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Ouverture internationale : ambassades et palais présidentiels

Le Palais présidentiel d’Abidjan : la logique de l’opulence

The presidential palace at Abidjan, the logics of opulence
Hugo Massire

Résumés

Plus d’un demi-siècle après la décolonisation, palais et résidences officielles sont encore souvent ignorés par la critique, la moralité de leurs financements ou la mégalomanie de leurs commanditaires paraissant éclipser la qualité et l’intérêt des constructions. Terminé en 1961, le palais présidentiel d’Abidjan a été construit par l’architecte Pierre Dufau sur des fonds français. Situé à la jonction de l’indépendance ivoirienne et de sa fausse table rase, ce luxueux complexe mêle la science de la composition des Prix de Rome avec la recherche syncrétique d’une excellence artistique française. Au-delà des sommes considérables engagées, le palais exprime par son programme l’imbrication des liens entre langage et pouvoir et la complexité des rapports entre besoins et demandes. Ce cas d’étude ne visera donc pas tant à placer cet unicum dans une généalogie formelle ou technique ou à interroger son opportunité. Alors que l’historiographie tend toujours à mettre en valeur la recherche de la rationalité et de l’économie, on tâchera ici de définir la logique de l’opulence.

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Texte intégral

Introduction1

  • 1 - Cette introduction reprend partiellement un texte proposé à l’occasion de l’exposition Africa, Bi (...)

1Ultime avatar de l’histoire coloniale française, la Communauté, instaurée en 1958 par la nouvelle Constitution de la Cinquième République, tente la mise en œuvre d’un système décentralisé offrant l’autonomie aux territoires africains devenus États. Ébranlée par la guerre d’Indochine et le soulèvement algérien, l’Union française de 1945 avait déjà évolué suite à la loi-cadre Defferre de 1956 : associant déconcentration et décentralisation, elle crée dans chaque colonie des conseils de gouvernement et des embryons de ministères. Mettant un terme à l’ancien empire, la Communauté instaure un système fédéral où seules les fonctions régaliennes (soit les affaires financières, diplomatiques et militaires) demeurent dévolues à Paris. Elle vole en éclats en 1960, les anciennes colonies déclarant successivement leur indépendance. Des jeux d’acteurs complexes, mêlant appareil d’État et groupes d’intérêts privés, politiques et architectes, apparaissent en filigrane de la chronologie de l’équipement institutionnel de ces territoires au cours de ces quatre années.

Figure 1

Figure 1

Vue aérienne de la résidence privée et du bâtiment de réceptions du palais présidentiel d’Abidjan, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-13.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

2Inauguré lors de festivités grandioses en août 1961, le palais présidentiel d’Abidjan (fig. 1) est érigé en manifeste de l’ambition de la Côte d’Ivoire par son premier président, Félix Houphouët-Boigny. Situé à la jonction de la période coloniale et de l’indépendance du nouvel État africain, il est étudié et réalisé par un groupement d’entreprises et d’architectes français en à peine plus d’un an. L’ensemble de grand luxe résultant de ce tour de force partage la science de la composition des Prix de Rome, métissée de l’influence du style international, avec la promotion d’une excellence artistique française. Un tel objet pose des problèmes de fond quant à son approche historiographique, cumulant deux tares rédhibitoires au regard de la doxa : ultime outil d’assimilation du colonisateur, il est aussi la première œuvre d’un président adepte des dépenses somptuaires. Palais et résidences officielles ont été longtemps ignorés de l’expertise historienne et de la critique, le jugement de la moralité de leurs existences éclipsant l’analyse de leurs modes de faire et de leurs caractéristiques.

  • 2 - CHRISTIN, Olivier et FILLIAT, Armelle. « Abidjan : un urbanisme capital ». Dans CULOT, Maurice et (...)
  • 3 - S’il n’y a pas lieu ici de retracer le parcours politique, très complexe, de Félix Houphouët-Boig (...)

3Capitale de la Côte d’Ivoire fondée par la France, Abidjan voit sa population approcher les 250 000 habitants à la fin des années 19502. N’ayant pas plus d’un demi-siècle d’existence, son centre-ville, le quartier du Plateau, est tracé suivant un plan hippodamien aéré : à sa pointe sud, face à la lagune, réside le gouverneur français, logé dans un petit palais construit en 1933. Mal reliées à la capitale, les autres villes du pays possèdent un équipement rudimentaire, à l’exception de Yamoussoukro, village natal de Félix Houphouët-Boigny, qui a déjà fait l’objet de plans de développement. Syndicaliste anticolonialiste élu député3, Houphouët devient ministre d’État de la Quatrième République finissante en 1957 : il est le principal soutien africain à la Communauté française. Maire d’Abidjan, il s’impose comme l’interlocuteur de Paris pour la Côte d’Ivoire, et comme l’un des leaders politiques de l’espace de l’Afrique occidentale française.

  • 4 - Les différentes sources d’archives et de presse proposent des chiffres disparates, ne précisant p (...)
  • 5 - Celui-ci se monte, cette année-là, à 160 milliards de francs CFA. La grande prospérité de l’écono (...)

4La réalisation, en 1961, dans un pays encore largement sous-développé, d’un palais présidentiel au coût4 représentant plus d’1 % du PIB de la Côte d’Ivoire5 ne peut manquer d’interroger au-delà des questions relatives à l’histoire des formes architecturales et des techniques. Qu’elles soient tues par intérêt ou par pudeur, la raison d’être de l’œuvre et sa moralité gênent le placement historiographique de ce Versailles ivoirien. La logique de l’opulence et l’urgence du temps politique amènent à des objectifs, des moyens et des impensés propres, faisant du palais d’Abidjan un unicum sans guère d’équivalent, sinon dans les quelques autres édifices bâtis dans le même but sur le continent au tournant de la décolonisation (fig. 2).

Figure 2

Figure 2

Vue du bâtiment de réceptions du palais présidentiel d’Abidjan, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-1.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

5Quoique les anecdotes et les épiphénomènes ne manquent pas de faire sens, une opération d’une telle ampleur est aussi occasion de décrypter des tendances lourdes sur l’évolution de la technostructure de l’époque. L’effort d’intégration, par les architectes français, de la leçon de l’Amérique, croisée avec la science de la composition à grande échelle héritée de l’enseignement des Beaux-Arts, concourt à la mise en œuvre en trois cents jours d’une opération gigantesque. Le palais d’Abidjan pose en outre la question de la pérennisation d’un tel équipement, et de son incorporation dans les usages d’un pays secoué, depuis une vingtaine d’années, par des conflits civils et politiques. Après l’étude de l’ensemble réalisé, il est apparu pertinent de proposer une lecture du glissement programmatique opéré entre 1957 et 1961, le palais présidentiel ayant petit à petit phagocyté les autres éléments d’un vaste programme d’équipement couvrant l’ensemble du territoire ivoirien. Un phare, en somme, plutôt que mille lanternes.

Une mission : l’équipement d’un nouveau pays

6Encore bien éloignée de la réalisation finale, l’histoire du palais présidentiel d’Abidjan débute par la passation, en novembre 1957, d’un marché d’études par entente directe entre la SEFAC (Société d’études franco-africaine de construction) et le tout jeune gouvernement de la Côte d’Ivoire. D’un montant de 25 millions de francs CFA, il vise la réalisation d’un plan décennal d’équipement du territoire en bâtiments administratifs et en logements de fonctionnaires. Devant accompagner la marche vers l’autonomie et la croissance économique du pays, cette étude pré-opérationnelle se voit fixer des objectifs ambitieux. La SEFAC a à mener un inventaire qualitatif et quantitatif du parc immobilier du gouvernement ivoirien : en évaluer les besoins présents et à venir, recenser les terrains utilisables dans les zones urbaines et rurales, identifier les possibilités de financement. La société est également chargée d’étudier les plans des nouveaux immeubles administratifs et des logements de fonctionnaires ; l’habitat rural n’est pas oublié puisque des possibilités d’amélioration doivent être proposées, notamment par la conception de lotissements-types. Une étude de curetage des quartiers africains de Treichville et d’Adjamé, à Abidjan, doit enfin être mise en œuvre. Le contrat stipule que la SEFAC s’interdit tout bénéfice sur l’étude des projets mais que le gouvernement ivoirien lui en confiera préférentiellement l’exécution. Le mode de faire retenu impose ainsi une rationalisation de l’étude : poussée dans une logique de plans-types, elle évite les développements chronophages en même temps qu’elle prépare les économies d’échelle de la phase du chantier.

  • 6 - Ami de jeunesse de Pierre Dufau, Jean-Maurice Lafon lui est régulièrement associé pour des opérat (...)
  • 7 - Auteur d’importantes constructions publiques à Dakar et Libreville, Robert Boy a aussi construit (...)
  • 8 - Associé à Pierre Dufau à partir de 1970, Jean-Pierre Dacbert assure dès le milieu des années 1950 (...)

7Société ad hoc, la SEFAC utilise les moyens techniques de deux des plus importantes firmes du bâtiment de la France des années 1950, Froment-Clavier et Thinet. Le président de cette dernière, Marcel Thinet, est d’origine stéphanoise, à l’instar de l’industriel du café Pierre Joannon, proche de Félix Houphouët-Boigny, qui se charge d’obtenir les fonds du gouvernement français. Les études architecturales sont attribuées aux Parisiens Pierre Dufau et Jean-Maurice Lafon6, Robert Boy7 assurant le relais local à Abidjan. Né en 1908, Pierre Dufau achève alors la reconstruction d’Amiens dont il est l’urbaniste. Soutenu par ses réalisations dans les domaines de la banque et de l’énergie, il est au cœur du conglomérat destiné à proposer les solutions financières, techniques et architecturales pour l’équipement de la Côte d’Ivoire, bien qu’il n’ait quasiment jamais construit à l’étranger. Son jeune adjoint Jean-Pierre Dacbert8 sera le soutien indispensable pour les fréquentes prises de contact sur place, l’essentiel de l’étude étant faite à Paris, à proximité des moyens techniques et financiers.

  • 9 - Rapport du voyage d’information du 29 décembre 1957 au 9 février 1958, établi par Eugène-Louis Sy (...)
  • 10 - Ancien élève de l’École polytechnique, Jean Millier (1917-2006) est affecté en Côte d’Ivoire en 1 (...)
  • 11 - DELHUMEAU, Gwenaël et LEMONIER, Aurélien (dir.). Badani, Roux-Dorlut, architectes. La conquête du (...)

8Un premier voyage d’étude est effectué entre décembre 1957 et février 1958 par Dacbert, assisté de représentants de Thinet et de Froment-Clavier. Parcourant une Côte d’Ivoire déjà minée par les coteries et les clans, les techniciens français doivent montrer patte blanche ainsi qu’en fait part leur rapport : « La première partie du séjour (deux semaines) a été consacrée aux visites officielles, sans lesquelles rien ne pouvait être entrepris9. » Si le principe du marché confié à la SEFAC fait l’objet d’un quasi-consensus au sein du gouvernement ivoirien, Jean Millier, unique Européen à en faire partie, y est fermement opposé. Ingénieur des Ponts et Chaussées10, il est l’instigateur des grands chantiers ayant déjà bouleversé Abidjan depuis le début des années 1950 (nouveau pont, extension du port, construction de barrages hydroélectriques, etc.), et a soutenu les architectes déjà en place, en particulier les agences Badani-Roux-Dorlut11, Lagneau-Weill et Chomette, tenues de collaborer avec les nouveaux arrivants.

9La Côte d’Ivoire compte alors 2,5 millions d’habitants, moins d’1 % étant des Français, qui contrôlent les usines et le secteur de la construction. Ce dernier demeure peu développé, ni l’extraction de l’argile ni le travail du bois ne faisant l’objet d’une véritable industrialisation en direction du bâtiment. L’acier et le ciment doivent être importés. Si l’accès à Abidjan est aisé par voie maritime, les villes de l’intérieur du pays souffrent de la médiocrité des voies de communication et de l’absence d’une politique cohérente d’aménagement du territoire. Lancée dès l’après-guerre, l’aménagement de Yamoussoukro apparaît ainsi aux visiteurs comme « un échec psychologique et financier ; c’est aussi un échec du triple point de vue technique, architectural et des prix de revient ».

10L’équipe de la SEFAC enquête enfin sur les différentes formes d’habitat urbain et rural, des différences marquées apparaissant selon l’ethnie, la religion et le niveau d’éducation. Toutes les constructions domestiques modernes observées abandonnent la terre ou l’argile, optant pour le parpaing de ciment sans grand souci d’aspect intérieur ou extérieur, les rares éléments de décor se limitant à des crocodiles ou des motifs géométriques. En ville, les habitations européennes et les bâtiments administratifs adoptent des conceptions modernes : construction en béton armé ou en parpaings, utilisation de claustras et de brise-soleils, larges porte-à-faux ou saillies de toitures pour donner de l’ombre. Les parois demeurent légères vu le peu d’importance des déperditions thermiques, l’essentiel de l’effort des architectes portant sur la ventilation naturelle et la protection contre les rayons du soleil. Seul l’immeuble de la compagnie Transafric, construit en acier par Guy Lagneau et Michel Weill, est entièrement climatisé.

Le logement de fonction, expression du pouvoir politique

11L’absence complète de relais opérationnels en dehors d’Abidjan et les difficultés prévisibles de financement amènent, dès mai 1958, l’abandon des études des logements ruraux. Les architectes Pierre Dufau et Jean-Maurice Lafon se concentrent sur la définition de plans-types de logements de fonctionnaires, avec un réel souci de compréhension des modes de vie locaux, tout en se distinguant des formes architecturales vernaculaires.

12Élément de la nouvelle architecture officielle, le logement de fonction doit éviter toute confusion avec l’habitat traditionnel, mais aussi avec la construction moderne spontanée, réalisée sans ordre ni règles. Les résidences des hauts fonctionnaires ont une organisation éclatée autour d’un patio central, l’utilisation de demi-niveaux permettant d’avoir une hauteur sous plafond plus importante dans le grand salon, salle de palabres traditionnelle (fig. 3).

Figure 3

Figure 3

Axonométrie et plan du rez-de-chaussée d’une résidence-type pour haut-fonctionnaire, 15 juin 1958. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-10.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

13Logée dans des immeubles collectifs, les classes moyennes bénéficient des recherches typologiques effectuées en France au même moment : jumelage des gaines, mutualisation des circulations verticales et horizontales, organisation de logements en duplex, dans une logique sous-tendue par la juxtaposition d’éléments sériels. Les logements populaires, de plain-pied, sont enfin agencés suivant différents plans-masses recherchant les économies d’échelle par la mitoyenneté, tout en recréant des ambiances de cour commune compatibles avec les modes de vie traditionnels (fig. 4).

Figure 4

Figure 4

Vue de la cité de logements populaires n°10 à Cocody, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-12.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

14L’adoption des normes européennes de confort domestique et la standardisation des éléments constitutifs de l’habitat constituent ainsi le tournant vers l’ordre – sous couvert de modernité – sans toutefois provoquer de rupture culturelle avec les fondements sociétaux ivoiriens. Déployée dans toutes les classes sociales, l’architecture du logement de fonction est une expression du pouvoir politique : abritant des privilégiés qui sont au cœur de l’évolution du pays, les logements doivent être la source d’un effet d’entraînement. À travers le choix des profils de domesticité, c’est une autorité qui s’exprime, dictant les nouveaux modes d’habiter par le truchement des architectes ; le logement du fonctionnaire, c’est-à-dire une cellule de l’organisme étatique, doit donner à voir la vision d’ensemble du projet de société.

  • 12 - Note précisant les travaux déjà réalisés et précisant l’activité de la seconde mission technique (...)

15Les rapports préliminaires dénotent, de la part des architectes, un esprit teinté d’une certaine humilité : « Il ne faut pas mépriser les méthodes actuelles de construction par pur esprit de novation. Bien au contraire, l’état actuel de la construction est une résultante d’essais, de tâtonnements faits par des milliers d’individus qui nous ont précédés et pour lesquels le prix de revient était le souci majeur12. » La volonté de développer les filières locales bute toutefois sur leur incapacité à répondre, en qualité et en délai, aux exigences du programme, seules les menuiseries pouvant être produites sur place.

Le choix du confort par l’argent

  • 13 - Réalisé en 1956 par l’agence Badani-Roux-Dorlut.

16Outre le programme d’habitat, la SEFAC est en charge de l’étude de l’équipement administratif de la Côte d’Ivoire, et en particulier de la nouvelle cité gouvernementale d’Abidjan, les bâtiments existants s’avérant très insuffisants par rapport aux besoins prévisibles. Situé face à la lagune, à la pointe sud du quartier du Plateau, le parc du palais du gouverneur offre une assiette suffisante en même temps que la force symbolique nécessaire au nouvel ensemble (fig. 5). Soutenus par Houphouët-Boigny, maire d’Abidjan et président de l’assemblée territoriale, les architectes de la SEFAC imposent leurs vues à Jean Millier et aux urbanistes de la SETAP (émanation de l’agence Lagneau-Weill) déjà en place. La mise au point du programme des différents ministères s’avère laborieuse, les ministres eux-mêmes peinant à définir leurs besoins dans leurs discussions directes avec les architectes. Plusieurs choix s’offrent alors : la construction de ministères isolés et indépendants, solution coûteuse en terrains, en temps, en argent, et défavorable aux communications, ou la réunion des ministères dans un même immeuble, à l’instar du palais du Grand Conseil de l’AOF à Dakar13, au risque de créer un ensemble labyrinthique.

Figure 5

Figure 5

Vue aérienne du quartier du Plateau d’Abidjan, vers 1970. Au centre, le palais présidentiel ; à gauche, le quadrilatère des cabinets ministériels. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 1066-4.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

17Les architectes et la SEFAC proposent une troisième solution, présentée comme plus souple et permettant un meilleur phasage. Au cœur du parc, un bloc gouvernemental où s’élabore la pensée politique abriterait les cabinets ministériels formant des petites unités groupées autour de patios et de jardins permettant la tenue de réceptions, tout en jouissant de services communs. Répartis dans des immeubles de bureaux banalisés, les services administratifs traduisent et appliquent la volonté gouvernementale et permettent l’accueil du public, confort et commodité visant à accroître le rendement de l’administration. La proximité des différents bâtiments permet aussi l’emploi de méthodes d’industrialisation de la construction, et ce faisant, des économies d’échelle. Ayant fait l’objet de récents travaux d’agrandissement, le palais du gouverneur doit accueillir la présidence du gouvernement. Pléthorique, le programme comprend enfin des villas pour les ministres, un hôtel pour les députés et divers services sociaux destinés au personnel de l’administration. Le montant total des travaux envisagés par la SEFAC, courant 1958, est de 4 540 millions de francs CFA, étalés sur trois ans, les logements comptant pour 1 719 millions.

Figure 6

Figure 6

Vue de la maquette de l’avant-projet pour le bloc gouvernemental, 1958. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-11.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

18Quelle traduction architecturale de ces intentions (fig. 6) ? Juchés sur pilotis, les cabinets ministériels sont abrités sous des parapluies en béton armé de 6,40 m de côté jouant aussi le rôle de brise-soleil. Les bureaux sont glissés à l’intérieur de cette ossature réinterprétant l’abri souverain de Perret ; ils sont clos par des panneaux de façade sandwich en tôle émaillée ou en polyester stratifié, insérés dans des cadres en béton armé préfabriqués. L’ensemble projeté mêle ainsi la monumentalité structurelle avec les registres d’éléments de second œuvre habituellement employés par les architectes sur des programmes tertiaires. Faisant contrepoint à l’horizontalité des cabinets ministériels, la tour des services administratifs renvoie à une dimension plus utilitaire du style international, un même plan d’étage courant étant élevé sur les douze niveaux de l’édifice.

  • 14 - Siegfried Giedion écrit : « […] on retrouve dans toute architecture contemporaine de qualité […] (...)

19Décisive dans la question, alors sensible, de la définition d’une architecture africaine moderne14, la prise en compte des contraintes climatiques est ici d’une importance secondaire. L’ensemble administratif d’Abidjan n’est pas, et ce dès 1958, le terreau d’une recherche sur les techniques, les formes et les matériaux propices à une architecture bioclimatique, luttant contre les effets indésirables du soleil, de la chaleur, de l’humidité et de l’air marin. Il n’est pas non plus l’occasion d’interroger les solutions empiriques présentes dans la construction vernaculaire. Le choix, par le politique, d’une climatisation intégrale des bâtiments rend de fait superflu l’exercice d’imagination et d’adaptation des moyens à une réalité locale : la seule vérité est la puissance de la technique et, ce faisant, le choix du confort par l’argent. Le parapluie de béton n’est cependant pas une gratuité plastique puisque, agissant aussi comme isolant thermique, sa surface en pyramides capte les eaux pluviales et ses débords limitent le rayonnement solaire.

20La présentation des études par Pierre Dufau à Abidjan, à la fin août 1958, suscite l’adhésion des membres du gouvernement qui l’invitent à les poursuivre, certains ministres passant en même temps commande aux architectes de leurs villas. En tout état de cause, l’objectif du maître d’œuvre, à travers sa mission d’ensemble, est d’insuffler cohérence, efficacité et modernité dans l’appareil d’État naissant. Outils de représentation en même temps qu’outils de travail, les cabinets ministériels doivent présenter les mêmes qualités d’image et de fonctionnalité que le siège social d’une grande entreprise. Ces deux aspects sont équilibrés par la superposition des bureaux sur des patios et jardins intérieurs permettant la tenue de grandes réceptions publiques.

  • 15 - Opposé à Félix Houphouët-Boigny qui souhaite maintenir des relations étroites entre Abidjan et Pa (...)

21Menées jusqu’au stade de l’avant-projet à l’automne 1958, les études des logements et des bâtiments administratifs sont toutefois gelées par les incertitudes quant au devenir de la Côte d’Ivoire, l’indépendance de la Guinée et la fondation de l’éphémère fédération du Mali amorçant le démantèlement de la Communauté. Dans un contexte de lutte d’influence croissante entre Dakar et Abidjan, ces changements géopolitiques amènent les autorités ivoiriennes à réclamer, au printemps 1959, la réservation du parc du palais du gouverneur à l’usage du Premier ministre – dont le poste nouvellement créé revient à Félix Houphouët-Boigny le 1er mai – l’édifice en lui-même devant être agrandi pour accueillir son nouvel hôte. Déplacée légèrement plus au nord, la cité ministérielle perd ainsi son rôle d’incarnation du pouvoir politique, l’accent étant mis sur la continuité de la tête de l’exécutif par un même siège géographique. Cette réorientation du programme autour du futur chef de l’État coïncide avec la confirmation de la domination d’Houphouët-Boigny – soutenu par Paris – sur la classe politique ivoirienne au terme de plusieurs mois de turbulences culminant, en septembre 1959, par le faux « complot du chat noir »15, et la mise à l’écart du ministre Jean-Baptiste Mockey.

Programme et temps politique

  • 16 - La SEFAC est également chargée, en-dehors de ce crédit, de l’aménagement de l’ambassade de la Côt (...)
  • 17 - Dans l’édition du mercredi 16 août 1961. Marcel Thinet y est erronément dénommé « Tinck ». Plus c (...)

22Alors que l’indépendance paraît de plus en plus inéluctable, le lancement d’une première tranche de travaux d’un milliard de francs CFA est confirmé à la fin de l’année 195916. Faut-il, comme le fera Le Canard enchaîné17, y voir le geste d’Antoine Pinay, ministre des Finances et maire de Saint-Chamond (Loire), à l’intention de ses compatriotes Marcel Thinet et Pierre Joannon ? Toujours est-il que la phase opérationnelle est désormais engagée, la SEFAC cédant la place à la STECI (Société de travaux d’équipement de la Côte d’Ivoire), qui conserve les mêmes acteurs. Trois ensembles de logements sont immédiatement commencés ; bien que fort modestes par rapport à ceux envisagés deux ans plus tôt, ils en conservent l’effort d’assimilation des conditions locales, exprimées davantage dans la distribution des volumes et la prise en compte du climat que dans les matériaux et les procédés constructifs.

23Le financement de la première tranche est concentré, pour le volet administratif, sur la construction du palais du Premier ministre, Félix Houphouët-Boigny ayant décidé de raser celui du gouverneur, récemment rénové mais incommode pour son nouvel usage, pour n’en garder que les fondations. Pierre Dufau présente en février 1960 les plans d’un ensemble de grand style évoquant les compositions des candidats au Prix de Rome (fig. 7). Bâti sur trois niveaux au sein de jardins en terrasse, l’édifice comprend les appartements du Premier ministre et des hôtes de marque, reliés à une immense salle de réception par un escalier à double révolution sur le modèle que l’architecte vient de réaliser avec Jean Prouvé pour l’Institut français du pétrole, à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine).

Figure 7

Figure 7

Plan du rez-de-chaussée de l’avant-projet de résidence du premier ministre, 5 février 1960. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 28-3.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 18 - « Nous sommes en train de persuader [Félix Houpouët-Boigny] de faire un bâtiment à part de très g (...)
  • 19 - Compte rendu de la réunion de coordination de la STECI du 16 juin 1960 (CAP-CAA 066 IFA 1064-4).
  • 20 - Lettre de Jean-Pierre Dacbert à M. Schmitte, directeur de Froment-Clavier, du 12 avril 1960 (CAP- (...)

24L’accélération du temps politique amène toutefois une nouvelle refondation du programme, parallèlement à l’écriture de la Constitution du pays, inspirée du modèle américain. C’est, au-delà, un changement de paradigme quant à l’objet de la mission des architectes, appelés à se concentrer sur une réalisation iconique, tant pour créer un effet d’entraînement que faute de moyens humains, techniques et financiers pour intervenir dans chaque ville, rénover chaque administration et loger chaque fonctionnaire. Les architectes ne sont toutefois pas suiveurs, mais eux-mêmes force de propositions : l’équipe de la STECI incite Félix Houphouët-Boigny à loger son cabinet dans une construction neuve placée à l’entrée du parc et non dans un bâtiment existant comme prévu jusqu’alors18. Toujours au printemps 1960, les architectes suggèrent la division du palais du chef de l’État en deux bâtiments, l’un faisant office de résidence privée et l’autre accueillant les réceptions officielles. Si les crédits disponibles – 87 millions pour le cabinet et 243 millions pour le palais – sont de toute évidence insuffisants, Pierre Dufau estime « qu’il faut prendre le risque du changement de parti architectural19 », répondant à la volonté du commanditaire d’un caractère « grandiose, d’une grande noblesse20 », quitte à ralentir les études de la cité ministérielle (fig. 8).

Figure 8

Figure 8

Vue de la maquette générale du palais présidentiel et du complexe gouvernemental, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-3.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 21 - « J’ai attendu en vain sur le parvis de la Fédération avec mes fleurs fanées », déclaration publi (...)

25Ces orientations sont, quoi qu’il en soit, portées par Félix Houphouët-Boigny, qui presse le lancement du chantier du futur palais. Effective le 7 août 1960, l’indépendance de la Côte d’Ivoire est amère pour l’un des pères du fédéralisme franco-africain21. Le nouveau palais doit donc asseoir la présence du chef de l’État dans son pays en même temps que lui conférer une aura internationale : aussi sa date d’achèvement est-elle choisie pour le premier anniversaire de l’indépendance, mettant la STECI face à un extraordinaire défi.

  • 22 - Note de présentation du palais présidentiel d’Abidjan rédigée par l’agence Dufau, non datée (CAP- (...)

26La coordination étroite entre architectes, techniciens et entreprises permet le lancement du chantier en octobre 1960, immédiatement après l’achèvement des plans d’ensemble validés par les autorités ivoiriennes. Exécutés avec une conscience aiguë des moyens disponibles et des délais de mise en œuvre, les plans de détail sont eux aussi soumis à l’examen d’Houphouët-Boigny qui devient, en novembre, président de la République, et fait part aux architectes de ses demandes directement sur le chantier. Ce dernier mobilise jusqu’à 2 400 personnes par jour, dont 400 Européens, les approvisionnements de certains lots (marbres, menuiseries métalliques, décoration) parvenant à Abidjan par bateau, voire par avion (fig. 9). Les délais sont finalement tenus, permettant aux architectes d’écrire : « La réalisation en 220 jours d’un ensemble de cette nature dans un pays très pauvre en matériaux et situé à 6 000 kilomètres de la France n’a été rendue possible que par la confiance absolue du client en son architecte et par l’absence totale de réglementation et de commissions. Pour une fois l’architecte était vraiment responsable de ce qu’il faisait. Ayant les coudées franches, il pouvait mettre en place un dispositif cohérent22 ». Achevé, le palais présidentiel d’Abidjan accueille les fêtes du premier anniversaire de l’indépendance dont les images sont reproduites à travers le monde, la présence d’invités prestigieux tels que Robert Kennedy, procureur général des États-Unis, confirmant la stature recherchée par le président ivoirien.

Figure 9

Figure 9

Vue du chantier du bâtiment de réceptions du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-12.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

L’apologie de la démesure

27Réalisé dans le parc de sept hectares aménagé par le paysagiste Robert Joffet (fig. 10), le complexe présidentiel débute, à l’est, par le cabinet destiné à accueillir les réunions du gouvernement, confié à Jean-Maurice Lafon. Son architecture est scandée verticalement par les poteaux soutenant le toit incurvé, l’ensemble enserrant le bâtiment en lui-même, dont la régularité des trois niveaux évoque l’ordre de la fonction administrative.

Figure 10

Figure 10

Plan d’aménagement des jardins du palais présidentiel, 15 mars 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 302.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

28Réalisés par l’agence de Pierre Dufau, la résidence et le bâtiment des réceptions emploient, suivant différentes syntaxes, un même langage architectural somptuaire, usant de façades à la trabéation ferme et aux toits-terrasses à larges débords, l’ensemble étant orné de marbres polychromes ; la mise en couleur est supervisée par Jacques Fillacier (fig. 11).

Figure 11

Figure 11

Élévation de la façade sud du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 302.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

29Les deux bâtiments sont reliés par une paroi de claustras en travertin, seule référence formelle à l’architecture vernaculaire, l’accès au bâtiment des réceptions se faisant par une galerie d’honneur coiffée d’un immense dais recourbé en aluminium anodisé coloré or (fig. 12).

Figure 12

Figure 12

Vue de la galerie d’honneur du bâtiment de réceptions du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-2.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 23 - Grand Prix de Rome et fondateur de l’École des beaux-arts d’Abidjan, Homs avait initialement prop (...)

30Il serait fastidieux de décrire chaque espace intérieur : tous affichent un très grand luxe, la décoration, comptant pour un tiers de la dépense globale, étant réalisée par les établissements Vernhes. Aux murs sont accrochées des tapisseries de Jean Lurçat et de Le Corbusier, et un tableau est commandé au peintre Bernard Buffet. Un même syncrétisme des différentes tendances de l’art moderne français – fruit de praticiens établis, tous dans l’esprit officiel du temps – se retrouve en plein air : des sculptures figuratives, dont une fontaine monumentale (fig. 13), sont commandées à René Collamarini (1904-1983), ami de Pierre Dufau, et la grille d’entrée du palais est encadrée de deux lions hiératiques dus à Marcel Homs (1910-1995)23 (fig. 14).

Figure 13

Figure 13

Vue des sculptures de René Collamarini dans le bassin séparant le bâtiment de réceptions de la résidence privée du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-4.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

Figure 14

Figure 14

Vue du cabinet du premier ministre, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-14.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

31Au modernisme de bon ton des espaces accessible aux visiteurs peut être opposée l’ambiance de la résidence privée, meublée – boiseries comprises – dans le style Directoire (fig. 15).

Figure 15

Figure 15

Vue intérieure de l’un des appartements de la résidence privée du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-6.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 24 - On lira à ce sujet dans ce numéro : NOYER-DUPLAIX, Léo. « Henri Chomette et l’architecture des li (...)
  • 25 - Note de présentation du palais présidentiel d’Abidjan rédigée par l’agence Dufau, non datée (CAP- (...)
  • 26 - Une observation similaire peut être faite pour l’ambassade de France au Cambodge, à Phnom Penh, d (...)

32Le palais présidentiel d’Abidjan n’est donc pas l’occasion d’évoquer l’art africain, ni d’exalter les traditions et les savoir-faire locaux, comme le fera quelques années plus tard Henri Chomette au palais présidentiel du Dahomey24. Conçu par ses auteurs comme un « témoignage du passage de la France dans un pays devenu libre25 », il tient davantage de la rémanence de Versailles et des capitales européennes, où l’ordre bâti définit le statut du chef. La question, précédemment évoquée, d’une architecture acclimatée et interrogeant les conditions locales et, au-delà, celle de la définition du programme, sont ainsi secondaires derrière celle du désir de puissance exprimé par le récit développé à travers l’architecture26 (fig. 16).

Figure 16

Figure 16

Vue du bureau personnel du premier ministre, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-5.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

33Usant d’une abondance de signes, le palais s’emploie à ne pas magnifier une tradition rejetée par les élites ivoiriennes, imprégnées d’une vision manichéenne opposant l’archaïsme au progrès ; prévus par les décorateurs, des groupes sculptés d’art africain sont ainsi supprimés. Plutôt qu’une histoire trop fuyante, l’architecture témoigne d’une volonté de s’inscrire dans une culture internationalisée et légitimée par le temps dont la France serait le centre de gravité. Pays neuf, la Côte d’Ivoire choisit d’affirmer, à travers l’érection d’une icône moderne par ses formes et classique par son esprit, sa position dans un monde en voie de globalisation : l’opulence peut être considérée comme une logique dirigée tant vers les rivaux politiques dans l’espace africain que vers les investisseurs dont s’achète la considération. L’histoire de la forme construite et de sa signification, ici conjuguée à l’histoire de la péremption des plans, traduit dans tous les cas l’ambiguïté des nouvelles relations entre la France et l’autocratie naissante d’Houphouët-Boigny (fig. 17).

Figure 17

Figure 17

Vue de la résidence privée du palais présidentiel ; au second plan, le bâtiment de réception, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-15.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 27 - CHRISTIN, Olivier et FILLIAT, Armelle. « Destin des villes de pouvoir, l’urbanisme dans les ancie (...)
  • 28 - Ibid.

34Apologie de la démesure ? Toujours est-il que cette posture est partagée par d’autres architectes intervenant sur des programmes de même ampleur : « On ne construit pas l’unité d’un pays autour de rien27 » dira Henri Chomette, auteur de nombreux bâtiments officiels en Afrique subsaharienne. Olivier-Clément Cacoub, auteur de constructions pour Habib Bourguiba puis plus tard, à Yamoussoukro, pour Félix Houphouët-Boigny, exprime un point de vue similaire : « L’Europe est saturée de monuments ; son passé est écrasant. L’Afrique est neuve ; la savane et la forêt sont ses monuments ; l’esprit colon n’a pas construit, il a exploité. L’Afrique a besoin de monuments28. »

  • 29 - Voir le no 106 (mars 1963) de L’Architecture d’aujourd’hui, ou le no 1, 22série (février 1962) (...)
  • 30 - En particulier KULTERMANN, Udo. Architecture nouvelle en Afrique. Paris : A. Morancé, 1963, ou, b (...)
  • 31 - CHRISTIN, O. et FILLIAT, A. Art. cit., p. 269-270.
  • 32 - Ibid.
  • 33 - Ibid.

35Si exceptionnel qu’il soit, le palais présidentiel d’Abidjan passe pourtant à travers les mailles de la critique puis de l’histoire de l’art. La presse spécialisée de l’époque, certes davantage portée à la recension qu’à l’analyse, publie les photos et textes envoyés par les architectes29, sans que l’on sache si l’absence de commentaire est le signe d’une réserve ou que les circonstances ne permettent pas de tirer des leçons opérantes pour des cas plus généraux. Les rares ouvrages consacrés à l’Afrique30 admettent, dans leur approche de l’architecture officielle, une gêne quant aux « marques du pouvoir31 », Olivier Christin et Armelle Filliat reconnaissant que « le sujet est délicat32 ». « Le coût de construction, écrivent-ils, le choix de matériaux prestigieux et généralement importés et les partis architecturaux volontairement ostentatoires ont alimenté un courant critique, […] mais les hommes politiques et les architectes concernés ne sont pas sans pouvoir avancer des arguments recevables »33 (fig. 18).

Figure 18

Figure 18

Vue de l’escalier d’honneur du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-1.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

36Deux catégories d’analyse sont ici en jeu. L’une repose sur les critères habituels d’élection des sujets de l’architecture contemporaine : la performance technique, l’appréciation plastique, le projet social, l’effort d’invention et d’imagination, l’adaptation aux contraintes locales, la participation à une généalogie, etc. L’autre est d’ordre moral, et suggère la tension autour du lien entre architecture et pouvoir, a fortiori dans les années 1960. Elle est plus sous-jacente encore lorsqu’il est question d’argent : à quoi aurait-il pu, ou aurait-il dû, être dépensé, et l’architecte se rend-il complice, ou coupable, de forfaiture, ce d’autant que sa rémunération et son bénéfice paraissent tabous – peu évoquée dans les archives, la rémunération de la STECI approcherait 25 % du montant des travaux, la quote-part des architectes n’étant jamais précisée. La question de l’occasion perdue est aussi soutenue par la figure récurrente de l’architecte-héros consacrant, jusqu’à la romance dans le cas de Fernand Pouillon, l’effort collectif et le partage du savoir, labeur et espoir étant dans son cas le levain d’une œuvre portée en projet de civilisation. Sur des bases très différentes, le palais d’Abidjan va tout autant à rebours de ce que Kenneth Frampton célébrera plus tard comme le régionalisme critique, et dont Michel Luyckx donne un exemple précurseur à l’hôpital d’Adrar (Algérie).

  • 34 - Né en 1943 près d’Abidjan et ayant la double nationalité libanaise et ivoirienne, cet architecte (...)
  • 35 - RAGON, Michel. Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes, 3, De Brasilia au post-mode (...)
  • 36 - Admirateur de l’architecture américaine, en particulier des productions de Gordon Bunshaft et du (...)
  • 37 - PERSITZ, Alexandre. « Où va l’architecture américaine ? ». L’Architecture d’aujourd’hui, no 98, o (...)

37La logique de l’opulence peine encore à trouver sa place en histoire de l’architecture contemporaine et à trouver ses propres critères d’appréciation ; aussi les réalisations récentes, plus considérables encore, de Pierre Fakhoury34 sont-elles absentes des anthologies, sans que l’on sache vraiment si cela est par choix ou par angle mort. La qualification d’édifices tels que le palais présidentiel d’Abidjan est par conséquent difficile, faute d’éléments de comparaison. Y voyant une « architecture d’apparat35 », Michel Ragon l’assimile au Lincoln Center de New York, et en particulier aux réalisations de Wallace K. Harrison (1895-1981) et Max Abramovitz (1908-2004)36. Il semble possible d’étendre ce rapprochement à l’icône corbuséenne de Chandigarh, et à certaines œuvres de Minoru Yamasaki (1912-1986) ou d’Edward Durrell Stone (1902-1978), en particulier dans le domaine de l’architecture de la diplomatie (fig. 19). Le regard critique porté en France sur ces dernières, dès le début des années 1960, permet peut-être d’apprécier par un biais la réception alors faite in petto, d’après les catégories d’analyse précédemment énoncées : « on assiste en somme à une remise en cause des principes mêmes de l’architecture fonctionnelle et à un recours au maniérisme et au décorativisme qui n’ont rien à voir avec le souci d’une humanisation […] par la totale gratuité des procédés et des effets37. »

Figure 19

Figure 19

Vue de la grande salle du bâtiment de réceptions du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-7.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 38 - DUFAU, Pierre. Non à l’uburbanisme. Paris : Flammarion, 1964.

38Quelle qu’en soit la fortune critique, le palais présidentiel d’Abidjan est resté une réussite aux yeux de Pierre Dufau, particulièrement satisfait de la rapidité de l’étude et du chantier face aux nombreux tracas connus dans ses opérations en France, et dont il fera état dans un pamphlet acidulé publié quelques années plus tard38. Il lui apporte la démonstration que l’architecte peut être responsable sans être écrasé de commissions de contrôle, et que fort des pouvoirs délégués par la confiance du maître d’ouvrage, il est de même responsable de la bonne marche des entreprises et est le véritable conducteur des travaux. Cette satisfaction du technicien est confirmée par la tenue globale du coût et du planning, conséquences de l’efficacité de la conception et de la coordination du chantier (fig. 20). Peut-être l’architecte a-t-il été peiné de ne pas voir davantage souligné ce succès d’organisation et d’évolution de la profession qui est une clé de lecture du palais présidentiel d’Abidjan, au même titre que ses motivations politiques. Décédé avant d’avoir pu y consacrer un chapitre de son autobiographie, Pierre Dufau n’a pu que donner les contours de la compréhension de son œuvre.

Figure 20

Figure 20

Vue aérienne du chantier du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-8.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

Épilogue

39Conçu et exécuté en un an, le palais présidentiel d’Abidjan a monopolisé l’essentiel des crédits de travaux alloués à la STECI, au détriment des ensembles de logements et des bâtiments administratifs prévus dans la mission initiale de la SEFAC. Reprise par les architectes à l’hiver 1961, l’étude des ministères a gagné en importance, un ensemble de bâtiments bas étant prévus au nord du palais, dominés par une tour d’une centaine de mètres de hauteur. Les besoins financiers sont évalués à plusieurs milliards de francs CFA, le plan-masse de Pierre Dufau et Jean-Pierre Dacbert proposant la recomposition de toute la partie sud-ouest du quartier du Plateau. Parvenue à l’été au stade des plans d’exécution, la tour de 27 étages ne sera pourtant jamais mise en chantier, l’étude étant abandonnée au printemps 1962 (fig. 21).

Figure 21

Figure 21

Vue de la maquette du projet de tour pour les ministères groupés, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-17.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 39 - Les deux architectes obtiendront d’ailleurs l’Équerre d’argent en 1966 pour l’Institut africain p (...)

40Outre des questions foncières difficiles à résoudre, il est probable que la moindre présence sur place des responsables de la STECI les aient éloignés des circuits de décision, la bonne marche des affaires n’étant garantie que par un contact permanent avec les ministres, en l’absence d’un réel appareil d’État déléguant la maîtrise d’ouvrage. Par ailleurs, Félix Houphouët-Boigny préfère confier les logements, élément d’importance dans la construction de la souveraineté nationale, à des sociétés étatiques d’HLM, qui font principalement appel aux agences de Jean Sémichon ou de Michel Ducharme et Jean-Pierre Minost39, solidement implantées à Abidjan. Dufau et Dacbert parviennent finalement à ériger en 1964, au nord du palais présidentiel, l’ensemble des cabinets ministériels (fig. 22), à la sobre monumentalité rythmée verticalement par le systématisme des brise-soleil.

Figure 22

Figure 22

Vue du bloc des cabinets ministériels, 1964. SIAF/CAPA, fonds DAU, 133 IFA 89-5.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 40 - Le numéro spécial 111-112 de la revue Urbanisme, paru en 1969, fait la généalogie des plans d’amé (...)

41Ils conçoivent, la même année, un projet de voie triomphale pour le faubourg d’Adjamé (fig. 23), au nord de la ville, cumulant les poncifs de la grande composition de l’École des beaux-arts tout en respectant, témoignage du renversement de hiérarchie entre les architectes, le schéma de structure conçu par Gérald Hanning pour la SETAP. Ces Champs-Élysées ivoiriens demeureront un mirage40.

Figure 23

Figure 23

Vue de la maquette du projet de l’ensemble de la voie triomphale, 1963. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-18.

© Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.

  • 41 - DUFAU, Pierre. Un architecte qui voulait être architecte. Paris : Londreys, 1989, p. 205.
  • 42 - Olivier Dufau, qui visita le palais au début des années 2000, nous rapporta que certaines menuise (...)
  • 43 - TARDREW, Catherine. « Dans le palais fantôme de Gbagbo ». Le Parisien, 16 avril 2011.

42Parfaitement entretenu dans les années suivant son inauguration41, le palais présidentiel d’Abidjan se dégrade à partir des années 1980, probablement sous l’effet conjugué de la crise économique et du déplacement du pouvoir vers Yamoussoukro42. Partiellement transformé en bunker lors de la guerre civile survenue à la fin de la présidence Gbagbo, le palais est lourdement endommagé lors de l’assaut par la force Licorne en avril 2011. L’une des premières décisions d’Alassane Ouattara, nouveau président de la République, a été de le remettre en état, confirmant le maintien du rôle d’Abidjan sur le plan national, et de la symbolique de l’héritage houphouëtiste. Sujet de fierté de la population ivoirienne43, le palais présidentiel est célébré comme patrimoine politique plus que comme patrimoine architectural. Il est des pérennités moins fragiles.

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Notes

1 - Cette introduction reprend partiellement un texte proposé à l’occasion de l’exposition Africa, Big Chance, Big Change, organisée à Milan du 15 octobre au 28 décembre 2014. Une traduction en anglais en a été publiée dans ALBRECHT, Benno (dir.). Africa Big Chance, Big Change. Bologne : Compositori, 2014. Une analyse plus complète du palais présidentiel d’Abidjan et des travaux entrepris en Côte d’Ivoire est proposée dans la thèse Pierre Dufau architecte (1908-1985) : un libéral discipliné. Parcours, postures, produits, soutenue à l’université de Tours le 6 décembre 2017.

2 - CHRISTIN, Olivier et FILLIAT, Armelle. « Abidjan : un urbanisme capital ». Dans CULOT, Maurice et THIVEAUD, Jean-Marie (dir.). Architectures françaises outre-mer. Liège : Mardaga, 1992.

3 - S’il n’y a pas lieu ici de retracer le parcours politique, très complexe, de Félix Houphouët-Boigny (1905-1993), il faut toutefois souligner que ce positionnement anticolonialiste n’est pas synonyme d’une volonté de rupture culturelle, politique ou économique avec la France. Opposé au projet de confédération porté par Léopold Sédar Senghor, il déclarera l’indépendance de la Côte d’Ivoire après avoir vu péricliter la Communauté française et l’idéal fédéraliste qui l’animait.

4 - Les différentes sources d’archives et de presse proposent des chiffres disparates, ne précisant pas toujours si la décoration ou les honoraires des maîtres d’œuvre sont inclus. Un coût global de 2,15 milliards de francs CFA, soit 43 millions de nouveaux francs (1 FRF = 50 F CFA), peut probablement être retenu. L’INSEE indique que, compte tenu de l’érosion monétaire, le pouvoir d’achat de 43 millions FRF valeur 1960 est équivalent à 68 millions d’euros actuels.

5 - Celui-ci se monte, cette année-là, à 160 milliards de francs CFA. La grande prospérité de l’économie ivoirienne des années 1960-1970 reposera sur les exportations de café et de cacao, la chute des cours ouvrant une période de marasme économique suivie par de profonds désordres politiques intérieurs, pour partie conséquence du monopartisme instauré par Houphouët-Boigny, et se poursuivant encore aujourd’hui.

6 - Ami de jeunesse de Pierre Dufau, Jean-Maurice Lafon lui est régulièrement associé pour des opérations entreprises dans le cadre de la reconstruction d’Amiens. Les deux architectes cosigneront l’ensemble de leurs réalisations en Côte d’Ivoire.

7 - Auteur d’importantes constructions publiques à Dakar et Libreville, Robert Boy a aussi construit la villa familiale de Félix Houphouët-Boigny à Abidjan.

8 - Associé à Pierre Dufau à partir de 1970, Jean-Pierre Dacbert assure dès le milieu des années 1950 une fonction de directeur d’agence. Bien qu’employé, il signe les plans du palais présidentiel avec la précision « Architecte assistant ».

9 - Rapport du voyage d’information du 29 décembre 1957 au 9 février 1958, établi par Eugène-Louis Sylvano (CAP-CAA (Cité de l’architecture et du patrimoine – Centre d’archives d’architecture) 066 IFA 1062-1). Souligné dans le texte. L’architecte Eugène-Louis Sylvano est employé par l’entreprise Thinet.

10 - Ancien élève de l’École polytechnique, Jean Millier (1917-2006) est affecté en Côte d’Ivoire en 1946, et devient directeur des Travaux publics dès 1952. Quittant le gouvernement ivoirien en janvier 1961, il est nommé adjoint de Paul Delouvrier pour l’aménagement de la région parisienne, et est président-directeur-général, de 1969 à 1977, de l’Établissement public pour l’aménagement de la région de La Défense (EPAD).

11 - DELHUMEAU, Gwenaël et LEMONIER, Aurélien (dir.). Badani, Roux-Dorlut, architectes. La conquête du milieu. Orléans : HYX, 2016. Auteur en 1952 du plan d’urbanisme de la ville, Daniel Badani réalise avec Pierre Roux-Dorlut un grand nombre de bâtiments publics et privés dans la capitale ivoirienne. Leur œuvre la plus emblématique est le pont Houphouët-Boigny, ouvrage d’art franchissant la lagune conçu avec l’ingénieur Nicolas Esquillan, et la place Lapalud à son extrémité nord, à l’architecture ordonnancée. L’architecte Michel Ducharme débutera sa carrière dans leur agence avant de fonder la sienne.

12 - Note précisant les travaux déjà réalisés et précisant l’activité de la seconde mission technique devant se rendre en Côte d’Ivoire courant août 1958, établie par P. Auclin et E.-L. Sylvano (CAP-CAA 066 IFA 1062-1).

13 - Réalisé en 1956 par l’agence Badani-Roux-Dorlut.

14 - Siegfried Giedion écrit : « […] on retrouve dans toute architecture contemporaine de qualité […] le souci de respecter les conditions climatiques et géographiques d’une région donnée, en ne les considérant pas comme des obstacles mais comme des tremplins pour l’imagination artistique. » (GIEDION, S., GROPIUS, Walter. Espace, temps, architecture. La naissance d’une nouvelle tradition. Bruxelles : La Connaissance, 1968).

15 - Opposé à Félix Houphouët-Boigny qui souhaite maintenir des relations étroites entre Abidjan et Paris dans le cadre de la Communauté, Jean-Baptiste Mockey est accusé d’être lié à des actes de sorcellerie commis à l’encontre du Premier ministre, et est écarté du gouvernement.

16 - La SEFAC est également chargée, en-dehors de ce crédit, de l’aménagement de l’ambassade de la Côte d’Ivoire à Paris. Pierre Dufau et Jean-Maurice Lafon étudient, en 1960-1961, l’agrandissement de l’hôtel de La Vaupalière, avenue Matignon (Paris, 8arrt.) puis, après l’abandon du projet, son installation avenue Raymond-Poincaré (16e), où elle se trouve toujours.

17 - Dans l’édition du mercredi 16 août 1961. Marcel Thinet y est erronément dénommé « Tinck ». Plus curieusement, Le Canard enchaîné fait de Jacques Fougerolle, alors patron de l’entreprise d’ouvrages d’art Boussiron, le responsable de la STECI. Si l’assertion paraît douteuse, n’étant confirmée par aucun document d’archives, elle se retrouve également dans une coupure de presse du Figaro. Le journal satirique fait également état de l’étonnement du Premier ministre Michel Debré devant une dépense dont il n’avait pas connaissance. Il n’a pas été possible de préciser les circuits empruntés par l’argent de Paris à Abidjan, ni si la somme, octroyée par Paris sous forme d’un prêt, a effectivement été remboursée.

18 - « Nous sommes en train de persuader [Félix Houpouët-Boigny] de faire un bâtiment à part de très grand standing, pour son cabinet personnel ». Lettre de Jean-Pierre Dacbert à l’agence Dufau, datée du 8  avril 1960 (CAP-CAA 066 IFA 1064-4).

19 - Compte rendu de la réunion de coordination de la STECI du 16 juin 1960 (CAP-CAA 066 IFA 1064-4).

20 - Lettre de Jean-Pierre Dacbert à M. Schmitte, directeur de Froment-Clavier, du 12 avril 1960 (CAP-CAA 066 IFA 1065-2).

21 - « J’ai attendu en vain sur le parvis de la Fédération avec mes fleurs fanées », déclaration publiée dans le quotidien ivoirien Fraternité, le 3 juin 1960. Michel Debré, alors Premier ministre, écrivit dans ses mémoires que le dirigeant ivoirien « aurait voulu une fédération, non seulement par la crainte qu’il éprouvait des indépendances concédées à des États trop fragiles, mais aussi parce qu’il se voyait lui-même grandi par son appartenance à un ensemble qu’il aurait pu représenter sur la scène internationale » (DEBRÉ, M. Trois Républiques pour une France. Mémoires. Paris : Albin Michel, 1984-1994, t. 3, Gouverner, 1958-1962, 1988, p. 338).

22 - Note de présentation du palais présidentiel d’Abidjan rédigée par l’agence Dufau, non datée (CAP-CAA 066 IFA 066-3).

23 - Grand Prix de Rome et fondateur de l’École des beaux-arts d’Abidjan, Homs avait initialement proposé deux compositions humaines intitulées L’Offrande et La Lutte. Jean-Pierre Dacbert, en réponse, demande des sujets « d’une plus grande sérénité ».

24 - On lira à ce sujet dans ce numéro : NOYER-DUPLAIX, Léo. « Henri Chomette et l’architecture des lieux de pouvoir en Afrique subsaharienne », In Situ [En ligne], 34 | 2018, mis en ligne le 27 avril 2018, consulté le 04 mai 2018. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/15897.

25 - Note de présentation du palais présidentiel d’Abidjan rédigée par l’agence Dufau, non datée (CAP-CAA 066 IFA 1066-3).

26 - Une observation similaire peut être faite pour l’ambassade de France au Cambodge, à Phnom Penh, dont Pierre Dufau remporte le concours en 1956. L’architecte Paul Quintrand, encore étudiant et travaillant alors à l’agence, nous a confié que le synthétisme du programme ne différait pas des sujets de concours de l’École des beaux-arts. L’étude fut donc un exercice de grande composition plutôt que de compréhension des spécificités locales.

27 - CHRISTIN, Olivier et FILLIAT, Armelle. « Destin des villes de pouvoir, l’urbanisme dans les anciens territoires de l’AEF ». Dans CULOT, M., THIVEAUD, J.-M. (dir.). Op. cit., p. 270.

28 - Ibid.

29 - Voir le no 106 (mars 1963) de L’Architecture d’aujourd’hui, ou le no 1, 22série (février 1962) de Techniques & Architecture.

30 - En particulier KULTERMANN, Udo. Architecture nouvelle en Afrique. Paris : A. Morancé, 1963, ou, beaucoup plus récemment, HERZ, Manuel, SCHRÖDER, Ingrid, FOCKETYN, Hans (éd.). African modernism. The Architecture of Independence: Ghana, Sénégal, Côte d’Ivoire, Kenya, Zambia. Zurich : Park Books, 2015.

31 - CHRISTIN, O. et FILLIAT, A. Art. cit., p. 269-270.

32 - Ibid.

33 - Ibid.

34 - Né en 1943 près d’Abidjan et ayant la double nationalité libanaise et ivoirienne, cet architecte est l’auteur de la basilique Notre-Dame-de-la-Paix à Yamoussoukro, symbole de ce que la presse grand public nommera les « éléphants blancs ».

35 - RAGON, Michel. Histoire de l’architecture et de l’urbanisme modernes, 3, De Brasilia au post-modernisme, 1940-1991 [1986]. Paris : Casterman, 1991, p. 187.

36 - Admirateur de l’architecture américaine, en particulier des productions de Gordon Bunshaft et du binôme Harrison-Abramovitz, Pierre Dufau collabora avec ce dernier pour la reconstruction de la banque Rothschild rue Laffitte à Paris, en 1968-1970.

37 - PERSITZ, Alexandre. « Où va l’architecture américaine ? ». L’Architecture d’aujourd’hui, no 98, octobre-novembre 1961.

38 - DUFAU, Pierre. Non à l’uburbanisme. Paris : Flammarion, 1964.

39 - Les deux architectes obtiendront d’ailleurs l’Équerre d’argent en 1966 pour l’Institut africain pour le développement économique et social qu’ils ont construit à Abidjan. Ils attribueront, comme Pierre Dufau et Henri Chomette, leur réussite à la grande liberté d’exercice rencontrée localement, grâce à la souplesse des règlements et des organismes de contrôle. Les mêmes avantages seront rencontrés pour la construction, la même année, de la vice-présidence de la République, programme qui n’a pas l’heur d’être récompensé par le jury de L’Architecture française, qui le publie néanmoins dans ses pages.

40 - Le numéro spécial 111-112 de la revue Urbanisme, paru en 1969, fait la généalogie des plans d’aménagement du quartier du Plateau. Les tours de la cité administrative seront finalement édifiées dans les années 1980, en pleine crise économique, par l’agence de Jean Sémichon.

41 - DUFAU, Pierre. Un architecte qui voulait être architecte. Paris : Londreys, 1989, p. 205.

42 - Olivier Dufau, qui visita le palais au début des années 2000, nous rapporta que certaines menuiseries métalliques étaient suffisamment dégradées par la corrosion pour que l’on puisse passer le poignet à travers.

43 - TARDREW, Catherine. « Dans le palais fantôme de Gbagbo ». Le Parisien, 16 avril 2011.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Vue aérienne de la résidence privée et du bâtiment de réceptions du palais présidentiel d’Abidjan, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-13.
Crédits © Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.
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Titre Figure 2
Légende Vue du bâtiment de réceptions du palais présidentiel d’Abidjan, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-1.
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Titre Figure 3
Légende Axonométrie et plan du rez-de-chaussée d’une résidence-type pour haut-fonctionnaire, 15 juin 1958. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-10.
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Titre Figure 4
Légende Vue de la cité de logements populaires n°10 à Cocody, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-12.
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Titre Figure 5
Légende Vue aérienne du quartier du Plateau d’Abidjan, vers 1970. Au centre, le palais présidentiel ; à gauche, le quadrilatère des cabinets ministériels. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 1066-4.
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Titre Figure 6
Légende Vue de la maquette de l’avant-projet pour le bloc gouvernemental, 1958. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-11.
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Titre Figure 7
Légende Plan du rez-de-chaussée de l’avant-projet de résidence du premier ministre, 5 février 1960. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 28-3.
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Titre Figure 8
Légende Vue de la maquette générale du palais présidentiel et du complexe gouvernemental, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-3.
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Titre Figure 9
Légende Vue du chantier du bâtiment de réceptions du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-12.
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Titre Figure 10
Légende Plan d’aménagement des jardins du palais présidentiel, 15 mars 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 302.
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Titre Figure 11
Légende Élévation de la façade sud du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 302.
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Titre Figure 12
Légende Vue de la galerie d’honneur du bâtiment de réceptions du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-2.
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Titre Figure 13
Légende Vue des sculptures de René Collamarini dans le bassin séparant le bâtiment de réceptions de la résidence privée du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-4.
Crédits © Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.
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Titre Figure 14
Légende Vue du cabinet du premier ministre, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-14.
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Titre Figure 15
Légende Vue intérieure de l’un des appartements de la résidence privée du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-6.
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Titre Figure 16
Légende Vue du bureau personnel du premier ministre, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-5.
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Titre Figure 17
Légende Vue de la résidence privée du palais présidentiel ; au second plan, le bâtiment de réception, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-15.
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Titre Figure 18
Légende Vue de l’escalier d’honneur du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-1.
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Titre Figure 19
Légende Vue de la grande salle du bâtiment de réceptions du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 705-7.
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Titre Figure 20
Légende Vue aérienne du chantier du palais présidentiel, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 704-8.
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Titre Figure 21
Légende Vue de la maquette du projet de tour pour les ministères groupés, 1961. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-17.
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Titre Figure 22
Légende Vue du bloc des cabinets ministériels, 1964. SIAF/CAPA, fonds DAU, 133 IFA 89-5.
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Titre Figure 23
Légende Vue de la maquette du projet de l’ensemble de la voie triomphale, 1963. SIAF/CAPA, fonds Dufau, 66 IFA 703-18.
Crédits © Cité de l’architecture et du patrimoine, Paris.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Hugo Massire, « Le Palais présidentiel d’Abidjan : la logique de l’opulence »In Situ [En ligne], 34 | 2018, mis en ligne le 04 mai 2018, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/15837 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/insitu.15837

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Auteur

Hugo Massire

Docteur en histoire de l’art hugomassire@outlook.fr

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