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La valorisation du patrimoine judiciaire et ses enjeux

Reconversion du tribunal religieux « Dar Echaraa » dans la médina de Sousse (Tunisie) en un espace culturel contemporain

Conversion of « Dar Echaraa » religious court in the medina of Sousse (Tunisia) into a contemporary cultural centre
Zeineb Youssef

Résumés

« Dar Echaraa », ou l’ancien tribunal religieux de la médina de Sousse (Tunisie) est un monument historique du xviie siècle, symbolique et emblématique avec sa valeur patrimoniale et ses qualités architecturales originelles, préservées jusqu’à nos jours grâce aux initiatives de la communauté locale, des institutions nationales et internationales. Le bâtiment aux façades sobres et une porte d’entrée richement décorée se découvre de l’intérieur, avec un grand patio, auquel on accède par un escalier. Autour du patio, de forme carrée et dont les parois sont revêtues de pierre de taille sculptée et de couleur ocre, sont disposées plusieurs pièces. Dar Echaraa est un repère significatif dans la médina de Sousse pour les habitants, les usagers et les visiteurs empruntant quotidiennement les ruelles du centre historique. Avec la sécularisation et l’unification de la justice tunisienne et dès la promulgation du Code du statut personnel, le 13 août 1956, Dar Echaraa a perdu toutes ses fonctions judiciaires et administratives de lieu de justice. Ce joyau architectural, laissé à l’abandon durant de longues décennies, était tombé en désuétude et en ruine, et avait fini par sombrer dans l’oubli. Dans les années 1990 et grâce à l’inscription de la médina de Sousse sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, Dar Echaraa a fait l’objet de travaux de restauration d’envergure, entrepris par la municipalité de Sousse en étroite collaboration avec l’Association de sauvegarde de la médina (ASM), et avec le soutien technique et financier de l’Association internationale des mairies francophones (AIMF). En conséquence, l’édifice a été restauré, entretenu puis reconverti en un espace culturel contemporain. Grâce à cette reconversion architecturale, Dar Echaraa a acquis une nouvelle expression contemporaine, et l’ancien tribunal charaique menaçant ruine est devenu une destination privilégiée abritant des manifestations culturelles et scientifiques, des séminaires, accueillant ainsi régulièrement de nombreux visiteurs. Quels sont les impacts de cette reconversion architecturale sur l’ancien tribunal de la médina ? Comment évaluer cette requalification et ses retombées sur la patrimonialisation du monument ?

La présente recherche consiste à évaluer la reconversion et la réaffectation de Dar Echaraa en comparant entre les états ancien et actuel du monument. Nous montrons ainsi le passage d’un lieu symbole de la rigueur de la justice et de la jurisprudence à un espace de culture et de loisirs, où affluent parfois des centaines de visiteurs pour assister, dans une ambiance conviviale, aux diverses manifestations qui s’y déroulent.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Dar signifie maison, logement, demeure privée. Ce terme est souvent associé à un nom de famille, né (...)
  • 2 BEN SAID Hichem, et al., À la recherche du Sousse d’Antan, Sousse, Société archéologique de Sousse, (...)

1Implanté en plein cœur de la médina de Sousse (Tunisie), « Dar Echaraa1 », ou l’ancien tribunal religieux, est un bijou architectural du xviisiècle, symbolique et emblématique d’une grande valeur patrimoniale. Cette bâtisse est un repère significatif dans la médina de Sousse pour les habitants, les usagers et les visiteurs flânant quotidiennement dans le labyrinthe des ruelles étroites et sinueuses du centre historique2 [fig. 1]. Elle a connu une histoire remarquable et mouvementée, avec de longues périodes d’abandon, de délabrement, de déqualification et de squattérisation jusqu’à son dépoussiérage et sa réhabilitation au milieu des années 1990, pour enfin se stabiliser de nos jours dans un bon état de conservation de son cadre bâti traditionnel.

Figure 1

Figure 1

Implantation de Dar Echaraa dans la médina de Sousse (Tunisie). Carte extraite du plan d’aménagement urbain de la ville de Sousse (PAU approuvé par décret N°08-3173 du octobre 2008), téléchargeable du site officiel de la municipalité de Sousse http://www.commune-sousse.gov.tn/​fr et modifiée par Zeineb Youssef, 2019 [lien valide en août 2022].

© Zeineb Youssef.

  • 3 L’Icomos a donné un avis favorable à l’inscription de la médina de Sousse au titre des critères III (...)

2Dans les années qui ont suivi l’inscription de la médina de Sousse sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, le 9 décembre 19883, Dar Echaraa fait l’objet d’un programme de restauration d’envergure initié et entrepris par la municipalité de Sousse et l’Association de sauvegarde de la médina (ASM), et encouragé et soutenu techniquement et financièrement par l’Association internationale des mairies francophones (AIMF). En conséquence, le bâtiment, qui risquait la disparition totale, a été sauvé, entretenu puis reconverti en un espace culturel contemporain. Grâce à cette reconversion architecturale, Dar Echaraa a acquis une nouvelle expression contemporaine et l’ancien tribunal charaique est devenu une destination privilégiée pour accueillir des événements culturels et artistiques ainsi que toutes sortes de manifestations et de cérémonies.

3Alors quels sont les impacts de cette reconversion architecturale sur l’ancien tribunal religieux de la médina de Sousse ? Quels sont les acteurs intervenant dans les multiples phases du processus d’intervention ? Et comment évaluer cette nouvelle requalification et ses retombées sur la patrimonialisation du monument ?

4La présente recherche a pour objectif d’évaluer la reconversion architecturale de Dar Echaraa tout en montrant à quel point cette intervention a sauvé en premier lieu le bâtiment, puis l’a revêtu d’un habit patrimonial qui est valorisé dans le temps présent et sera transmis aux nouvelles générations. Nous commencerons par décrire le monument, son insertion urbaine dans la médina, ses qualités architecturales d’origine et ses fonctions initiales. Nous comparerons ensuite les états ancien et actuel du monument, et interprèterons le passage d’un lieu symbole de justice, de jurisprudence à un espace contemporain dédié à la culture et à la science. Ce lieu, chargé de signifiés et signifiants, revit pour accueillir chaque année dans la convivialité des centaines de visiteurs venant assister aux activités culturelles, scientifiques et musicales de plus en plus variées.

Dar Echaraa : le tribunal religieux d’antan

  • 4 Une précision d’ordre sémantique doit être apportée d’emblée concernant le mot « médina », utilisé (...)

5À l’instar de la majorité des constructions dans les médinas tunisiennes et du monde arabo-musulman, la bâtisse est introvertie, intimiste et ne révèle pas son intérieur4. De l’extérieur, la façade est assez sobre, nous pouvons seulement contempler la porte d’entrée peinte d’un vert très profond, cloutée et richement décorée avec des panneaux de céramique et des frises de pierre ocre [fig. 2]. Elle peut ainsi nous révéler d’emblée la grande beauté architecturale incarnée à l’intérieur de ce monument, inspiré du style andalou-mauresque de l’époque. En effet, la plaque commémorative gravée sur la façade intérieure orientée au sud indique que le monument a été édifié en 1027 de l’hégire, ce qui correspond au premier tiers du xvisiècle après J.C. (1617 après J.C.).

Figure 2

Figure 2

Porte d’entrée principale de Dar Echaraa dans la médina de Sousse, 2018.

© Zeineb Youssef.

  • 5 ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE LA MÉDINA (ASM), MUNICIPALITÉ DE SOUSSE & OFFICE NATIONAL DU TOURISME, (...)

6Nous accédons au vestibule par un escalier et descendons quelques marches avant de voir le patio. Autour de ce grand patio de forme carrée, dont les quatre parois sont revêtues de pierre de taille sculptée et de couleur ocre, sont disposées plusieurs pièces5. En franchissant la porte qui mène du vestibule au patio, nous trouvons, à droite, la salle d’audience où siégeait autrefois les juges et leurs assistants, à gauche, la salle de prière, petit oratoire couvert d’une quinzaine de voûtes croisées reposant sur des colonnes antiques dépareillées et remployées, et finalement, en face, la bibliothèque contenant des archives et une large collection de livres. Dar Echaraa est un édifice à l’architecture éblouissante, qui fourmille d’une panoplie de détails ornementaux, à l’exemple des alfiz, arcs en plein-cintre, calligraphies, céramiques colorées, pilastres adossés aux parois du patio, frises horizontales et verticales sculptées de motifs divers [fig. 3 et fig. 4].

Figure 3

Figure 3

Détails ornementaux de la façade intérieure de Dar Echaraa dans la médina de Sousse : plaque commémorative (en haut) marquant la date d’inauguration du monument, frise et encadrement de porte sculptés, 2018.

© Zeineb Youssef.

Figure 4

Figure 4

Une des façades sculptées du patio, orientée Sud : accès principal à partir du vestibule (porte au milieu), pilastres noyés dans le mur, frises sculptées et panneaux de céramiques, Dar Echaraa de la médina de Sousse, 2018.

© Zeineb Youssef.

  • 6 Charaique : l’origine étymologique de cet adjectif est empruntée de charia, qui correspond à la loi (...)
  • 7 Le bach mufti est le premier dignitaire religieux dans les pays de rite malékite ou hanafite. Le mu (...)
  • 8 La charia est la loi islamique, appliquée dans les pays de l’Islam. Elle comporte l’ensemble des no (...)

7Depuis sa construction, Dar Echaraa abritait un tribunal religieux ou charaique6, présidé par les deux premiers cadis7, les « bach mufti » et « mufti ». Le rôle de cet unique tribunal religieux de la médina était de rendre la justice conformément à la charia islamique8, en statuant exclusivement sur les affaires relevant du statut des personnes, en l’occurrence les litiges concernant le mariage, la répudiation ou le divorce, les droits de succession, etc. Dar Echaraa a fonctionné de cette manière durant plus de trois siècles, jusqu’en 1956, année de l’indépendance de la Tunisie, après soixante-quinze ans de protectorat français. Cette année fut marquée par un événement majeur qui allait changer radicalement l’histoire de Dar Echaraa, en ayant comme conséquences très néfastes la dévalorisation puis l’effritement de ce lieu de mémoire chargé d’histoire et d’éléments de notre patrimoine.

  • 9 Le Code du statut personnel ou CSP est formé par une série de lois progressistes et avant-gardistes (...)
  • 10 Le cheikh de la médina est un homme sage, parfois un vieillard, respecté pour son savoir et ses con (...)

8En outre, depuis la sécularisation et l’unification de la justice tunisienne et dès la promulgation du Code du statut personnel, le 13 août 19569, Dar Echaraa a perdu toutes ses fonctions judiciaires et administratives de lieu de justice. Le tribunal civil moderne l’a remplacé en mettant en place d’autres références pour les jugements à prononcer. En conséquence, le tribunal religieux de la médina de Sousse est devenu obsolète et démodé puisque le nouveau Code du statut personnel, décrété et entré en vigueur, réglemente les nouvelles affaires et tranche désormais les litiges en mettant en place de nouvelles juridictions. La bâtisse abritait les archives du tribunal, elle a également servi durant une très courte période de local administratif pour le cheikh10 de la médina. Mais, après l’Indépendance, ce joyau architectural a été complètement délaissé, tombant par conséquent en ruine pendant plus de dix ans, jusqu’à la fin des années 1960.

  • 11 KECHICHE Khouloud, Dar Echaraa : un trésor dépoussiéré et réhabilité au cœur de la médina, Tunis, T (...)
  • 12 Extraits de l’entretien avec Anouar El Fani, écrivain, historien de formation, ex-maire adjoint de (...)

9En 1969, des inondations catastrophiques survenues dans la médina de Sousse ont causé d’énormes dommages dans plusieurs lieux d’habitation du tissu urbain traditionnel. Après cette véritable catastrophe, le monument, qui était à l’abandon depuis plus de dix ans, a été squatté par plusieurs familles, ce qui a occasionné d’importants dégâts, principalement à la grande salle d’audience et aux deux façades intérieures11 donnant sur le patio. Dans les années qui ont suivi, le bâtiment a souffert d’un état de délabrement inquiétant. Les éléments décoratifs étaient très abîmés, au point de disparaître, les toitures commençaient à s’effondrer, les murs porteurs étaient fragilisés, etc. Ainsi, Dar Echaraa s’était trouvée entraînée dans un processus de dégradation très avancé « qui risquait de la faire rayer de la carte12 ». Jusqu’à quand donc cette dégradation et marginalisation urbaine continuèrent ? Comment l’édifice a-t-il pu survivre pour devenir un lieu d’activités contemporaines de plus en plus valorisé de nos jours ?

Revalorisation et reconversion architecturale de Dar Echaraa en un espace culturel

10À partir de 1969 et jusqu’aux années 1990, Dar Echaraa a été squattée par plusieurs familles, dans un état de grande insalubrité et vétusté. Les riverains de la médina ont commencé à oublier ce bijou architectural, sa fonction initiale de lieu de justice, et le considéraient malheureusement comme un fardeau à supprimer. Cette situation inquiétante a permis de tirer la sonnette d’alarme, et donc d’inciter les autorités responsables, notamment la municipalité de Sousse, l’Association de sauvegarde de la médina (ASM) ainsi que l’Institut national du patrimoine à intervenir en urgence. Comment ces acteurs ont-ils réagi pour revitaliser ce chef-d’œuvre, surtout après l’inscription de la médina de Sousse, honneur insigne, sur la Liste du patrimoine mondial en 1988 ?

  • 13 Extraits de l’entretien avec Anouar El Fani, écrivain, historien de formation, ex-maire adjoint de (...)

11À partir des années 1990, les membres du conseil municipal de la ville de Sousse et l’ASM ont commencé à réfléchir aux solutions urgentes et à chercher sérieusement une solution permettant de restaurer et de sauver la bâtisse en péril depuis de longues décennies. En 1995, lors d’un colloque international sur le patrimoine arabo-islamique organisé par la mairie de Tunis et suite à une rencontre précieuse et déterminante avec l’ancien maire de Paris Jean Tiberi, également président de l’AIMF (Association internationale des mairies francophones), l’ancien maire adjoint à la municipalité de Sousse n’a pas hésité à le solliciter et à demander l’aide financière de cette association « pour sauver ce bijou de la médina de Sousse qui était dans un état de délabrement avancé et critique13 ». Quelques semaines après cette demande et après la préparation d’un dossier détaillé comportant un diagnostic exhaustif de l’état du bâti de Dar Echaraa, un devis estimatif et quantitatif avec la liste des travaux à entreprendre, la municipalité de Sousse a pu obtenir le financement nécessaire de l’association internationale AIMF d’un montant de 100 000 francs, équivalant à 200 000 dinars tunisiens de l’époque. Ce montant était suffisant pour couvrir la totalité des dépenses demandées. Faisant immédiatement suite à l’attribution de cette aide financière, un projet d’envergure pour restaurer et revitaliser la bâtisse a débuté. La municipalité de Sousse, l’association ASM ont collaboré durant toutes les phases du projet, avec le suivi continu de l’AIMF. La population locale, qui a soutenu massivement cette opération, a été elle aussi très impliquée.

12Les autorités ont commencé par évacuer la dernière famille qui squattait la bâtisse avant de procéder aux premières opérations de nettoyage de toute sorte, décapage des traces d’humidité, ravalement des parois intérieures et extérieures. Dans une seconde étape, les toitures de l’ancienne salle d’audience ainsi que celles de la salle de prière ont été totalement refaites. Une fois les éléments structurels du bâtiment restaurés et consolidés, les acteurs du chantier sont passés à la rénovation des éléments décoratifs. Il fallait refaire presque entièrement tous les revêtements des façades intérieures sculptées, vilainement endommagées parce que leur valeur patrimoniale était ignorée et négligées par les anciens occupants. La pierre de taille utilisée pour cette étape, de couleur ocre très semblable à celle d’origine, a été extraite d’une carrière située à l’ouest du pays. Après sa mise en place pour le revêtement de la façade de la salle d’audience, on a constaté une légère différence de nuance avec la teinte des autres façades. Au bout de quelques années, avec le temps et l’effet de l’ensoleillement, cette différence de nuance s’est estompée et actuellement, nous ne pouvons plus distinguer l’ancien du nouveau.

13Certes, dans le processus de ces interventions multiples, les acteurs ont eu à surmonter plusieurs défis, que ce soit en restaurant à l’ancienne ou en introduisant de la modernité dans les espaces existants pour les adapter aux nouveaux usages. Par exemple, un nouveau bloc sanitaire a été rajouté à côté de l’ancienne salle de prière [fig. 5].

Figure 5

Figure 5

Plan de Dar Echaraa établi en 2004 : patio de forme carrée autour duquel sont disposées les pièces avec une nouvelle affectation.

© INP, service régional Inventaire des Monuments historiques de la médina de Sousse.

Dar Echaraa : un lieu contemporain pour la culture et la science

14Une fois achevé, au prix de longs efforts, le projet de restauration entrepris s’est révélé une intervention exceptionnelle qui a donné à l’ancien édifice une nouvelle expression contemporaine. Il a en effet valorisé ses potentialités et formes patrimoniales en faisant de cet espace un lieu de vie et de mémoire, un passage en quelque sorte convoité et obligé pour les usagers de la médina de Sousse et ses visiteurs. Il s’agit d’un nouvel espace revitalisé relevant de la commune de Sousse pour abriter des activités à caractère culturel et social.

  • 14 YOUSSEF Zeineb, « Reconstitution des processus de patrimonialisation des médinas de la Tunisie à l’ (...)

15En outre, l’ancien vestibule où étaient regroupés les justiciables constitue aujourd’hui le hall d’accueil de l’espace culturel. La salle d’audience où étaient autrefois rendus les verdicts a été transformée en une salle polyvalente, accueillant de façon régulière des manifestations diverses [fig. 6]. L’ancienne salle de prière est actuellement divisée en deux parties. D’une part un grand espace destiné à abriter une médiathèque et une bibliothèque pour les enfants dans le cadre d’un projet futur ; d’autre part, un lieu réservé au service informatique avec une salle de saisie. Le patio est devenu le cadre de spectacles artistiques, de cérémonies, d’expositions gastronomiques et de journées de sensibilisation, etc. [fig. 7]. Ce patio à ciel ouvert accueille chaque année et régulièrement certaines manifestations nocturnes organisées durant le mois de Ramadan et la saison estivale14. De plus, Dar Echaraa a été choisi à maintes reprises comme lieu de tournage de films de fiction, courts métrages et documentaires [fig. 8].

Figure 6

Figure 6

Aspect intérieur de la nouvelle salle de séminaire ou salle polyvalente, Dar Echaraa de la médina de Sousse, 2018.

© Zeineb Youssef.

Figure 7

Figure 7

Journée de sensibilisation à Dar Echaraa, organisée par l’Association Tunisienne Des Enfants Malades sous le slogan « Œil pour chaque enfant », médina de Sousse, 2016.

© Faical Abayed (Association Sousse Demain).

Figure 8

Figure 8

Soirée nocturne du festival de la médina de Sousse, au patio à ciel ouvert, 2016.

© Faical Abayed (Association Sousse Demain).

16Depuis 1995 et jusqu’à nos jours, les manifestations à Dar Echaraa se multiplient et les thématiques sont de plus en plus variées. L’intérêt pour cet espace s’est encore accru ces dernières années. Son exploitation à des fins culturelles, touristiques et patrimoniales est devenue un levier décisif pour les responsables municipaux. Outre les quelques retombées financières, le monument joue un rôle prépondérant dans le renforcement de l’identité locale.

Conclusion

17En conclusion, nous pouvons dire qu’il y a des situations où des phénomènes aléatoires et imprévisibles, en s’accumulant, peuvent déclencher un processus de patrimonialisation qui aboutit à la valorisation de l’objet en question alors qu’il menaçait ruine et semblait totalement condamné. Dans le cas de Dar Echaraa, sa patrimonialisation ou mise en patrimoine s’est imposée immédiatement en raison de l’aggravation de la dégradation du bâti, qui risquait à terme de provoquer la disparition pure et simple d’un tel joyau architectural dans la médina. De nos jours, l’édifice a pu retrouver son lustre d’antan, ce qui lui permet de figurer en bonne place parmi les monuments historiques et emblématiques de la ville de Sousse. Érigé il y a environ quatre siècles, cet ancien tribunal où la justice était rendue au nom de la charia islamique a été remarquablement transformé, après d’importants travaux de restauration et de sauvegarde, en un splendide lieu de mémoire et de culture, convenablement exploité et régulièrement fréquenté et admiré par ses nombreux visiteurs tout au long de l’année.

18La conservation du patrimoine architectural est donc bien un facteur décisif et crucial à la fois, et la durabilité, la pérennité du monument sont assurées par sa patrimonialisation. De plus, des mesures et des efforts de protection et d’entretien de toute nature doivent être mis en œuvre pour assurer la sauvegarde du bâtiment de façon permanente et ne pas avoir par conséquent à recommencer tout un processus de patrimonialisation assez complexe.

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Notes

1 Dar signifie maison, logement, demeure privée. Ce terme est souvent associé à un nom de famille, néanmoins ici « Dar Echaraa » signifie « maison de la loi islamique » (charia).

2 BEN SAID Hichem, et al., À la recherche du Sousse d’Antan, Sousse, Société archéologique de Sousse, 1985, p. 32.

3 L’Icomos a donné un avis favorable à l’inscription de la médina de Sousse au titre des critères III, IV et V. Avec les trente-deux hectares qu’elle couvre, la médina est inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité depuis 1988, bien no 498 (Avis de l’Icomos concernant l’inscription de la médina de Sousse sur la Liste du patrimoine mondial, juillet 1988, p. 2). Pour plus de détails, voir le site Internet du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco : https://whc.unesco.org/fr/list/498/ [lien valide en mai 2022].

4 Une précision d’ordre sémantique doit être apportée d’emblée concernant le mot « médina », utilisé souvent par les chercheurs et repris de nos jours dans les documents officiels. Il s’agit d’un mot arabe qui signifie « la ville ». Il désignait auparavant « Al Madina » ou « la ville » puisqu’il n’y avait que ce tissu traditionnel compact, organique et ceint de remparts. Par opposition, les nouveaux quartiers de style européen, formant « El Bléd el souri » ou le « Quartier européen », se sont développés extra-muros depuis les deux derniers siècles. En effet, le terme « médina » est souvent employé par les scientifiques et les chercheurs dans les universités pour désigner la partie ancienne de la ville, la vieille cité ou le centre historique. Certains parlent de médina attiqa, noyau initial ou ville historique. Quant au citoyen, il ne fait pas appel à ce terme mais emploie une autre appellation plus courante. En Tunisie, nous disons « El Bléd el Arbi » ou « la ville arabe ». Les Algériens utilisent le terme « Casbah » ou « Gasbah », à l’exemple de la casbah d’Alger, pour désigner la vieille ville et surtout sa partie fortifiée. Au Maroc, le terme courant est « El Bléd lkdima » ou « la vieille ville », voir à ce sujet YOUSSEF Zeineb, Reconstitution des processus de patrimonialisation des médinas de la Tunisie à l’époque contemporaine : cas de Sousse, Monastir et Mahdia, Architecture et Urbanisme, Tunis, université de Carthage, École nationale d’architecture et d’urbanisme, 2018, p. 18.

5 ASSOCIATION DE SAUVEGARDE DE LA MÉDINA (ASM), MUNICIPALITÉ DE SOUSSE & OFFICE NATIONAL DU TOURISME, Guide la médina de Sousse, Sousse, municipalité de Sousse, 2004, p. 37.

6 Charaique : l’origine étymologique de cet adjectif est empruntée de charia, qui correspond à la loi religieuse islamique, c’est-à-dire le texte du Coran et les paroles du Prophète.

7 Le bach mufti est le premier dignitaire religieux dans les pays de rite malékite ou hanafite. Le mufti est aussi un religieux musulman dont le rôle est de rendre la justice conformément aux prescriptions coraniques.

8 La charia est la loi islamique, appliquée dans les pays de l’Islam. Elle comporte l’ensemble des normes et réglementations issues du Coran et les paroles du Prophète.

9 Le Code du statut personnel ou CSP est formé par une série de lois progressistes et avant-gardistes tunisiennes, promulgué à l’aube de l’indépendance du pays en 1956 par décret beylical puis entré en vigueur en 1957. L’instauration de ce code fut une énorme révolution dans la justice tunisienne et représente une des premières réalisations du premier président de la Tunisie indépendante.

10 Le cheikh de la médina est un homme sage, parfois un vieillard, respecté pour son savoir et ses connaissances scientifiques et religieuses. Dans ce cas, il occupe le poste de chef de communauté ou gouverneur.

11 KECHICHE Khouloud, Dar Echaraa : un trésor dépoussiéré et réhabilité au cœur de la médina, Tunis, Tunisvisions, 2018, [en ligne] https://www.turess.com/fr/tunivisions/109658 [lien valide en mai 2022].

12 Extraits de l’entretien avec Anouar El Fani, écrivain, historien de formation, ex-maire adjoint de la municipalité de Sousse et vice-président de l’Association de sauvegarde de la médina (ASM) (05/02/2020).

13 Extraits de l’entretien avec Anouar El Fani, écrivain, historien de formation, ex-maire adjoint de Sousse et vice-président de l’Association de sauvegarde de la médina (ASM) (05/02/2020).

14 YOUSSEF Zeineb, « Reconstitution des processus de patrimonialisation des médinas de la Tunisie à l’époque contemporaine : cas de Sousse, Monastir et Mahdia », thèse de doctorat en sciences de l’architecture, Tunis, université de Carthage, École nationale d’architecture et d’urbanisme, 2018, p. 252.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Implantation de Dar Echaraa dans la médina de Sousse (Tunisie). Carte extraite du plan d’aménagement urbain de la ville de Sousse (PAU approuvé par décret N°08-3173 du octobre 2008), téléchargeable du site officiel de la municipalité de Sousse http://www.commune-sousse.gov.tn/​fr et modifiée par Zeineb Youssef, 2019 [lien valide en août 2022].
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/36327/img-1.jpg
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Titre Figure 2
Légende Porte d’entrée principale de Dar Echaraa dans la médina de Sousse, 2018.
Crédits © Zeineb Youssef.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/36327/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 242k
Titre Figure 3
Légende Détails ornementaux de la façade intérieure de Dar Echaraa dans la médina de Sousse : plaque commémorative (en haut) marquant la date d’inauguration du monument, frise et encadrement de porte sculptés, 2018.
Crédits © Zeineb Youssef.
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Titre Figure 4
Légende Une des façades sculptées du patio, orientée Sud : accès principal à partir du vestibule (porte au milieu), pilastres noyés dans le mur, frises sculptées et panneaux de céramiques, Dar Echaraa de la médina de Sousse, 2018.
Crédits © Zeineb Youssef.
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Titre Figure 5
Légende Plan de Dar Echaraa établi en 2004 : patio de forme carrée autour duquel sont disposées les pièces avec une nouvelle affectation.
Crédits © INP, service régional Inventaire des Monuments historiques de la médina de Sousse.
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Titre Figure 6
Légende Aspect intérieur de la nouvelle salle de séminaire ou salle polyvalente, Dar Echaraa de la médina de Sousse, 2018.
Crédits © Zeineb Youssef.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/36327/img-6.jpg
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Titre Figure 7
Légende Journée de sensibilisation à Dar Echaraa, organisée par l’Association Tunisienne Des Enfants Malades sous le slogan « Œil pour chaque enfant », médina de Sousse, 2016.
Crédits © Faical Abayed (Association Sousse Demain).
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Titre Figure 8
Légende Soirée nocturne du festival de la médina de Sousse, au patio à ciel ouvert, 2016.
Crédits © Faical Abayed (Association Sousse Demain).
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Pour citer cet article

Référence électronique

Zeineb Youssef, « Reconversion du tribunal religieux « Dar Echaraa » dans la médina de Sousse (Tunisie) en un espace culturel contemporain »In Situ [En ligne], 48 | 2022, mis en ligne le 26 août 2022, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/36327 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/insitu.36327

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Auteur

Zeineb Youssef

Architecte, maître-assistante à l’ISAM de Mahdia (université de Monastir), docteure en sciences de l’architecture et membre du laboratoire de recherche LaRPA à l’École Nationale d’Architecture et d’urbanisme de Tunis (université de Carthage)

youssefzeineb@yahoo.fr

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Droits d’auteur

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