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Les paradoxes de l'expérience collective à l'épreuve de l'œuvre et de la pratique

André Vermare et Paul Guadet. La noblesse de l’utile. Expérimenter ensemble les emblèmes d’une architecture publique à vocation technique

André Vermare and Paul Guadet, the nobility of the useful; joint experimentation in the realm public technical architecture
Guy Lambert

Résumés

Les réalisations associant André Vermare (1869-1949) et Paul Guadet (1873-1931), respectivement sculpteur Grand Prix de Rome et architecte du gouvernement, sont peu nombreuses. Si le programme sculpté de l’École nationale d’horlogerie de Besançon (1925-1933) en est la plus emblématique, il s’inscrit de fait dans une collaboration artistique et professionnelle engagée au moins deux décennies plus tôt. Paul Guadet associe souvent André Vermare aux édifices publics dont la réalisation lui est confiée, d’abord ponctuellement, pour un de ses premiers centraux téléphoniques, puis plus systématiquement dans les années 1920, pour plusieurs Écoles nationales professionnelles. Bien qu’ils soient majoritairement restés sur le papier, les projets de décor sculpté qu’ils élaborent ensemble témoignent d’une dynamique commune construite dans la durée. Ils peuvent en particulier être confrontés au caractère même des édifices concernés, relevant d’une catégorie particulière d’architecture publique à vocation utilitaire et dont le décor doit exprimer la double nature. Plus largement, la collaboration entre André Vermare et Paul Guadet peut être envisagée comme un processus qui dépasse la seule production des œuvres pour inclure la genèse commune des projets. Elle peut être analysée comme un espace d’expérimentation à part entière mais aussi un lieu d’interaction entre individus.

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Texte intégral

Communication présentée lors de la journée d’étude « Le collectif sur la place publique » organisée à l’Institut national d’histoire de l’art le 26 mars 2014 par l’université Paris-1-Panthéon-Sorbonne et l’université Lille-3.

1L’œuvre commune d’André Vermare (1869-1949) et Paul Guadet (1873-1931), le sculpteur Grand Prix de Rome et l’architecte du gouvernement, pourrait sembler modeste, voire restreinte, si elle restait évaluée simplement au nombre de leurs réalisations. Le programme sculpté de l’École nationale d’horlogerie de Besançon (1925-1933) en constitue presque la seule expression bâtie (fig. 1). Bien que relativement tardive dans la carrière des deux hommes, son élaboration s’inscrit en fait dans une fructueuse relation, amicale autant qu’artistique et professionnelle, engagée depuis plus de deux décennies. Avant même la Première Guerre mondiale, Paul Guadet convie en effet l’art de son ami dans les projets d’édifices publics qui lui sont confiés. Ponctuelle dans les centraux téléphoniques, cette sollicitation devient plus systématique pour les Écoles nationales professionnelles que Paul Guadet est chargé de concevoir dans l’entre-deux-guerres. Bien que ces programmes décoratifs soient souvent restés sur le papier – leur exécution étant contrariée par les conditions économiques de ces constructions –, l’analyse de leur élaboration fait apparaître une rémanence du travail conjoint du sculpteur et de l’architecte, propice semble-t-il à leur créativité.

Figure 1

Figure 1

École nationale d’horlogerie de Besançon, Paul Guadet architecte, 1925-1933, façade d’entrée. Les six bas-reliefs de la façade sont l’œuvre du sculpteur André Vermare. Carte postale, années 1950 (éditions La Cigogne, Strasbourg), coll. particulière.

Phot. Guy Lambert, D. R.

2Ce constat invite à envisager une acception de la collaboration qui dépasse la seule production des œuvres elles-mêmes – et de surcroît la simple prise en compte des œuvres effectivement achevées – pour désigner plus largement un espace de projet commun, terrain d’échanges et d’interactions entre les protagonistes. Dans cette perspective, comment les questions que soulève la relation entre Guadet et Vermare peuvent-elles éclairer plus largement l’étude des collaborations entre artistes et architectes ?

L’étude des collaborations artistiques et professionnelles : questions de méthodes

  • 1 - Les sources mobilisées proviennent des archives de l’architecte, conservées au Centre d’archives (...)
  • 2 - « Les correspondances d’artistes ». Revue de l’art, n67, 1985, p. 6.
  • 3 - WERNER, Michael, ZIMMERMANN, Bénédicte. « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivit (...)

3La première question tient à la manière d’apprécier la nature et le périmètre de ces pratiques de travail coopératif. Estimer que la collaboration dépasse les seules réalisations pour considérer plus largement l’élaboration même des projets, y compris ceux qui n’aboutissent pas, revient à tenter de saisir un processus de genèse impliquant plusieurs acteurs. Dans quelle mesure les sources permettent-elles d’en restituer les modalités et les réalités ? Dans le cas de Guadet et Vermare, le faible nombre et l’éparpillement des documents graphiques de conception – plus souvent de la main de l’architecte que de celle du sculpteur – ne sont que partiellement compensés par des échanges épistolaires, rares mais très précieux1. La confrontation entre ces documents permet d’entrevoir la manière dont les deux hommes travaillent ensemble. Leur correspondance fait évidemment « surgir entre les lignes des vérités un autre ordre que la vérité spéculative2 ». Elle révèle également les étroites connexions entre la conception – à deux voix – des œuvres et les intérêts mutuels qui sous-tendent plus largement une relation à la fois amicale et professionnelle. Abordée selon les perspectives ouvertes par le champ de l’histoire croisée et des transferts culturels, la collaboration peut être appréhendée comme un espace de contact, une intersection entre des parcours personnels, qu’il y a lieu d’interpréter au filtre « des configurations relationnelles et des principes actifs3 » qui s’y jouent.

  • 4 - ÉDOUARD-JOSEPH, René. Dictionnaire biographique des artistes contemporains, 1910-1930. Paris : Ar (...)
  • 5 - Les notices qui lui ont été consacrées privilégient son intérêt pour le béton armé et ses réalisa (...)
  • 6 - LAMBERT, Guy. L’architecte et la figure de l’expert, au service de l’État sous la IIIRépublique (...)
  • 7 - Pour autant, comme le fait remarquer Philippe Dufieux par exemple, il n’est pas rare que la fortu (...)

4La deuxième question tient à l’asymétrie entre les protagonistes ou dans la part que prend chacun d’eux à l’œuvre commune. Dans le cas présent, cette asymétrie concerne en premier lieu le statut de cette collaboration parmi les relations professionnelles de l’un et de l’autre. En effet, l’activité d’André Vermare l’amène à travailler avec différents architectes mais ses liens avec Paul Guadet témoignent d’une longévité certaine et même d’une forme d’exclusivité de la part de ce dernier, qui ne fait appel qu’à Vermare lorsque ses projets prévoient un programme sculpté. Outre l’incidence de leur amitié, sans doute l’admiration de l’architecte pour l’art du sculpteur joue-t-elle un rôle dans cette fidélité. Une asymétrie d’un autre ordre doit être prise en compte, touchant à la fortune critique des protagonistes. Si de leur vivant la notoriété artistique de Vermare surpasse celle de Guadet, les deux hommes partagent paradoxalement un sort comparable d’un point de vue historiographique. Cette situation reflète sans doute la complexité de leur posture – volontiers imputée à un effet de génération à la charnière du xixe et du xxsiècle – qui s’affirme réformatrice tout en en assumant la tradition. Si le nom de Vermare figure dans les travaux sur la sculpture au tournant du siècle et que plusieurs notices de dictionnaires ou de catalogue lui ont été consacrées4, l’artiste n’a en revanche pas fait l’objet de monographie ou de rétrospective historique. Guadet était jusqu’à une date récente dans une situation comparable5 mais la disponibilité de ses archives personnelles a permis d’engager des recherches sur son parcours et sur sa production6. Enfin, une dernière forme d’asymétrie peut être relevée. Elle ne tient pas aux acteurs eux-mêmes mais au cadre de l’analyse historique. En effet, s’ils inscrivent à la croisée de l’histoire de la sculpture et de l’histoire de l’architecture, la production artistique et le processus de collaboration de Guadet et Vermare peuvent être interprétés différemment selon qu’on les aborde depuis l’un ou l’autre de ces deux champs. Dans le cas présent, bien que l’analyse appelle un cadre de référence élargi, l’origine des sources principales (provenant des archives de l’architecte) tout comme l’ancrage disciplinaire des questions qu’elles permettent de traiter induisent de fait un regard porté depuis l’histoire de l’architecture7.

  • 8 - C’est ce qu’a récemment mis en lumière l’étude d’une autre collaboration de Paul Guadet, avec And (...)
  • 9 - BRUYÈRE, Gérard. « Tony Garnier (1869-1948) et André Vermare (1869-1949) : témoignages retrouvés (...)
  • 10 - WERNER, Michael, ZIMMERMANN, Bénédicte. « Penser l’histoire croisée ». Art. cit., p. 16.

5Dans cette perspective, envisager la collaboration comme processus et comme lieu d’interactions entre les individus – en termes de trajectoires comme de pratiques – tend à porter attention à des éléments qu’une approche strictement centrée sur chacun d’eux risquerait de laisser dans l’ombre8. La figure d’André Vermare offre précisément un riche cas d’étude de ce point de vue, car en l’absence d’étude monographique, c’est au filtre de ses relations avec d’autres figures éminentes que sa biographie artistique peut être le mieux approfondie, en particulier à travers sa proximité avec un autre architecte, Tony Garnier (1869-1948), Lyonnais comme lui, mais aussi Grand Prix de Rome et pensionnaire à la villa Médicis aux même dates, de 1900 à 19039. Interroger la collaboration sous cet angle renvient à « s’intéresse[r] autant à ce que le croisement peut produire de neuf et d’inédit qu’à la manière dont il affecte chacune des parties “croisées”10 ». Dans quelle mesure les échanges engagés par Guadet et Vermare au gré de leur travail collectif transparaissent plus largement dans leurs cultures et leurs pratiques individuelles ?

  • 11 - ANDRIEUX, Jean-Yves. L’architecture de la République. Les lieux de pouvoir dans l’espace public e (...)

6Par ailleurs, la part d’inachèvement de ces projets n’empêche pas d’en examiner les intentions, à défaut de pouvoir toujours en apprécier la forme. Dans quelle mesure faut-il voir dans l’œuvre commune, concrétisée ou non, une ambition programmatique ? Au-delà d’enjeux institutionnels et professionnels propres aux deux hommes, l’attachement de Guadet à prévoir un décor sculpté dans ses projets, à le destiner à son ami, tout comme l’investissement d’André Vermare, doivent être confrontés à la nature même des édifices concernés, central téléphonique et école professionnelle. Relevant d’une frange particulière de l’architecture publique marquée par une vocation utilitaire, où « la fonction technique le dispute au souci de représentation11 » comme l’estime Jean-Yves Andrieux, ces programmes décoratifs sont soumis à une forme d’hybridité et à une application étroite des hiérarchies budgétaires. En cela, ils peuvent certainement être perçus comme un des « laboratoires » des mutations que connaît la commande publique dans l’entre-deux-guerres.

À la croisée de deux carrières

7Si la relation entre André-César Vermare et Paul Guadet est attestée dès 1907, il est difficile de déterminer à quand remontent leurs liens amicaux, certainement antérieurs à leur collaboration professionnelle. Tous deux sont admis à l’École des beaux-arts de Paris en 1891 mais le sculpteur – un peu plus âgé que l’architecte – parvient plus rapidement à la notoriété. Élève de Charles Dufraine (1827-1900) à l’école des Beaux-Arts de Lyon (1885-1889) où il avait obtenu en 1889 une médaille d’or l’autorisant à poursuivre ses études à Paris, il entre là dans l’atelier d’Alexandre Falguière (1831-1900)12. Presque dès le début de son séjour parisien, André Vermare expose au Salon de la Société des artistes français, où les distinctions que reçoivent ses envois confirment parfois ses succès scolaires, et parallèlement, prend part à des concours pour l’exécution de monuments commémoratifs. Second Grand Prix de Rome en 1897 avec le bas-relief Orphée perdant pour la seconde fois Eurydice, entraînée de nouveau par Mercure dans les régions infernales, il obtient le Premier Grand Prix en 1899 avec un autre bas-relief, La douleur d’Adam et Ève devant le cadavre d’Abel13. À cette date, il a déjà reçu la commande de monuments publics, tels celui édifié en l’honneur de Sadi Carnot par la municipalité de Saint-Chamond (Loire, 1895)14 ou le monument aux combattants de la guerre de 1870-1871 élevé à Saint-Étienne (Loire, 1897-1898)15 avec l’architecte Pierre Varinard des Côtes (1858-1937) en réponse au concours ouvert par la ville en 1896. Toutefois, plus que ces groupes en bronze, Le Rhône et la Saône, son envoi de première année à l’Académie de France à Rome (1901), est plus emblématique de la renommée qu’il acquiert, notamment dans sa région d’origine (fig. 2).

Figure 2

Figure 2

Le Rhône et la Saône, André Vermare sculpteur, bas-relief, marbre, 1905, installé devant le palais du Commerce, Lyon, en 1907. Carte postale, coll. particulière.

Phot. Guy Lambert, D. R.

  • 16 - Le Rhône et la Saône a été présenté au Salon sous ses deux versions successives, le plâtre en 190 (...)
  • 17 - PENLOU, Séverine. Thèse cit., p. 263.
  • 18 - Pierre et André Vermare sont souvent évoqués dans la thèse de doctorat, déjà citée, de Séverine P (...)
  • 19 - ÉDOUARD-JOSEPH, René. Dictionnaire biographique des artistes contemporains, 1910-1930. Op. cit., (...)

8À partir du plâtre initial exposé au Salon en 1902, la traduction en marbre du haut-relief – commandée par l’État et la municipalité de Lyon – est installée dans la ville natale de l’artiste en 1907 devant le palais du Commerce16. Vermare renouvelle ici la représentation allégorique du sujet en s’écartant d’une iconographie héritée de l’Antiquité consistant à représenter les fleuves sous les traits de vieillards barbus, assis ou allongés, accoudés à un vase d’où l’eau s’écoule. Le Rhône devient ici un nageur vigoureux dont la posture dynamique et nerveuse contraste avec la représentation de la Saône, personnifiée par une jeune femme gracieuse, allongée, modestement en retrait. Dans la décennie qui suit son retour de Rome, la sculpture religieuse prend une place déterminante dans la production et la carrière d’André Vermare. Auteur en 1905 d’une statue en pied de Jean-Marie Vianney à l’occasion de la béatification du curé d’Ars – qui lui vaut les félicitations du pape Pie X17 –, il réalise quelques années plus tard une statue de Jeanne d’Arc destinée à l’église Saint-Louis-des-Français à Rome en vue de la béatification de la sainte le 18 avril 1909. Copiées l’une et l’autre par Vermare lui-même et déclinées en plusieurs matériaux (marbre et bronze), ces deux statues participent au rayonnement de l’œuvre du sculpteur. À vrai dire, cette production se rattache au domaine d’activité de son père, le sculpteur Pierre Vermare (1837-1906), directeur d’une entreprise d’objets et de sculpture religieuse où se forma Jean Carriès (1855-1894) et à laquelle collabora également André Vermare par la conception de modèles18. L’aisance de ce dernier à traiter des sujets religieux comme des monuments publics peut inciter ses contemporains à saluer « son talent à la fois souple, puissant et varié » qu’illustre encore « la collection remarquable de beaux portraits19 » dont il expose régulièrement des exemples au Salon dans l’entre-deux-guerres.

  • 20 - Nommé professeur de théorie en 1894, Julien Guadet transmet à Edmond Paulin (1848-1915) la direct (...)
  • 21 - Logiste (candidat au Prix de Rome) cette année-là, il ne se présente plus aux épreuves du Prix de (...)
  • 22 - Il construit notamment sur le Champ-de-Mars l’hôtel particulier de son beau-frère, le docteur Car (...)
  • 23 - Au Salon des artistes français, il obtient toutefois une médaille de première classe en 1902 pour (...)
  • 24 - GUADET, Paul. « L’esthétique du béton armé ». L’Émulation [Société centrale d’architecture de Bel (...)

9Au-delà des différences pouvant exister entre sculpteurs et architectes dans la construction d’une carrière, le parcours de Paul Guadet se distingue sensiblement de celui d’André Vermare, car moins foisonnant et moins « médiatisé ». Fils de l’architecte Julien Guadet (1834-1908), qui fait partie du service des Bâtiments civils et Palais nationaux et de celui des Édifices diocésains mais aussi enseignant à l’École des beaux-arts – comme patron d’un atelier officiel puis comme professeur de théorie de l’architecture –, Paul Guadet est l’élève de son père puis d’Edmond Paulin20. Avant même l’obtention de son diplôme en 1904, il intègre les services d’architecture de l’État, à un grade inférieur. Recruté par concours dans le service des Bâtiments civils et des Palais nationaux en 1898 comme sous-inspecteur21, il suit la reconstruction de la Comédie-Française, sous la responsabilité de son père. Affecté dès 1902 à l’agence de la nouvelle Cour des comptes, sous la direction de Constant Moyaux (1835-1911), Paul Guadet s’élève progressivement dans la hiérarchie du service, jusqu’au poste d’architecte en chef de l’édifice, en 1912, après le décès de Moyaux. Chargé en 1903 d’étudier la reconstruction de la légation de France à Tanger – projet resté sur le papier, dont il présente une version développée pour son diplôme d’architecte –, Guadet est attaché au service d’architecture du ministère des Affaires étrangères jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Sa nomination comme architecte des Postes et des Télégraphes en 1912, puis comme architecte-conseil auprès de la direction de l’Enseignement technique en 1925 confirme une appétence pour la fonction publique dont témoigne plus largement toute sa carrière. Ne recherchant pas de commande privée – hormis quelques réalisations pour ses proches22 – et exposant rarement au Salon23, Paul Guadet se préoccupe surtout des questions de pratique professionnelle mais aussi de « morale » de l’architecture publique. Sa prédilection pour un « emploi rationnel du béton armé » tient précisément au potentiel de ce mode constructif appliqué à de tels équipements ; loin de se limiter aux seules « formes droites, rigides, sèches » observables par exemple « dans les maisons à bon marché et dans les usines », le béton armé permet selon lui « de concevoir des bâtiments au lignes harmonieuses24 ».

  • 25 - Sur le programme de la Cour des comptes, voir QUANTIN, Stéphanie. « Le palais et son histoire ». (...)
  • 26 - En témoignent les lettres de Constant Moyaux au sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts à propos de (...)
  • 27 - « Inaugurations. Hommage à la mémoire de Constant Moyaux. Discours de M. Paul Guadet ». L’Archite (...)
  • 28 - GUADET, Julien. « Conférence sur le nouvel hôtel des Postes ». Mémoires et comptes rendus des tra (...)
  • 29 - Lettre de Paul Guadet à l’ingénieur en chef des Services téléphoniques de Paris, 4 avril 1913 (CA (...)
  • 30 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 9 décembre 1913 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 27).
  • 31 - Lettre de l’ingénieur directeur des services téléphoniques de Paris à Paul Guadet, 14 janvier 191 (...)

10André Vermare et Paul Guadet se retrouvent sur le chantier de la Cour des comptes dès 1907 ; sans doute le sculpteur doit-il à son amitié avec l’architecte la commande de figures décoratives, deux putti couronnant la porte de la Grand’Chambre (1907-1908) et quatre bustes de la République en bronze destinés à orner la chambre du Conseil et trois autres chambres (1909-1910). Si l’ambitieux programme décoratif de la Cour des comptes mobilise un grand nombre d’artistes, les soutiens administratifs et politiques dont jouissent ces derniers ou leur proximité avec les architectes sont déterminants dans l’attribution des œuvres25. Pour autant, les marques de distinction – tel le titre d’ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome de Vermare ou ses médailles obtenues au Salon – constituent des gages de légitimité indispensables26. En 1913, lorsque se crée un comité pour élever un monument à la mémoire de Moyaux au sein de la Cour des comptes, Vermare est opportunément désigné pour réaliser l’effigie de l’éminent architecte. Successeur de Moyaux et initiateur de l’hommage qui lui est rendu, Paul Guadet n’a-t-il pas encouragé une telle commande, permettant à André Vermare de « rendre le caractère de ferme droiture27 » du défunt, ainsi qu’il le souligne lui-même ? Lorsqu’il est admis dans le corps des architectes des Postes et Télégraphes, Guadet cherche immédiatement à s’associer le concours de Vermare. La première commande qui lui est confiée consiste à mener à terme, après le décès en 1912 de Jean Pailhès, initialement chargé du projet, la construction du central téléphonique Auteuil (21 rue Jasmin et 8-12 rue Henri-Heine, Paris, 16arr.) (fig. 3). Dans le projet de Guadet, la présence discrète mais significative d’un motif décoratif au-dessus de la porte d’entrée n’est sans doute pas anodine. Dans quelle mesure renvoie-t-elle à la nature hybride de ce type d’édifice public ayant une vocation pratique, pour ne pas dire « industrielle » ? Sans doute cette disposition est-elle à mettre en lien avec l’interprétation que son père avait donnée d’un tel programme quelques décennies plus tôt, lors de la construction de l’hôtel des Postes de Paris (rue du Louvre, Paris, 2arr.) : « un grand établissement de l’État, en plein cœur de Paris, a beau n’être qu’une usine comme fonctionnement, il est et doit être un monument »28. La modestie du central Auteuil, sans contrevenir à cette conception, doit s’inscrire dans une démarche conciliant l’économie, l’« effet » architectural et les « nécessités du service29 ». Totalement laissé à l’appréciation du sculpteur, le projet de décor « en verre moulé et dépoli30 » – dont aucun dessin n’est connu – est finalement abandonné. « Sans méconnaître le caractère artistique d’une œuvre dont la composition fait honneur à son auteur M. André Vermare », juge le directeur des services téléphoniques de Paris, « j’estime qu’il est préférable de garnir l’imposte fixe de cette porte d’un motif beaucoup plus simple et par suite d’un prix moins élevé »31.

Figure 3

Figure 3

Central téléphonique Auteuil à Paris (16e arr.), Paul Guadet et Jean Pailhès architectes, 1912-1918, façades à l’angle des rues Jasmin et Henri-Heine, photographie anonyme. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxe siècle, fonds Paul Guadet, 79 IFA 200.

© CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle.

  • 32 - CHAPOULIE, Jean-Michel. « Représentations de la main-d’œuvre, actions parlementaires et administr (...)

11Dans l’entre-deux-guerres, les Écoles nationales professionnelles (ENP) représentent pour Guadet un terrain plus stimulant pour explorer les manières d’exprimer le caractère dual de tels programmes, entre autres par le décor. À partir de 1925, la direction de l’Enseignement technique lui confie des attributions qui lui confèrent progressivement un rôle central dans la construction de ces établissements, dans le cadre d’un ambitieux programme visant à encourager l’enseignement technique, dans une perspective symbolique autant que d’un point de vue pratique32. Nommé architecte-conseil de cette administration, Guadet est consulté sur toutes les questions touchant aux projets et aux travaux relatifs à ces écoles. Il est également chargé d’en concevoir certaines (Besançon, Morez et Thiers), ou de réaménager des locaux existants destinés à les accueillir (Bourges, Corte ou Lyon par exemple). Si, dans l’esprit de Paul Guadet, la physionomie de ces écoles doit exprimer la double nature d’édifices situés à la jonction de l’architecture industrielle et de l’architecture scolaire, le programme décoratif qu’il y prévoit vise plus encore à afficher les valeurs morales requises par de tels équipements publics. Toutefois, les complications rencontrées sur les chantiers, le retard des travaux et les dépassements de devis, aggravés par un contexte économique difficile et par l’état de santé de l’architecte, altèrent sérieusement ses relations avec l’administration et mettent à mal l’exécution de son dessein. Mais les espoirs déçus n’entament manifestement pas la relation de confiance entretenue par l’artiste et l’architecte.

Relation amicale, sociabilité artistique et collaboration professionnelle

  • 33 - Les bronzes du monument ont été fondus pendant la Seconde Guerre mondiale, seul le buste a été re (...)
  • 34 - Édouard-JOSEPH, R. Dictionnaire biographique des artistes contemporains. Op. cit., t. III, p. 382 (...)
  • 35 - Les bustes de Léon Chifflot et de Tony Garnier sont conservés respectivement au musée des Beaux-A (...)
  • 36 - Ibid.
  • 37 - Édouard-JOSEPH, R. Dictionnaire biographique des artistes contemporains. Op. cit., t. III, p. 383 (...)

12Si les relations de travail entre Vermare et Guadet traduisent une forme de prédilection de l’architecte pour le sculpteur, le réseau professionnel et artistique de ce dernier compte en revanche de nombreux architectes. La conception de monuments publics fait ainsi apparaître plusieurs collaborations, à l’occasion de concours notamment, par exemple pour le monument stéphanois aux combattants de la guerre de 1870-1871, déjà évoqué, ou pour celui élevé à Lyon en l’honneur du docteur Antoine Gailleton – qui avait été maire de Lyon de 1881 à 1900 – élaboré avec les architectes parisiens Paul Marion (1873- ?) et Fernand Lucas (1875- ?) en 1913 en réponse à un concours ouvert en 190733. Mais en outre, comme le notait déjà René Édouard-Joseph dans son Dictionnaire biographique des artistes contemporains, les architectes figurent en bonne place parmi les personnalités dont Vermare a réalisé le buste34, reflétant sans doute les liens de sociabilité artistique noués par le sculpteur. Parmi les premiers exemples, les bustes de Léon Chifflot (1868-1925) et de Tony Garnier (1869-1948) s’inscrivent dans les pratiques courantes des pensionnaires de la villa Médicis, enclins à se représenter mutuellement par le portrait ou la caricature35. Par-delà les simples traditions de vie communautaire à l’Académie de France à Rome, la relation d’André Vermare et Tony Garnier constitue un bref « compagnonnage artistique36 », sans pour autant faire éclore de réalisation conjointe. Seul le modèle d’un groupe de bœufs, composé quelques années plus tard et connu sous le titre Vers l’abattoir, semble relier le travail de l’artiste et de l’architecte. Cette œuvre était sans doute destinée au projet de Garnier pour les abattoirs de la Mouche (Lyon) mais n’y a toutefois pas été installée en raison de la guerre37. La proximité entre les deux Lyonnais n’a donc guère franchi le seuil d’une camaraderie circonstancielle, ni subsisté après l’installation définitive de Vermare à Paris.

  • 38 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 14 octobre 1915 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 27).
  • 39 - L’attribution de cette poignée de porte, aujourd’hui disparue, à Vermare est connue par une lettr (...)
  • 40 - Seuls quelques dessins conservés dans les archives de l’architecte permettent de se faire une idé (...)

13A contrario, la relation entre Guadet et Vermare associe durablement et étroitement différentes valeurs, où s’entremêlent amitié, sociabilité artistique et collaboration professionnelle. Leur complicité, évidemment déterminante, n’est toutefois pas suffisante pour garantir la réalisation des motifs décoratifs que l’architecte prévoit dans ses projets, comme l’observe Vermare à ses dépens à propos du central téléphonique Auteuil : « si donc tu ne peux m’imposer à l’administration des téléphones, il me semble impossible de réussir dans ton projet »38. Sur un registre plus personnel, Paul Guadet s’entoure d’œuvres de son ami, qui font parfois l’objet de commandes spécifiques de la part de l’architecte. Vermare compose par exemple le motif ornant la poignée de porte de l’hôtel particulier que l’architecte conçoit entre 1912 et 1913 pour abriter son agence et son domicile au 95 boulevard Murat à Paris (16e arr.)39. Dans les années 1920, le sculpteur réalise les bustes en pierre de Paul Guadet et de sa femme, exposés au Salon en 1929. La même année l’architecte élabore un projet de fontaine40 qui aurait permis de mettre en valeur, dans son salon, les œuvres de Vermare en sa possession (fig. 4).

Figure 4

Figure 4

Projet de Paul Guadet pour l’aménagement d’une fontaine dans le salon de son hôtel particulier, 95 boulevard Murat, Paris (16e arr.), croquis non daté [vers 1929]. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxe siècle, fonds Paul Guadet, 79 IFA 79-24.

© CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle.

  • 41 - Le musée Sainte-Croix de Poitiers conserve un exemplaire de cette tête, en plâtre, donné par l’ar (...)
  • 42 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 1er mai 1929 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 66).
  • 43 - Il semble qu’un modèle du buste de Paul Guadet – en plâtre ou en pierre, du moins distinct de cel (...)

14Les bustes devaient encadrer une tête masculine surmontant la fontaine, identifiable comme l’une des reproductions de la tête du Rhône – reprise du bas-relief installé devant le palais du Commerce de Lyon – que le sculpteur fait fondre en bronze41. Si la localisation actuelle des bustes du couple, « très beaux, mais si éloignés encore des modèles42 » selon leur auteur, est inconnue, le buste en bronze de l’architecte, installé à l’École nationale d’horlogerie de Besançon en 1932 en guise d’hommage posthume, en est peut-être une copie43 (fig. 5).

Figure 5

Figure 5

Buste de Paul Guadet par le sculpteur André Vermare, bronze, installé à l’École nationale professionnelle de Besançon en 1932, aujourd’hui lycée polyvalent Jules-Haag, Besançon.

Phot. Jérôme Mongreville. © Région de Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du Patrimoine, ADAGP, 2003.

  • 44 - LACROIX, Laurier. « Entre l’érable et le laurier ». Journal of Canadian Art History/Annales d’his (...)

15À quel point les relations nouées par Vermare avec d’autres architectes peuvent-elles être comparées à sa connivence avec Guadet ? La collaboration du sculpteur avec Maxime Roisin (1871-1960) dans les années 1920 mérite de retenir l’attention car les deux hommes travaillent ensemble à plusieurs réalisations au Canada, à commencer par le monument du cardinal Elzéar Alexandre Taschereau – premier cardinal canadien – élevé à Québec en 1923 à la suite d’un concours international (1922). Au moment où Vermare entreprend de réunir sous le vocable du « groupe de l’Érable » une communauté d’artistes français au Canada44, sa collaboration avec Maxime Roisin s’inscrit dans un chantier d’une ampleur plus collective encore : le décor de la basilique Sainte-Anne-de-Beaupré (Québec), lieu de pèlerinage dont Roisin engage la reconstruction en 1923 après un incendie intervenu l’année précédente. À l’invitation du sculpteur, Maxime Roisin et André Vermare réalisent le monument à Jean-Anthelme Brillat-Savarin à Belley dans l’Ain (1927). La présentation de cette œuvre au Salon en 1928 fournit l’occasion de souligner l’attachement du sculpteur à travailler avec les architectes, à une date où la plupart de ses confrères aspiraient à autonomiser davantage leur art ou, plutôt, à en adopter une approche plus globalisante :

  • 45 - ROSENTHAL, Léon. « Les salons de 1928 ». L’Architecture, no 6, 1928, p. 188.

La sculpture, ici, s’est associée à l’architecture par les soins d’un architecte. C’était, naguère, l’habitude normale. Depuis ces dernières années ont été prises des habitudes nouvelles. Regardons le hall de la sculpture. Quelques sculpteurs font encore appel à l’architecte : ainsi M. Landowski, dont le puissant et pittoresque groupe aux morts d’Alger sera présenté et mis en valeur par MM. Gras et Monestés. M. Vermare, pour le monument de Brillat-Savarin, a réclamé la collaboration de M. Roisin. Mais, d’ordinaire, c’est le sculpteur lui-même qui dessine le socle, le piédestal, la fontaine ou la vasque sur lesquels il érige groupe ou figure. Les idées de simplicité dépouillée qui règnent à l’heure présente, le goût pour les volumes élémentaires, la défiance contre toute mouluration, facilitent cette entreprise45.

16Cette question peut d’ailleurs être étendue plus largement au processus même de la collaboration entre architecte et sculpteur, en ce qui concerne la part – sinon l’initiative – que prend chacun. Dans quelle mesure cet entre-deux s’apparente-t-il à un lieu d’expérimentation, conduisant de fait chacun des protagonistes à s’aventurer au contact des pratiques et des attentes de l’autre ? Dans le cas de Guadet et Vermare, quel profit leur art en tire-t-il, à titre individuel autant que collectif ?

Élaborer ensemble un programme décoratif : l’œuvre et la matière

17Les programmes décoratifs que Paul Guadet destine à André Vermare dans ses projets d’écoles professionnelles consistent en des figures ayant valeur d’emblèmes et même teintées de connotations allégoriques. Ils renvoient à la sobre monumentalité de ces équipements publics. À la croisée des contraintes formelles propres aux édifices et des aspirations artistiques des deux hommes, l’élaboration de ces programmes – dont l’étude est parfois restée très sommaire tant leur réalisation était incertaine – témoigne d’une diversité touchant autant la forme et la technique pressenties (verrière, ronde-bosse, haut ou bas-relief) que l’éventail des matériaux envisagés (verre moulé, pierre, grès flammé ou aggloméré). Si, en toute logique, la configuration générale du décor et son emplacement sont habituellement fixés par Guadet lorsqu’il dessine les façades, le choix du matériau est quant à lui examiné en premier par le sculpteur, avant discussion avec l’architecte, et finalement souvent tranché dans le sens de l’économie. Le prix n’est toutefois pas le seul critère, les contraintes pratiques et esthétiques de la mise en œuvre jouant également dans les décisions. Tous ces éléments priment sur la définition iconographique du programme décoratif, qui intervient dans un second temps.

  • 46 - Le programme décoratif s’étend aussi à la grille d’entrée de l’école. Exécutée par V. Verdon, d’a (...)
  • 47 - POUPARD, Laurent. « Paul Guadet et les Écoles nationales d’horlogerie de Besançon et d’optique de (...)

18Les interactions entre la genèse du programme décoratif et l’évolution du projet architectural ne sont pas toujours aisées à saisir. Le sculpteur se trouve impliqué malgré lui dans un processus d’échanges et de décisions complexe, mettant volontiers aux prises l’architecte avec ses interlocuteurs de l’enseignement technique, depuis l’administration centrale jusqu’aux directeurs des écoles, comme avec les acteurs politiques. Dans ce contexte, la solidarité des « hommes de l’art », celle entre Vermare et Guadet tout comme celle entre Guadet et ses collaborateurs sur place – tel André Boucton (1891-1977) à Besançon et Morez – s’avère cruciale pour gérer conjointement les enjeux locaux et nationaux. La conception des bas-reliefs de l’École nationale d’horlogerie de Besançon fournit l’illustration la plus complète de ces enjeux : premier des programmes décoratifs étudiés par Vermare et Guadet pour ces ENP, il est le seul à avoir été réalisé. Dès ses premiers dessins pour la façade d’entrée de l’école en décembre 1925, l’architecte imagine des figures décoratives sur les pilastres, sans pour autant que le sujet n’en soit encore défini46. Au printemps 1927, celles-ci prennent la forme de six bas-reliefs que Guadet prévoit d’intégrer dans les vides de l’ossature en béton armé (fig. 6, fig. 7), tandis que Vermare s’interroge sur la technique et le matériau à employer (pierre de Savonnières, moulage en aggloméré ou en grès flammé) et que Louis Trincano, omniprésent directeur de l’école, fixe le sujet47.

Figure 6

Figure 6

École nationale d’horlogerie de Besançon, Paul Guadet, architecte, élévation de la façade, s. d. [avril 1927]. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxsiècle, fonds Paul Guadet, 79 IFA 79-09.

© CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.

Figure 7

Figure 7

L’École nationale d’horlogerie de Besançon en construction, s. d. [mai-juin 1928], photographie anonyme. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxsiècle, fonds Paul Guadet, 79 IFA 200.

© CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle.

  • 48 - Lettre de Louis Trincano à Paul Guadet, 9 mars 1927 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 63).
  • 49 - Lettre de Paul Guadet à André Vermare, 14 mars 1927 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 66).
  • 50 - Lettre du maire de Besançon à Paul Guadet, 3 mars 1927 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 63).

19Selon les indications de ce dernier, ce décor sculpté évoque les métiers et les savoirs auxquels ouvre l’école à travers « les épisodes les plus caractéristiques de la vie [des] différents élèves48 » : l’horloger à l’établi, le mécanicien sur une machine, le bijoutier à l’établi, l’électricien devant les appareils, l’élève étudiant les mathématiques ou dessinant. Soucieux d’éclairer Vermare, Guadet l’assure que « ces divers épisodes peuvent donner des choses assez variées » : ne cachant pas que certaines de ces figures en pied « doivent se ressembler sensiblement », il souligne les détails pouvant distinguer les deux élèves à l’établi par exemple, notamment « pour le bijoutier, lorsqu’il travaille les matières précieuses, un tablier spécial qui donne un aspect assez différent de l’horloger49 ». Les conditions d’attribution de cette commande ont pu émouvoir les sculpteurs de Besançon, tel Georges Laëthier (1875-1955), froissé de découvrir que ce programme décoratif avait été confié à un artiste « étranger à la ville50 ». Il assiste néanmoins Vermare pour l’exécution et la pose des bas-reliefs, finalement réalisés en ciment moulé (fig. 8, fig. 9). Pour autonome que puisse paraître ce programme sculpté en termes d’élaboration, son intégration dans la composition de la façade éclaire aussi la posture architecturale de Guadet. Le rapport entre les pleins et les vides apparaît plus subtil qu’une simple expression constructive de l’ossature en béton armé. Cette dernière dessine en effet une alternance de travées larges, accueillant les grandes ouvertures vitrées, et de travées étroites, fermées par les remplissages, qui s’apparentent à des pilastres colossaux et dans lesquelles s’insèrent les bas-reliefs.

Figure 8

Figure 8

École nationale d’horlogerie de Besançon, Le Mécanicien, bas-relief de la façade, par le sculpteur André Vermare.

Phot. Yves Sancey. © Région de Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du Patrimoine, ADAGP, 2009.

Figure 9

Figure 9

École nationale d’horlogerie de Besançon, Le Bijoutier, bas-relief de la façade, par le sculpteur André Vermare.

Phot. Yves Sancey. © Région de Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du Patrimoine, ADAGP, 2009.

  • 51 - Sur Morez, voir POUPARD, Laurent. L’école d’optique de Morez. Lycée Victor-Bérard. Lyon : Lieux D (...)
  • 52 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 5 mars 1929 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 80).
  • 53 - Ibid.

20Tandis que les figures de Besançon sont en cours d’exécution, Paul Guadet prévoit des motifs décoratifs qu’il réserve à son ami dans trois des autres ENP dont il est chargé : l’École d’optique et de lunetterie de Morez, l’École de coutellerie de Thiers et l’École des Minimes à Lyon (futur groupe Edmond-Labbé). Toutefois, lorsque la direction de l’Enseignement technique impose à l’architecte une stricte limitation des dépenses, notamment à l’école de Morez, ou même le dessaisit des projets au profit d’autres confrères, comme à Thiers et à Lyon, les programmes décoratifs envisagés avec Vermare sont abandonnés51. Pour autant, même restés à l’état d’ébauche ou au stade de l’intention, ces projets ne manquent pas d’intérêt pour aborder le mode opératoire de la collaboration entre les deux hommes. Comme à Besançon, le décor sculpté est esquissé par l’architecte sur les dessins de ses façades, sans objectif plus précis que de jauger la composition dans son ensemble. À l’École de coutellerie de Thiers (fig. 10), l’entrée apparaît encadrée de manière assez conventionnelle par « deux figures allégoriques avec attributs ou ornements52 » juchées sur de hauts piédestaux et dont Vermare envisage la réalisation « en demi ronde-bosse adossée ou haut-relief en pierre agglomérée53 ».

Figure 10

Figure 10

École nationale de coutellerie de Thiers, projet de Paul Guadet, élévation de la façade d’entrée, 2 décembre 1928. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxe siècle, 79 IFA 79-06.

© CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.

  • 54 - Un dessin de détail du projet le suggère.

21À en juger par les dessins de Guadet, le thème pourrait, comme à Besançon, représenter les métiers et les élèves de l’école. Sur les façades de l’École des Minimes à Lyon, qu’il s’agit d’installer dans l’ancien couvent du même nom, les sculptures se font plus discrètes. L’architecte prévoit semble-t-il de les disposer à l’angle des façades sur cour et sur place54. Vermare entrevoit les possibilités expressives de cet emplacement :

  • 55 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 1er décembre 1929 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 66).

ton idée de mettre des statues est épatante mais elles ne seront pas faciles à arranger avec cette épine dans le dos. Je verrais assez des figures se développant en largeur, de 3/4 ou de profil pour mieux “épouser” cette saillie. […] Naturellement il faudrait traiter en moderne ces deux nouveaux sujets. En très bonne pierre, Euville, Savonnières ou similaires, et exécutées [sic] sur place55.

22C’est assurément à l’École d’optique de Morez que la créativité conjuguée des deux hommes s’observe le mieux. Les évolutions successives de leur projet témoignent des ressorts d’une connivence consolidée par les années, les contraintes pratiques et surtout financières stimulent leurs recherches. Même si l’économie absolue imposée à Guadet et le décès prématuré de ce dernier ont finalement raison du programme décoratif, sa genèse permet de saisir le processus de collaboration. La première configuration qu’ils imaginent consiste en une vaste verrière surmontant la porte d’entrée de l’école : précédant les études du sculpteur, les dessins de l’architecte explorent la géométrie générale de cette verrière conjointement à la composition de la façade et en préfigurent le parti général, en l’occurrence un motif de soleil rayonnant, vraisemblablement traité en bas-relief (fig. 11).

Figure 11

Figure 11

École nationale d’optique de Morez, projet de Paul Guadet, élévation de la façade d’entrée, détail, s. d. [1927]. Cité de l’architecture et du patrimoine, centre d’archives, 79 IFA 79-05.

© CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.

  • 56 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 14 octobre 1927 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 80).
  • 57 - Vermare évoque cette œuvre et ce procédé dans la lettre citée à la note précédente, mais sans don (...)

23Dans quelle mesure ce choix reflète-t-il les échanges entre les deux hommes ? Les recherches dont Vermare s’ouvre à son ami portent – à l’instar des exemples déjà évoqués – sur les techniques de mise en œuvre qui conditionnent le coût et, par là, la faisabilité même de ce vaste panneau. En octobre 1927, d’après les renseignements collectés par ce dernier, « il faut compter pour l’établ[issement] d’un seul moule en fonte, mesurant en moyenne 0,30 x 0,40, le prix de 2 500 F à 3 000 F. Comme il y en aurait 70, c’est un chiffre de 200 mille francs ou le dépassant même, qu’il faudrait envisager pour l’établ[issement] de ce matériel et la fabrication du verre »56. En quête d’une solution moins onéreuse, il entre par hasard en contact avec un fondeur ayant adapté au coulage du verre un « procédé spécial de moule au sable » qui a été mis en œuvre par le sculpteur Henri Navarre (1885-1971) pour la réalisation d’un christ de 2,30 mètres de haut destiné à la chapelle du transatlantique Île-de-France57. Bien que ce mode d’exécution permette une économie sensible, en ramenant l’estimation du coût de cette verrière à 90 000 francs, sans doute la somme s’avère-t-elle encore bien supérieure aux crédits réservés, de surcroît dans le contexte d’inflation qui marque l’après-guerre. Une autre solution est donc étudiée par Guadet et Vermare l’année suivante, faisant migrer le décor sculpté vers les piliers du péristyle de la façade d’entrée (fig. 12).

Figure 12

Figure 12

École nationale d’optique de Morez, projet de Paul Guadet, élévation de la façade d’entrée, 2 octobre 1928, modifiée le 25 octobre 1929. Cité de l’architecture et du patrimoine, centre d’archives, 79 IFA 79-05.

© CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.

  • 58 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 5 mars 1929 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 80).

24Dans l’esprit de l’architecte, la « frise de bas-relief » pourrait se déployer sur les piliers dont elle envelopperait les faces extérieures, couvrant ainsi une surface de « 7 mètres environ de longueur sur 1,75 de haut58 ». Parmi les matériaux envisagés par l’artiste, la pierre agglomérée s’impose – devant la pierre de Saint-Martin de Senozan, celle d’Euville ou de Villebois – autant pour des raisons économiques que techniques, telle la possibilité de limiter les joints. La définition du programme iconographique, pour lequel toute latitude est laissée à Vermare, tient à sa propre interprétation, d’ordre historique et symbolique, de ce que pourraient être les emblèmes de l’optique destinés aux façades d’un établissement d’enseignement.

Figure 13

Figure 13

École nationale d’optique de Morez, études d’André Vermare pour les bas-reliefs de la façade, détail, s. d. [avril 1930]. Cité de l’architecture et du patrimoine, centre d’archives, 79 IFA 80.

© CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.

25Les croquis qu’il adresse à Guadet – les seuls qui soient conservés de leur collaboration – sont accompagnés d’un texte d’intention qui relève moins de la description qu’il ne participe à l’exploration du thème (fig. 13) :

  • 59 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 28 avril 1930 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 80).

Le panneau de gauche, indiquant l’astronomie dans l’Antiquité, pourrait être aussi bien une belle femme grecque à sa toilette. Miroir de bronze qui est bien, je crois, le premier et le plus aimable des objets d’optique. Dans celui de droite : la navigation. Dans le grand panneau du centre on pourrait rappeler l’histoire de l’optique en un groupement de personnages qui s’y sont illustrés où l’on fait développer depuis l’invention des miroirs étamés aux besicles : Vincent de Beauvais, [Salvino degli] Armati, etc., Galilée et son télescope, pour en arriver au microscope ou à la photographie… Mais tout cela est un peu touffu59.

  • 60 - Ibid.

26Première ébauche de ce programme décoratif comme de sa formalisation, la proposition du sculpteur comporte aussi – dans sa forme graphique comme dans son argumentaire – des variantes qui traduisent la valeur du texte comme du dessin dans le processus de genèse de l’œuvre. Ainsi que Vermare l’explique à son ami, son croquis se démarque en partie des hypothèses exposées dans sa lettre, au moins en ce qui concerne le panneau central, représentant « un cours d’optique, se déroulant sur un fond de paysage d’où le soleil resplendit au-dessus des montagnes de Morez60 ». À en juger par la parenté de motifs, un tel sujet pourrait d’ailleurs avoir été envisagé auparavant pour le projet de verrière.

  • 61 - Lettre de Paul Guadet à André Boucton, 6 janvier 1931 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 79).
  • 62 - Lettre d’Octave Prélat, directeur de l’ENP de Morez, à Paul Guadet, 24 octobre 1930 (CAA du xxs (...)

27La genèse de ce programme décoratif, dont l’architecte s’efforce de maintenir la présence en dépit d’un contexte économique difficile, atteste l’importance que lui accorde Guadet dans l’expression de l’édifice. La distribution des locaux de l’École d’optique de Morez permet de comprendre quelle a pu être sa motivation : implantée sur un terrain en pente qui impose un échelonnement des bâtiments, l’école ne peut en effet disposer que d’une très modeste façade d’entrée – de deux travées larges ou quatre travées étroites – venant s’inscrire parmi des immeubles d’habitation, à l’alignement de la rue basse, dominée par les autres constructions. Finalement, l’architecte doit composer sans sculpture (fig. 14). Les difficultés rencontrées par la construction de l’École de Morez, qui exacerbent les tensions entre ce dernier et la direction de l’Enseignement technique, le forcent à revoir son projet en cours de chantier dans une mesure bien supérieure à ce qu’il juge admissible. L’importance des dépassements de devis – résultant notamment de la combinaison malheureuse entre une estimation initiale insuffisante et des imprévus techniques – conduit en février 1931 à une suspension des travaux en attente d’un compte exact des dépenses engagées. Sommé de « rechercher l’économie à outrance61 », ainsi qu’il le résume sarcastiquement, Guadet se voit contraint d’appliquer des priorités drastiques touchant aussi bien la configuration des lieux – le dernier étage de l’internat n’est pas réalisé – que le choix des matériaux. Confronté à l’insistance d’un directeur qui affirme « préfére[r] de beaucoup un aménagement intérieur confortable et facile à entretenir à une façade sculptée ou décorée62 », l’architecte est contraint de renoncer à mettre en œuvre le programme étudié avec Vermare. Pour autant, il n’est pas question de sacrifier l’esthétique de l’établissement, comme en témoignent les nombreuses études pour la façade d’entrée de l’école, car désormais seule la composition architecturale peut exprimer la fonction et le statut de l’édifice.

Figure 14

Figure 14

École nationale d’optique de Morez. Paul Guadet architecte, 1927-1933, façade d’entrée sur le quai André-Lamy.

Phot. Yves Sancey. © Région de Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du Patrimoine, ADAGP, 2010.

La collaboration comme espace d’expérimentation

  • 63 - Édouard-JOSEPH, R. « André Vermare ». Dictionnaire biographique des artistes contemporains. Op. c (...)

28L’analyse de la collaboration entre Guadet et Vermare conduit en premier lieu à réévaluer la place du décor architectural dans leur production respective. Ainsi, alors que les écoles professionnelles et les centraux téléphoniques réalisés par l’architecte affichent généralement une expression sobre qui semble relever pleinement de la composition architecturale, l’étude de leur genèse révèle que l’absence de décor n’est pas forcément un choix délibéré. De même, bien que les contributions de Vermare en matière de sculpture décorative ne soient pas passées complètement inaperçues – comme en témoigne la notice qui lui est consacrée dans le Dictionnaire biographique des artistes contemporains63 –, sans doute participent-elles moins à la réputation de l’artiste que d’autres réalisations plus nobles, telles la statuaire publique et religieuse ou les envois aux Salons. Pourtant, à en juger par la rémanence des projets communs, les expériences de Vermare donnent lieu à des formes d’exploration artistique méconnues dont la portée reste encore à mesurer, comme par exemple l’idée, finalement abandonnée, de mouler des bas-reliefs en verre.

  • 64 - L’architecture postale en fournit sans doute une illustration emblématique (voir LAMBERT, Guy. «  (...)

29La durée de la collaboration entre Guadet et Vermare, en dépit de la non-exécution de la plupart des projets, invite à s’interroger sur les aspirations artistiques des deux hommes. Vermare semble partager l’ambition de Guadet de renouveler l’art monumental et l’architecture publique de son temps. Dans quelle mesure les registres de contraintes d’ordre pratique (économie financière), mais aussi d’ordre « moral » ou culturel (convenance) opèrent-ils au même titre que les intentions d’un Kunstwollen présumé ? Dans un contexte marqué par l’éclatement des langages de l’architecture publique où s’affirment concurremment un purisme empreint de fonctionnalisme, un sobre classicisme structurel et des aspirations régionalistes, le dépouillement des centraux téléphoniques et des écoles professionnelles évoque la « modernité » implicitement requise par le programme de ces édifices64. Lorsque le décor est appelé à contribuer à cette expression programmatique, son traitement formel doit de toute évidence s’accorder avec cette démarche. Il faut revenir ici sur le parti que défend Vermare pour l’ENP de Lyon en proposant de « traiter en moderne » les sujets, volonté dont témoignent également les bas-reliefs de l’École d’horlogerie de Besançon. Le choix du matériau (le ciment moulé) n’est certes pas étranger au fait qu’ils fassent corps avec l’architecture. Mais il faut surtout imputer cela à une proximité d’esprit et d’écriture entre le sculpteur et l’architecte.

  • 65 - WERNER, Michael, ZIMMERMANN, Bénédicte. « Penser l’histoire croisée ». Art. cit., p. 16.
  • 66 - MENGER, Pierre-Michel. « Rationalité et incertitude de la vie d’artiste ». L’Année sociologique, (...)
  • 67 - Ibid., p. 123.
  • 68 - DOSSE, François. « Biographie, prosopographie ». Dans DELACROIX, Christian, DOSSE, François, GARC (...)
  • 69 - KRIS, Ernst, KURZ, Otto. La Légende de l’artiste [1934]. Paris : Éditions Allia, 2010, p. 24. L’e (...)
  • 70 - BECKER, Howard S. Les mondes de l’art [1982]. Paris : Flammarion, coll. « Champs », 2010, p. 28.
  • 71 - LAVIE, Juliette. « Introduction ». Dans BONNET, Alain, LAVIE, Juliette, NOIROT, Julie et al. (dir (...)

30Sans doute la comparaison avec d’autres collaborations de Vermare permettrait-elle de mieux mesurer le processus de mutualisation artistique qui se joue dans la conception des décors architecturaux. Pour le dire autrement, de quel degré de « magnitude » ou de variation témoigne l’art de Vermare au gré de ses différentes collaborations avec les architectes ? Si l’examen de cette hypothèse dépasse de fait l’objet du présent article, du moins la question revient-elle à supposer qu’au gré de ce travail en commun, les protagonistes « ne restent pas forcément intacts et identiques à eux-mêmes » mais que « leurs transformations sont liées au caractère non seulement actif, mais encore interactif de leur mise en relation »65. Rapportée à l’échelle des liens entre Guadet et Vermare, la question revient à s’interroger sur la dynamique du travail à deux. Le contraste entre la rémanence de cette pratique et le faible degré de concrétisation des projets invite à cerner de plus près ce qui la nourrit dans le temps. Le rôle moteur des liens d’amitié a déjà été souligné. Pour autant, ils ne doivent pas conduire à attribuer une trop grande linéarité à cette collaboration, plus discontinue qu’il n’y paraît. Le caractère relativement infructueux de cette dernière en termes de réalisations reflète « la dimension d’incertitude66 » qui, selon Pierre-Michel Menger, marque la socio-économie de la vie d’artiste et dont l’effet se ressent ici sur le sculpteur comme un manque à gagner en matière de rémunération. Nul doute en revanche que ce travail commun s’avère profitable en tant qu’expérience artistique et intellectuelle. Jusqu’à quel point la succession des programmes décoratifs qu’étudient Guadet et Vermare, et dont on a souligné la variété de configurations et de techniques, illustre-t-elle une forme d’expérimentation, conduite en duo et inscrite dans la durée ? Même lorsque l’architecte fixe dans ses grandes lignes les dispositions du décor sculpté, la perspective dans laquelle s’inscrit la collaboration avec le sculpteur est propre à stimuler la créativité des deux protagonistes. L’expérience commune, consolidée par les années, tend à établir une connivence et à faire émerger des habitudes de travail qui sont profitables à l’efficience des échanges et à la répartition des tâches, sans pour autant se traduire par une quelconque routine artistique. S’il s’opère donc une forme « d’ajustement mutuel des attentes et des significations échangées67 », dans quelle mesure intervient-elle comme une incitation réciproque à se renouveler et à inventer ensemble ? La confrontation des projets successifs et l’examen du processus de conception peuvent encourager une telle interprétation. Mais de surcroît, le dialogue entre les deux hommes – dont les traces épistolaires laissent imaginer le versant oral – tend à apparaître comme un espace de mutualisation des connaissances, certes nourri au gré de l’élaboration des projets, mais dont la portée dépasse la production des œuvres proprement dites. L’observation vaut particulièrement pour la phase préparatoire, lorsque Guadet et Vermare échangent des renseignements sur les matériaux et les techniques ou qu’ils discutent les hypothèses de travail. S’il s’avère délicat d’estimer les incidences de cette expérience sur la pratique personnelle de l’un et de l’autre, il faut du moins exclure toute interprétation d’ordre téléologique. Les questions que soulèvent les interactions entre une telle collaboration et le parcours individuel des protagonistes rejoignent incontestablement les orientations mises en relief ces dernières années en matière d’approche biographique, depuis que « la figure du biographé n’est plus envisagée à partir d’une totalité uniforme postulée mais tout au contraire interrogée dans ses tensions, ses contradictions, ses cités diverses d’appartenance, d’où une attention très forte aux interactions, au tissu même de l’enchevêtrement des vies »68. Ainsi appréhendées, ces relations de travail ne doivent-elles pas précisément s’inscrire parmi les « cellules-mères69 » de la biographie d’artiste ou d’architecte, au rang des épisodes qui contribuent à façonner l’individu créateur ? Alors qu’aujourd’hui « la complexité des réseaux coopératifs dont l’art procède »70 est mieux comprise, il est tentant d’envisager les collaborations entre artistes – et avec les architectes, en l’occurrence – comme autant de lieux d’expérimentation, œuvrant dans la construction intellectuelle et culturelle, mais aussi professionnelle et « technique », d’une trajectoire individuelle de praticien. L’espace couvert par de telles collaborations ne doit-il pas être envisagé comme une forme d’« expérience partagée entre membres d’une même communauté, d’un même groupe où la transmission des savoirs repose sur sa mutualisation71 » ?

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Notes

1 - Les sources mobilisées proviennent des archives de l’architecte, conservées au Centre d’archives d’architecture du xxsiècle (CAA du xxe siècle) de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Les témoignages de la collaboration entre Vermare et Guadet sont répartis dans les dossiers relatifs aux édifices que conçoit ce dernier.

2 - « Les correspondances d’artistes ». Revue de l’art, n67, 1985, p. 6.

3 - WERNER, Michael, ZIMMERMANN, Bénédicte. « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité ». Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 58, no 1, 2003, p. 16.

4 - ÉDOUARD-JOSEPH, René. Dictionnaire biographique des artistes contemporains, 1910-1930. Paris : Art et édition, 1930-1936, t. III, 1934, p. 382-383, notice « André Vermare » ; CHAVANNE, Blandine. Catalogue des Sculptures des xixe et xxsiècles dans les collections des musées de la Ville de Poitiers et de la Société des antiquaires de l’Ouest. Poitiers : Société des antiquaires de l’Ouest/Musées de la Ville, 1983 ; DUFIEUX, Philippe. Sculpteurs et architectes à Lyon (1910-1960). De Tony Garnier à Louis Bertola. Lyon : Mémoire active, 2007 (notice, p. 127-128) ; PENLOU, Séverine. Rôles et fonctions de la sculpture religieuse à Lyon de 1850 à 1914. Thèse de doctorat d’histoire sous la direction de François Fossier. Lyon : université Lumière-Lyon-2, 2008.

5 - Les notices qui lui ont été consacrées privilégient son intérêt pour le béton armé et ses réalisations en matière d’architecture domestique. EMERY, Marc. Un siècle d’architecture moderne en France : 1850-1950. Paris : Horizons de France, 1971, p. 59 ; CHEMETOV, Paul, MARREY, Bernard. Architecture. Paris. 1848-1914 [1976]. Paris : Dunod, 1980 ; CHEMETOV, Paul, DUMONT, Marie-Jeanne, MARREY, Bernard. Paris-banlieue. 1919-1939. Architectures domestiques. Paris : Dunod, 1989.

6 - LAMBERT, Guy. L’architecte et la figure de l’expert, au service de l’État sous la IIIRépublique. Cultures et stratégies professionnelles. Autour de Paul Guadet (1873-1931). Thèse de doctorat d’histoire socio-culturelle, sous la direction de François Loyer. Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2007.

7 - Pour autant, comme le fait remarquer Philippe Dufieux par exemple, il n’est pas rare que la fortune critique de certains artistes (peintres ou sculpteurs) résulte d’abord des recherches menées dans le domaine de l’histoire de l’architecture. « Il s’en est fallu de peu que la postérité ignore jusqu’aux noms des Grands Prix de Rome de sculpture Jean-Baptiste Larrivé, Louis Bertola et Claude Grange, si les trois artistes n’avaient pas été associés au monument aux morts de l’île aux cygnes conçu par Tony Garnier » (DUFIEUX, Philippe. Op. cit., p. 11).

8 - C’est ce qu’a récemment mis en lumière l’étude d’une autre collaboration de Paul Guadet, avec André Boucton, confrère bisontin qui intervient comme architecte d’opération sur ses projets en Franche-Comté (LAMBERT, Guy. Une ambition pour les métiers. Paul Guadet & André Boucton, l’architecture des écoles professionnelles. Morez/Paris : Ville de Morez/ENSA Paris-Belleville, 2013).

9 - BRUYÈRE, Gérard. « Tony Garnier (1869-1948) et André Vermare (1869-1949) : témoignages retrouvés d’un bref compagnonnage artistique ». Bulletin municipal officiel de la ville de Lyon, n5335, 23 juillet 2000, pages non numérotées (p.n.n.) ; no 5336, 30 juillet 2000, p.n.n. L’auteur esquisse une biographie croisée des deux hommes, depuis leurs origines familiales jusqu’à leurs débuts professionnels (DUFIEUX, Philippe. Op. cit.).

10 - WERNER, Michael, ZIMMERMANN, Bénédicte. « Penser l’histoire croisée ». Art. cit., p. 16.

11 - ANDRIEUX, Jean-Yves. L’architecture de la République. Les lieux de pouvoir dans l’espace public en France, 1792-1981. Paris : SCÉRÉN-CNDP, 2009, p. 18.

12 - Ses envois au Salon témoignent qu’au cours des années 1890, outre ces deux maîtres, il invoque également, mais brièvement, Laurent Marqueste (1848-1920), Alfred-Désiré Lanson (1851-1898) ou Aristide Croisy (1840-1899).

13 - Le bas-relief de Vermare Orphée perdant pour la seconde fois Eurydice (Second Prix de Rome 1897) est aujourd’hui déposé par le Fonds national d’art contemporain au musée des Beaux-Arts de Lyon depuis 1898, voir sur le site  : http://www.cnap.fr/collection-en-ligne/?#/artwork/140000000042956?layout=grid&page=0&filters=query:vermare (numéro d’inventaire : ENSBA, PRS 88) [consulté le 02/05/2017].

14 - Commandé juste après l’assassinat de Sadi Carnot en 1894, le monument de Saint-Chamond est inauguré l’année suivante.

15 - Voir le site : https://archives.saint-etienne.fr/article.php?laref=315&titre=monument-des-combattants-1870-1871 [consulté le 05/05/2015]. Comme Vermare, Varinard fut élève aux Beaux-Arts à Lyon puis à Paris.

16 - Le Rhône et la Saône a été présenté au Salon sous ses deux versions successives, le plâtre en 1902 et le marbre en 1905, date à laquelle il obtient une médaille de 2e classe avec une Suzanne en ronde-bosse constituant l’envoi de 5e année du sculpteur (acquise par l’État en 1905, musée d’Orsay RF 1419, en dépôt depuis 1953 à Courpalay, Seine-et-Marne).

17 - PENLOU, Séverine. Thèse cit., p. 263.

18 - Pierre et André Vermare sont souvent évoqués dans la thèse de doctorat, déjà citée, de Séverine Penlou.

19 - ÉDOUARD-JOSEPH, René. Dictionnaire biographique des artistes contemporains, 1910-1930. Op. cit., t. III, p. 382-383, notice « André Vermare ».

20 - Nommé professeur de théorie en 1894, Julien Guadet transmet à Edmond Paulin (1848-1915) la direction de l’atelier officiel qu’il dirigeait depuis 1871.

21 - Logiste (candidat au Prix de Rome) cette année-là, il ne se présente plus aux épreuves du Prix de Rome par la suite.

22 - Il construit notamment sur le Champ-de-Mars l’hôtel particulier de son beau-frère, le docteur Carnot (1906-1908).

23 - Au Salon des artistes français, il obtient toutefois une médaille de première classe en 1902 pour un projet de restauration de la salle du Théâtre-Français de Victor Louis au Palais-Royal, projet établi avec son confrère et ami Henri Prudent (1868-1950).

24 - GUADET, Paul. « L’esthétique du béton armé ». L’Émulation [Société centrale d’architecture de Belgique], n5, mai 1926, p. 67.

25 - Sur le programme de la Cour des comptes, voir QUANTIN, Stéphanie. « Le palais et son histoire ». Dans POTTON, Jean-François, QUANTIN, Stéphanie (éd.). Le palais Cambon. Paris : La Documentation française, 2012, p. 59-69.

26 - En témoignent les lettres de Constant Moyaux au sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts à propos des commandes confiées à André Vermare (AN, 20130454/10, lettres des 27 août et 5 septembre 1907).

27 - « Inaugurations. Hommage à la mémoire de Constant Moyaux. Discours de M. Paul Guadet ». L’Architecture, 27année, n13, 28 mars 1914, p. 104.

28 - GUADET, Julien. « Conférence sur le nouvel hôtel des Postes ». Mémoires et comptes rendus des travaux de la Société des ingénieurs civils, vol. 45, 1er semestre 1886, p. 538.

29 - Lettre de Paul Guadet à l’ingénieur en chef des Services téléphoniques de Paris, 4 avril 1913 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 25).

30 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 9 décembre 1913 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 27).

31 - Lettre de l’ingénieur directeur des services téléphoniques de Paris à Paul Guadet, 14 janvier 1914 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 27). L’imposte semble n’avoir reçu d’autre décor que le revêtement de céramique colorée recouvrant l’encadrement de la porte.

32 - CHAPOULIE, Jean-Michel. « Représentations de la main-d’œuvre, actions parlementaires et administratives. Le développement de l’enseignement technique entre les deux guerres ». Vingtième siècle, no 88, octobre-décembre 2005, p. 23-47.

33 - Les bronzes du monument ont été fondus pendant la Seconde Guerre mondiale, seul le buste a été remplacé par un autre en pierre en 1959. Avant cette date, Vermare avait semble-t-il déjà collaboré avec ces deux architectes lors de la construction du théâtre municipal de Fontainebleau (concours en 1905), pour lequel il a livré deux figures destinées au décor du cadre de scène.

34 - Édouard-JOSEPH, R. Dictionnaire biographique des artistes contemporains. Op. cit., t. III, p. 382-384.

35 - Les bustes de Léon Chifflot et de Tony Garnier sont conservés respectivement au musée des Beaux-Arts de Dole – ville natale de l’architecte – et au musée urbain Tony-Garnier de Lyon. Bien que portant la signature de Vermare, le second n’a été identifié que récemment comme œuvre du sculpteur à l’occasion de son dépôt au musée (BRUYÈRE, Gérard. « Tony Garnier (1869-1948) et André Vermare (1869-1949) : témoignages retrouvés d’un bref compagnonnage artistique ». Art. cit.). Autre illustration de ces pratiques de pensionnaires, les collections de l’Académie de France à Rome conservent un portrait anonyme à l’huile d’André Vermare.

36 - Ibid.

37 - Édouard-JOSEPH, R. Dictionnaire biographique des artistes contemporains. Op. cit., t. III, p. 383. Exposée au Salon en 1920, l’œuvre est aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts d’Arras.

38 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 14 octobre 1915 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 27).

39 - L’attribution de cette poignée de porte, aujourd’hui disparue, à Vermare est connue par une lettre de Paul Guadet à Louis Bonnier (79 Ifa 23, 8 février 1923), qui lui en demandait une reproduction photographique pour les collections de la Commission du Vieux Paris, dont il était alors président.

40 - Seuls quelques dessins conservés dans les archives de l’architecte permettent de se faire une idée de ce dispositif qui ne fut finalement pas réalisé.

41 - Le musée Sainte-Croix de Poitiers conserve un exemplaire de cette tête, en plâtre, donné par l’artiste en 1936.

42 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 1er mai 1929 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 66).

43 - Il semble qu’un modèle du buste de Paul Guadet – en plâtre ou en pierre, du moins distinct de celui en bronze conservé à Besançon – ait été en possession de son collaborateur bisontin, l’architecte André Boucton, à en juger par une photographie conservée dans ses archives familiales (LAMBERT, Guy. Une ambition pour les métiers. Op. cit., p. 16). Chargé d’achever les ENP de Besançon et de Morez après le décès de Guadet, Boucton entretient des relations amicales avec sa veuve – marraine de l’un de ses enfants – comme avec Vermare. Faut-il voir là une raison et un vecteur de la transmission constatée de ce buste ?

44 - LACROIX, Laurier. « Entre l’érable et le laurier ». Journal of Canadian Art History/Annales d’histoire de l’art canadien, vol. XIII/2 et XIV/1, 1991, Ernest Cormier, p. 154-173, ici p. 159.

45 - ROSENTHAL, Léon. « Les salons de 1928 ». L’Architecture, no 6, 1928, p. 188.

46 - Le programme décoratif s’étend aussi à la grille d’entrée de l’école. Exécutée par V. Verdon, d’après les dessins de l’architecte, celle-ci comporte notamment des motifs inspirés de pièces d’horlogerie.

47 - POUPARD, Laurent. « Paul Guadet et les Écoles nationales d’horlogerie de Besançon et d’optique de Morez ». In Situ [en ligne], no 15, 2011, http://insitu.revues.org/730 ; POUPARD, Laurent. L’école d’horlogerie de Besançon. Lycée Jules Haag. Lyon : Lieux Dits, coll. « Parcours du patrimoine », 2012 ; LAMBERT, Guy. Une ambition pour les métiers. Op. cit.

48 - Lettre de Louis Trincano à Paul Guadet, 9 mars 1927 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 63).

49 - Lettre de Paul Guadet à André Vermare, 14 mars 1927 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 66).

50 - Lettre du maire de Besançon à Paul Guadet, 3 mars 1927 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 63).

51 - Sur Morez, voir POUPARD, Laurent. L’école d’optique de Morez. Lycée Victor-Bérard. Lyon : Lieux Dits, coll. « Parcours du patrimoine », 2013. Sur l’ENP de Thiers, voir BRUNEL, Estelle. L’École nationale professionnelle de Thiers (1933), par Paul Guadet (1873-1931) et Jean Amadon (1886-1954). Mémoire de maîtrise en histoire de l’art sous la direction de Jean-Paul Bouillon. Clermont-Ferrand : université Blaise-Pascal, 2002.

52 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 5 mars 1929 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 80).

53 - Ibid.

54 - Un dessin de détail du projet le suggère.

55 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 1er décembre 1929 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 66).

56 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 14 octobre 1927 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 80).

57 - Vermare évoque cette œuvre et ce procédé dans la lettre citée à la note précédente, mais sans donner le nom de l’artiste ni du fondeur (voir la notice « Henri Navarre » dans CAPPA, Giuseppe. Le génie verrier de l’Europe. Témoignages, de l’historicisme à la modernité (1840-1998). Sprimont : Mardaga, 1998, p. 352).

58 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 5 mars 1929 (CAA du xxe siècle, 79 Ifa 80).

59 - Lettre d’André Vermare à Paul Guadet, 28 avril 1930 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 80).

60 - Ibid.

61 - Lettre de Paul Guadet à André Boucton, 6 janvier 1931 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 79).

62 - Lettre d’Octave Prélat, directeur de l’ENP de Morez, à Paul Guadet, 24 octobre 1930 (CAA du xxsiècle, 79 Ifa 78).

63 - Édouard-JOSEPH, R. « André Vermare ». Dictionnaire biographique des artistes contemporains. Op. cit.

64 - L’architecture postale en fournit sans doute une illustration emblématique (voir LAMBERT, Guy. « Les bâtiments des PTT sous la IIIRépublique. L’architecture publique avec ou sans signes républicains ». Dans MONNIER, Gérard, COHEN, Évelyne (dir.). La République et ses symboles. Un territoire de signes. Paris : Publications de la Sorbonne, 2013, p. 323-338).

65 - WERNER, Michael, ZIMMERMANN, Bénédicte. « Penser l’histoire croisée ». Art. cit., p. 16.

66 - MENGER, Pierre-Michel. « Rationalité et incertitude de la vie d’artiste ». L’Année sociologique, vol. 39, 1989, p. 121.

67 - Ibid., p. 123.

68 - DOSSE, François. « Biographie, prosopographie ». Dans DELACROIX, Christian, DOSSE, François, GARCIA, Patrick (dir.). Historiographies. Concepts et débats. I. Paris : Gallimard, coll. « Folio Histoire », 2010, p. 84. L’auteur résume là des points évoqués en conclusion de son ouvrage : DOSSE, François. Le pari biographique. Écrire une vie [2005]. Paris : La Découverte, 2011, p. 448-449.

69 - KRIS, Ernst, KURZ, Otto. La Légende de l’artiste [1934]. Paris : Éditions Allia, 2010, p. 24. L’expression est employée par les auteurs à propos du motif-type de l’anecdote qui, selon eux, « peut être considérée comme la “cellule-mère” de la biographie ».

70 - BECKER, Howard S. Les mondes de l’art [1982]. Paris : Flammarion, coll. « Champs », 2010, p. 28.

71 - LAVIE, Juliette. « Introduction ». Dans BONNET, Alain, LAVIE, Juliette, NOIROT, Julie et al. (dir.). Art et transmission. L’atelier du xixe au xxisiècle. Rennes : PUR, 2014, p. 11. Le processus qu’évoque l’auteur se rapporte au contexte de la formation artistique. Il peut être vu comme une alternative à la transmission « verticale » entre maître et élève.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende École nationale d’horlogerie de Besançon, Paul Guadet architecte, 1925-1933, façade d’entrée. Les six bas-reliefs de la façade sont l’œuvre du sculpteur André Vermare. Carte postale, années 1950 (éditions La Cigogne, Strasbourg), coll. particulière.
Crédits Phot. Guy Lambert, D. R.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/15348/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 372k
Titre Figure 2
Légende Le Rhône et la Saône, André Vermare sculpteur, bas-relief, marbre, 1905, installé devant le palais du Commerce, Lyon, en 1907. Carte postale, coll. particulière.
Crédits Phot. Guy Lambert, D. R.
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Fichier image/jpeg, 780k
Titre Figure 3
Légende Central téléphonique Auteuil à Paris (16e arr.), Paul Guadet et Jean Pailhès architectes, 1912-1918, façades à l’angle des rues Jasmin et Henri-Heine, photographie anonyme. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxe siècle, fonds Paul Guadet, 79 IFA 200.
Crédits © CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/15348/img-3.jpg
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Titre Figure 4
Légende Projet de Paul Guadet pour l’aménagement d’une fontaine dans le salon de son hôtel particulier, 95 boulevard Murat, Paris (16e arr.), croquis non daté [vers 1929]. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxe siècle, fonds Paul Guadet, 79 IFA 79-24.
Crédits © CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle.
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Titre Figure 5
Légende Buste de Paul Guadet par le sculpteur André Vermare, bronze, installé à l’École nationale professionnelle de Besançon en 1932, aujourd’hui lycée polyvalent Jules-Haag, Besançon.
Crédits Phot. Jérôme Mongreville. © Région de Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du Patrimoine, ADAGP, 2003.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/15348/img-5.jpg
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Titre Figure 6
Légende École nationale d’horlogerie de Besançon, Paul Guadet, architecte, élévation de la façade, s. d. [avril 1927]. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxsiècle, fonds Paul Guadet, 79 IFA 79-09.
Crédits © CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.
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Titre Figure 7
Légende L’École nationale d’horlogerie de Besançon en construction, s. d. [mai-juin 1928], photographie anonyme. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxsiècle, fonds Paul Guadet, 79 IFA 200.
Crédits © CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxe siècle.
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Titre Figure 8
Légende École nationale d’horlogerie de Besançon, Le Mécanicien, bas-relief de la façade, par le sculpteur André Vermare.
Crédits Phot. Yves Sancey. © Région de Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du Patrimoine, ADAGP, 2009.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/15348/img-8.jpg
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Titre Figure 9
Légende École nationale d’horlogerie de Besançon, Le Bijoutier, bas-relief de la façade, par le sculpteur André Vermare.
Crédits Phot. Yves Sancey. © Région de Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du Patrimoine, ADAGP, 2009.
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Titre Figure 10
Légende École nationale de coutellerie de Thiers, projet de Paul Guadet, élévation de la façade d’entrée, 2 décembre 1928. Cité de l’architecture et du patrimoine, Archives d’architecture du xxe siècle, 79 IFA 79-06.
Crédits © CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.
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Titre Figure 11
Légende École nationale d’optique de Morez, projet de Paul Guadet, élévation de la façade d’entrée, détail, s. d. [1927]. Cité de l’architecture et du patrimoine, centre d’archives, 79 IFA 79-05.
Crédits © CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/15348/img-11.jpg
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Titre Figure 12
Légende École nationale d’optique de Morez, projet de Paul Guadet, élévation de la façade d’entrée, 2 octobre 1928, modifiée le 25 octobre 1929. Cité de l’architecture et du patrimoine, centre d’archives, 79 IFA 79-05.
Crédits © CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/15348/img-12.jpg
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Titre Figure 13
Légende École nationale d’optique de Morez, études d’André Vermare pour les bas-reliefs de la façade, détail, s. d. [avril 1930]. Cité de l’architecture et du patrimoine, centre d’archives, 79 IFA 80.
Crédits © CNAM/SIAF/Cité de l’architecture et du patrimoine/Archives d’architecture du xxsiècle.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/15348/img-13.jpg
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Titre Figure 14
Légende École nationale d’optique de Morez. Paul Guadet architecte, 1927-1933, façade d’entrée sur le quai André-Lamy.
Crédits Phot. Yves Sancey. © Région de Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du Patrimoine, ADAGP, 2010.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/15348/img-14.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Guy Lambert, « André Vermare et Paul Guadet. La noblesse de l’utile. Expérimenter ensemble les emblèmes d’une architecture publique à vocation technique »In Situ [En ligne], 32 | 2017, mis en ligne le 05 septembre 2017, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/15348 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/insitu.15348

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Auteur

Guy Lambert

Université Paris-Est, École nationale supérieure de Paris-Belleville, IPRAUS (UMR AUSser 3329) guy.lambert@paris-belleville.archi.fr

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