sur les peintures de Saint-Savin de Prosper Mérimée, pl. IV, 1845.
Crédits © Archives.org, Domaine public. Également en ligne sur la base Mémoire : https://www.pop.culture.gouv.fr/​notice/​memoire/​APPM005915 [lien valide en juin 2024].
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Pour citer cet article

Référence électronique

Claire Boisseau, « Restaurer les peintures murales de l’église Notre-Dame de Charly (Cher) au xixe siècle »In Situ [En ligne], 53 | 2024, mis en ligne le 20 juin 2024, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42180 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/122po

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Auteur

Claire Boisseau

Chargée de recherche CNRS, Centre André-Chastel (UMR 8150)

claire.boisseau@cnrs.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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