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Préserver les lieux de spectacle, leur patrimoine mobilier comme immobilier

Machines de théâtre et théâtres-machines des années 1960-1970

Conflit entre mémoire et usage
Machines for the theatre and theatre-machines during the 1960s and 1970s. Conflicts between memory and use
Sandrine Dubouilh

Résumés

En 1961, lors du colloque de Royaumont, le peintre et scénographe René Allio énonce un principe devenu une règle, celui du « théâtre comme instrument », plaidant pour l’efficacité de l’outil scénique, dans une période de forte remise en question du théâtre à l’italienne. Les tentatives de mise en œuvre de machineries expérimentales répondant aux aspirations de l’époque ont été rares, et peu couronnées de succès. De cette période, seule la maison de la culture d’Amiens conserve une trace physique encore potentiellement exploitable. Assurer l’activité régulière d’un théâtre ne laisse pas de place à la conservation de scènes inadaptées ou dysfonctionnelles. Pour autant, avec ces équipements disparaissent les jalons d’une histoire riche en questionnements et en expériences.

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Texte intégral

  • 1 Cette appellation « théâtres historiques » a été proposée par Marcel Freydefont en 1993 lors du col (...)

1Au cours des trente dernières années, plusieurs théâtres de la seconde moitié du xxe siècle ont fait l’objet de rénovations plus ou moins respectueuses des partis pris d’origine. La difficulté d’exploitation explique souvent le choix de ne pas conserver des lieux devenus obsolètes. Certains d’entre eux témoignaient cependant de prises de position fortes dans ces années de remise en question du modèle dominant d’alors. Étaient-ils à ce titre des théâtres historiques1 ?

  • 2 Nous indiquerons dans cet article les années de livraison des projets.
  • 3 Pierre Sonrel (1903-1984) s’est en effet imposé comme le premier architecte français spécialiste de (...)
  • 4 Notre thèse de doctorat était consacrée à l’architecture théâtrale de la période 1945-1968, étude é (...)

2Pour qui a eu la possibilité de visiter le chantier du Théâtre national de l’Odéon avant sa réouverture en 2006, il est clair que dans l’actuelle salle, conçue par l’architecte en chef des monuments historiques Alain-Charles Perrot, pas une seule portion de surface visible ne remonte au-delà des années 2000. Pourtant, le plus grand soin a été apporté à la restitution d’un décor évocateur d’un théâtre construit sous l’Ancien Régime, choix qui n’a pas été fait par exemple pour la rénovation du théâtre d’Arras par les architectes Marie-Agnès Blond et Stéphane Roux en 20072. A contrario, une visite à l’opéra de Rouen, dessiné par Pierre Sonrel et inauguré en 1962, n’offre à la vue que de fades contreplaqués rose saumon masquant les balustres en laiton tandis que le grand lustre a été depuis longtemps déposé. Il ne reste rien des ornements voulus par l’architecte, auteur du Traité de scénographie et de nombreuses salles des années 19603. Une grande partie de notre recherche étant fondée sur ces théâtres de l’après-guerre4, nous avons fréquemment rencontré l’incompréhension des usagers, maîtres d’ouvrage ou maîtres d’œuvre, quand nous leur demandions si ces lieux, avant d’être rénovés, avaient été considérés comme des témoignages de leur époque, susceptibles d’éveiller des questionnements et des décisions sur leur conservation. Pourquoi ne pas faire bénéficier ces théâtres, héritiers de la démocratisation culturelle et des révolutions esthétiques qui ont animé le xxsiècle, de l’attention et du soin accordés à de plus anciens et moins en phase avec ces aspirations contemporaines ? C’est ce que nous allons nous attacher à questionner ici.

3Ouvrage symptomatique de cette prise de position, Théâtres, 4 siècles d’architectures et d’histoire, étude de Pierre Pougnaud publiée en 1980, s’ouvre ainsi :

  • 5 POUGNAUD Pierre, Théâtres, 4 siècles d’architectures et d’histoire, Paris, Le Moniteur, coll. « Arc (...)

Il y a de cela dix ans à peine, il était de bon ton de démolir les théâtres. Témoignages désuets, attendrissants ou dérisoires, d’un passé apparemment condamné, alors que les bons esprits estimaient que le spectacle ne devait trouver sa place que dans la rue, les usines ou dans les installations de fortune, voire ne pas être distingué de la vie quotidienne5.

  • 6 On pourrait citer de nombreux exemples parmi lesquels Max Reinhardt en Allemagne, connu pour son ex (...)
  • 7 Il s’agit du Théâtre Pigalle (Charles Siclis, 1929), du Théâtre des Champs-Élysées (Auguste Perret, (...)
  • 8 Rappelons que l’actuel Théâtre de la Ville a été aménagé dans les murs du Théâtre Sarah Bernhardt, (...)

4Les tentatives nombreuses au xxsiècle pour sortir des théâtres et repenser l’expérience des spectateurs, et ceci bien avant les années 19706, entrent alors en conflit avec cet héritage architectural, majoritairement légué par le Second Empire et la Troisième République. Les derniers chapitres de l’ouvrage de Pierre Pougnaud sont consacrés au xxsiècle, et si l’auteur concède quelque intérêt à des réalisations antérieures à 19307, en revanche, celles d’après-guerre ne reçoivent pas d’éloge, à l’exception de deux majeures de l’année 1968 : la maison de la culture de Grenoble (André Wogenscky) et le Théâtre de la Ville à Paris (Valentin Fabre et Jean Perrottet) et ceci en dépit du traitement alors infligé au Théâtre Sarah Bernhardt8. Pougnaud montre ainsi son intérêt pour des gestes architecturaux forts et des recherches scénographiques expérimentales. Car la mobilité de l’espace scénique et son appui sur une machinerie qui parfois ne s’arrête pas au plateau lui-même est le sujet majeur de cette période. Les solutions sont diverses et globalement, le bilan de ces expériences est jugé négatif, se résumant à l’échec d’outils inusités ou dysfonctionnels.

5Nous allons nous intéresser ici à ces lieux de spectacle des années 1960-1970, aux propositions scéniques qui les sous-tendaient et aux expériences parfois audacieuses qu’ils promouvaient, en mettant en avant la difficile question de l’éventuelle conservation des machineries scéniques dans un théâtre en ordre de marche.

Les plateaux des théâtres historiques et leur mise aux normes de la scénographie contemporaine

  • 9 Ces deux bornes correspondent au colloque du Puy-en-Velay puis à celui du Théâtre national de l’Odé (...)

6Pour aborder cette étude interrogeant la valeur patrimoniale des équipements scéniques, il n’est pas vain de rappeler quelques éléments des débats qui ont accompagné la transformation des théâtres à l’italienne depuis une trentaine d’années. Le dilemme entre la mémoire de ces scènes – et incidemment du spectaculaire qu’elles soutenaient – et la mise aux normes d’un outil de travail voué à une tout autre exploitation a été largement discuté dans des colloques et rencontres professionnelles entre 1993 et 20089.

  • 10 Rappelons que le plateau de théâtre traditionnel était en pente de manière à favoriser la perceptio (...)
  • 11 Théâtre de la ville d’Évreux, L’Univers actionné, document dactylographié, non daté, non paginé, co (...)
  • 12 Ibid.
  • 13 Le Tangram est un établissement public de coopération culturelle (EPCC) réunissant plusieurs struct (...)
  • 14 L’architecte Pierre Tisserand, membre de l’agence Opus 5 chargé de ce projet, évoque « la contraint (...)

7En 2018, le Théâtre Legendre d’Évreux (1902) a rouvert ses portes après treize années de travaux. Étonnamment, le plateau est en pente (4 %) et encore pourvu de ses costières et chariots dans le premier dessous10. Cette opération fait suite à plusieurs tentatives de mobilisation des pouvoirs publics dont le premier épisode s’est peut-être joué en 1986, lors d’une manifestation intitulée « L’Univers actionné » consacrée aux machineries de théâtre du xviisiècle11. Il s’agissait alors « de susciter dans l’avenir une opération de restauration complète des machineries anciennes, qui ferait du théâtre d’Évreux un théâtre-musée en même temps qu’un centre de création contemporaine12 ». Il aura donc fallu plus de trente ans pour que ce théâtre bénéficie des travaux attendus. Fabien Villeval, régisseur général du Tangram13, explique à propos de l’actuel plateau, qui accueille une quarantaine de spectacles chaque année, que les difficultés d’exploitation générées par la pente ne touchent pas tant les interprètes que l’accueil des décors, imposant des freins sur les éléments munis de roulettes et la compensation des châssis de décor pour assurer leur verticalité14.

8Le devenir des théâtres historiques, et notamment de l’outil de travail, a été très débattu entre la fin du xxe et le début du xxisiècle. Car si les principes du contrebalancement adoptés depuis le xviisiècle pour le fonctionnement des cintres sont restés, les plateaux, quant à eux, ont profondément changé pour s’adapter à des scénographies en volume et non plus constituées de décors plats. L’Association des théâtres à l’italienne (ATI), créée en 1994, a ainsi animé plusieurs rencontres et colloques pour attirer l’attention sur les spécificités de ces théâtres et poser les questions relatives à leur persistance aujourd’hui alors que tout a changé depuis leur construction15.

  • 16 Les actes de ce colloque ont été publiés par l’ATI sous le titre Rénover un théâtre. Un enjeu majeu (...)
  • 17 Cette nouvelle hauteur, dépassant celle autorisée par les règlements d’urbanisme, a été finalement (...)

9Lors du colloque organisé par l’ATI à l’Odéon en 2008, sept théâtres historiques rénovés avaient ainsi été présentés, montrant des cas très différents de relation à ce patrimoine16. Pour revenir au Théâtre national de l’Odéon, signalons la transformation de la scène dont le plateau mis à plat a été rabaissé de 1,30 mètre et la hauteur de la cage de scène augmentée17. Dans cette opération, l’image d’un théâtre du passé et les nécessités d’un plateau capable de soutenir la création contemporaine se conjuguent habilement. Le Théâtre du pays de Morlaix montre un choix différent, qui assume simultanément la modernisation du plateau et sa conservation. Ici, l’architecte en chef des monuments historiques Daniel Lefèvre et le scénographe Thierry Guignard ont certes mis à plat la scène, mais l’ancien plateau en pente est toujours là, dans les dessous. Dans les théâtres étudiés lors du colloque de 2008, trois d’entre eux, enfin, possédaient des machineries anciennes, plus précisément des tambours. Le « lieu de mémoire » où sont exposées les machines du théâtre des Célestins, à Lyon, a inspiré celui du théâtre d’Arras, rendant visibles aux visiteurs ces fragments de scène restitués dans un espace spécifique. À Morlaix, en revanche, les tambours sont conservés dans les cintres, inutilisés et inaccessibles aux visiteurs.

Tentatives de renouvellement de la scène à l’italienne : le Théâtre de la Ville et la maison de la culture d’Amiens

10Ces quelques remarques préliminaires montrent, d’une part, l’adaptation des théâtres historiques à la scénographie d’aujourd’hui et, d’autre part, le rôle clé de la scène à l’italienne, quasi inchangée depuis quatre siècles, dans cette adaptation. Vivement critiquée au xxsiècle, celle-ci a aussi fait l’objet de recherches scénographiques et scénotechniques visant à la transformer en partie. C’est par exemple le cas du Théâtre de la Ville à Paris (1968) et de la maison de la culture d’Amiens (1966).

  • 18 « Un théâtre populaire moderne derrière 4 murs Napoléon III », Théâtre de la Ville, Journal, no 1, (...)
  • 19 Ibid.
  • 20 Ce dessin a été publié par Denis Bablet dans Esthétique générale du décor de théâtre de 1870 à 1914(...)

11En septembre 2023, le Théâtre de la Ville a rouvert ses portes après sept ans de travaux. Le gradin de la salle de spectacle présente une pente exceptionnelle, permettant de loger 1 000 places dans l’enveloppe étroite des murs édifiés par Gabriel Davioud en 1862, mais aussi de dégager entièrement la vue pour chaque spectateur. Dans ce théâtre municipal populaire, l’égalité du confort visuel était un enjeu fort, soutenu par le directeur Jean Mercure et l’équipe de maîtrise d’œuvre, dont René Allio (1924-1955), scénographe associé aux architectes. Cette pente très accentuée s’associait à un outil scénographique particulier rapidement tombé en désuétude. Le plateau était en effet composé alors de 45 éléments à face carrée de 1,7 mètre de côté, « chacun fixé sur un vérin indépendant pouvant le faire monter ou descendre de 2 mètres, de 6 centimètres en 6 centimètres d’intervalle18 ». Pour utiliser ce plateau, on avait alors pensé à des « sculpteurs de la scène19 », qui auraient ainsi eu à leur disposition un outil modulable dont le fonctionnement évoquait celui dessiné par le scénographe Edward Gordon Craig en 1906 pour ses screens20. Reprenant un dessin de scène de Sebastiano Serlio présentant un sol en damier, Craig avait imaginé que chaque carré était la face supérieure d’un prisme coulissant, ceci permettant de créer des scénographies en volume. Les éléments mobiles du Théâtre de la Ville pouvaient, certes, servir de praticables ou estrades, mais aussi former des gradins pour changer la configuration scénique en bifrontal ou scène centrale. Dans les deux premiers numéros du Journal du Théâtre de la Ville, ces innovations scénographiques sont abondamment commentées. Les mises en scène de Beaucoup de bruit pour rien de Jorge Lavelli (1968) et de Six personnages en quête d’auteur par Jean Mercure (1969) s’appliquent à employer les plateaux élévateurs. Mais rapidement, le sujet disparaît et les photographies des spectacles publiées dans le journal du théâtre ne permettent pas de penser que ce système ait connu l’usage espéré. Plus tard, René Allio, revenant sur cette scénographie, expliquera :

  • 21 Entretien avec Luc Boucris et Christina Delorme, Actualité de la Scénographie, no 32, 1987, p. 108- (...)

Au Théâtre de la Ville, nous avons fait une scène fonctionnant comme un jeu d’orgues, sur des ascenseurs à vérins permettant, par exemple, d’économiser des praticables. Finalement, et assez curieusement, on s’en est très peu servi. Moi qui avais toujours rêvé, devant une salle en gradins, d’une scène qui descendrait et serait un trou au lieu d’être une bosse, je n’ai jamais vu quelqu’un le faire21.

  • 22 Une des raisons de ce choix tient aussi au fait que ce seul plateau du Théâtre de la Ville accueill (...)
  • 23 Les photographies d’Anna Birgit sont consultables sur Gallica : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148 (...)
  • 24 On peut penser ici notamment au théâtre national de la Colline (1988) des mêmes Fabre et Perrottet, (...)

12Si ce système de vérins semblait astucieux, les usages ont favorisé la construction de praticables ou estrades adaptés aux spectacles plutôt que l’utilisation de ce plateau à topographie modulable, voulu pour limiter le volume des décors construits22. En 1982, un incendie détruit la scène ; les photographies d’Anna Birgit confirment l’impression de « trou béant » formulée par la presse23. Toutefois, si les trappes en bois ont bien disparu, les dessous de scène ont résisté et les vérins n’ont été déposés que récemment par les architectes Marie-Agnès Blond et Stéphane Roux, chargés de l’opération. Nous sommes ici dans le cas d’une expérimentation scénographique et scénotechnique qui n’a pas fonctionné. Ces plateaux mobiles répondaient au désir de scénographies en volume et de changement de configuration scène-salle dans un théâtre à cage de scène et gradins fixes. Dans les décennies qui suivent, d’autres réponses plus simples et plus efficaces seront formulées24.

  • 25 Nous remercions ici chaleureusement l’équipe de la maison de la culture d’Amiens pour son accueil e (...)
  • 26 Dans son Traité de scénographie (op. cit., p. 99), Pierre Sonrel publie des planches comparatives d (...)
  • 27 À Rouen (1962), la scène est doublée de scènes latérales très vastes compliquant du reste la manœuv (...)
  • 28 Les éléments relatifs à ce projet sont notamment explicités dans : PISCATOR Erwin, Le Théâtre polit (...)

13La grande salle de la maison de la culture d’Amiens, construite en 1966 (Pierre Sonrel, Jean Duthilleul et Marcel Gogois architectes, Camille Demangeat scénographe) apporte une tout autre réponse à ces questions. Ce bâtiment, rénové et restructuré en 1992 par les architectes Gilles Duez et Van Hoa Huu, associés au scénographe Igor Hilbert, est bien conservé tant pour ses volumes ou détails d’architecture que pour sa machinerie expérimentale. La maison de la culture d’Amiens a traversé les décennies et offre un témoignage remarquable des enjeux et réalisations de cette période ; il est d’ailleurs symptomatique qu’elle ait gardé sa dénomination « maison de la culture », à la différence de ses contemporaines25. Si Pierre Sonrel était très attaché à l’architecture théâtrale du xviiisiècle26, plusieurs de ses réalisations montrent des tentatives d’innovation scénographique ou technique plus ou moins heureuses27. Mais le cas le plus étonnant est à Amiens. Dans la grande salle est expérimentée la possibilité de changer de configuration en cours de spectacle, passant ainsi du frontal à l’éperon, voire au trifrontal. Si le dessin des screens de Craig a pu inspirer les vérins du Théâtre de la Ville, ici, un projet de papier encore plus fameux du début du xxsiècle peut être rapproché de cette expérimentation scénique : le théâtre total de Walter Gropius et Erwin Piscator, élaboré en 1927. Ce projet non réalisé avait deux pères et donc deux noms. Piscator évoque un théâtre total quand Walter Gropius parle quant à lui d’un théâtre synthétique, intéressé par la possibilité de réaliser, dans un objet unique, différentes configurations scéniques que nous pouvons aussi identifier à Amiens : scène frontale simple [fig. 1], scène tripartite, éperon [fig. 2] et scène centrale28. Ce changement de configuration aurait été obtenu au moyen d’une tournette entraînant une portion du plateau et des gradins pour pouvoir, si besoin en cours de spectacle, faire pivoter une partie de l’assistance et de la scène et ainsi transporter l’action au cœur du public.

Figure 1

Figure 1

Plateau de la grande salle de la maison de la culture d’Amiens, en position frontale, 1966. Photographie conservée à la maison de la culture d’Amiens.

© Maria Cristina Orive et Martine Franck / Maison de la culture d’Amiens.

Figure 2

Figure 2

Plateau de la grande salle de la maison de la culture d’Amiens selon une configuration en éperon, 1966. Photographie conservée à la maison de la culture d’Amiens.

© Maria Cristina Orive et Martine Franck / Maison de la culture d’Amiens.

14Tel est le principe de la scénographie mise en œuvre à Amiens en 1966. Ainsi, deux tournettes pouvaient pivoter, entraînant avec elles huit rangées de gradins et une portion du plateau [fig. 3]. Par rotation (horaire côté jardin, antihoraire côté cour), elles se plaçaient perpendiculairement à la scène, tandis qu’un tampon situé sous la salle, dans l’axe du plateau, permettait d’élever un fragment de plancher.

Figure 3

Figure 3

Installation de la machinerie des tournettes de la grande salle de la maison de la culture d’Amiens, 1966. Photographie conservée à la maison de la culture d’Amiens.

© Maria Cristina Orive et Martine Franck / Maison de la culture d’Amiens.

  • 29 Pour ménager la fosse d’orchestre, la manœuvre des tournettes se fait dans l’autre sens : antihorai (...)
  • 30 On notera cependant l’inconfort des deux premiers rangs quand la jauge est à son maximum, car ils s (...)

15On pouvait ainsi réaliser un éperon, voire un trifrontal, selon la surface de ce plateau perpendiculaire ajouté. À l’occasion de la rénovation de 1992, ce système a été conservé et il est encore possible de le voir, même si aujourd’hui sa manœuvre se limite à l’installation de la fosse d’orchestre29, transformation également prévue dès l’origine. Surtout, cette manœuvre se fait désormais à la main, car les moteurs permettant la commande des tournettes ont cessé de fonctionner et leur remplacement n’est pas à l’ordre du jour. Quand on visite les dessous de salle de la maison de la culture, on voit donc très nettement tous les éléments de cette machinerie. C’est un cas rare de conservation d’un vestige de scénographie expérimentale d’après-guerre où la générosité des espaces dessinés par Pierre Sonrel permet de s’offrir le luxe de maintenir un matériel inopérant ou opérant partiellement, sans chercher urgemment à s’en débarrasser30.

Quand le théâtre dans son ensemble est une machine : la maison de la culture de Grenoble et la salle Jean Vilar du théâtre national de Chaillot

  • 31 Voir Revue d’histoire du théâtre, no 279 (FOLCO Alice [dir.], « Maison de la Culture de Grenoble. 1 (...)
  • 32 Alice Folco a consacré à ce sujet une étude très poussée dans son mémoire d’habilitation à diriger (...)
  • 33 Œuvre de Pedro Calderón de La Barca, 1634.

16Le sort des installations d’Amiens est un cas exceptionnel d’attention à cette architecture des années 1960. Un autre équipement bien plus connu, en particulier pour sa salle expérimentale, n’a pas bénéficié des mêmes égards. La maison de la culture de Grenoble construite en 1968 par André Wogenscky a en effet été rénovée en 2004 par Antoine Stinco, associé à Scène pour la scénographie. La salle tournante, conçue par Wogenscky à partir des recherches de Jacques Polieri, n’a pas été conservée et il reste difficile de faire la part des choses entre le regret suscité par la disparition de cet objet exceptionnel et les besoins fonctionnels d’un théâtre qui ne pouvait pas assumer le coût du maintien de cet instrument scénique non utilisé, voire non utilisable. À l’origine de cette expérimentation, il y eut diverses mésententes. Tout d’abord entre Wogenscky et Polieri, le second revendiquant la paternité de ce projet dont il fut écarté, alors même que l’architecte reconnaissait l’importance des travaux du scénographe dans son désir de créer cette salle expérimentale31. Mais il y eut aussi une absence de prise en considération des usagers effectifs de cette salle annulaire. Cet équipement fut alors voué à être exploité par la Comédie des Alpes, le centre dramatique qui depuis des années œuvrait dans des lieux modestement équipés et n’avait pas développé d’appétence particulière pour ce type de machine scénique32. Nous publions ici la photographie d’une maquette réalisée par Bernard Floriet pour le spectacle La Dévotion à la croix33 en 1969. On voit que le décor entoure les spectateurs, dans un dispositif que nous qualifierions aujourd’hui d’immersif. Mais il faut rappeler que la vocation des centres dramatiques était aussi de faire tourner les spectacles créés, on peut donc comprendre la difficulté de travailler sur une scène unique en son genre et par là même contradictoire avec les missions d’un centre dramatique [fig. 4].

Figure 4

Figure 4

Maquette de scénographie du théâtre mobile de la maison de la culture, pour la mise en scène de La Dévotion à la croix de Pedro Calderón de La Barca par La comédie des Alpes en novembre 1969. Le décor, en papier mâché, reproduit l’intérieur d’une grotte. Maquette en bois de Bernard Floriet, carton-collé, H. : 32 cm ; L. : 120,5 cm ; P. : 143,5 cm ; D. : 66,1 cm, conservée au Musée dauphinois (inv. 2014.52.3).

© Photographe inconnu / Musée dauphinois – Département de l’Isère.

17Pour en rappeler le principe, il s’agit d’une salle annulaire. Le public est installé au centre, sur un disque pivotant, tandis que deux scènes concentriques l’entourent, pouvant elles-mêmes tourner soit ensemble, soit séparément. Une scène frontale complète le dispositif. L’objectif de ce type de recherche spatiale et technique est de multiplier les possibilités de changements de décor et ainsi de combattre la logique du tableau scénique inhérente à la scène frontale. On espérait aussi de ces nouvelles formes de théâtre des écritures nouvelles, comme l’exprime Michel Butor découvrant cette salle :

  • 34 BUTOR Michel, « La maison de la Culture de Grenoble. Texte de Michel Butor sur le théâtre mobile », (...)

Je dois dire que cette salle m’a beaucoup fasciné. Maintenant que je la vois réalisée, elle a vraiment des propriétés très intéressantes, elle oblige les acteurs à jouer autrement, elle oblige à une conception de la mise en scène toute différente, elle oblige par conséquent à des textes différents. […] La salle tout entière se transforme en une gigantesque sculpture mobile et sonore habitée d’une certaine façon par des textes, par des sons, par un public qui est lui-même une partie du spectacle34.

  • 35 DAUJAT Vincent, « Le cargo », note manuscrite non datée, mais postérieure à 1998. Archives national (...)

18Mais force est de constater que ces espoirs n’ont pas trouvé de résolution effective. C’est ce que note dans son rapport Vincent Daujat, architecte-conseil, précisant que depuis 1968, « aucune transformation n’est intervenue sur les salles malgré leurs handicaps unanimement reconnus : inconfort à la place, acoustique et visuel ; scénographie expérimentale inaboutie et inadaptée à l’évolution du spectacle vivant35 ». Précisant ce point à propos du théâtre mobile, il ajoute que cette salle n’a pas été exploitée « faute de metteurs en scène intéressés par sa mobilité d’une part, faute de fiabilité de sa machinerie d’autre part ». En effet, cette partie de l’édifice étant construite sur du remblai, les fondations ont subi un tassement posant problème pour la rotation des disques. En 2004, la salle ovoïde a finalement été transformée en auditorium.

19Malgré l’intense exploitation de la de la maison de la culture de Grenoble (MC2), la salle annulaire, en tant qu’objet scénique très spécifique, aurait peut-être pu recevoir une attention patrimoniale. Que penser alors de la salle Jean Vilar du théâtre national de Chaillot (Paris) réalisée en 1975 (Valentin Fabre et Jean Perrottet) et actuellement en cours de rénovation ? Nous avons questionné à ce sujet Thierry Guignard, scénographe d’équipement de cette opération (menée en conception-réalisation par Eiffage et le cabinet d’architecture Clé Millet), lui demandant si la salle, telle qu’elle se présentait avec ses passerelles et sa serrurerie noire apparentes, avait été considérée comme un patrimoine à protéger. La réponse a été spontanément négative. Pourtant, ce type de salle est bien, là aussi, un des rares témoignages d’une tranche d’histoire où les metteurs en scène appelaient de leurs vœux un outil total, débarrassé de tout ornement, sur le modèle du studio télévisuel. C’est aussi la première salle transformable sur le sol français. Mais son gigantisme la dessert et malgré la motorisation des éléments de gradins dans les années 1980, la transformation espérée de ce volume scénique n’a jamais été possible avec la souplesse initialement escomptée. Pour en rappeler brièvement le principe, dans ce réaménagement du théâtre, la cage de scène de 1937 a été conservée et la salle entièrement démolie pour y installer un volume vide équipé de gradins mobiles pouvant accueillir 1 200 spectateurs. Ces gradins, de même que l’environnement technique des passerelles laissées visibles, devaient permettre tout type de configuration et d’accroche d’éléments scénographiques et d’éclairage. Aujourd’hui, peut-être aurions-nous le niveau technologique suffisant pour accomplir le projet de 1975, mais tel n’a pas été le choix opéré pour sa transformation. La nouvelle salle sera donc dotée d’un gradin fixe de 1 200 places, les passerelles latérales en partie conservées seront masquées par des panneaux de bois assurant aussi le traitement acoustique. Quant à la scène, la destination de ce lieu désormais voué à la danse appelait une amplification de sa profondeur, soit cinq mètres gagnés sur l’arrière, ceci au prix de lourds travaux structurels. La faible hauteur de la scène, limitée à 18 mètres en raison de son positionnement sous le parvis du Trocadéro, sera compensée par une machinerie entièrement motorisée.

L’instrument théâtral et sa nécessaire adaptation à l’usage

  • 36 ALLIO René, « Le théâtre comme instrument », in BABLET Denis & JACQUOT Jean (dir.), Le Lieu théâtra (...)

20Les quelques cas évoqués ici ont été choisis comme diverses représentations des aspirations scénographiques qui ont marqué le xxsiècle. Se débarrasser des décors peints, vaincre la fixité de l’image scénique, impliquer les spectateurs dans des démarches spatiales propres à chaque spectacle, démocratiser le lieu théâtral en faisant fi des ornements, tout ceci s’exprime dans les quatre exemples étudiés ici. Dans cette disparition, cet effacement ou cet oubli des salles construites dans les années 1960-1970, le cas d’Amiens, même si les machines sont actuellement en panne, est un témoin à préserver. Mais si les nécessités d’un théâtre fonctionnel expliquent la mise à niveau de l’outil scénique, le plus troublant dans la comparaison entre ces différents théâtres historiques, ceux du passé lointain et ceux d’un passé beaucoup plus proche, réside dans la perte de mémoire ou l’absence de considération pour ce que ces salles montraient ou exprimaient. Les machines de Grenoble et Amiens ou encore l’esthétique particulière de l’instrument de Chaillot sont des cas poussés de remise en question du modèle architectural. Dans cette vision moderniste du théâtre propre aux années 1950-1970 en France, René Allio, peintre, scénographe puis réalisateur de films, a joué un rôle important, menant plusieurs réflexions théoriques, projets de papier ou participation à la construction ou l’aménagement de lieux scéniques. Des différents articles de sa main, le plus connu est la publication de son intervention au colloque de Royaumont en 1961, « Le Théâtre comme instrument36 ». Mais on trouve d’autres traces de cette vision de l’outil scénique dans diverses contributions, comme celle-ci, datant de 1966 :

  • 37 ALLIO René, Nouveaux auteurs et formes nouvelles, 1966, p. 7 (texte isolé versé aux Archives nation (...)

Si nous devions aujourd’hui reproduire la démarche qui, il y a deux ou trois siècles, aboutissait à la construction de ces magnifiques instruments de théâtre que nous connaissons, en y mettant le prix qu’on y mettait alors, si nous transposions dans le monde d’aujourd’hui cette démarche, nous construirions des théâtres dont l’architecture, la conception et l’équipement, les formes et les techniques feraient frémir les partisans de cette scène à l’italienne si vénérée37.

  • 38 ALLIO René, « Comment construire des théâtres », Théâtre populaire, no 35, troisième trimestre 1959 (...)
  • 39 ALLIO René, « Projet d’un théâtre transformable », Le Théâtre dans le monde, IV, 3, 1955, p. 32.
  • 40 Ibid.

21Tantôt qualifiée de « machine à voir38 » ou de « lieu neutre et disponible39 », la salle de spectacle telle que l’envisage René Allio est avant tout fonctionnelle : « on n’orne pas un écrin puisque c’est la perle qui compte40 », principes notamment à l’œuvre dans les projets de Valentin Fabre et Jean Perrottet au sein de l’AUA (Atelier d’urbanisme et d’architecture).

22Dans leur désir de s’éloigner de l’archétype du monument théâtral au profit d’outils entièrement dédiés à l’éphémère du spectacle, ces artisans de l’architecture théâtrale contemporaine n’ont-ils pas scellé le sort de leurs constructions ? Quel intérêt accorder à ces objets manifestes d’idées, certes fondatrices du théâtre d’aujourd’hui, mais néanmoins peu comprises à présent ? Questionné en 1984 sur la forme du théâtre à venir pour la revue Techniques et architecture, le metteur en scène Guy Rétoré, après avoir souligné la cohérence du théâtre à l’italienne en regard des pratiques sociales de son époque, offrait une réponse encore susceptible d’appuyer les questionnements développés dans notre étude :

  • 41 DUTRAIT Jean-Jacques, « Espace architectural et création théâtrale », Techniques et architecture, n(...)

Si l’on trouve cette forme et qu’on l’ajuste à notre époque qui bouge beaucoup, elle deviendra rapidement inadaptée. Par contre si l’architecture est d’une grande pureté, elle sera inattaquable et traversera les siècles en tant qu’architecture. Il ne sera peut-être pas possible de l’utiliser, mais elle restera un témoignage irréfutable41.

23Et dans le cas contraire, il restera le travail des historiens et historiennes pour rappeler les audaces des architectes et scénographes des décennies passées.

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Notes

1 Cette appellation « théâtres historiques » a été proposée par Marcel Freydefont en 1993 lors du colloque du Puy-en-Velay évoqué plus loin, terminologie choisie pour être substituée à celle de « théâtres à l’italienne » jugée inadéquate pour qualifier le parc architectural concerné. Nous suggérons ici d’étendre plus encore ce que désigne cette qualification pour y associer les théâtres d’après-guerre et ainsi ne plus préjuger d’une typologie.

2 Nous indiquerons dans cet article les années de livraison des projets.

3 Pierre Sonrel (1903-1984) s’est en effet imposé comme le premier architecte français spécialiste de la construction des théâtres et, à ce titre, il est aussi devenu le premier architecte-conseil auprès du ministère des Affaires culturelles. Il doit sa notoriété à la publication du Traité de scénographie (Paris, Odette Lieutier, 1943).

4 Notre thèse de doctorat était consacrée à l’architecture théâtrale de la période 1945-1968, étude étendue pour sa publication sous le titre Une Architecture pour le théâtre populaire, 1870-1970, Paris, AS, coll. « Scéno + », 2012.

5 POUGNAUD Pierre, Théâtres, 4 siècles d’architectures et d’histoire, Paris, Le Moniteur, coll. « Architecture. Les Bâtiments », 1980, n. p.

6 On pourrait citer de nombreux exemples parmi lesquels Max Reinhardt en Allemagne, connu pour son exploitation de lieux autres que des théâtres, notamment le cirque Schumann de Berlin où il met en scène Œdipe roi de Sophocle en 1910. En France, Firmin Gémier a beaucoup œuvré hors des théâtres et il faut bien entendu associer à ce mouvement la création de la Semaine d’art d’Avignon en 1947 par Jean Vilar, entre autres.

7 Il s’agit du Théâtre Pigalle (Charles Siclis, 1929), du Théâtre des Champs-Élysées (Auguste Perret, 1913) et du théâtre de l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925 (Auguste et Gustave Perret, André Granet).

8 Rappelons que l’actuel Théâtre de la Ville a été aménagé dans les murs du Théâtre Sarah Bernhardt, autrement dit dans l’enveloppe architecturale définie par Gabriel Davioud en 1862 et restaurée en 1875 après l’incendie pendant la Commune. Lorsque la décision fut prise en 1966 de faire de ce lieu un théâtre municipal populaire, la salle ronde à balcons fut démolie et remplacée par un gradin unique.

9 Ces deux bornes correspondent au colloque du Puy-en-Velay puis à celui du Théâtre national de l’Odéon. Les actes du colloque « Quel avenir pour les théâtres historiques » de 1993 ont été publiés par la revue Actualité de la scénographie dans son numéro 65 (août-septembre-octobre 1993). Pour le colloque de l’Odéon, organisé par l’Association des théâtres à l’italienne, les actes ont été publiés par l’association elle-même comme signalé plus loin. D’autres rencontres ont eu lieu, souvent à l’initiative des directions des théâtres afin d’attirer l’attention sur leurs besoins de travaux dans la foulée de classements ou inscriptions à l’Inventaire des monuments historiques.

10 Rappelons que le plateau de théâtre traditionnel était en pente de manière à favoriser la perception de la perspective. Les costières sont des percements qui traversent la scène parallèlement au cadre. Dans le premier niveau de dessous, les chariots de costière coulissent et reçoivent les feuilles de décor, montées sur des châssis. Cette organisation du plateau est donc attachée à une scénographie de toiles peintes telle qu’elle s’est développée entre le xviie et le milieu du xxsiècle, mais aujourd’hui obsolète. Les plateaux contemporains sont composés de trappes en bois carrées, montées sur des petits poteaux en métal et permettant de gérer les apparitions ou disparitions de décors en volumes.

11 Théâtre de la ville d’Évreux, L’Univers actionné, document dactylographié, non daté, non paginé, conservé au département des Arts du spectacle de la Bibliothèque nationale de France (8-W-8452).

12 Ibid.

13 Le Tangram est un établissement public de coopération culturelle (EPCC) réunissant plusieurs structures dont le Théâtre Legendre d’Évreux. Je remercie chaleureusement M. Villeval de m’avoir accordé un entretien téléphonique le 24 mai 2023.

14 L’architecte Pierre Tisserand, membre de l’agence Opus 5 chargé de ce projet, évoque « la contrainte de conserver la pente, imposée par la Drac et l’architecte des Bâtiments de France », en l’occurrence Bruno Decaris. Mais l’histoire locale a retenu quant à elle la demande personnelle de l’adjoint à la Culture. Quoi qu’il en soit, il est peu probable que le personnel technique du théâtre ait plaidé en faveur du maintien du plateau traditionnel. Voir DESMOULINS Christine, « Drapé contemporain au Théâtre Legendre », Archiscopie, no 25, avril 2021, p.89.

15 On pourra se reporter au site internet de l’association (https://theatres-italienne.fr/actualites/ [lien valide en mai 2024]) et à ses publications.

16 Les actes de ce colloque ont été publiés par l’ATI sous le titre Rénover un théâtre. Un enjeu majeur pour l’architecture des théâtres du xxie siècle, 2008. Les sept théâtres étudiés sont le Théâtre national de l’Odéon, les théâtres d’Arras, de Douai, du Puy-en-Velay, d’Angoulême, le théâtre des Célestins de Lyon et le Théâtre du pays de Morlaix.

17 Cette nouvelle hauteur, dépassant celle autorisée par les règlements d’urbanisme, a été finalement accordée en argumentant qu’elle correspond à celle de la toiture originelle du bâtiment. Rappelons que ce théâtre avait été construit en 1782 par Marie-Joseph Peyre et Charles de Wailly, mais qu’il a subi de lourdes transformations consécutives à des incendies en 1799 puis 1819, et fut restauré successivement par Jean-François Chalgrin puis Pierre-Thomas Baraguey.

18 « Un théâtre populaire moderne derrière 4 murs Napoléon III », Théâtre de la Ville, Journal, no 1, 1968, p. 26.

19 Ibid.

20 Ce dessin a été publié par Denis Bablet dans Esthétique générale du décor de théâtre de 1870 à 1914, Paris, Éditions du CNRS, coll. « Le Chœur des muses », 1965, planche 138.

21 Entretien avec Luc Boucris et Christina Delorme, Actualité de la Scénographie, no 32, 1987, p. 108-109.

22 Une des raisons de ce choix tient aussi au fait que ce seul plateau du Théâtre de la Ville accueillait chaque soir, de 1968 à 1985, deux représentations, l’une à 18 h 30, l’autre à 20 h 30. On supposait alors que ce plateau modulable permettrait des changements rapides et aisés limitant les temps d’installation pour réaliser cette alternance.

23 Les photographies d’Anna Birgit sont consultables sur Gallica : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb454448910 [lien valide en mai 2024].

24 On peut penser ici notamment au théâtre national de la Colline (1988) des mêmes Fabre et Perrottet, salle frontale à gradins en partie fixes et en partie amovibles. Quant aux praticables, bien des théâtres disposent d’un stock de ces éléments mobiles mis à disposition des artistes et spectacles en création ou en tournée.

25 Nous remercions ici chaleureusement l’équipe de la maison de la culture d’Amiens pour son accueil et la visite technique du bâtiment le 7 juin 2023.

26 Dans son Traité de scénographie (op. cit., p. 99), Pierre Sonrel publie des planches comparatives de théâtres des xviiiet xixe siècles montrant la séparation progressive de la scène et de la salle et affirmant son intérêt pour les salles du xviiie, où cette séparation est moins marquée.

27 À Rouen (1962), la scène est doublée de scènes latérales très vastes compliquant du reste la manœuvre des perches. À Limoges (1963), Pierre Sonrel conçoit un plafond mobile servant à réduire la jauge de la salle en s’abaissant au niveau du balcon. À Bourges (1963), le théâtre, en frontal, évoque une inspiration élisabéthaine, avec un proscenium prononcé et des passerelles filantes en salle et sur tout le pourtour de la scène.

28 Les éléments relatifs à ce projet sont notamment explicités dans : PISCATOR Erwin, Le Théâtre politique [1929], traduit par Arthur Adamov, Paris, L’Arche, 1962. Une des particularités de ce projet tient à la coupole couvrant tout le volume de la salle et pouvant recevoir des projections.

29 Pour ménager la fosse d’orchestre, la manœuvre des tournettes se fait dans l’autre sens : antihoraire à jardin, horaire à cour. Elles se placent perpendiculairement au plateau et les éléments mobiles permettant de créer le trou de la fosse sont coulissés sur des rails. Les tournettes sont ensuite replacées.

30 On notera cependant l’inconfort des deux premiers rangs quand la jauge est à son maximum, car ils sont situés très en contrebas de la scène. Ici, une modification scénographique aurait peut-être été utile.

31 Voir Revue d’histoire du théâtre, no 279 (FOLCO Alice [dir.], « Maison de la Culture de Grenoble. 1968 : un édifice, des utopies »), juillet-septembre 2018, et plus particulièrement dans ce numéro, DUBOUILH Sandrine, « La Maison de la Culture au cœur des utopies sociale, urbaine et scénographique (1965-1968) », p. 79-94, et VALERO Julie, « 1968 : année cinétique ? : La Maison de la culture et son théâtre mobile, 1968-1976 », p. 107-120.

32 Alice Folco a consacré à ce sujet une étude très poussée dans son mémoire d’habilitation à diriger des recherches, mémoire consacré à l’histoire de la Comédie des Alpes, soutenu en décembre 2022, et dont il faut espérer la publication prochaine. Je la remercie chaleureusement pour la générosité des éléments transmis et notamment la mise en relation avec le musée Dauphinois pour la publication ici de cette photographie de maquette d’un décor dans la salle tournante.

33 Œuvre de Pedro Calderón de La Barca, 1634.

34 BUTOR Michel, « La maison de la Culture de Grenoble. Texte de Michel Butor sur le théâtre mobile », Cimaise, no 87, 1968, p. 46-48.

35 DAUJAT Vincent, « Le cargo », note manuscrite non datée, mais postérieure à 1998. Archives nationales, 2009074/36-40. La maison de la culture de Grenoble, à son ouverture, possédait trois salles. Ici, Vincent Daujat évoque la salle expérimentale et la grande salle qui avait elle aussi fait l’objet d’une recherche scénographique particulière. Le public (1 156 places) était installé sur un parterre peu incliné, ceci compliquant le confort visuel, mais la scène pouvait se prolonger à jardin et cour au moyen de plateaux secondaires amovibles, en amont du cadre.

36 ALLIO René, « Le théâtre comme instrument », in BABLET Denis & JACQUOT Jean (dir.), Le Lieu théâtral dans la société moderne, Paris, CNRS, coll. « Le Chœur des muses », 1963, p. 99-106.

37 ALLIO René, Nouveaux auteurs et formes nouvelles, 1966, p. 7 (texte isolé versé aux Archives nationales, 19900428/1).

38 ALLIO René, « Comment construire des théâtres », Théâtre populaire, no 35, troisième trimestre 1959, p. 3.

39 ALLIO René, « Projet d’un théâtre transformable », Le Théâtre dans le monde, IV, 3, 1955, p. 32.

40 Ibid.

41 DUTRAIT Jean-Jacques, « Espace architectural et création théâtrale », Techniques et architecture, no 353, avril-mai 1984, p. 87-88. Cette remarque de Guy Rétoré s’applique par exemple très bien au Théâtre olympique de Vicence, construit par Palladio et Scamozzi (1580-1585).

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Plateau de la grande salle de la maison de la culture d’Amiens, en position frontale, 1966. Photographie conservée à la maison de la culture d’Amiens.
Crédits © Maria Cristina Orive et Martine Franck / Maison de la culture d’Amiens.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/41937/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 306k
Titre Figure 2
Légende Plateau de la grande salle de la maison de la culture d’Amiens selon une configuration en éperon, 1966. Photographie conservée à la maison de la culture d’Amiens.
Crédits © Maria Cristina Orive et Martine Franck / Maison de la culture d’Amiens.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/41937/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 292k
Titre Figure 3
Légende Installation de la machinerie des tournettes de la grande salle de la maison de la culture d’Amiens, 1966. Photographie conservée à la maison de la culture d’Amiens.
Crédits © Maria Cristina Orive et Martine Franck / Maison de la culture d’Amiens.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/41937/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 326k
Titre Figure 4
Légende Maquette de scénographie du théâtre mobile de la maison de la culture, pour la mise en scène de La Dévotion à la croix de Pedro Calderón de La Barca par La comédie des Alpes en novembre 1969. Le décor, en papier mâché, reproduit l’intérieur d’une grotte. Maquette en bois de Bernard Floriet, carton-collé, H. : 32 cm ; L. : 120,5 cm ; P. : 143,5 cm ; D. : 66,1 cm, conservée au Musée dauphinois (inv. 2014.52.3).
Crédits © Photographe inconnu / Musée dauphinois – Département de l’Isère.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/41937/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 318k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sandrine Dubouilh, « Machines de théâtre et théâtres-machines des années 1960-1970 »In Situ [En ligne], 53 | 2024, mis en ligne le 16 juillet 2024, consulté le 29 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/41937 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/122ph

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Auteur

Sandrine Dubouilh

Professeure en études théâtrales, université Bordeaux Montaigne, professeure en arts et techniques de la représentation, École nationale supérieure d’architecture Paris-Val de Seine, membre de l’unité de recherche ARTES 24141

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Droits d’auteur

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