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Les moulages : un patrimoine, des techniques, des praticiens

Les Gherardi, mouleurs à Paris et à Rome

The Gherardis Castmakers in Paris and Rome
Peter Malone

Résumés

Cet article est une étude sur la famille Gherardi, et en particulier sur Michele Gherardi, mouleurs du XIXe siècle, à l’origine commerçants à Paris puis mouleurs de renommée internationale à Rome, qui finirent par fusionner avec Malpieri, entreprise bien établie.

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Texte intégral

Nous remercions Deirdre Westgate et Julia Owen, qui ont consulté pour moi diverses archives, l’une à Paris, l’autre à Rome, James Sutton, des archives du Victoria and Albert Museum, Londres, et Jean-Marc Hofman, du musée des Monuments français à Paris, qui m’a généreusement autorisé à utiliser une partie de ses propres recherches.

Contribution complémentaire aux Actes des journées d’étude « Le moulage. Pratiques historiques, regards contemporains » (Cité de l’architecture et du patrimoine/musée du quai Branly, 14 & 15 novembre 2012).

  • 1 - Catherine Gros, conservateur en chef du patrimoine, centre André Chastel, est l’auteur de la trad (...)
  • 2 - Ufficio dello Stato Civile, Comune di Marino, Richiesta per pubblicazione di Matrimonio, n54, 2 (...)
  • 3 - Lettre de Don Lorenzo Nanni, prêtre de la paroisse de San Michele, Granaiola, Lucques, 24 février (...)
  • 4 - Département de la Seine, ville de Paris, 6e arrondissement, registre double des actes de décès, 4 (...)

1Michele Gherardi1 est né le 29 octobre 1839 à Borgo a Mozzano (province de Lucques, Toscane) et a été baptisé Giovanni, Michele, Innocenzo dans l’église toute proche de Granaiola. Bien que le registre paroissial ne fasse pas mention de la profession de son père, Serafino, un document produit pour le mariage de Michele avec Clelia Batocchi, à Marino, près de Rome, en 1874, lui donne le titre de « possidente », propriétaire2. Il est donc possible que Michele ait été le premier de sa famille proche à être mouleur. Le registre paroissial indique également qu’en 1853, il partit à l’étranger3. Selon toute probabilité, c’était pour commencer un apprentissage prévu auprès du mouleur Giuseppe Barsugli, dont l’atelier était alors à Paris, 15 rue Racine. Comme Barsugli était né à Piano della Rocca, à deux km au nord de Borgo, il est fort possible qu’il y ait eu un lien entre les familles4.

  • 5 - Gazette des Tribunaux, Paris, p. 443, 26 février 1832. Information communiquée par Jean-Marc Hofm (...)
  • 6 - Les trois recensements cités ont été effectués un 1er février.
  • 7 - Fichier des mariages parisiens, 1795-1862, vol. 11, p. 44. Joseph Barsugli et Anne Montillon, 28  (...)
  • 8 - Voir le site : Verein fur Computergenealogie, Lubeck address book, 1873 [consulté le 15 mars 2016 (...)
  • 9 - Annuaires-almanachs du Commerce, Didot-Bottin, sous la rubrique « mouleurs-figuristes ». Toutes l (...)
  • 10 - Op. cit.
  • 11 - Information donnée par J.-M. Hofman.
  • 12 - Un moule, signé de lui, se trouve dans les réserves du British Museum.
  • 13 - Archives de Paris, archives fiscales, calepins des propriétés bâties, 1852-1876, cadastre de 1852 (...)
  • 14 - Département de la Seine, ville de Paris, 6e arrondissement municipal, registre double des actes d (...)
  • 15 - Département de la Seine, ville de Paris, 6e arrondissement, registre double des actes de décès po (...)

2Barsugli est un nom de famille très peu courant. Sur les cinq documents d’immigration américains que j’ai pu trouver pour la fin du XIXe siècle et le début du XXe, les quatre Barsugli qui ont indiqué leur origine précise venaient tous de Borgo ou de Piano della Rocca. Une référence probable attestant la présence de Giuseppe à Paris nous est fournie par un article de journal de 1832, dans lequel un certain Barsugli et son confrère mouleur Paccini sont accusés d’avoir enfreint un copyright5. On s’étonne davantage de la présence, dans les listes de recensement de Copenhague pour les années 1840, 1845 et 1850, d’un Giuseppe Barsugli, mouleur, né à Lucques6. Les dates de naissance qui sont indiquées sur chaque document sont toutes différentes et peuvent donc se situer entre 1801 et 1803. Le Barsugli de Paris était né soit en 1803 ou 1804 (d’après son certificat de décès), soit en 1804 ou 1805 (selon son acte de mariage)7. Tout comme l’orthographe des noms propres dans les documents officiels de l’époque, l’âge, et l’année de naissance que l’on peut en déduire sont très variables. C’est une coïncidence étrange qu’il y ait eu deux mouleurs du nom de Giuseppe Barsugli, nés tous les deux autour de 1803 dans le duché de Lucques, chacun travaillant dans un endroit différent. Le Barsugli de Paris figure dans le Didot-Bottin à la rubrique « mouleurs » à partir de 1847. En 1850, le Barsugli de Copenhague vivait séparé de sa famille danoise, que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans le recensement. Le Barsugli de Paris épousa Anne Montillon à l’église Saint-Sulpice en 1849. Ne faisaient-ils qu’une seule et même personne ? En l’absence de toute autre information, on ne peut qu’émettre des hypothèses. Un annuaire de Lübeck, en Allemagne, pour 1873, mentionne un Luigi Barsugli, « Gypsenfigurenfabrikant », vivant au 338 Fischergrube8. À partir d’environ 1855, l’atelier de Barsugli se trouvait 45 rue Monsieur-le-Prince, dans le 6e arrondissement9. C’est là qu’il mourut, le 4 janvier 186010. Il laissait une veuve, Anne Montillon, et une fille, Augustine Georgette Barsugli, née le 25 décembre 185511. Un signataire de l’acte de décès est Jean Funai, mouleur, peut-être l’un de ses employés, qui travailla par la suite dans l’entreprise Brucciani, à Londres12. Le bail de 12 ans pour les locaux (et sans doute la direction de l’entreprise) fut passé sous les noms associés de Michele Gherardi et Anne Montillon, le 12 juillet 186013. Cet arrangement prit un tour plus intime quand ils se marièrent, en 186214. Jusque-là, Gherardi vivait 53 rue Monsieur-le-Prince. À la différence du registre paroissial de Granaiola, l’acte de mariage donne comme date de naissance le 29 décembre 1837 ; comme pour Anne, la profession indiquée est mouleur. Serafino Gherardi, son père, est ici décrit comme « propriétaire ». Anne Montillon mourut le 8 octobre 1867, âgée de 43 ans15. Sur le certificat de décès, la profession de Gherardi est « sculpteur ». Un signataire du document, Erigo Gherardi, est mentionné comme beau-frère de la défunte. Je n’ai pas trouvé trace d’enfant né de ce mariage.

Figure 1

Figure 1

Facture vierge de Gherardi, vers 1860.

Phot. Malone, Peter. © Peter Malone.

  • 16 - RIONNET, Florence. L’atelier de moulage du musée du Louvre (1794-1928). Paris : Réunion des musée (...)
  • 17 - HOFMAN, Jean-Marc. « Rencontre avec un illustre inconnu. Jean Pouzadoux (1829-1893), mouleur en p (...)

3Un formulaire imprimé de facture, en usage dans les années 1860, porte l’en-tête « Entreprise de Moulages en tous genres. Successeur de M. Barsugli. Mouleur éditeur. Grand assortiment de modèles sur nature et d’après l’antique. Dépôt de plâtre à mouler, 45 rue Monsieur-le-Prince » (fig. 1). Nous avons des exemples de ces moulages sur trois photographies conservées par l’École nationale supérieure des beaux-arts, sans doute du matériel publicitaire fourni par Gherardi lui-même (fig. 2, 3, 4). Les moulages sont de petit à moyen format, adaptés à l’étude académique et peu différents de ce que n’importe quel autre mouleur de bonne réputation pouvait proposer à l’époque. Un grand nombre d’entre eux devaient venir de la collection de moulages de Barsugli. Une autre facture à en-tête ajoute à l’information citée plus haut : « médaillé à l’Exposition de Lucca (Italie)16 ». Ce doit être une référence à l’exposition de 1869, où Jean Pouzadoux et lui se virent décerner des médailles de bronze17.

Figure 2

Figure 2

Moulages d’après Gherardi. Anonyme.

© Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais/image Beaux-Arts de Paris.

Figure 3

Figure 3

Moulages d’après Gherardi. Anonyme.

© Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais/image Beaux-Arts de Paris.

Figure 4

Figure 4

Planche pour la vente de l’atelier de moulages Gherardi. Anonyme.

© Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais/image Beaux-Arts de Paris.

  • 18 - Le moyen le plus simple de voir ces moulages est de chercher sur Internet « Gherardi Pouzadoux Au (...)

4À partir de 1875, les locaux du 45 rue Monsieur-le-Prince furent au nom de Pouzadoux, associé de longue date d’Adolphe Geoffroy-Dechaume et premier mouleur du musée de Sculpture comparée. Une plaque de métal ovale (fig. 5), sur un petit relief ornemental, mentionne à la fois le nom de M. Gherardi et celui de Pouzadoux. Le musée Bonaparte d’Auxonne (Côte-d’Or) possède deux moulages réalisés à partir de dessins de Charles Normand qui portent les marques des deux hommes18.

Figure 5

Figure 5

Timbre en métal portant les deux noms de Pouzadoux et Gherardi.

Phot. Malone, Peter. © Peter Malone.

  • 19 - Archives de Paris, mariages, 9e arrondissement, 4E 3545, p. 29. Référence donnée par J.-M. Hofman (...)
  • 20 - Archives du Victoria and Albert Museum, dossier MA/1/G475. L’adresse figure sur l’en-tête d’une l (...)

5Cela rend encore plus probable l’existence d’une association entre eux, association qui aurait entraîné la production d’un certain nombre de moulages. En 1879 et 1880, Gherardi apparaît dans le Didot-Bottin comme ayant ses locaux au 3 rue Fontaine [Pierre-Fontaine] dans le 9e arrondissement. Cette adresse est citée dans l’acte de mariage de 1877 (16 juin) d’Hilaire Antoine Gherardi, âgé de 28 ans, entrepreneur de moulages, avec Rose Mayeux19. Hilaire était né à Borgo a Mozzano. Il était le fils de Gherardo Gherardi, qui habitait alors à Granaiola, et plus intéressant, de Petronilla Gabrielli. De 1882 à 1897, il y eut une boutique 43 rue de Constantinople au nom de Gherardi. Par la suite, au moins jusqu’en 1933, elle fut au nom de Charles Gabrielli. Là encore, il est possible que lui et Gherardi aient conclu un accord semblable à celui qui existait avec Pouzadoux, comme l’indiquent des inscriptions sur un moulage d’agrume (fig. 6). De 1897 à 1904, Gherardi eut une boutique au 12 de la même rue20.

Figure 6

Figure 6

Inscription des adresses de Gabrielli, au 43 rue de Constantinople, et Gherardi, au 87 Via Sistina. Ce moulage apparaît aussi dans le catalogue de 1911 du mouleur de Boston Caproni, dans lequel les fruits sont décrits comme des « merangoli ».

Phot. Malone, Peter. © Peter Malone.

  • 21 - PELLEGRINI, Angelo. Itinerario o Guida Monumentale di Roma, Antica e Moderna e suoi dintorni. Rom (...)
  • 22 - On peut trouver Giovanna Marsili sur Internet en tant que présidente de l’association « Eredi dit (...)
  • 23 - Tâche ardue. Les dossiers MA/1V116 et RP/1896 23339 du V&A Museum contiennent la correspondance, (...)
  • 24 - Une recherche menée par le desservant actuel de la paroisse de Granaiola, don Emanuele Rosi, en j (...)

6Le guide de Rome d’Angelo Pelligrini énumère les « formatori in gesso » suivants : Leopoldo Malpieri, 54 via del Corso, Filippo et Alessandro Malpieri, même rue, no 12 ; Marsili Fratelli, via Due Macelli, 86, et Giuseppe Marsili, 9 et 10 via Frattina21. La famille Malpieri était au centre de l’activité de moulage depuis la fin du XVIIIe siècle. On sait que les Malpieri travaillaient pour l’Académie de France, pour Canova, et vraisemblablement pour d’autres sculpteurs. L’entreprise Marsili Fratelli fut fondée en 185022. Mais peut-on en conclure qu’il n’y avait alors que quatre mouleurs, issus de deux familles, opérant à Rome, ou étaient-ce les seuls qui payaient pour être dans cet annuaire, ou avaient-ils été sélectionnés par l’éditeur ? Au XIXsiècle, les annuaires (peut-être devrions-nous les appeler « guides ») ne répertorient pas plus de cinq mouleurs à la fois. En 1869, le Didot-Bottin en compte quarante-deux à Paris. La production de moulages, ici comme à Londres, reposait beaucoup sur le surmoulage, reproduisant ce que d’autres avaient déjà moulé. Rome était pourtant la source d’une bonne partie du matériau classique ; tout moulage de sculpture, qui pouvait avoir été copié cinq fois avant de voyager à peu près dans le monde entier, pouvait être moulé directement sur l’original, à Rome, du moins si l’autorisation en était accordée23. Dans le guide de Tito Monaci, Guida Scientifica, Artistica e Commerciale della Citta di Roma, 1871, on peut trouver le nom de F. Gherardi, p. 215, à la rubrique « formatori in gesso ». L’adresse, 87 via Sistina, est associée à Michele Gherardi. Étant donné que F. Gherardi ne figurait pas dans les catalogues précédents, doit-en en conclure qu’il venait de lancer son entreprise ou n’y avait-il tout simplement pas été inclus ? C’est la seule référence que j’ai pu trouver pour ce mouleur qui était incontestablement lié à Michele, sans doute son frère, son cousin ou son oncle24. À Paris, les affaires de Michele, dont l’entreprise avait survécu au soulèvement de la Commune, allaient sans doute assez bien. Il est recommandé dans l’ouvrage de William T. Brigham Cast Catalogue of Antique Sculpture (Boston, 1874) dans une liste de 18 mouleurs du monde entier.

  • 25 - Op. cit.
  • 26 - Je suis tombé par hasard sur un autre exemple d’une telle union, où Pietro Malpieri, fils de Leop (...)

7Il est possible que F. Gherardi envoyât des moulages de Rome à Paris. Ceci était facilité par l’achèvement, en 1872, d’une voie ferrée directe par la côte ligure. Auparavant, les moulages produits à Rome devaient entreprendre un long et périlleux voyage maritime jusqu’à leur destination. Que nous ne le trouvions plus dans les documents ultérieurs peut s’expliquer par le fait que Michele arriva à Rome vers 1873 (voir n. 16), devenant ainsi le seul mouleur du XIXe siècle à avoir eu une activité dans les deux villes. En 1874, il était suffisamment bien établi à Rome pour contracter un deuxième mariage, avec Clelia Batocchi. Sur les bans de mariage, l’âge mentionné est 36 ans (ce qui correspond à l’acte de naissance de Granaiola), et sa profession, sculpteur25. Quant à la situation du père de la mariée, « possidente », propriétaire, il ne semble en avoir tiré aucun avantage professionnel à l’occasion de cette union. Clelia mourut trois ans plus tard ; là encore, je n’ai trouvé aucun document mentionnant un enfant issu de ce mariage. Quelque temps avant 1886, il se maria pour la troisième fois, avec Ersilia Marsili (1852-1936), de la famille de mouleurs du même nom, ce qui pourrait bien l’avoir aidé sur le plan commercial26.

  • 27 - Ils sont énumérés dans BECATTINI, M., BERNARDINI, L., MASTROMATTEI, M. et MASTROROCCO, M. (éd.). (...)

8En 1883, l’Istituto d’Arte di Firenze acquit auprès de Gherardi environ une douzaine de moulages de détails d’architecture de taille moyenne. Ces détails avaient pour origine, entre autres, le Vatican, la villa Médicis, le musée du Latran, le musée de l’Ara Pacis d’Auguste et le musée des Offices : soit il avait eu accès directement aux œuvres originales, soit il s’était mis d’accord avec un autre mouleur de Rome27. Un catalogue de son atelier, 87 via Sistina, du début des années 1890, comprend 181 moulages dont les originaux étaient au Vatican (dont Le Nil et l’Ariane endormie), dans les musées du Capitole et du Latran, à la villa Médicis, à la villa Borghese et à la villa d’Hadrien, et de grands détails du Panthéon, du Forum romain et d’autres monuments romains. Ceux-là, et d’autres, aboutirent dans des collections de moulages de musées, de départements d’archéologie d’universités, d’écoles d’art et sans doute, chez d’autres mouleurs en Europe et au-delà (fig. 7).

Figure 7

Figure 7

Moulage d’Augustus Prima Porta par Gherardi (CG:B-161), dans la galerie des moulages du musée Ashmolean, Oxford.

©Ashmolean Museum, University of Oxford.

  • 28 - Information donnée par Kordelia Knoll, Dresde, le 7 février 2005.

9De toute évidence, il dirigeait une grande entreprise, susceptible de fournir de grands moulages, de bonne qualité. L’en-tête d’une lettre de 1896, à propos de la livraison de 14 moulages pour les Staatliche Kunstsammlungen de Dresde, déclare que Gherardi est le « formatore del Governo Italiano e di alcuni altri governi filiale » et donne pour adresses 87 via Sistina, 43 rue de Constantinople et 73 via della Purificazione28. À en juger par les apparences, le bâtiment de cette dernière adresse devait être l’atelier. Piquant notre curiosité, une plaque de pierre, en hauteur sur le mur, porte l’inscription « Bernardi Gherardi. Libera ab omni onere » (fig. 8). C’est du latin et non de l’italien, et pourrait se traduire par « de Bernardo Gherardi, libre de toutes charges ». Le latin laisse supposer un lien avec l’Église ; des informations officielles auraient sûrement été en italien après 1870. Cela pouvait-il se référer à un autre parent de Michele, qui aurait résidé à Rome avant lui ?

Figure 8

Figure 8

L’énigmatique plaque du 73, Via della Purificazione.

Phot. Malone, Peter. © Peter Malone.

  • 29 - Information donnée par Daniel Graepler, Göttingen, le 10 mars 2005.

10Une mention de la médaille d’honneur décernée par le ministère de l’Agriculture, de l’Industrie et du Commerce orne un dépliant publicitaire de 1898 envoyé à l’Institut archéologique de l’université de Göttingen29. Il donne aussi une autre adresse, 56 via Sistina. Gherardi y propose, pour 200 lires, un Apollon trouvé dans le Tibre en 1891 et récemment moulé par lui. En 1904, ses locaux étaient 46a via Sistina. Le catalogue de cette adresse propose des moulages d’architecture, de sculpture et d’ornements d’Égypte, de Grèce, d’Étrurie, de Rome et d’Italie. Son statut de fournisseur de moulages du ministère de l’Éducation italien et de divers gouvernements étrangers est également mentionné. 247 articles sont répertoriés. De ce que j’ai pu voir de ses catalogues, je conclus qu’ils ne donnent pas un état exhaustif de son stock. Ils répondent plutôt à des besoins spécifiques, différant en taille et en format, n’étant parfois guère plus qu’une feuille isolée faisant la publicité d’une nouvelle série de moulages. L’illustration est rare, limitée à la première page, quand il y en a. Les articles sont numérotés, mais ces numéros ne correspondent qu’à un catalogue particulier et ne sont là que pour être indiqués par l’acquéreur. Ils ne concernent que les moulages de moyen et grand formats.

11Je suis encore à la recherche d’un catalogue relatif à des articles plus petits, peut-être n’y en eut-il aucun. Des comparaisons intéressantes, mais peut-être pas déterminantes, peuvent être faites entre les catalogues de Gherardi et de Leopoldo Malpieri du début des années 1890. Leurs sources sont pour la plupart différentes : il y a par exemple 21 moulages du Musée capitolin dans le catalogue Malpieri et aucun dans celui de Gherardi. Même s’ils travaillent sur un territoire commun, comme les collections vaticanes, il y a peu de recoupements entre eux et quand c’est le cas, les prix sont identiques. Ces catalogues sont une sélection de la production générale de chaque entreprise mais se sont-elles entendues pour ne pas mouler les mêmes pièces et, quand c’était inévitable, les vendre au même prix ?

  • 30 - Correspondance d’Hébert (2), no 272, Gherardi à Hébert, Rome, 9 avril 1890, p. 195 (ou archives d (...)

12Il semble possible que Gherardi ait travaillé à titre personnel pour l’Académie de France, comme avant lui des membres de la famille Malpieri. Une lettre de 1890, écrite dans un bon français à Ernest Hébert, directeur de l’Académie, lui demande d’intercéder pour que Gherardi obtienne un traitement de faveur pour mouler une Vénus de Cnide destinée au professeur Castels, de Montpellier30. Une phrase fait allusion à de sombres rivalités professionnelles : « … en se mettant en rapport avec d’autres mouleurs qui ne demanderaient pas mieux que de me faire des torts… ». À en juger par le catalogue envoyé à l’Institut Carnegie en 1904, il a sans doute obtenu gain de cause : c’est la première référence.

  • 31 - Op. cit.
  • 32 - Ufficio dello Stato Civile, Rome, Atto di morte, 1904, no 3532.
  • 33 - Virgilio Gherardi, né le 21 janvier 1886, mort à Rome le 21 mars 1941. Information communiquée pa (...)
  • 34 - Communication personnelle, 13 février 2006.
  • 35 - Lettre de Tomas Lochmann, Bâle, 14 avril 2005. Cinq moulages ont été acquis pour la Skulpturhalle(...)

13Le Guida Commerciale, Scientifica ed Artistica di Roma, 1900, sous la rubrique « formatori e ornatisti in gesso e scagliola » cite Gherardi Fratelli au 56 via Sistina. Une lettre de l’entreprise Gherardi envoyée au Victoria and Albert Museum, datée du 8 novembre 1904, signée Stefano Marsili, informe le musée du décès de Michele31, survenu le 27 août au 38 via della Purificazione. La profession indiquée est celle de négociant et son âge (de façon erronée), 73 ans. Les témoins de ces formalités étaient Stefano Marsili et Augusto Bertaccini, formatori32. L’entreprise était alors dirigée par son fils, Virgilio Gherardi (1886-1941)33. Une facture datée du 20 septembre 1912 envoyée au département d’archéologie de l’université de Göttingen pour la fourniture de moulages du Vecchio Pescatore et d’une Contadina indique l’adresse de l’entreprise au 76 via della Lungaretta, dans le Trastevere. L’en-tête nous informe qu’il est à la fois le successeur de l’entreprise de son père et de celle de Leopoldo Malpieri. Et aussi, que ses moulages sont pris sur les originaux (« forma sul vero ») et qu’il est le mouleur des musées nationaux et de toutes les académies qui comptent à Rome. Ayant absorbé l’entreprise de son plus proche concurrent et forgé depuis longtemps des liens avec une branche de la famille Marsili, la ditta Gherardi est devenue l’entreprise de mouleurs la plus importante là-bas. Selon sa petite-fille, Chiara Gherardi, il avait des ateliers aux thermes de Dioclétien (Museo nazionale romano) et après sa mort, tout ce qui était lié à son travail alla à l’État italien34. J’ignore à quelle date l’entreprise cessa d’exister, sans doute, comme beaucoup d’autres, pendant ou après la Grande Guerre, quand ni les musées ni les écoles d’art ne demandaient plus de moulages. La dernière date que j’ai trouvée pour l’entreprise est 191435.

14Bien que mes recherches soient loin d’être achevées, en particulier en ce qui concerne Virgilio et F. Gherardi, j’espère avoir fourni assez de matière pour servir de point de départ à une étude plus avancée sur ce sujet. Gherardi fut l’un des plus grands mouleurs du XIXsiècle : de nombreux moulages de lui sont conservés dans diverses collections du monde entier. On peut en dire autant de nombreux membres de la famille Malpieri qui mériteraient une étude plus poussée. Toute personne souhaitant me contacter au sujet de ce qui est écrit dans cet article peut le faire à l’adresse suivante : info@petermaloneillustration.com

15Biographie

16Peter Malone a enseigné le dessin dans une école d’art en Angleterre et a travaillé comme illustrateur ces vingt dernières années. Il est l’auteur d’une étude qui a fait date sur les masques mortuaires du poète John Keats (pour la Keats Shelley Review), a contribué à un ouvrage sur les mouleurs londoniens Charles Smith et fils, Plaster Casts: Making, Collecting and Displaying from Classical Antiquity to the Present (De Gruyter, 2010), et a écrit un article sur les Lorenzi, mouleurs parisiens, pour World of Interiors Magazine.

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Notes

1 - Catherine Gros, conservateur en chef du patrimoine, centre André Chastel, est l’auteur de la traduction.

2 - Ufficio dello Stato Civile, Comune di Marino, Richiesta per pubblicazione di Matrimonio, n54, 2 février 1874. Une communication personnelle de Rossella Gherardi, arrière-petite-fille de Michele, mentionne une propriété de quelque importance à Bagni di Lucca, passée à une autre branche de la famille.

3 - Lettre de Don Lorenzo Nanni, prêtre de la paroisse de San Michele, Granaiola, Lucques, 24 février 2007.

4 - Département de la Seine, ville de Paris, 6e arrondissement, registre double des actes de décès, 4 janvier 1860, (archives de la Ville de Paris, V4E 636) [nombre de documents de l’état civil parisien ont été numérisés et sont consultables en ligne].

5 - Gazette des Tribunaux, Paris, p. 443, 26 février 1832. Information communiquée par Jean-Marc Hofman.

6 - Les trois recensements cités ont été effectués un 1er février.

7 - Fichier des mariages parisiens, 1795-1862, vol. 11, p. 44. Joseph Barsugli et Anne Montillon, 28 juillet 1849. (archives de la Ville de Paris, V3E/M42).

8 - Voir le site : Verein fur Computergenealogie, Lubeck address book, 1873 [consulté le 15 mars 2016].

9 - Annuaires-almanachs du Commerce, Didot-Bottin, sous la rubrique « mouleurs-figuristes ». Toutes les adresses données ici, sauf indication contraire, viennent de cette source.

10 - Op. cit.

11 - Information donnée par J.-M. Hofman.

12 - Un moule, signé de lui, se trouve dans les réserves du British Museum.

13 - Archives de Paris, archives fiscales, calepins des propriétés bâties, 1852-1876, cadastre de 1852, D1P4 734 et 744.

14 - Département de la Seine, ville de Paris, 6e arrondissement municipal, registre double des actes de mariage pour l’année 1862, no 160, 1er mars 1862, Michele Gherardi et Anne Montillon (archives de Paris, V4E 658). Cette dernière était née le 3 novembre 1822 à Dun-le-Roi (Cher).

15 - Département de la Seine, ville de Paris, 6e arrondissement, registre double des actes de décès pour l’année 1867, n2153, Montillon, femme Gherardi (archives de Paris, V4E 728).

16 - RIONNET, Florence. L’atelier de moulage du musée du Louvre (1794-1928). Paris : Réunion des musées nationaux, 1996, p. 378. Dans cette référence, le départ pour Rome est donné comme survenant en 1873 : « ateliers et magasins à Rome, 87 Via Sistina… ».

17 - HOFMAN, Jean-Marc. « Rencontre avec un illustre inconnu. Jean Pouzadoux (1829-1893), mouleur en plâtre ». Bulletin de la société historique du 6e arrondissement, no 24, 2011.

18 - Le moyen le plus simple de voir ces moulages est de chercher sur Internet « Gherardi Pouzadoux Auxonne ». Voir sur la base Joconde : notices http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=APTN&VALUE_98=Auxonne&NUMBER=22&GRP=0&REQ=%28%28Auxonne%29 %3aAPTN %29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%34P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=200&DOM=All et http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/joconde_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=APTN&VALUE_98=Auxonne&NUMBER=23&GRP=0&REQ=%28%28Auxonne%29%20%3aAPTN%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=200&DOM=All [consultés le 15 mars 2016].

19 - Archives de Paris, mariages, 9e arrondissement, 4E 3545, p. 29. Référence donnée par J.-M. Hofman.

20 - Archives du Victoria and Albert Museum, dossier MA/1/G475. L’adresse figure sur l’en-tête d’une lettre de l’entreprise Gherardi, datée du 8 novembre 1904, annonçant le décès de Michele, signée Stefano Marsili. Dans une lettre du même dossier, écrite le 22 mai 1905, l’adresse est barrée.

21 - PELLEGRINI, Angelo. Itinerario o Guida Monumentale di Roma, Antica e Moderna e suoi dintorni. Rome : Vincenzo Sciomer, 1869, à la rubrique « Formatori in Gesso ».

22 - On peut trouver Giovanna Marsili sur Internet en tant que présidente de l’association « Eredi ditta Fratelli Marsili, casa fondata nel 1850 ». En commentaire d’une exposition sur l’art des mouleurs qui s’est tenue à Lucques en mai 2013 (« L’Accademia lucchese e i formatori di gesso - il patrimonio della Gipsoteca Passaglia »), elle dit posséder environ 300 moulages, probablement de l’entreprise familiale.

23 - Tâche ardue. Les dossiers MA/1V116 et RP/1896 23339 du V&A Museum contiennent la correspondance, commençant en mai 1896, relative à la commande du sarcophage de Junius Bassus, au Vatican. Outre le V&A, elle impliquait le cardinal Vaughan, de la cathédrale de Westminster, agissant comme intermédiaire, Félix-Marie de Neckère, archevêque de Mélitène [auj. Malatya, Turquie] et secrétaire de la fabrique de la basilique Saint-Pierre de Rome, Alberto Galli, sous-directeur des musées du Vatican et le mouleur qu’il avait choisi, Cesare Malpieri. Les négociations durèrent un an, la décision finale étant que l’on pouvait prendre une empreinte mais seulement en argile. Étant donné l’épaisseur du relief des figures du sarcophage, cela aurait été une opération particulièrement fastidieuse. Le devis se montait à 1800 lires. Dépassant de 800 lires l’article le plus cher alors dans le catalogue Malpieri, rien d’étonnant à ce que le V&A ait décrété que cela passait les bornes et cesse de s’intéresser à la question.

24 - Une recherche menée par le desservant actuel de la paroisse de Granaiola, don Emanuele Rosi, en janvier 2015, pour les années 1830 à 1850, n’a donné comme candidat possible que Giuseppe Federico Gherardi, baptisé le 2 mars 1848, fils de Giustino et Maria Teresa Mariani. Son parrain s’appelle Serafino, comme le père de Michele. Je remercie Luca Caddia de la Keats-Shelley House à Rome d’avoir servi d’intermédiaire.

25 - Op. cit.

26 - Je suis tombé par hasard sur un autre exemple d’une telle union, où Pietro Malpieri, fils de Leopoldo, épousa Giuditta Fideli, fille du mouleur (Ufficio dello Stato Civile, Rome, Pubblicazione di Matrimonio, 1873, vol. 4, n1213). Fideli est cité dans le guide Baedeker de Rome de 1877, 43 via Laurana, comme spécialiste des ornements Renaissance, à la rubrique « mouleurs ». Selon Andrea Felice, mouleur qui travaille à Rome de nos jours, les ateliers des pères des jeunes mariés se trouvaient dans le même bâtiment.

27 - Ils sont énumérés dans BECATTINI, M., BERNARDINI, L., MASTROMATTEI, M. et MASTROROCCO, M. (éd.). Il Mondo Antico nei Calchi della Gipsoteca dell’ Istituto d’Arte. Florence : SPES, 1992.

28 - Information donnée par Kordelia Knoll, Dresde, le 7 février 2005.

29 - Information donnée par Daniel Graepler, Göttingen, le 10 mars 2005.

30 - Correspondance d’Hébert (2), no 272, Gherardi à Hébert, Rome, 9 avril 1890, p. 195 (ou archives de l’Académie de France à Rome, 117 Hébert 2, fol. 508).

31 - Op. cit.

32 - Ufficio dello Stato Civile, Rome, Atto di morte, 1904, no 3532.

33 - Virgilio Gherardi, né le 21 janvier 1886, mort à Rome le 21 mars 1941. Information communiquée par Rossella Gherardi, sa petite-fille, par courriel, le 10 septembre 2009.

34 - Communication personnelle, 13 février 2006.

35 - Lettre de Tomas Lochmann, Bâle, 14 avril 2005. Cinq moulages ont été acquis pour la Skulpturhalle entre 1909 et 1914.

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Table des illustrations

Titre Figure 1
Légende Facture vierge de Gherardi, vers 1860.
Crédits Phot. Malone, Peter. © Peter Malone.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/12699/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 196k
Titre Figure 2
Légende Moulages d’après Gherardi. Anonyme.
Crédits © Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais/image Beaux-Arts de Paris.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/12699/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 292k
Titre Figure 3
Légende Moulages d’après Gherardi. Anonyme.
Crédits © Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais/image Beaux-Arts de Paris.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/12699/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 304k
Titre Figure 4
Légende Planche pour la vente de l’atelier de moulages Gherardi. Anonyme.
Crédits © Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais/image Beaux-Arts de Paris.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/12699/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 288k
Titre Figure 5
Légende Timbre en métal portant les deux noms de Pouzadoux et Gherardi.
Crédits Phot. Malone, Peter. © Peter Malone.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/12699/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 736k
Titre Figure 6
Légende Inscription des adresses de Gabrielli, au 43 rue de Constantinople, et Gherardi, au 87 Via Sistina. Ce moulage apparaît aussi dans le catalogue de 1911 du mouleur de Boston Caproni, dans lequel les fruits sont décrits comme des « merangoli ».
Crédits Phot. Malone, Peter. © Peter Malone.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/12699/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 408k
Titre Figure 7
Légende Moulage d’Augustus Prima Porta par Gherardi (CG:B-161), dans la galerie des moulages du musée Ashmolean, Oxford.
Crédits ©Ashmolean Museum, University of Oxford.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/12699/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 168k
Titre Figure 8
Légende L’énigmatique plaque du 73, Via della Purificazione.
Crédits Phot. Malone, Peter. © Peter Malone.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/docannexe/image/12699/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 304k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Peter Malone, « Les Gherardi, mouleurs à Paris et à Rome  »In Situ [En ligne], 28 | 2016, mis en ligne le 31 mars 2016, consulté le 16 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/insitu/12699 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/insitu.12699

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Auteur

Peter Malone

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