VERSAILLES, COMPIÈGNE ET FONTAINEBLEAU. À LA REDÉCOUVERTE D’UN PATRIMOINE THÉÂTRAL LONGTEMPS NÉGLIGÉ
Résumés
Méconnu, le patrimoine des seuls théâtres de cour conservés en France, au sein des châteaux de Versailles, de Compiègne et de Fontainebleau, fait aujourd’hui l’objet d’une attention nouvelle. Les décors de scène conservés constituent les derniers témoignages d’un fonds commun, celui des Menus Plaisirs, et une exceptionnelle évocation de l’art théâtral du xixe siècle. À travers les expériences singulières menées à Versailles, Compiègne et Fontainebleau se confirment la reconnaissance de ces richesses insoupçonnées et leur transmission. L’étude de ces décors de scène et des machineries de théâtre, leur inventaire, leur conservation et leur présentation sont au cœur d’une réflexion globale, issue de la redécouverte de ce patrimoine matériel et immatériel, embrassant la manière de planter ces décors sur scène, de les révéler par la lumière, de les animer pour en comprendre le potentiel scénographique et de les restaurer voire de les compléter.
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Mots-clés :
théâtre de cour, machinerie théâtrale, décors de scène, peinture à la détrempe, authenticité, Versailles, Fontainebleau, Compiègne, châteauKeywords:
court theatre, theatre machinery, stage sets, distemper, authenticity, Versailles, Fontainebleau, Compiègne, châteauTexte intégral
Figure 1
Le décor du Palais gothique (vers 1846), aujourd’hui dans les collections du château de Fontainebleau, planté sur la scène du théâtre de la Reine en 2018, à l’occasion de l’exposition « Louis-Philippe à Versailles ». Offrant un plan de décor supplémentaire par rapport à Fontainebleau (7 au lieu de 6), le théâtre de la Reine a permis de montrer le décor dans sa plus grande profondeur, tel qu’il avait été conçu, vraisemblablement pour le théâtre provisoire du château d’Eu.
© Thomas Garnier / EPV.
- 1 Les théâtres portatifs sont des scènes et des gradins construits pour des circonstances particulièr (...)
1Parmi toutes les salles de spectacles qui furent aménagées dans les résidences royales et impériales bien peu ont survécu. La salle des Machines des Tuileries, la salle des Ballets de Saint-Germain, le théâtre de l’Aile neuve et celui de la cour des Princes à Versailles, le théâtre de Saint-Cloud, le théâtre de Louis XV à Fontainebleau, sans compter les scènes provisoires des « théâtres portatifs1 », tous ces ensembles ont aujourd’hui disparu, emportant avec eux un patrimoine artistique et technique d’une grande variété et d’une richesse incomparable, que seules les archives – heureusement abondantes – permettent encore d’évoquer. Mais à Versailles, Compiègne et Fontainebleau subsistent des salles qui rappellent l’importance du théâtre dans la vie de cour. D’un grand intérêt architectural et décoratif, ces trois ensembles conservent en outre des éléments de machinerie ainsi que des collections de décors de scène du xixe siècle dont l’importance historique, artistique et technique s’est peu à peu imposée grâce à un nouveau regard posé sur eux au cours de ces dernières décennies.
2Des trois théâtres de cour de Versailles, Compiègne et Fontainebleau se dégage une histoire singulière qui nourrit plus largement celle des fastes des spectacles royaux et impériaux. À travers les réflexions liées à la restauration de ces ensembles créés pour la magie du spectacle et les modalités de leur ouverture ou de leur fonctionnement au sein de châteaux-musées s’affirme une démarche commune d’échanges, de pratiques et de transmission d’un patrimoine matériel et immatériel.
- 2 Ceux de Versailles furent enregistrés en 2011, ceux de Fontainebleau en 2010. Seuls ceux de Compièg (...)
3Le cas de ces trois théâtres souligne effectivement une volonté de préserver l’authenticité de ces lieux d’exception, fragiles et fascinants. Ils sont chacun intégrés à un musée national et plus particulièrement à un château-musée. Autrefois organes de la vie de cour, ils sont devenus des lieux patrimoniaux, entrant dans le champ des missions de conservation et de transmission des établissements, bien que l’inscription sur les inventaires des collections des décors de scène soit toute récente2. Les approches des trois établissements sont donc motivées prioritairement par la préservation d’un héritage dont la matérialité nécessite cependant une réflexion plus importante sur la manière de faire vivre ces lieux. Elles intègrent les contraintes d’échelle – celle des décors et de leur manipulation –, les enjeux de leur sauvegarde à travers une politique de restauration et ceux de leur compréhension par une présentation au public sous diverses formes. En effet, un décor démonté, dont les châssis sont soigneusement rangés, ne peut être compris et s’offrir comme un tout, d’où cet engagement à installer sur la scène un décor – voire à le compléter –, à l’éclairer en restituant les dispositifs anciens, à effectuer des démonstrations de fonctionnement de la machinerie pour comprendre les effets que l’outil théâtre peut créer, voire à créer une maquette de la cage de scène pour expliciter les ressorts d’une disposition ou d’un changement de décor. La présentation à échelle réduite rend aisément compréhensibles les fonctionnalités de la machinerie et la manière d’implanter les décors.
4Présent dans ce numéro, l’entretien de Jean-Paul Gousset, ancien directeur technique de l’Opéra royal de Versailles, témoigne de ces recherches et des travaux qu’il a menés à Versailles, où la présence d’une équipe de machinistes à demeure, maîtrisant les arcanes d’une mécanique d’Ancien Régime ou du xixe siècle et possédant les compétences étendues en termes de machinerie, de menuiserie, de peinture ou d’éclairage, offre un guide sensible et une ressource précieuse pour prolonger la tradition léguée par le service des Menus Plaisirs, département dépendant de la Chambre du roi et chargé de l’organisation des fêtes et divertissements de la cour. Cette équipe est implantée au théâtre de la Reine, qu’elle contribue à présenter au public tout en menant un véritable travail de recherche appliquée sur l’ensemble de ces techniques. De son côté, Fontainebleau, heureux bénéficiaire d’un mécénat, a ainsi pu faire la démonstration d’un théâtre-musée en fonctionnement depuis sa restauration. En dépit des contraintes de programmation de travaux pour Compiègne, gageons que la restauration de son théâtre en révélera l’éclat et viendra enrichir la connaissance de ceux de Versailles et de Fontainebleau. Cet ensemble unique en son genre aura ainsi repris tout son sens.
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« Versailles, Compiègne et Fontainebleau. À la redécouverte d’un patrimoine théâtral longtemps négligé »
de Vincent Cochet, Étienne Guibert et Raphaël Masson introduit les articles suivants :
- Jean-Paul Gousset, de l’Opéra de Paris aux théâtres des palais nationaux : à l’origine de la redécouverte d’un patrimoine oublié. Entretien mené par Raphaël Masson
Raphaël Masson et Jean-Paul Gousset - Versailles : le théâtre de la Reine à Trianon, musée et conservatoire
Raphaël Masson et Kyriaki Tsesmeloglou - Compiègne, une restauration attendue
Étienne Guibert - Fontainebleau, le cadet des théâtres de cour
Vincent Cochet, Émilie Énard, Élodie Remazeilles, Nina Robin et Alexia Soldano
Notes
1 Les théâtres portatifs sont des scènes et des gradins construits pour des circonstances particulières à l’intérieur des résidences royales, tel celui mis en place dans l’escalier des Ambassadeurs à Versailles sous le règne de Louis XV. Ils peuvent être montés ou enlevés à la demande.
2 Ceux de Versailles furent enregistrés en 2011, ceux de Fontainebleau en 2010. Seuls ceux de Compiègne apparaissent sur l’inventaire B dressé en 1894.
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Titre | Figure 1 |
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Légende | Le décor du Palais gothique (vers 1846), aujourd’hui dans les collections du château de Fontainebleau, planté sur la scène du théâtre de la Reine en 2018, à l’occasion de l’exposition « Louis-Philippe à Versailles ». Offrant un plan de décor supplémentaire par rapport à Fontainebleau (7 au lieu de 6), le théâtre de la Reine a permis de montrer le décor dans sa plus grande profondeur, tel qu’il avait été conçu, vraisemblablement pour le théâtre provisoire du château d’Eu. |
Crédits | © Thomas Garnier / EPV. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/42053/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,6M |
Pour citer cet article
Référence électronique
Vincent Cochet, Étienne Guibert et Raphaël Masson, « VERSAILLES, COMPIÈGNE ET FONTAINEBLEAU. À LA REDÉCOUVERTE D’UN PATRIMOINE THÉÂTRAL LONGTEMPS NÉGLIGÉ », In Situ [En ligne], 53 | 2024, mis en ligne le 18 juin 2024, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/42053 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/122pi
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