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Lieux de pouvoirs. Architectures administratives de la France contemporaine, 1945-2013. Avant/Après la décentralisation

ÉDITORIAL
Christian Hottin

Texte intégral

  • 1 - Le no 34 de la revue In Situ a connu un temps de maturation particulièrement long. L’appel à cont (...)
  • 2 - ANDRIEUX, Jean-Yves. L’Architecture de la République. Les lieux de pouvoir dans l’espace public e (...)

1Le titre de cette nouvelle livraison de la revue In Situ1 est emprunté à Jean-Yves Andrieux, qui fit usage de ces termes en sous-titre de son ouvrage dédié à l’architecture de la République2. Plus modeste que son ambitieuse synthèse couvrant les xixe et xxsiècles, ce dossier, riche en monographies, se concentre sur les constructions de la période la plus contemporaine, entre 1945 et le début de ce millénaire.

Porter son regard en avant

2(fig. 1)

Figure 1

Figure 1

Cité administrative de Lyon La Part-Dieu. Photomontage sur la maquette générale de La Part-Dieu. J.M. Lafon, architecte en chef des Bâtiments civils et Palais nationaux.

Phot. Chevojon. © Archives nationales, 20060204/9.

  • 3 - Voir en dernier lieu, sur ce sujet : HOTTIN, Christian. « Genèse, implantation et remises en ques (...)
  • 4 - 182 rue Saint-Honoré, Paris, 1er arr., actuellement siège du ministère de la Culture.

3S’agissant d’études qui portent sur de telles œuvres, leur présence dans une revue consacrée au patrimoine peut faire question. Non que leur jeunesse soit un facteur d’exclusion : les productions du xxsiècle, dès avant sa fin, ont accédé au statut de patrimoine, sous diverses formes, depuis le classement en bonne et due forme jusqu’à la plus légère labellisation3. De même, toutes prennent déjà place de plein droit dans l’histoire de l’architecture et non dans le débat de critique architecturale, jusque et y compris au bâtiment des « Bons-Enfants »4 de Francis Soler – qui abrite les riches échanges du comité de rédaction de la revue. Reste que leur qualification en tant qu’objet de patrimoine peut encore faire débat, que l’architecte soit toujours en vie ou que l’édifice, dont la construction est ancrée dans une actualité politique très récente, peine à être regardé autrement que comme un lieu investi d’une simple valeur d’usage, sur lequel on porte éventuellement un jugement esthétique sommaire, mais qu’on ne parvient pas encore à appréhender en termes de possible préservation.

  • 5 - Si l’hôtel de région de l’ex-région Languedoc-Roussillon est absent de ce volume, il faut signale (...)
  • 6 - ARIS, Dominique, HENRY, Élisabeth (dir.). Architectures de la culture, culture de l’architecture. (...)
  • 7 - Qui n’est pas en débat ici, eu égard au statut de la revue comme à celui de l’auteur du texte.
  • 8 - S’agissant de « l’État culturel », la question peut être directement posée à l’occasion de la ces (...)

4À ce titre, et bien que les travaux rassemblés ici soient d’une grande diversité, on aurait aimé plus encore d’études sur des lieux dont la qualification patrimoniale paraît improbable. Ni la mairie de Thiais, ni celle de Vitry-sur-Seine – œuvre notable de Pierre Colboc (1973), signalée par Jean-Yves Andrieux – n’ont trouvé preneur… Du moins l’attention des chercheurs s’est-elle volontiers portée vers des hôtels de département ou des hôtels de région. Ces derniers méritent selon nous une attention toute particulière sous l’angle du patrimoine. En effet, les récents bouleversements de la carte territoriale française, avec la loi NOTRe (7 août 2015) et les dispositions réglementaires en découlant, ouvrent potentiellement la voie à une modification de la valeur d’usage de nombre de ces lieux de pouvoir, notamment dans les régions fusionnées. Le choix d’une seule capitale régionale, sur des territoires où deux ou trois existaient auparavant, pose la question, à moyen terme, une fois écoulées de nécessaires années de transition, du devenir des biens immobiliers (une manière de désigner des lieux de pouvoir déclassés) présents dans les villes ayant perdu leur statut de chef-lieu de région. Ce constat vaut bien entendu pour les hôtels de région, lieux par excellence de l’affirmation du pouvoir de ces nouvelles collectivités5, mais aussi pour les bâtiments de l’administration préfectorale et les autres services déconcentrés de l’État. Cette mention concerne tout particulièrement les directions régionales des Affaires culturelles (DRAC), dont les services se répartissent désormais au sein des régions fusionnées entre « site principal » et « site(s) distant(s) » : une forme de déclassement institutionnel d’un espace auparavant investi d’une forte légitimité symbolique qui ouvre, là encore, la voie à une possible remise en cause, dans le futur, de son statut de bâtiment d’administration de l’État. À ce titre, le chapitre consacré aux directions régionales de l’ouvrage pourtant récent Architectures de la culture – culture de l’architecture (2009)6 mériterait d’être regardé tout autant, sinon plus, comme une forme de pré-inventaire d’un patrimoine potentiel (parce que potentiellement menacé d’aliénation et donc de transformation) que comme une légitime manifestation de satisfaction devant l’habileté de notre institution à marier au sein des mêmes lieux restauration des monuments et création contemporaine. La gestion du patrimoine immobilier de l’État7 pose la question de la reconnaissance éventuelle de la valeur de celui-ci comme patrimoine culturel, témoignage d’une certaine représentation du pouvoir de l’État à la période contemporaine8.

5Aussi, un tel numéro d’In Situ se veut, à sa manière, un signal de vigilance, non point politique, mais scientifique, pour les conservateurs de tous ordres : le périmètre, les formes et les représentations de la puissance publique sont en proie à de profondes transformations. Même, et surtout, si ces transformations concernent également les agents du patrimoine, il importe pour ceux-ci, dans le domaine de compétence qui est le leur, de conserver la longue portée de regard qui leur permet, au moment où la valeur d’usage est remise en cause, de percevoir avant les autres la possible valeur patrimoniale d’un bien. En ce sens, l’action patrimoniale réside moins dans le ministère quasi sacerdotal de préservation des valeurs déjà consacrées que dans l’anticipation des valeurs possibles, précisément au moment où celles-ci paraissent nulles ou aléatoires.

6Ces considérations d’ordre général étant posées, il importe, avant de présenter les travaux rassemblés ici, de remettre brièvement en perspective le cadre général proposé pour eux.

7(fig. 2)

Figure 2

Figure 2

Maquette proposée par André Bizette-Lindet au président Auriol pour un élément de décor de la salle à manger du palais de l’Élysée, 1947. Arch. nat., 552AP/50.

Phot. Clothilde Roullier. © Arch. nat.

Contextualisation historiographique

8Au cours de l’époque moderne, à mesure que se constitue l’appareil administratif de l’État, apparaissent des lieux spécifiquement dédiés à l’exercice du travail de l’administration. Bien souvent d’aspect plutôt modeste, ils se développent, dans la capitale ou dans les provinces, à côté de ces lieux traditionnels d’expression du pouvoir civil que sont les châteaux ou palais des rois et des princes, ou non loin du siège du pouvoir communal, incarné par les hôtels de ville. Ainsi sont construits ou aménagés les premiers bâtiments réservés à des intendances ou à des ministères (tels les hôtels de la Guerre et des Affaires étrangères à Versailles, édifiés en 1762).

9Après la Révolution et l’Empire, le quadrillage administratif du pays est fixé, et de manière durable, par les départements et leurs chefs-lieux, tandis que la trame organisationnelle de l’administration centrale, plus fluctuante, ne se stabilise que sous la Troisième République. D’abord voués à une architecture de remploi (hôtels particuliers, anciens évêchés, hôtels d’intendance…) ces services se voient petit à petit dotés d’un patrimoine immobilier très important. Ces architectures administratives sont tout à la fois le cadre et l’outil de travail des services de l’État, l’expression de son pouvoir et de sa continuité par-delà les multiples régimes politiques. Ces bâtiments occupent bien souvent une place centrale dans l’aménagement urbain, en devenant, en marge des centres anciens (où se trouvent mairies et évêchés), le pivot des extensions : au Puy-en-Velay comme à Lille, la préfecture organise autour d’elle le réseau des voies nouvelles, le long desquelles se dressent les nouveaux équipements publics, musées, jardins publics, théâtres, palais de justice… Si ces édifices tirent leur matériau de construction des ressources locales, leur style emprunte le plus souvent sa grammaire à l’architecture classique française, la similitude se trouvant assurée et renforcée par l’action d’un corps d’architectes issus d’une unique formation et œuvrant directement pour l’État9.

10(fig. 3)

Figure 3

Figure 3

Aile de réception : salle à manger, Préfecture d’Essonne, Boulevard de France, 91000 Évry. Guy Lagneau architecte, Pierre Guariche architecte d’intérieur. Table composable en acier inox brossé et poli formant damier – piètement en forme en inox. Fonds d’archives Pierre Guariche.

© Archives Pierre Guariche.

11Souvent étudiée de manière ponctuelle, à travers des monographies d’architectes, l’architecture des administrations françaises, tout à la fois cadre d’exercice concret du travail des services de l’État et expression symbolique de l’emprise de celui-ci sur le territoire, a relativement peu été étudiée pour elle-même. Il faut signaler à ce propos le numéro 8 des Livraisons d’histoire de l’architecture, consacré aux ministères10. Il faut surtout mentionner le dossier, déjà ancien mais essentiel pour notre propos, que la revue Monuments historiques11 consacra en décembre 1991 aux préfectures : l’étude détaillée de quelques édifices remarquables – principalement du xixsiècle – y côtoyait un premier essai d’inventaire des préfectures françaises, mené par Gilles Plum. Si celui-ci consacrait une ligne en tout et pour tout à la préfecture de Tarn-et-Garonne, œuvre étonnante à tous égards de Roger Taillibert, inaugurée en 1978, les préfectures de la période contemporaine étaient toutefois représentées, grâce à un texte de Bertrand Lemoine traitant des réalisations destinées aux nouveaux chefs-lieux des départements de la petite couronne.

Impression de banalité ou expression d’un pouvoir ?

  • 12 - Voir cependant les études conduites dans ce domaine sur les architectures contemporaines par quel (...)

12C’est donc sur la période la moins étudiée d’un champ de l’histoire architecturale12 relativement peu défriché que porte ce numéro de la revue In Situ. À travers les yeux de l’usager, les lieux de l’administration sont souvent ceux de la banalité, et le miroir inversé de ces « lieux de pouvoirs » renvoie à la triviale réalité du « monde des bureaux ». Banalité – feinte – de lieux qui ne sont souvent perçus qu’au travers des circonstances très ordinaires de leur fréquentation… et de l’ennui que suscite chez le visiteur – souvent contraint – l’attente non désirée. L’œil s’attarde alors sur le caractère disparate du mobilier, l’usure précoce ou prolongée du cadre… Il faut y regarder de plus près, et autrement.

13(fig. 4)

Figure 4

Figure 4

L’hôtel de région de Limoges, vu depuis le boulevard de la Corderie.

Phot. Philippe Rivière. © Région Nouvelle-Aquitaine. Inventaire général du patrimoine culturel.

14La période contemporaine est marquée par une vaste entreprise de modernisation de la nation : reconstruction du pays dévasté, puis extension du champ d’action de l’État jusque dans les années 1980. Dans les années 1950 et 1960, ces vastes grands projets seront l’occasion pour les architectes de l’État d’assumer enfin une rupture stylistique longtemps différée : la rupture avec le style « Beaux-Arts » et la conversion à la modernité architecturale. Le cadre matériel et architectural des ministères et des services déconcentrés de l’État s’ancre le plus souvent dans l’existant, mais il le dépasse de beaucoup. En attestent les grands projets pour les ministères (on songe par exemple au concours pour le ministère de l’Éducation nationale à La Défense, et à la tour qu’imaginèrent Michel Andrault et Pierre Parat), les réalisations majeures en termes d’aménagement de l’espace de la capitale (hier Paul Chemetov à Bercy pour le ministère des Finances, Nicolas Michelin aujourd’hui à Balard pour le ministère de la Défense), ou encore d’ambitieuses opérations de concentration de services dispersés (le site de Convention pour les Affaires étrangères, celui des Bons-Enfants pour la Culture). Surtout, l’extension des services déconcentrés marque le paysage des préfectures, grandes ou petites. Les cités administratives viennent désengorger les hôtels du siècle passé : complexe de plusieurs bâtiments (Toulouse, par Paul de Noyers, 1960) ou gratte-ciel, parmi les premiers et les plus élevés des métropoles régionales (Lille, par Albert Laprade, 1951-1965 ou Bordeaux, 1968-1974). Dans le même temps, certains services, tels les archives départementales, gagnent en autonomie, et font désormais l’objet de programmes architecturaux spécifiques. Enfin, plus tardivement, les effets conjugués de la déconcentration de services de l’État et de la structuration de ceux du ministère de la Culture entraînent la constitution du réseau des DRAC, marqué par une forte tendance à la réhabilitation de bâtiments anciens (DRAC Aquitaine, 1995, dans l’ancien couvent des Annonciades de Bordeaux). Les années 1980 et 1990, à la faveur des bouleversements politiques internationaux, voient également la construction de nombreuses nouvelles ambassades.

  • 13 - Maîtrise d’ouvrage publique, 12 juillet 1985.

15Fait capital, cette période est celle de l’affirmation du pouvoir des collectivités territoriales, directement issu des lois de décentralisation de 1982. Si l’évêché, sauf en de rares exceptions, ne fait plus partie depuis longtemps des éléments importants du paysage des villes françaises, la polarisation traditionnellement forte entre la préfecture et la mairie est remplacée par une configuration spatiale plus complexe des institutions du pouvoir civil : conseils généraux et conseils régionaux comptent désormais dans le panorama architectural des villes grandes ou moyennes, leurs hôtels jouent souvent un rôle déterminant dans l’aménagement de nouveaux quartiers et dans la constitution de nouveaux pôles d’activité (Antigone à Montpellier, les Confluences à Lyon, Euralille). La rupture du début des années 1980 est d’autant plus nette qu’elle voit l’extinction progressive du corps des architectes des bâtiments civils et, avec la loi MOP13, la généralisation du concours comme mode de dévolution de la commande en termes de maîtrise d’œuvre pour la commande publique. Jouant sur de ténues nuances régionales, les architectes de l’État avaient, plus d’un siècle durant, su imposer aux administrations des villes françaises l’empreinte unique d’un style, garant de l’unité de la nation et expression formelle de sa centralisation administrative… Aux collectivités, désormais, de faire valoir leur existence et leur jeune puissance via des bâtiments qui seront moins souvent marqués par les références régionales que par la personnalité de leur concepteur : Christian de Portzamparc pour Rhône-Alpes, Ricardo Bofill pour Languedoc-Roussillon, Dominique Perrault pour la Meuse, William Alsop pour les Bouches-du-Rhône, ou encore Luc Delemazure pour le Nord-Pas-de-Calais… Cette affirmation de nouveaux pouvoirs politiques, régionaux ou départementaux, passe aussi par la réhabilitation et la reconversion de bâtiments historiques présents au cœur des métropoles régionales (Metz, Caen…).

16À bien des égards, on se situe moins dans l’affirmation de la continuité de l’action publique que dans l’affirmation ostentatoire d’une nouvelle forme de pouvoir politique, nuançant ainsi les termes de la préface de Jack Lang au dossier de la revue Monuments historiques :

Aujourd’hui, l’architecture des bâtiments nés avec la décentralisation ne symbolise-t-elle pas, par l’utilisation du verre et la dynamique des formes, la détermination de l’État à perpétuer cette tradition et à l’adapter aux conditions exigées par la modernité ? La création des hôtels de département destinés aux Conseils généraux, dépositaires de nombreuses prérogatives préfectorales, a ainsi donné naissance à un nouveau langage architectural, plus lisible et plus fonctionnel.

Bilan des contributions apportées

17(fig. 5)

Figure 5

Figure 5

Hôtel de région de Bourgogne : salle des Assemblées, panneaux métalliques de Pierre Sabatier pour la cloison amovible.

Phot. Pierre-Marie Barbe-Richaud. © Service Patrimoine et inventaire, Région Bourgogne Franche-Comté, 2014.

18Si elles sont loin d’épuiser le sujet, les contributions réunies ici contribuent néanmoins à le défricher largement.

  • 14 - À ce titre, la lecture de son article mérite d’être prolongée par celle de l’ouvrage collectif as (...)

19Ainsi qu’il est fréquent dans la revue In Situ, une place particulière a été réservée aux sources des architectures administratives, abordées ici selon plusieurs angles : celui de l’apport d’une source particulière à l’étude des constructions, avec l’étude de Pascal Riviale sur les cités administratives et les fonds les concernant aux Archives nationales (voir fig. 1), celui des fonds des archives des décors, proposé par Clothilde Roullier dans le prolongement de l’exposition qu’elle avait organisée, « Un art d’État »14 (voir fig. 2), celui des archives des postes, étudié par Charlotte Leblanc, et enfin, celui d’une réflexion historique et archivistique globale, proposé par Nina Mansion.

  • 15 - Une seule contribution, celle de Pascale Breemersch, est attachée à l’étude d’une sous-préfecture (...)

20L’échelon central de l’État, l’architecture des ministères, reste relativement peu représenté ici, si l’on excepte les articles proposés par Emmanuel Pénicaut. Nombreuses sont en revanche les monographies concernant l’administration préfectorale dans ce volume, et plusieurs d’entre elles dénotent un certain tropisme francilien. Tout n’a pas été dit, sans doute, des préfectures issues de l’éclatement de la Seine-et-Oise et de la Seine, à l’heure où le Grand Paris pourrait bien mettre à mal une géographie administrative déjà bien ancrée dans l’histoire : on se reportera pour cette question aux travaux de Léo Noyer-Duplaix et Emmanuelle Philippe sur l’œuvre d’Henry Bernard à Cergy-Pontoise ainsi qu’à l’étude de Delphine Jacob sur le travail de Pierre Guariche à la nouvelle préfecture d’Évry (voir fig. 3). Peuvent également se rattacher à cet ensemble d’études les contributions de Marie-Andrée Corcuff et Franca Malservisi dédiées au bâtiment des archives départementales du Val-de-Marne15. En effet, bien que cet édifice fasse aujourd’hui partie du patrimoine du conseil départemental, il fut initialement conçu pour un service qui, avant 1983 relevait de la préfecture nouvellement établie. L’édifice de Pierre Roux-Dorlut et Daniel Badani constitue du reste un exemple aussi rare qu’intéressant d’archives départementales dont la place dans l’aménagement urbain d’une préfecture a fait l’objet d’une réflexion spécifique.

21Autre figure fondamentale de l’architecture des lieux de pouvoir sur le territoire, l’hôtel de ville est abordé à travers la monographie de Nathalie Simonnot (Le Blanc-Mesnil). In fine, quatre hôtels de région font l’objet d’une étude dans cette livraison d’In Situ. Toutes ont été menées par des chercheurs travaillant au sein de services de l’Inventaire : Roland Chabbert (ex-région Midi-Pyrénées), Jérôme Decoux et Aurore Tousch (région Centre-Val-de-Loire et ex-région Limousin) (voir fig. 4) et enfin Julien Defillon (ex-région Bourgogne). Pour significatif qu’il soit, cet apport est limité, et l’intérêt pour l’étude de ce nouvel échelon du pouvoir sur le territoire national reste à développer (fig. 5).

22Enfin, plusieurs auteurs n’ont pas craint de se lancer dans des études comparées, ainsi que l’appel à contributions les y invitait. Ils ont su faire varier les échelles, allant du territoire d’une région à celui d’une préfecture de taille moyenne (Bobigny, avec Hélène Caroux, Évelyne Van Damme et Vanessa Fernandez) en passant par une grande métropole régionale (avec l’étude d’Éléonore Marantz-Jaen consacrée aux hôtels de département et de région implantés à Marseille) (fig. 6).

Figure 6

Figure 6

Hôtel de département des Bouches-du-Rhône (1990-1994, arch. : William Alsop, John Lyall). Maquette, carte postale éditée par le conseil général des Bouches-du-Rhône (AD BdR, 2338 W 9).

© AD BdR.

23L’ouverture internationale était présente dès le lancement de l’appel à contributions, et avait fait l’objet de nombreuses discussions au sein du comité de rédaction. Elle concerne des ambassades françaises à l’étranger (Russie, avec l’article d’Alice Lincoln, et Sarre, avec l’étude de Benoît Carrié consacrée à cet étrange objet diplomatique), mais aussi les réalisations d’architectes français à l’étranger, notamment dans l’ancien empire colonial, là où les représentations du pouvoir politique empruntent le plus au modèle de la « monarchie républicaine » à la française (palais présidentiel d’Abidjan de Pierre Dufau, étudié par Hugo Massire (fig. 7), et vue d’ensemble sur l’œuvre d’Henri Chomette en Afrique de l’Ouest, par Léo Noyer-Duplaix).

Figure 7

Figure 7

Palais présidentiel d’Abidjan de Pierre Dufau, vue du bureau personnel du premier ministre, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-5.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

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Notes

1 - Le no 34 de la revue In Situ a connu un temps de maturation particulièrement long. L’appel à contribution a été lancé en octobre 2013, après dix-huit mois de discussions sur son contenu au sein du comité de rédaction. Je tiens à en remercier tous les membres pour leurs remarques, suggestions et critiques, qui contribuent à faire de cette instance un lieu de dialogue unique au sein de l’administration du Patrimoine, réunissant chercheurs, enseignants-chercheurs, architectes et professionnels des différents secteurs de notre institution. Une fois lancé, l’appel n’a toutefois connu qu’un succès modeste, ce qui a rendu nécessaires plusieurs relances, avant que la réalisation d’autres numéros, plus directement en phase avec l’actualité patrimoniale (« Au regard des métiers du patrimoine », no 30, en codirection avec Marie-Cécile Bouju, et « Patrimoine culturel immatériel et institutions patrimoniales », no 33, en codirection avec Séverine Cachat), et la prise de nouvelles fonctions ne retardent l’avancement et l’achèvement de ce travail entrepris dans la foulée du numéro consacré au patrimoine de l’enseignement supérieur (no 17). Je tiens à remercier chaleureusement pour leur travail et leur patience les auteurs du numéro, ainsi que Françoise Cosler et Catherine Gros, sans qui In Situ ne serait pas. Merci à Pascal Liévaux pour sa confiance.

2 - ANDRIEUX, Jean-Yves. L’Architecture de la République. Les lieux de pouvoir dans l’espace public en France (1792-1981). Paris : SCÉREN-CNDP, 2009.

3 - Voir en dernier lieu, sur ce sujet : HOTTIN, Christian. « Genèse, implantation et remises en question du label Patrimoine du 20e siècle ». Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 137, janvier-mars 2018, p. 99-114.

4 - 182 rue Saint-Honoré, Paris, 1er arr., actuellement siège du ministère de la Culture.

5 - Si l’hôtel de région de l’ex-région Languedoc-Roussillon est absent de ce volume, il faut signaler qu’il a fait l’objet d’une belle étude, inscrite dans le cadre plus vaste d’une recherche sur le quartier Antigone, de la part de nos collègues de l’Inventaire général de la région Occitanie Pyrénées-Méditerranée. Elle est publiée dans la revue Patrimoines du Sud et disponible en ligne : GANIBENC, Dominique. « L’Hôtel de Région en Languedoc-Roussillon (1986-1989), un chantier de recherche ». Patrimoines du Sud [en ligne], 3 / 2016, mis en ligne le 9 février 2016 : http://inventaire-patrimoine-culturel.cr-languedocroussillon.fr [consulté le 25/05/2018].

6 - ARIS, Dominique, HENRY, Élisabeth (dir.). Architectures de la culture, culture de l’architecture. Paris : Éditions du patrimoine/Centre des monuments nationaux, 2009.

7 - Qui n’est pas en débat ici, eu égard au statut de la revue comme à celui de l’auteur du texte.

8 - S’agissant de « l’État culturel », la question peut être directement posée à l’occasion de la cession prochaine de l’immeuble de la rue des Pyramides (Paris, 2e arr.), siège historique de la direction des Musées de France, et dont les aménagements intérieurs ont été conçus et réalisés en vue de cette destination.

9 - Voir à ce propos : https://www.inha.fr/fr/ressources/outils-documentaires/conseil-des-batiments-civils-conbavil.html?search-keywords=Conbavil [consulté le 25/05/2018]. Cette base, intitulée CONBAVIL (CONseil des BAtiments ciVILs), aujourd’hui mise en ligne sur le site de l’INHA, contient le dépouillement analytique des 66 premiers registres des procès-verbaux des séances du Conseil des bâtiments civils, soit les années 1795-1840 (F21*2470 à F21*2536), et les images numérisées des calques des projets acceptés, conservés dans la série iconographique F21 1875-1908.

10 - Voir à ce propos : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/issue/lha_1627-4970_2004_num_8_1 [consulté le 25/05/2018]. Dans l’ouverture du numéro, Jean-Michel Leniaud pointe précisément les insuffisances de la bibliographie française dans ce domaine, incapable de rivaliser avec l’ouvrage de Michael Harry Port. Imperial London. Civil Government Building in London, 1850-1915, publié en 1994 (Yale University Press).

11 - Voir aussi, à la même période, d’autres numéros spéciaux de la revue consacrés à des édifices publics comme les palais de justice, les postes, … avec quelques (rares) exemples de la seconde moitié du xxsiècle.

12 - Voir cependant les études conduites dans ce domaine sur les architectures contemporaines par quelques CAUE (Loire-Atlantique par ex.), des reportages réguliers de revues régionales comme Le Festin ou 303 arts, recherches, créations (25 ans d’architecture contemporaine en Pays de la Loire, hors-série, no 62, septembre 1999) ou les rétrospectives nationales de revues comme Le Moniteur.

13 - Maîtrise d’ouvrage publique, 12 juillet 1985.

14 - À ce titre, la lecture de son article mérite d’être prolongée par celle de l’ouvrage collectif associé à l’exposition et de l’article, ici même, de Philippe Bettinelli et Xavier-Philippe Guiochon, commissaires associés de l’exposition des Archives nationales. Voir : ROULLIER, Clothilde, HOTTIN, Christian, GUIOCHON, Xavier-Philippe et BETTINELLI, Philippe (dir.). Un art d’État ? Commandes publiques aux artistes plasticiens (1945-1965). Paris/Rennes : Archives nationales/PUR, 2017.

15 - Une seule contribution, celle de Pascale Breemersch, est attachée à l’étude d’une sous-préfecture, celle de Douai.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Cité administrative de Lyon La Part-Dieu. Photomontage sur la maquette générale de La Part-Dieu. J.M. Lafon, architecte en chef des Bâtiments civils et Palais nationaux.
Crédits Phot. Chevojon. © Archives nationales, 20060204/9.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/16062/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 424k
Titre Figure 2
Légende Maquette proposée par André Bizette-Lindet au président Auriol pour un élément de décor de la salle à manger du palais de l’Élysée, 1947. Arch. nat., 552AP/50.
Crédits Phot. Clothilde Roullier. © Arch. nat.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/16062/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 448k
Titre Figure 3
Légende Aile de réception : salle à manger, Préfecture d’Essonne, Boulevard de France, 91000 Évry. Guy Lagneau architecte, Pierre Guariche architecte d’intérieur. Table composable en acier inox brossé et poli formant damier – piètement en forme en inox. Fonds d’archives Pierre Guariche.
Crédits © Archives Pierre Guariche.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/16062/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 748k
Titre Figure 4
Légende L’hôtel de région de Limoges, vu depuis le boulevard de la Corderie.
Crédits Phot. Philippe Rivière. © Région Nouvelle-Aquitaine. Inventaire général du patrimoine culturel.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/16062/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 544k
Titre Figure 5
Légende Hôtel de région de Bourgogne : salle des Assemblées, panneaux métalliques de Pierre Sabatier pour la cloison amovible.
Crédits Phot. Pierre-Marie Barbe-Richaud. © Service Patrimoine et inventaire, Région Bourgogne Franche-Comté, 2014.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/16062/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 256k
Titre Figure 6
Légende Hôtel de département des Bouches-du-Rhône (1990-1994, arch. : William Alsop, John Lyall). Maquette, carte postale éditée par le conseil général des Bouches-du-Rhône (AD BdR, 2338 W 9).
Crédits © AD BdR.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/16062/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 996k
Titre Figure 7
Légende Palais présidentiel d’Abidjan de Pierre Dufau, vue du bureau personnel du premier ministre, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-5.
Crédits © Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/16062/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 836k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Christian Hottin, « Lieux de pouvoirs. Architectures administratives de la France contemporaine, 1945-2013. Avant/Après la décentralisation »In Situ [En ligne], 34 | 2018, mis en ligne le 18 octobre 2018, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/16062 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/insitu.16062

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Auteur

Christian Hottin

Conservateur en chef du patrimoine, Directeur des études du département des conservateurs, Institut national du patrimoine christian.hottin@inp.fr

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